SÉMINAIRE DE PRÉPARATION AU SÉMINAIRE D'ÉTÉ 2022 : L'ANGOISSE - LEÇON 20
19 juin 2022

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LEE Sophie
Séminaire d'été
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Préparation au séminaire d’été 2022

Étude du séminaire X de Jacques Lacan, L’Angoisse (1962-1963)

Le Mardi 05 Avril 2022 

Président de séance : Bernard Vandermersch

 Leçon 20, 29 mai 1963, Sophie Lee

Texte

 

 

Au cours de ma prise de notes des leçons qui s’ensuivent du séminaire l’Angoisse, j’ai fait deux lapsus calamis’introuduire et renouevellement, avec cette chute positivée, si je puis dire. J’ai tout de même bien voulu commencer avec ce bout du trébuchement à l’occasion de vous présenter la leçon XX, ce qui est bien un propos abordé dans cette leçon. Je vais essayer de desserrer un peu le maillage de Lacan pour vous faire part de ce qui m’a intéressée. Ses formulations sont assez denses.

Parce qu’ici, il renoue et renouvelle, à partir de cette faille, cette béance, en grand relief, ce qu’est cette angoisse en rapport à la castration, où, jusqu’alors, se trouvait infranchissable devant le roc de la castration, devant le Penisneid, donc derrière le primat génital comme achèvement du stade de développement psychosexuel. Dans son introduction de la leçon XX, le mythe freudien de la maturité génitale en impasse, sera donc mis en question, et surtout « pas sans » objet petit a : « Au lieu dont je vous parle, il y a mille traces sensibles que c’est à proprement parler en fonction d’un lien qui peut être fait, concernant la maturation de l’objet petit a comme tel (c’est-à-dire tel que je le définis) à l’âge de la puberté… (p.391) ».

C’est intéressant, ce déplacement voire dégagement, de la maturité vers la maturation, il se passe quelque chose en ce lieu en corrélât de l’objet petit a. Toutes ces incidences du désir humain. Lacan nous conduira justement vers ce versant comique de l’affaire entre l’homme et la femme dans la dernière partie de la leçon.

Donc, en fonction d’un lien où se trace l’objet petit a, « ces milles traces sensibles », par le détour, il se caractérise par le moins  comme passage obligé pour être repéré. Donc les caractéristiques du phallus, dans son rapport du sujet au petit a, nécessitent d’être articulées à partir du champ visuel. Ces éléments permettent d’approcher  la question de l’angoisse de castration, plus précisément le rapport à l’angoisse de la castration. Lacan reprendra cette dialectique à partir du cas de l’Homme aux loups par le biais de la fonction phallique.

Alors le phallus imaginaire, fonctionne partout, sauf là où il est attendu par rapport à la fonction médiatrice qu’est l’acte sexuel, au stade phallique. C’est une présence qui est marquée par une « carence positivée » et Lacan précise que cette fonction phallique au niveau où elle est attendue, c’est le principe même de l’angoisse de castration. Par contre, en produisant un effet traumatique, à propos du rêve de la scène primitive de l’Homme aux loups, la présence phallique n’est pas là, « il [le phallus] disparaît, il s’escamote ». C’est un point saillant à remarquer.

Dans ce mode d’apparition de la scène primitive et dans sa forme la plus angoissante qu’est cette image de l’arbre avec les cinq loups, Lacan nous dit qu’il ne s’agit pas de savoir où se trouve le phallus car il est partout comme la « catatonie de l’image » qui regarde le sujet, pétrifié. Le sujet de la jouissance ici, n’est pas sans l’être phallus. Le phallus est tellement présent qu’il est invisible. Ce sujet est le phallus même. Ça a de quoi être angoissant. Lacan nous avait déjà dit que, pour le sujet de la jouissance, il n’y a pas de recours opérable avec ce reste petit a, qui n’apparaît pas sur la scène, d’une part, et c’est qui résiste à la significantisation, d’autre part.

La défécation de l’Homme aux loups que Freud a donné comme valeur de don ou de passage à l’acte, voire de sacrifice, Lacan signale ce « quelque chose d’intéressant » au niveau du mode d’apparition de l’objet excrémentiel. Nous savons que le scybale, renvoie à un caractère spécifique, dans son rapport à la demande. C’est-à-dire que la demande à la mère s’inverse en une demande de la mère.

Alors, avec la question de la demande dans son mode d’apparition, et celui de notre boussole du séminaire qui est l’angoisse, Lacan s’intéressera à aborder les dernières parties de la leçon autour de l’acte sexuel. Est-ce l’ébauche ici de ce non rapport où « Il n’y a pas de rapport sexuel. » ? Ce qui n’est pas sans rapport, c’est la demande et le désir comme « en-jeux » fondamentaux de l’expérience sexuelle chez les hommes et les femmes.

C’est ce que Lacan a mis au jour avant tout, la formulation de la pulsion comme le sujet barré dans son rapport du désir à la demande à ce niveau génital. Il va jusqu’à souligner que « ce que nous demandons en cet acte, c’est la petite mort » tout en situant l’intrication étroite entre la pulsion et la demande à ce niveau précis. La demande est une demande de mort, nous demandons dit-il en acte sexuel, à faire « l’amourir/à mourir de rire ». C’est là qu’il situe le sentiment comique. Cette demande est satisfaite « à si bon compte, et on s’en tire ».

Lacan souligne que l’angoisse et la fonction de l’orgasme sont des équivalents. La fonction de l’orgasme est une obtention de la satisfaction au niveau génital. En réponse à des questions posées par « deux personnes bien formées », Lacan précise les distinctions à faire entre la satisfaction de l’orgasme et le « lieu de la jouissance » et ce par quoi il introduit cet élément de plus, au niveau du statut de l’objet, en l’occurrence, qui est l’organe : « il n’est jamais susceptible de tenir très loin sur la voie de l’appel de la jouissance ». Il est marqué par cette coupure aussi en tant qu’organe ambocepteur, tumescent et détumescent, peut être cédé prématurément, il disparaît de la scène comme un « petit chiffon »

Par ailleurs, l’angoisse apparaît dans cette « marge de perte de signification » par rapport à la demande de mort. Lacan relève toujours ce moment de la perturbation où apparaît cette angoisse en question que Freud a déjà repérée dans le coitus interruptus. Il dit que à ce moment-là, l’orgasme se détache de ce champ de la demande à l’Autre.  Il nous avait rappelé qu’il n’y aurait pas de castration s’il n’y avait pas d’Autre. L’angoisse nous indique toujours ce qui se rapporte à l’Autre. Pour cela, situer l’angoisse de castration c’est au niveau de cette angoisse « qui se rapporte au champ où la mort se noue étroitement au renouvellement de la vie ». Cette propriété de la vie est « de devoir, pour arriver à la mort, repasser par des formes qui reproduisent celles qui ont donné à la forme individuelle, l’occasion d’apparaître par la conjonction de deux cellules sexuelles »

 

 

Avec l’accord de l’auteur.