Bilinguisme : Incidences subjectives et épistémogènes

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L’évidence du fait que la psychanalyse n’a qu’un médium, la parole du patient, n’excuse pas qu’on le néglige (J. Lacan, Ecrits, p. 242) Or il n’est pas rare au cours de la cure que cette parole fasse intervenir plus d’une langue. Comment dès lors ne pas s’interroger sur les incidences d’un tel fait sur le sujet lorsqu’on admet avec Lacan qu’un signifiant représente un sujet pour un autre signifiant ? Quant à l’hy­pothèse d’un « pousse au savoir » spécifique à la situation de bilinguisme, c’est un point qui, pour des psychanalystes, mérite d’être examiné de près.

Nous pouvons constater que la disparition de nombreuses langues au cours des âges, et en particulier à l’ère de la mondialisation, ne semble guère affecter la per­sistance d’une remarquable faveur pour le bilinguisme et la diglossie, alors même que, comme le souligne Charles Melman, l’inconscient se prête sans aucun chauvi­nisme au mixage des langues.

La métaphore de « langue étrangère » utilisée par Freud pour désigner l’altérité de l’Inconscient peut laisser penser qu’il y aurait une langue de l’inconscient, une Grundsprache qui pourrait advenir dans le travail de la cure. D’où l’importance de l’affirmation de Lacan selon laquelle l’inconscient est structuré comme un langage, et non comme une langue.

Si une parole n’est possible qu’à partir d’un manque – manque inhérent à la structure même du langage -, parler c’est aussi pour un sujet tenter de se défendre contre ce manque dont l’effet de castration symbolique le divise. Et c’est précisé­ment sur le rapport d’un sujet à la castration, avec la limitation de jouissance qui en est l’effet, que le fait de parler une autre langue pourrait nous éclairer.

Se trouve posée ici la question de la langue qui pourra être dite « maternelle ». Celle où est organisé le refoulement qu’un sujet aura à faire sien pour exister comme désirant. Celle que Charles Melman définit comme la langue dans laquelle la mère aura été interdite.

Si les langues parlées sont structurées par l’impossible qui conditionne le fonc­tionnement du symbolique, chacune organise son propre refoulement au point où s’articulent la lettre et la voix. Seront évoqués ici le cas de la langue des sourds (dont la dénomination de langue des signes vaut sans doute d’être questionnée), ou encore l’expérience des enfants qui n’arrivent à articuler leur parole que dans la lan­gue de leur cure. Les langues créoles, qui se sont organisées sans écriture dans un contexte de violence coloniale, nous parraissent illustrer de façon remarquable tou­tes ces questions.

Notre pari pour ces journées est que la fonction de pousse au savoir du bilin­guisme nous engage à préciser les questions qui fondent la pratique et la théoriepsychanalytiques.  

                                                  

Intervenants

J.-P. Beaumont, L.Ben Mansour, J. Berges, G. Cabassu-Crespin, R.Chemama, J.-M. Forget, F. Gambini, A. Gorouben, L. Haugaard, A. Jesuino-Ferretto, D. Joseph-Ducosson,T. Léotin, Ch. Melman, S. Morath, E. Oldenhove, H. Poullet, M. Rougeon, L. Strocchi, E. Thibierge, Y.Thoua, G Veken, D. Villeneuve, A.-S. Warot,]. Wiltoré

Détails
Auteur : Collectif
Collection : Les Cahiers de l’ALI
Édition : ALI
20,00