Un petit cauchemar
Une variante des scénarii du cauchemar est la mutation soudaine d’une figure aimée ou familière en face hideuse munie de crocs prêts à vous saigner. Ça ne manque pas de faire de l’effet, au moins le réveil.
Cette représentation traumatique peut commémorer la découverte par l’enfant que maman est aussi une femme ou que papa baise.
Mais pourquoi ce caractère traumatisant s’il est vrai qu’elle est la promesse d’identifications riches d’avenir ?
À la pousser jusqu’au bout viendra peut-être à un enfant cette idée qu’il n’appartient pas à cette famille-là, devenue ennemie, c’est-à-dire ne lui laissant pas l’occasion de pérenniser sa qualité d’objet a, avide de le saigner donc.
C’est alors qu’il devient l’ennemi de cet ennemi inattendu et réalise la figure sociale du traître à sa famille, à sa nation, à sa religion, ce qu’on voudra.
Mais alors qu’est-ce qui le fait jouir ?
On peut supposer que c’est la réitération du processus d’élimination auquel procède la scène primitive réduisant à l’état d’étron celui qui pense qu’il lui faut passer du côté de l’ennemi pour retrouver sa qualité de bijou.
Il arrive aussi que puisse procurer du plaisir le fait de rester étron d’un côté et bijou de l’autre, obstruant du même coup le phallus imaginaire que l’on aurait pu croire capable de séparer les deux.
Il paraîtra étrange que la substitution de la séparation à la division subjective puisse devenir le modèle du discours politique aujourd’hui.
Charles Melman
Juillet 2018