Les formations imaginaires sociales en psychanalyse (FISP)

MAGNIER Wilfrid, MAGNIER Julie
Date publication : 02/02/2018
Dossier : La topologie

 

« Peut-être l’analyse nous introduira-t-elle
à considérer le monde comme ce qu’il est :
imaginaire. »
Jacques Lacan, la troisième

 

Le but de cet article est de proposer une écriture topologie nodale des formations imaginaires sociales : les foule naturelles et artificielles. Lacan, dans son séminaire la topologie et le temps, pose la topologie comme pratique permettant d’établir certaines métaphores, – et ce en raison d’une équivalence entre la structure et la topologie[1] - lesquelles nous serviront à définir autrement les formules de Freud eu égard à la foule. Par commodité, nous proposons d’appeler FISP, les Formations Imaginaires Sociales en Psychanalyse.

L’article se compose de deux parties. La première consiste à reprendre succintement les formules freudiennes de la foule qui caractérisent les FISP. Freud découvre que les foules naturelles et les foules artificielles, comme l’Eglise et l’Armée, sont de même étoffe, eu égard à la métaphore marine qu’il emploie[2] et à sa référence au Père de la horde primitive. La deuxième partie consiste à écrire la topologie nodale de l'étoffe des FISP.    

Les FISP

Dans Psychologie des foules et analyse du moi, Freud procède à l’analyse fine des foules naturelles et artificielles à partir du postulat que la foule relève de la réalité psychique (la libido). Freud éclaire psychanalytiquement le mécanisme psychique constitutif d'une foule par la formule suivante : l’objet extérieur (le chef) remplace l’Idéal du Moi (instance psychique issue du Moi, elle se constitue à partir de la perte d’autosatisfaction narcissique et elle est en lien avec la réalité) pour chaque individu composant la foule, et les Moi de chaque individu s’identifient les uns aux autres dans l’illusion d’être égalitairement tous aimés par le chef. Ce mécanisme est le conjugué complexe de deux opérations connues en psychanalyse ayant pour effet de suspendre l'instance de l'Idéal du Moi : l’identification et l’amour.

L’identification (modification partielle du Moi selon le modèle de l'Objet perdu) que Freud retient, pour éclairer à la fois le lien au meneur (chef) et la contagion affective à l’œuvre entre les individus d’une foule, est celle de type III : la formation de symptômes – à savoir, le désir de se mettre dans une situation identique[3]. Dans une foule, les individus (s’identifiant les uns aux autres) s’identifient également aux fils originaires de la horde primitive, et, la suspension de la fonction de l’idéal du moi pour les individus, ramène la foule à un état proche de la mélancolie et de la manie (incorporation de l’objet détruit : le père primitif).

L’amour induit une idéalisation, une surestimation sexuelle, de l’objet ; lequel sera traité comme le Moi propre – l’objet aimé jouit d’une grande liberté au regard de la critique (idéal du Moi) et il jouit d’un débordement narcissique venant du sujet.

Cela dit, Freud constate un paradoxe entre deux ordres de faits séparés l’un de l’autre et pourtant liés l'un à l'autre : le chef d’un côté et les individus de l’autre. L’hypothèse darwienne du meurtre du Père originaire advient comme réponse : la foule est la reviviscence de la horde originaire. Autrement dit, cette hypothèse de la horde primitive montre comment l’interdit établit par les fils, met en place un trou, une place inoccupable où le Père mort, d’abord totemisé, est ensuite déifié.   

Par ailleurs, Freud fait deux remarques eu égard certains individus en foule : 1. le peu de séparation chez un individu, entre son Moi et son Idéal du Moi, explique le rôle du meneur pour ces individus en foule (le meneur vient opérer la séparation de ces deux instances psychiques là où elles coïncident encore : du fait de son statut d’exception par rapport à la foule, l’objet meneur prend la fonction d’idéal du moi pour les individus de la foule) 2. Chez un individu, les deux instances sont séparées mais entretiennent entre elles un rapport particulier. « Pensons que le moi adopte désormais une relation d’objet avec l’idéal du moi issu de lui-même, et que, éventuellement, toutes les interactions entre objet extérieur et moi-total, que nous avons appris à connaître dans la théorie des névroses se répètent sur ce nouveau théâtre à l’intérieur du Moi. »  Dans ce cas, la question reste ouverte du lien de cet individu au leader. 

Les FISP avec Lacan : topologie

Marc Darmon[4] remarque : « si on s’adresse à quelqu’un qui n’a pas lu Lacan (…) ça paraît complètement surréaliste cette histoire, il semble bien y avoir un monde entre la parole et la topologie. » Entendu que la psychanalyse est une pratique de la parole « bâillonnée » au cœur du symptôme. En quoi cette parole conduit-elle à la topologie ? Prenons l’exemple suivant : un analysant rapportait un rêve, en séance, qu’il déclarait de mauvaise qualité «  j’ai rêvé mais je ne me souviens plus de ce rêve. C’était embrouillé, emmêlé, nébuleux, … ce n’était pas clair ! », et l’analyste de faire résonner, équivoquer le signifiant « Clair ? ». Claire, une jeune femme dont l’analysant craignait et espérait son jugement sur son travail d’architecte. L'équivoque de l’analyste fait passer ce qui était dessous (l’imaginaire, le rébus du rêve) au-dessus, dans le symbolique et la castration qui lui est inhérent – laissant au rebus les fac-similés de la métonymie de la parole. Ce faisant, la parole, en psychanalyse, comporte un nœud sur lequel l’interprétation porte. Qu’il s’agisse de la façon dont l’analysant lit ses formations de l’inconscient ou la façon dont l’analyste interprète, s’opèrent des passages de dessous dessus entre les trois catégories RSI.  

Ceci dit, si la parole conduit à la topologie, en quoi la topologie conduit-elle la pratique de cette parole ? Pour Juan David Nasio[5], la topologie constituerait une nouvelle esthétique transcendantale conforme à l’expérience du sujet de l’inconscient. A cet égard, le texte de Freud, psychologie collective et analyse du moi, se présente comme une topique. A savoir que Freud procède à l’analyse des foules à partir des instances psychiques (Idéal du moi/Moi, etc.) – sans prendre en compte la parole des leaders ou des individus en foule. Ce faisant, notre travail topologique s’inscrit dans le frayage ouvert par Freud. Nous proposons d'écrire les formules de Freud avec les catégories RSI[6] (Lacan), à partir du graphe et du nœud borroméen. En psychanalyse, le nœud constitue l’écriture d’un dire au-delà du dit – soit l’écriture qui montre comment se noue les trois dits-mensions indépendantes du parlêtre, constitutive de la parole : le réel, le symbolique et l’imaginaire. Cette écriture va nous permettre de localiser autrement les instances psychiques des formules freudiennes : le leader vient à la place de l'Idéal du Moi, l'hypothèse de la horde primitive et la définition de l'Idéal du Moi comme issue du Moi. Dans un premier temps, nous présenterons le nœud borroméen et le graphe, et, dans un second temps, nous inscrirons les formules freudiennes des foules sur le graphe et le nœud.     

Le nœud borroméen et le graphe

Pour construire un nœud borroméen, il faut poser deux cordes, une verte et une bleu, l’une sur l’autre, et faire passer une troisième corde, la rouge par exemple, au-dessous de la corde verte, au-dessus de la corde bleu, au-dessous de la corde verte et au-dessus de la corde bleu (figure 1). A couper l’une des trois cordes, les deux autres se séparent. Lorsque nous plongeons le nœud sur un plan, nous parlons de rond et non plus de corde. Ainsi, nous pouvons constater qu’il y a sur un nœud borroméen mis à plat 6 croisements dessus-dessous : 3 à la périphérie et 3 au centre (figure 1) – croisements que Lacan appelle aussi coupures.

Par ailleurs, lorsque nous manipulons un nœud borroméen réel, nous pouvons constater qu’en tirant sur les trois cordes, les six croisements se rapprochent du trou central. A élargir les cordes, les 6 croisements se trouvent groupés de manière centripète ou centrifuge selon l’orientation que nous lui donnons. Lorsqu’il y a une erreur de croisement dessus-dessous, l’une des cordes se détache faute d’être correctement noué borroméennement aux deux autres. Cette erreur de nouage peut être réparée par un quatrième rond venant renouer borroméennement les trois ronds RSI sans annulée ou effacer l’erreur. Cette réparation est appelée un sinthome : l’EGO de Joyce par exemple.                 

Pour Lacan (figure 3)[7], l’écriture nodale présente la façon dont l’objet petit a[8] se trouve coincé par les trois consistances RSI et les trois jouissances (le sens ou j’ouïs-sens, la jouissance phallique et la jouissance de l’Autre[9]). Dans sa conférence intitulée La Troisième, Lacan inscrit sur ce nœud les 3 nominations (angoisse nommant le Réel, inhibition nommant l’Imaginaire, et le symptôme nommant le symbolique), l’objet petit a au centre, et les autres signifiants freudiens (la mort dans le Symbolique, la vie dans le cercle du réel, renvoyant au texte de Freud, Au-delà du principe de plaisir, à savoir l’insistance de la répétition ; ainsi que les instances freudiennes « préconscient, inconscient, représentation »).  Marc Darmon commentant[10] la Troisième, rappelle que la dynamique du nœud permet de se repérer dans la direction de la cure.

Le graphe borroméen des instances psychiques   

Après cette introduction sommaire, nous proposons un graphe nodal avec 6 instances psychiques (moi, semblable, idéal du moi, sujet divisé, grand Autre barré et la lettre) associé au nœud borroméen, à partir des travaux d’Elie Doumit et de Jean Brini[11]. Le graphe se définit comme un ensemble de flèches et de points aux sommets des flèches. Le graphe des croisements (figure 1) associé à un nœud borroméen (Brini) permet d’inscrire les 6 instances psychiques (figure 2). Graphe des Instances que nous nommons GI.  

Au cours de son séminaire consacré à l’épreuve du réel[12], Elie Doumit proposait une topologie borroméenne de la limite, inscrivant deux points limites pour chaque consistance RSI :  

I : m, i(a)    ->  I>R

S : IM, \$     ->  S>I

R : S(Ⱥ), x  -> R>S  

La première formule I>R se lit : l’imaginaire est ce qui vient limiter (surmonter) le Réel en deux points m et i(a), soit le Moi et l’image de l’autre, le semblable (il s’agit du stade du miroir, lequel recouvre la béance du réel du corps immature articulé à l’aliénation à l’image de l’autre). La seconde formule S>I se lit : le symbolique vient limiter l’imaginaire en deux points : IM et \$, l’idéal du moi et le sujet divisé (il s’agit de la fonction de régulation des désirs, et, le sujet divisé à l’endroit du signifiant, représenté par un signifiant pour un autre signifiant). La troisième formule R>S se lit : le réel vient limiter le symbolique en deux points : le signifiant du grand Autre barré (le défaut dans la chaîne signifiante), et un x, une inconnue. Au cours de cette séance, Elie Doumit laissa en suspens la nomination de la seconde instance venant limiter le symbolique : x. Nous proposons de la nommer : la lettre – en référence au séminaire de Lacan consacré à Joyce et à lituraterre[13] (la lettre est du côté du réel et le signifiant du côté du symbolique). Soit un dire ex-sistant au dit, d’un au-delà de ce qui se dit et où se lit un effet de langage, impliquant un procès d’écriture. La figure 2 inscrit sur le GI les instances venant surmonter chaque catégories RSI de la façon suivante : i(a), S(Ⱥ), Idéal du moi sont localisés à la périphérie du nœud ; et, \$, Moi, la lettre sont situés au centre du nœud et du graphe GI. Nous allons à présent rendre compte de notre façon de localiser sur le GI les instances psychiques. 

Pour I>R :

i(a) se trouve au croisement périphérique entre I et R car cette instance relève du lieu d'où peut surgir l'angoisse d'inquiétante étrangeté (dans son texte princeps, Freud témoigne que, dans le train, il prend son reflet pour un autre), la jouissance Autre (le succube) et la haine.    

m se trouve au croisement central entre I et R à l'intérieur du rond symbolique. Cette instance se situe à l'intérieur de la passion d'ignorance comme fonction de méconnaissance avec son cortège d'inhibitions des fonctions sexuelle, locomotion, le travail professionnel. 

Pour S>I :

L’Idéal du Moi se trouve au croisement périphérique entre I et S car cette instance symbolique, rendant compte des modèles identificatoires, vient régler les paramètres imaginaires de la relation spéculaire (l’autre, i(a)), sur fond d’une perte d’autosatisfaction narcissique. Cette instance est le lieu de l'Autre reconnaissant l'enfant devant le miroir. Elle est aussi le lieu de l'amour.  

Le sujet divisé se situe au croisement central de I et de S à l'intérieur du rond Réel. Cette instance se situe à l'intérieur du transfert négatif faisant advenir les rêves de transfert (Lacan, texte RSI 1953) en lien avec les symptômes.   

Pour R>S : 

Le signifiant du grand Autre barré, S(Ⱥ), se trouve au croisement externe entre R et S rend compte de l’inexistence de l’Autre, de l’incomplétude de la langue à dire le désir. Cette instance est le lieu de l'ignorance. 

La lettre se situant au croisement central de R et S à l'intérieur du rond Imaginaire. Cette instance se situant à l'intérieur du transfert positif fait advenir dans l'image la lettre (Le V de l'homme aux loups) en lien avec l'angoisse.  

A partir du GI (figure 4) et des travaux de Jean Brini, nous allons proposer une nouvelle disposition des termes des formules freudiennes de la foule.  

Le GI et les formules freudiennes de la foule

Il nous semble important de distinguer deux niveaux d’analyse dans psychologie des foules et analyse du Moi : 1. Un niveau externe rassemblant les paramètres de la foule naturelle et artificielle du point de vue d’un principe externe, d’un point d’exception (le leader, Dieu, le grand Chef de l’armée) ; 2. Un niveau interne rassemblant les paramètres de la foule du point de vue d’un principe interne (l’hypothèse de la horde primitive interne au social, à l’Histoire, à l’individu, etc.). Elle est amenée par Freud comme un au-delà méconnu par la foule et ressource psychique au moment de sa constitution avec le leader.

Autrement dit, le niveau externe comporte les instances : Idéal du moi, le semblable et le moi ; et le niveau interne comporte l'instance de la lettre comme lieu faisant advenir l'hypothèse du père primitif. En effet, la question est celle du lieu d'où parle Freud lorsqu'il propose l'hypothèse du père de la horde, laquelle vient rendre compte à la fois de la dimension inconsciente de la foule (lorsqu'elle se constitue selon les paramètres de l'identification et de l'amour) mais aussi elle réunit deux théories autrement disjointes (celle du leader et celle de l'instinct grégaire). René Lew, dans son texte le Père et la lettre, rappelle que la lettre fait à la fois barrage (instance) et passage (métonymie, métaphore) dans le défilé des signifiants. Elle n'est pas signifiante par elle-même mais elle le devient dans le faisceau des relations qu'elle entretient avec d'autres lettres. Prise entre le plein et le vide, elle est animée par deux mouvements : l'un en réversion du manque au vide (séparation) et l'autre du passage du vide au manque (aliénation). Que la lettre soit une opération double et intrinsèque dans la chaîne signifiante, elle relève du réel du non rapport. Elle est la torsion moebiale dans la chaîne signifiante qui fait passer d'une face à l'autre sans discontinuité. Comme dans l'exemple du rêve de « Clair(e) » faisant barrage et passer de l'énoncé « pas clair »à l'énoncaition « pas Claire », comme opération d'écriture. Cette instance, que Freud cernait dans son texte avec l'hypothèse de la horde primitive, est celle qui fait le passage et le barrage entre la foule et le leader, ainsi que le passage et barrage entre le niveau originaire (parricide/incorporation du père/place vide) et le niveau identificatoire de type III entre les individus composant une foule.          

A partir du GI, nous pouvons proposer deux écritures nodales d’erreurs : l’une au niveau de l’idéal du moi, et l’autre, au niveau de la lettre, afin de rendre compte des formules freudiennes des foules : le leader vient à la place de l'idéal du moi des individus, le leader vient séparer pour un individu dans une foule les deux instances du moi et de l'idéal du moi lorsqu'elles sont confondues, et, le moi qui adopte une relation d'objet avec l'idéal du moi.

Le leader comme réparation d'une erreur de nouage    

  1. Le symbolique ne surmonte pas l’imaginaire au point de l’idéal du moi : Jean Brini montre qu’une telle erreur produit le détachement du Réel (figure 3). Auquel cas, le leader advient comme sinthome correcteur, comme suppléance de l’Idéal du moi pour les individus pour lesquels le Moi n’est pas séparé de l’idéal du moi[14] (Freud).
  2. A tirer sur les trois cordes du nœud borroméen réel, les croisements se rapprochent du centre (l’objet petit a) : l’instance du moi se retrouve à côté de l’idéal du moi. Ce tiraillement du nœud est lié à l’agressivité intrinsèque à la relation imaginaire avec le semblable. Dans ce cas de figure, la fonction leader consistera à pacifier l’agressivité intersubjective pour des individus ayant un Idéal du Moi séparé de leur Moi.

L'hypothèse de l'inconscient comme réparation d'une erreur de nouage     

En posant l’hypothèse de l’inconscient, Freud est venu limiter le « tout symbolique » du positivisme scientifique de son temps (la sociologie, la psychologie, la médecine, l’anthropologie) – lequel devenant de plus en plus prégnant dans le social. En effet, si ces dispositifs scientifiques visent un réel, leur régime d’énoncés rationnels et objectifs vient forclore la coupure opérée dans le symbolique par la lettre[15]. Jean Brini montre que ce type d’erreur produit un détachement de l’imaginaire (figure 4)[16].

D’une part, la pratique de la psychanalyse permet de comprendre les névroses comme un retrait partiel de la libido du monde extérieur (le refoulement) et de cerner une autre scène (primitive). Le cas de l’homme aux loups n’est pas sans résonnance avec l’hypothèse de la horde primitive. Il y a, d’un côté, l’interprétation œdipienne des symptômes et des formations de l’inconscient (le père castrateur) et, de l’autre côté, la scène primitive - corrélée avec l’hallucination du doigt coupé de l’homme aux loups. Cette dernière est construite par Freud à partir des lettres présentes dans le contenu latent du rêve – lettres qui seront imaginarisées par Freud dans l’interprétation qu’il fera : le patient a vu le coït de ses parents à l’âge de 18 mois. Que l’homme aux loups n’admettait pas cette construction de Freud et, ce dernier, de forcer l’interprétation du rêve du côté de l(a)scène – court-cuitant le temps pour comprendre et la hâte conclusive[17] - , que l’homme aux loups puisse faire débat autour du diagnostic de psychose ou de névrose, il importe de constater que Freud découvrait la lettre et le manque d’un signifiant dans le lieu de l’Autre (A barré), quand bien même il bricolait cette affaire du côté de l’imaginaire. Non sans raison, dans la mesure où une erreur de nœud à cet endroit produit un détachement de l’imaginaire. Autrement dit, la scène primitive apparaît dans son énoncé comme une tentative de faire sinthome pour S. P., là où le réel ne surmonte pas le symbolique.

D’autre part, pour revenir aux patients pour lesquels le moi investit l'idéal du moi dans un théâtre intérieur (Freud), ce cas de figure montre qu'il s'agit d'une autre erreur de nouage que la confusion entre le moi et l'idéal du moi. Il s'agit d'une tentative pour le sujet de maintenir le rond de l'imaginaire menaçant de se détacher, de se dénouer. L’hypothèse de la horde (et de la scène primitive) advient, à cet égard, comme réparation dans le lien social. A ce titre, le mythe de la horde fait sinthome pour ces sujets comme pour la culture marquée scientifiquement par cette opération de forclusion de l'énonciation. Pour finir, deux erreurs de dessus dessous occasionnent un détachement des 3 consistances RSI. Il y a faut un 4ème rond pour venir lier ensemble RSI. C’est de cette façon que nous entendons la thèse freudienne que le social est la projection des structures psychiques inconsciente, en faveur du 4ème rond identifié au nom du père[18].

Wilfrid MAGNIER - Psychanalyste

Julie MAGNIER - Psychologue clinicienne

 

FigureMagnier

 

[1]La topologie est cette discipline mathématique qui étudie les formes produites par déformation, torsion, etc. en dégageant des invariants permettant d’identifier l’isotopie ou l’hétérotopie de deux formes dont les projections sur un plan peuvent être variées : le cercle et le carré sont isotopes car ils sont l’un et l’autre issus de la déformation continue d’une ligne fermée sur elle-même, par exemple.   

[2]S. Freud, Essais de psychanalyse, P. 141

[3]Il s’agit du cas, dans un pensionnat, de la jeune femme affectée par la réception une lettre de rupture sentimentale, et les autres femmes expriment la même tristesse (contagion), traduisant leurs désirs d’avoir une relation amoureuse même si dramatique.     

[4]De la connexité in la parole et la topologie. P.81

[5]Introduction à la topologie de Lacan p.11

[6]Charles Melman propose dans l’homme sans gravité, les définitions suivantes, eu égard au nœud borroméen et aux trois catégories RSI : 1. Le nœud « est un objet mathématique issu de la topologie et utilisé par Lacan dés 1972 pour montrer l’articulation des trois registres RSI. Le nœud borroméen se caractérise par l’enlacement de trois anneaux ou ronds de ficelles tel que la rupture d’un seul entraîne la déliaison des trois ». 2. RSI « sont les trois dimensions identifiées par Lacan comme constituant la vie psychique de l’homme (…). Le Symbolique renvoie à la façon dont notre monde est organisé par le langage et par ses lois (la chaîne signifiante, la métaphore et la métonymie, la perte irréductible impliquée par le langage, la castration). Il s’agit d’autant de traits qui impriment au fonctionnement humain des contraintes en même temps qu’elles lui donnent accès à la possibilité de la parole. (…) La dimension imaginaire va au-delà de son acception courante. Elle renvoie à la façon dont le sujet s’est constitué à partir de l’image de son semblable. C’est donc le registre du leurre, de la relation duelle, de l’agressivité, en un mot du moi au sens freudien. La dimension du Réel désigne ce que l’intervention du Symbolique – le fait que l’on parle – rend irréductiblement inaccessible au sujet. Le Réel n’est donc pas à confondre avec la réalité. Une porte par exemple peut être envisagée dans sa dimension symbolique (le mot porte), dans sa dimension imaginaire (le dessin de la porte) ou dans sa dimension réelle (la porte contre laquelle on se cogne). » p.255

[7]Lacan, la Troisième

[8]« (…) L’objet a est l’objet cause du désir. Non représentable comme tel, perte impliquée par la parole mais qui va lester l’ensemble de la chaîne signifiante, il va de ce fait, donner au sujet sa consistance – consistance paradoxale puisqu’elle ne se maintient que de cette perte. » Melman, Op. cit. p. 255

[9]Le terme de jouissance s’entend à la fois comme provenant du plaisir sexuel mais aussi comme au-delà du plaisir. A savoir la répétition de tel comportement sans que « le sujet sache ce qui le contraint à rester dans le lit de cette jouissance ».L’alcoolisme relève de la jouissance par exemple. Ceci dit, la jouissance phallique provient du fait d’habiter le langage, ce qui suppose expérimenter un mode de jouissance langagière régit par l’instance phallique. La jouissance de l’Autre : « le fait de se référer au phallus pour les deux sexes ne réduit nullement la jouissance langagière à celle du mâle. En effet, Lacan repère une autre jouissance, la jouissance féminine, supplémentaire à la jouissance phallique, qu’il nommera la jouissance Autre. » Melman, Op. cit. p. 253 

[10]Marc Darmon, le nœud borroméen entre dynamique et structure, ALI

[11]Jean Brini, Essai sur les erreurs dessus dessous.

[12]Séminaire tenu à Lille, à l’école psychanalytique des Hautes de France membre de l’ALI, 2016

[13]Lacan, Lituraterre

[14]Cette suppléance pourrait venir éclairer la clinique du gourou.

[15]le Dieure de Yahvé, un dire identique à son dit « je suis ce que je suis ».

[16]Comme pour Joyce.

[17]Jean Marie Sauret, les loupés de l'homme aux loups, Psychanalyse 2011

[18]Marc Darmon, Le nœud est-il progressiste ? ALI

 

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