Hommage à Charles Melman
En dépit de certains désaccords dont j’avais parlé avec lui en leur temps, il ne m’est pas possible d’oublier la générosité et la rigueur du travail qu’il a engagées pendant plusieurs années au cours de séminaires en Martinique - au G.A.R.E.F.P puis à l’ALI-Antilles.
Au colloque franco-brésilien organisé par l’Association freudienne internationale à la Maison de l’Amérique latine à Paris, à partir de l’écriture des discours élaborée par Lacan, Charles Melman avait proposé une écriture de la situation coloniale (nous sommes quelques-uns à la mettre à l’épreuve de notre expérience du malaise actuel). J’étais venue à Paris y participer. Par l’entremise de Marcel Czermak, j’ai alors pu le rencontrer pour lui parler de questions que nous rencontrions avec les patients en Martinique. S’est ainsi mis en place un transfert de travail grâce auquel nous avons pu commencer à réfléchir aux questions complexes qui se posaient à celles et à ceux qui avaient à soutenir une position de psychanalyste dans ces sociétés nées, structurées à partir d’une perversion de la structure du langage, léguée par la colonisation européenne transatlantique au cours de laquelle la première mondialisation du capitalisme a été intrinsèquement liée à un esclavage racialisé. Celles et ceux qui le souhaitaient ont alors pu donner une orientation correcte à la relation de transfert à partir de laquelle ils pouvaient en situer les conséquences dans le registre imaginaire, pour le sujet et sur le malaise social.
Un séminaire « d’été » international, pluridisciplinaire, à partir de la lecture du séminaire de Lacan l’Identification, organisé par le bureau de l’Association freudienne internationale, avec le soutien sans faille de Denise Sainte-Fare Garnot, s’est tenu en Martinique sous la présidence d’honneur d’Aimé Césaire et la présidence effective de Mustapha Safouan. Ce temps de travail- nouvelle traversée transatlantique- a été le point d’orgue du travail de Charles Melman aux Antilles.
À chacun maintenant de trouver dans son enseignement, ce qui lui permettra de soutenir, sans flancher, le rapport à la vérité que la psychanalyse exige de celles et ceux qui s’engagent à la pratiquer.
Jeanne Wiltord