Hommage à Charles Melman

FLORENTIN Thierry
Date publication : 14/11/2022
Dossier : Hommages à Charles Melman

 

Hommage à Charles Melman

 

 

Je pratiquais déjà la psychanalyse quand je me décidais à aller voir Charles Melman.

Combien d’analystes avais-je du-aller voir, comme on dit, avant lui ? Trois, quatre ? Le décompte en serait indécent.

C’est la lecture d’une de ses réponses à une interview d’Alain Didier Weill, dans Quartier Lacan, il y a vingt ans, qui m’avait poussé vers lui.

Il avait su répondre à la question dont je ne savais pas encore que je me la posais depuis toujours.

« On pense généralement » disait-il, « que le temps c’est de l’argent. Eh bien non, on se trompe, le temps c’est de la mort. »

Il était urgent que je rencontre cet homme sans plus attendre, et que je lui demande à m’allonger sur son divan.

Mon père, l’historien Eddy Florentin, qui avait cru mourir pendant la guerre, et entre autres tortures d’un simulacre d’exécution par les nazis, et qui avait réussi à s’évader du train qui l’emmenait vers l’extermination et la déportation, considérait chaque seconde de sa vie comme un sursis qui lui avait été accordé, et dont il devait profiter dans l’impatience et la fébrilité.

Emporté par son bouillonnement, qui lui avait apporté succès et reconnaissance dans son œuvre portant sur cette période de l’histoire de la guerre, il imposait par son rythme une tyrannie familiale qui ne supportait aucun obstacle ni aucune contrariété.

Ma procrastination et mon silence étaient ma Résistance à moi.

Un jour, en fin de séance, Charles Melman eut cette simple phrase : « Il est temps qu’on entende les dits du fils ».

Les topologues y verront l’habile manœuvre de retournement qui me permettait d’accéder à la vie.

Contrairement aux bêlements et autres crétineries que l’on a coutume d’entendre, un fils devient un homme en quittant son père, et non pas, la bonne blague, en quittant sa mère. Cette dernière affirmation ne concerne que certains cas avérés, et suffisamment documentés, de psychose.

Charles Melman avait à cet égard ceci de spécifique qu’on avait une chance de devenir un homme (ou une femme) non pas en le quittant (et donc en fuyant l’amour de transfert), mais en restant avec lui.

Au travail avec lui.

Dont acte.

Six Novembre deux mille vingt deux.

 

Thierry Florentin

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