« Pas-taire » hommage à Charles Melman

DE LA ROCHEMACÉ Céline
Date publication : 14/11/2022
Dossier : Hommages à Charles Melman

 

« Pas-taire » hommage à Charles Melman

            Je suis venue en analyse avec Charles Melman pour une deuxième tranche en 2011. Mon cheminement en était arrivé à me poser deux questions « qu’est-ce qu’un père ? » et « pourquoi le totalitarisme ? ».

            Malgré une première tranche déjà effectuée les entretiens préliminaires duraient… scandés d’une intervention de mon analyste : « rappelez-moi quel est votre nom de jeune fille ? ». Je répondais invariablement en citant le nom de mon père et celui de ma mère. Au bout d’un certain nombres de répétitions de ces remarques, et je dois dire agacée de cela, je lui rétorquais « mais quand vais-je m’allonger sur le divan ? » et lui de me répondre tranquillement « mais puisque c’est une demande justement vous pourrez vous allonger sur le divan la séance prochaine. »

            Voilà ma structure névrotique qui se déployait enfin ; la demande n’y était pas verbalisée ni même conscientisée jusque-là… depuis longtemps en effet. Le travail a pu commencer, ma demande qui débuta par une demande de reconnaissance bien ordinaire, m’a permis d’entendre dans quelle hystéro-phobie j’étais engagée. Les deux questions qui m’agitaient ont été mises au travail je dirais entre deux fils, entre un fil du côté du sujet et un du côté du social.

             D’une part je n’avais jamais eu de père et ma démarche vers un pater que j’étais venue rencontrer ne m’apporta que du pas-taire ; ce qui m’a été le plus précieux. Ne pas taire ma subjectivité. Elevée avec un impératif de normativité, la demande familiale a eu l’effet pour moi de devenir analyste, juste un enjeu de vie en fait, mais également une tendance à me placer du côté du Un, ce qui a eu des effets mortifères et a créé un déséquilibre plus que supportable dans l’économie de mes jouissances. D’une interrogation sur la fonction paternelle c’est bien plutôt de quelle manière je pouvais vivre ma féminité dont il s’agissait.

             D’autre part en articulant mes origines judéo-chrétiennes j’ai pu entendre, grâce à l’écoute très présente de mon analyste, que mes modalités phobiques étaient relancées par le social, mais qu’elles venaient surtout de ma structuration et que de me taire, de ne pas y mettre mon grain de sel me protégeait, sur des modalités défensives, de la chute de l’objet a. Une dénégation héritée des générations précédentes que je reprenais, sans m’en douter, en partie à mon compte, pouvait tout aussi bien, pour ma part, céder. Ne pas taire son désir, assumer la jouissance objectale qui s’est structurée en lien notamment avec les particularités de l’Autre finalement évidé de quelques figures que ce soit.

             Les signifiants, les lettres, le rythme particulier de mes scansions, de mes cycles de vie, les jouissances, qu’elles soient phalliques, Autre, objectales ne devaient pas être négligées, qu’elles étaient singulières, tous ces éléments étaient à suivre sans savoir où ils m’amèneraient et ainsi assumer un désir particulier, seule mais pas sans quelques autres.

             Grâce à sa présence parfois très marquée, parfois silencieuse, à la façon dont il prenait en charge la direction de ma cure, ne laissant jamais la satisfaction d’une avancée se maintenir, relançant constamment sur un autre point à mettre au travail, et grâce à sa lecture du social, lecture particulière, capable de lever certains de refoulements sociaux ordinaires, grâce à sa façon de trancher sur ses questions, parfois sans concession, j’ai pu envisager que ma lecture singulière pourrait être entendue, reçue, c’est ma lecture singulière, entre les lignes, entre deux cultures, qui a pris une valeur, tout simplement. J’ai alors pris conscience que j’étais dans une recherche et que cette recherche avait son action sur ma façon d’être analyste.

             Un autre point a été un véritable enseignement pour moi. Ecrivant un texte sur la responsabilité du sujet j’eu la remarque de Charles Melman me demandant où je me situais dans cet écrit. Il a particulièrement insisté sur un point qui me restera : « écrivez à partir de vous. » Ce sera à remettre constamment sur le métier.

              J’ai été son analysante mais également son élève. Ici je l’en remercie.

                                                                                         Céline Grosjean-Mützenberg
                                                                                         de la Rochemacé

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