Adieu Charles
Adieu Charles
J’ai eu la grande chance d’avoir travaillé avec Charles Melman et de l’avoir fréquenté pendant des années. Il n’a jamais abandonné l’idée de mettre ceux qui le suivaient au travail. C’était une façon élégante et efficace de transformer le reste transférentiel sur sa personne en transfert de travail. On ne le rencontrait pas sans sortir avec de nouvelles idées ou des nouveaux projets. Il savait écouter ses interlocuteurs, savait les apprécier et surtout, il savait entendre ce qui de leur discours, méritait plus d’attention. On allait le voir, mais c’est rare qu’on l’ait quitté sans projet à construire ou sans idées à approfondir et à développer. J’ai écrit des livres avec lui. Je lui exposais mes idées et il les reprenait pour les tailler, comme le ferait le tailleur de pierres précieuses, leur donnant une forme et un contenu de valeur théorique. Plus que ça, il savait reconnaître à chacun l’originalité de sa pensée et la valeur de son apport. Quand on a travaillé sur l’adoption, il m’a surpris par sa modestie quand il m’a déclaré que je lui avais appris tout sur ce domaine.
C’est bien sa générosité. Un trait qu’on trouvait dans sa façon d’être avec les autres comme à sa table. Il cuisinait si bien qu’on aurait dit un chef étoilé. Il appréciait la vie et les bonnes choses. Myriam, sa compagne, nous recevait elle aussi avec son sourire sympathique et sa discrétion. Elle nous écoutait pendant qu’on discutait et Charles aimait l’avoir à ses côtés et la cherchait des yeux pour en faire son auditrice privilégiée. Je lui ai téléphoné en septembre pour lui faire part de mon voyage au Brésil et pour demander de ses nouvelles, il m’a dit qu’il était fatigué, et qu’il limitait ses plaisirs, et il a terminé son sms en disant : « nous trouverons l’occasion de nous rencontrer. »
Charles, je sais, et nous savons tous, que nous continuerons de vous rencontrer tous les jours dans l’enseignement que vous nous avez prodigué et dans le souvenir inoubliable que nous avons de vous.
Nazir Hamad