SÉANCE PLÉNIÈRE SUR LA LEÇON XXIII (Premier TOUR) DU SÉMINAIRE L’ANGOISSE (EXTRAITS)

THIBIERGE Stéphane
Date publication : 18/07/2022
Dossier : Le collège de l'ALI

 

Séance plénière du 04/04/2022  (Premier tour)
J. Lacan, L’Angoisse, Leçon XXIII (19 juin 1963)

Transcription: Christelle Ducasse

Relecture: Christine Robert

           

Stéphane Thibierge. 

 

…. Qu’est-ce qui l’intéresse dans cette leçon ?

C'est de faire entendre plusieurs choses. Mais ce qui lui sert de fil en quelque sorte c'est de faire le point sur l’objet a dans son rapport à l’objet cause, dans son rapport au - φ, dans son rapport à … au corps, au corps et aux données si l’on peut dire de l’anatomie….

… Il va apporter un certain nombre donc d’éléments, à partir de cette fonction de l'objet anal, de la merde (il ne craint pas de l'appeler par son nom)

 il va montrer dans une articulation vraiment rigoureuse, comment cet objet, ce désir anal s'articule à la série des objets a et, point très important, à la fonction de la cause telle qu’il l’articule pour la première fois……

. Cette mise en place de la cause est extrêmement, fortement liée au statut du - φ, c’est à dire de la castration, c'est-à-dire du statut du désir en tant qu'il est pris dans l’Autre …

A la page 453, ça va l’amener à mettre en place, - j’y reviendrai tout à l’heure, mettre en place l’équivalence entre le désir anal, l’objet anal et le point disons phallique, le – φ ; il va mettre en place cette équivalence, c’est à dire montrer comment le désir anal nous éclaire sur la fonction de la castration.

Ça va lui donner l’occasion de faire une de ces mises au point, il y en a plusieurs dans L’Angoisse qui sont vraiment, qui sont vraiment extraordinaires, une des mises au point importantes dans le séminaire L’angoisse, sur la façon dont s’articule le désir mâle, le désir de l’homme disons, le désir viril et de l’autre coté la même question du désir du côté féminin. Cela va l’amener à quelques remarques très éclairantes et très précieuses sur cette question.

Au début de la leçon, alors il va nous faire une sorte de petite évocation comme ça du trajet du graphe ….

Graphe oral, anal, phallique scopique et enfin le surmoi, c’est à dire l’objet voix, très lié à l’objet voix.

Image

….Il y a la succession des stades telle qu’on la connaissait dans la théorie classique, notamment chez Abraham, Karl Abraham, puis il y a la constitution dit-il circulaire, c’est à dire structurale. Il va y avoir effectivement quelque chose d’un progrès c’est à dire d’une direction orientée mais à chaque fois qu’on va examiner tel ou tel aspect du progrès, on est obligé de l’examiner en tenant compte de quelque chose qui fait résonner les autres aspects …

C’est ce qui va permettre à Lacan de faire entendre une proximité…, c’est toute la fin de la leçon ça, qui est assez extraordinaire, une proximité entre l’objet et le désir anal et la problématique scopique chez l’obsessionnel, avec là, ce point auquel cela aboutit, c’est à dire cette conception, dont Lacan semble montrer qu’elle est très liée à la structure obsessionnelle, enfin à la configuration de la névrose obsessionnelle, cette conception du Dieu tout puissant. Cette toute puissance est, qui est très articulée au scopique. Dieu omni-voyant est extrêmement lié à la dimension anale et j’y reviendrai, à la dimension obsessionnelle et au registre de l’économie de l’objet anal ….

Lacan au début évoque ceci à propos de ce schéma.

L’objet a, eh bien à tous ces niveaux, il tient à lui-même, autrement dit il s’articule en tant qu’objet a à tous ces différents niveaux, sous toutes ses différentes formes. Sous les différentes formes où il se manifeste, il s’agit toujours d’une même fonction. C’est évidemment très important pour Lacan de montrer qu’il s’agit d’une même fonction qui va s’appuyer sur les accidents anatomiques, des coupures du corps et des fentes du corps. Y compris ici, de la fente anale.

 Il s’agit toujours des mêmes fonctions à savoir comment l’objet a est lié à la constitution du sujet au lieu de l’Autre, et le représente. Ça veut dire que l’objet a représente le sujet au lieu de l’Autre. Et effectivement a est ce reste de l’opération signifiante que le lieu de l’Autre ne peut jamais, en quelque sorte digérer ou élucider ou résoudre, il y aura toujours ce reste. Ce reste représente le sujet.

 Il est vrai donc, ajoute Lacan que sa fonction centrale au niveau du stade phallique où la fonction de a est représentée essentiellement par un manque, c’est à dire que, au point médian de ce trajet, au point phallique, vous avez quelque chose qui est lié au temps pour le sujet humain, au temps d’une expérience qu’il fait, d’une négativation, on peut le dire comme ça, radicale de l’objet qui le représente dans l’Autre par, justement, la dimension de la castration.

Cette négativation même, en tant qu’elle est supportée, qu’elle est représentée au niveau du corps de l’animal parlant, par le support privilégié de la fonction signifiante, à savoir le support phallique. Parce que le support phallique c’est la fonction signifiante en tant qu’elle s’articule au corps en négativant la dimension de l’objet.

C’est un point très important ça. C’est ce qui permet de dire que, au niveau de ce moment phallique, la fonction de l’objet a est représentée essentiellement par un manque.

Ce manque a une importance considérable dans la mise en place de la fonction de a par le défaut du phallus, dit Lacan, - alors cette phrase est très importante, le défaut du phallus… nous allons y revenir tout à l’heure quand nous allons parler de l’homme et de la femme, le défaut du phallus comme constituant la disjonction, - entendez la formule, qui est quand même paradoxale mais en même temps pas du tout énigmatique, la disjonction qui joint - la disjonction qui joint, cela semble un petit peu contradictoire, mais c’est effectivement le cas, la disjonction qui joint - quoi ?, qui joint le désir à la jouissance…..

Le fantasme ne peut pas être considéré comme le dernier mot de la chose. Et c’est ce que va préciser Lacan quand il va parler du rapport mâle et du rapport féminin au désir …

Lacan nous fait entendre dans cette leçon et dans les autres dans l’Angoisse et dans le séminaire L’Angoisse, que cette fonction de la cause, elle est essentiellement de l’ordre du non effectué et du suspens qu’introduit le signifiant dans le monde, dont d’ailleurs l’angoisse est une manifestation essentielle. Ce n’est quand même pas le bout du monde d’entendre cela….

C’est comme ça que repère Lacan, cette béance essentielle à la fonction de la cause. Et c’est pourquoi sous sa forme première dit-il, elle est cause du désir c’est à dire de quelque chose d’essentiellement non effectué ; non effectué, ça ne veut pas dire que e n’’est rien du tout. Ça veut dire que c’est essentiellement lié à un suspens qui nous renvoie à la castration comme telle, c’est à dire à l’introduction d’un vide, d’un trou, d’un manque, d’un défaut à l’endroit de quelque chose de l’ordre de l’objet….

Lacan va accrocher là, l’objet même de la leçon, c’est à dire l’objet et le désir anal. Très simplement, le petit tas de merde qui est demandé, qui est le support d’une dialectique équivoque en quelque sorte. Tu dois le lâcher, non tu dois le donner, je te demande de le donner, je te demande de le retenir, etc…cet objet qui est support de cette version ambiguë à l’Autre, cet excrément nous dit Lacan, ne joue pas le rôle d’effet, c’est pas un effet, de ce que nous situons comme désir, ç’ en est la cause, il en est la cause …

Cet objet anal, ici, ne peut se poser comme objet a que par la résonance rétroactive du - φ phallique …

Le sujet qui comprend, c’est le sujet qui se guide sur une continuité, en tous cas une perception sans faille et sans hiatus de la liaison entre les effets et les causes, les causes et les effets. Cela le chimpanzé en est capable, enfin jusqu’à un certain point c’est que l’on appelle l’intelligence instrumentale … Le sujet qui parle, par différence avec le sujet qui comprend, le sujet qui parle dit Lacan, celui-là, il est marqué par ce que je viens de vous expliquer, c’est à dire ce choc en retour du manque phallique sur les autres supports de l’objet a, c’est à dire qu’il est marqué par le fait que dans son intelligence instrumentale justement, il faudra prendre en compte le fait que l’instrument par excellence l’organe, l’organon, l’organe sexuel vient à faire défaut là où précisément il est attendu. C’est ça le - φ, c’est ça qui permet que se constitue le leurre et la consistance leurrante de l’image spéculaire. Puisque c’en est la représentation de ce - φ.

 Nous pouvons tout à fait entendre là maintenant à partir de ce dépliement, ce qu’il dit de la transcendance du signifiant par rapport à tout ce qui se présente comme donnée anatomique de faveur, de favorisation de l’objet…..

Le signifiant qui, dans sa fonction de signifiant, de manière transcendante, vient articuler et déterminer tous les objets concevables, et notamment les objets a, sur le fond d’un manque radical. D’un manque où vous ne pouvez rien mettre, sauf bien sûr, sauf telle ou telle formation fantasmatique, du côté de la jouissance. Du côté du désir c’est une autre question. Du côté du désir il y a quand même cette résonance d’un manque radical, mais d’un manque radical toujours articulé au a côté jouissance. C’est là dire que, c’est là que les choses sont…, ce n’est pas le manque pur vide, non, mais c’est un manque radical et qui résonne comme tel et sans lequel on ne peut pas, je crois, saisir en quoi le désir est nécessairement une énigme, est nécessairement une question. ….

Lacan va tout à fait jusqu’à dire qu’il y a chez les animaux quelque chose … même l’ umwelt de l’animal peut être traversé par quelque chose qui va causer l’affolement de l’animal. C’est là qu’est la marque que lui aussi est sensible à quelque chose de l’ordre de l’Autre chose. Il le dit en toute lettre. Pour eux comme pour nous, c’est la manifestation d’un lieu de l’Autre, ….

Nous allons maintenant entrer dans ceci, c’est à la page 445, dans la particularité du cas qui fait que l’excrément va venir à fonctionner en ce point déterminé par la nécessité, où est le sujet de se constituer d’abord dans le signifiant ….

Lacan va appeler, enfin va avancer dans son articulation de ce désir anal sur la voie de ce qu’il appelle la subjectivation. Et ce qu’il appelle ici la subjectivation, c’est très précisément, l’articulation des relations entre le sujet et le grand A par la… je ne dirais pas la médiation, parce que ce n’est pas tout à fait la médiation, mais par la représentation du sujet en tant qu’objet a.

Par quelle voie l’excrément rentre-t-il dans la subjectivation ?

Eh bien dit-il d’abord, c’est tout à fait clair dans l’expérience analytique, par la mère, par la demande de la mère qui demande de retenir, qui lui demande de lâcher. …

 Cette fonction manifestement de l’objet anal en fait un agalma. Il y a là dans ce rapport de A à cet objet, dans le rapport de la mère qui demande cet objet a, il y a quelque chose qui révèle manifestement le prix, la valeur et le caractère en même temps insaisissable de l’agalma, c’est à dire qui révèle les affinités, - c’est là un point important, entre cet objet anal, ce désir anal et le - φ, c’est à dire le petit a dans sa version phallique. « Je prétends, - je cite Lacan, page 450, « je prétends,, j’ajoute que nous ne pouvons rien comprendre à la phénoménologie si fondamentale pour toute notre spéculation de l’obsession, si nous ne saisissons pas en même temps, d’une façon beaucoup plus intime, motivée, régulière, que nous ne le faisons habituellement, cette liaison de l’excrément avec non pas seulement le - φ du phallus, mais avec les autres formes évoquées ici dans ma classification disons stadiques, ma classification par stade, les autres formes du a »….

Il [e sujet] ne sait pas, il ne peut pas savoir dans ce premier temps, il ne peut pas savoir que l’objet a le sein ou le placenta c’est la réalité de lui, par rapport à l’A, grand A. ….

Par différence avec ce premier temps du rapport à l’Autre, ce premier support du a, par différence avec ça, l’importance considérable du moment anal, c’est que dans l’objet anal, eh bien, le sujet va se reconnaitre, c’est à dire qu’il prend appui, il prend appui là sur quelque chose où, lui comme sujet est impliqué et reconnaissable comme tel.

Le problème, c’est que cet objet auquel il est articulé comme sujet cette fois, dans le registre anal, eh bien, il est marqué d’une foncière ambivalence …  C’est à la fois lui, ça c’est quand même très important dans la clinique de la névrose obsessionnel et ça ne doit pas être lui. Ou tout au moins et même plus loin, ce n’est pas de lui. ….

. Une des difficultés du névrosé et notamment du névrosé obsessionnel avec la reconnaissance, c’est que ce n’est pas reconnaissable par l’Autre et en même temps, c’est favorisé, donc que faire avec ça ? ...

« Nous avons là un certain rapport de constitution du sujet comme divisé, comme ambivalent, en rapport avec la demande de l’Autre. Nous ne voyons pas du tout pourquoi, tout ça, par exemple ne passerait pas complètement au second plan, ne serait pas balayé avec l’introduction de la dimension de quelque chose qui lui serait dès lors complètement externe, complètement étranger de la relation de désir et notamment celle du désir sexuel ». Toutes ces histoires de caca de merde, etc. L’ambivalence, qu’est-ce que ça à voir avec le sexuel ? …C’est que cet objet vient par sa duplicité même, cet objet de merde, à pouvoir symboliser merveilleusement, au moins par un de ses temps, qui est le temps e lâchage, de la disparition, de la coupure du corps, ce dont il s’agit à l’avènement du stade phallique, à savoir de quelque chose qu’il s’agira de symboliser. A savoir du phallus, de sa disparition, son aphanisis pour employer le terme de Jones….

il y a une page, la page 453, qui est vraiment, qui est vraiment très très éclairante, et interrogeante sur le rapport entre l’homme et la femme. …

, « bien entendu que tout ceci, dit Lacan, ne vaut qu’à l’intérieur du rappel que je dois faire une fois de plus… de l’essentiel de ce temps - φ central, central par rapport à tout ce schéma par où je vous prie de retenir ces formules. Le moment d’avance de la jouissance de l’autre et vers la jouissance de l’autre, comporte la constitution de la castration comme gage de cette rencontre » ….

. C’est à dire que cette rencontre va être une rencontre marquée par la castration c’est-à-dire, parce que d’une certaine façon elle a lieu, mais marquée comme fondamentalement convoquée, puisque, d’abord, - il va l’expliquer très bien, d’abord parce que coté mâle, coté homme, le fait que le désir mâle rencontre sa propre chute, c’est à dire la détumescence avant l’entrée dans la jouissance du partenaire féminin. Il dit avant, c’est à dire que, alors on pourrait se dire pourquoi il dit avant ? Est ce qu’on ne peut pas jouir en même temps ? Mais avant, parce qu’il a déjà expliqué dans une des leçons précédentes que du fait de cette détumescence nécessaire, à terme, le temps ça varie avec les sujets, mais de toutes les façons ça ne peut pas être pendant dix heures sauf cas tout à fait exceptionnel.  Le moment donc, il y a un moment où une femme va obligatoirement se faire l’assistante, si l’on peut dire, de cet organe qui de toute façon va chuter. Et c’est pourquoi elle va en quelque sorte sacrifier sa propre jouissance, dont on ne sait pas très bien ce qu’elle peut être, mais dont on peut supposer qu’elle serait quelque chose si elle n’était pas contrainte de se faire l’assistante de son partenaire et de laisser de côté sa propre jouissance à elle ….

 « … dès lors elle est nécessitée, je dirais presque, condamnée, à propos d’une femme, à n’aimer l’autre mâle qu’en un point situé, - c’est logique après ce que nous venons de voir, au-delà de ce qui elle aussi l’arrête comme désir. Elle est arrêtée par la structure en quelque sorte de son partenaire et la chute de son organe, le nécessaire de la chute….

. Et cet au-delà, cela va être l’incidence de l’amour, dans la relation d’une femme à un homme et c’est pourquoi l’amour souvent chez une femme vient prendre une place pas du tout la même que celle de l’amour du sexe comme on dit maintenant….

. « Cet au-delà -de l’autre masculin- est visé dans l’amour c’est un au-delà, - disons le bien, soit transverbéré par la castration, soit transfiguré en termes de puissance. Ce n’est pas l’autre, en tant qu’à l’autre il s’agirait d’être unie - ce n’est pas l’autre ! - La jouissance de la femme est en elle-même, - en elle-même c’est à dire en quelque sorte de son côté avec un caractère énigmatique. Je ne vais pas faire de l’anticipation, mais vous voyez comment ça, ça va se reprendre pour Lacan dans le séminaire suivant, notamment Encore, avec la jouissance féminine- La jouissance de la femme est en elle-même, elle ne la conjoint pas à l’autre. » Là il y a quelque chose quand même d’extraordinairement éclairant dans tout ce que nous pouvons entendre sur ces questions justement du rapport à l’autre sexe chez les femmes et chez les hommes. ….

 C’est presque la jouissance féminine commence là où le désir masculin s’arrête. Mais elle ne commence pas beaucoup parce que …

 Ce n’’est pas pour rien que Lacan parle de jouissance plutôt du côté féminin….

Quant au désir, la femme s’y articule, mais elle s’y articule par l’organe forcément insuffisant de son partenaire, c’est pour ça que le rapport d’une femme au désir est compliqué.

Sylvia : Vous avez évoqué le mot renoncement aussi dans sa jouissance.

S. T. : Le renoncement, pas forcément le renoncement, mais le fait qu’en se faisant l’assistante, je disais du désir masculin, elle se prive de sa propre jouissance. Et c’est pour ça que Lacan ira repérer dans ce qu’il appellera, mais c’est après du côté de la jouissance Autre, de la jouissance mystique, une façon dont une femme peut s’affranchir de ce …de cette dialectique phallique.

                                                 *****

Choix des extraits : Christine Robert

Espace personnel

Cookies ?

Nous utilisons des cookies sur notre site web. Certains d’entre eux sont essentiels au fonctionnement du site et d’autres nous aident à améliorer ce site et l’expérience utilisateur (cookies traceurs). Ces cookies ne contiennent pas de données personnelles.

Vous pouvez décider vous-même si vous autorisez ou non ces cookies. Merci de noter que, si vous les rejetez, vous risquez de ne pas pouvoir utiliser l’ensemble des fonctionnalités du site. A tout moment, il vous est possible de rectifier votre choix sur la page des politiques de confidentialités du site.