VIRIL

Manifeste
VIRIL
Hier soir j’étais à Béthune, petite ville du Nord. Je suis allée voir VIRIL, spectacle féministe, d’un féminisme radical, peut-on dire. Trois femmes, pas n’importe lesquelles, Beatrice Dalle, Virginie Despentes et la rappeuse Casey. Trois styles complètement différents. Trois noms qui parlent d’eux-mêmes, ou d’elles-mêmes après tout. Une brune, une blanche, une noire. Trois voix qui portent. Trois parcours de vies distinctes, et pourtant… Elles font corps, trois corps politiques mis en scène par le réalisateur David Bobée, directeur du Théâtre du Nord. Voilà, la scène a été saisissante, sur fond de concert et de fumée, le groupe Zéro accompagnait la lecture des textes choisis, textes engagés, militants, déconcertants, émouvants.
Le public ne moufetait pas, après chaque lecture criée sous forme de manifeste, pas d’applaudissement. Des rires jaunes pour les hommes « virils » dans la salle, l’attaque était frontale. Considérés comme un moins que rien. Petite trouvaille rigolote (ça dépend pour qui !), dans un de ces textes, on entend que l’Y mâle, est un X dont il manque un bout ! C’est l’homme qui n’a pas… le penisneid est une blague ! L’homme est un X manqué, une femme manquée autrement dit! Toujours une guerre des sexes dans l’air : qui est l’homme ? VIRIL, disent-elles. Les lectures s’enchaînaient, se déchaînaient, la musique sur scène est de plus en plus forte, mais on entend tout ce que se dit, chaque mot, chaque phrase, nous sommes suspendus au cri du texte. De ma place de « femme blanche, privilégiée et pas trop militante féministe », je me demandais où j’étais, est-ce que cela me parlait, me concernait ? Sans doute que la guerre est honnête à l’égard de certaines minorités, qu’il y a des abus qui ne doivent pas exister. Ça ne se discute pas. Mais le ton revendicatif ou exclusif de ce type de féminisme radical reste pour moi une difficulté, comme si le risque était de perdre l’Altérité, l’Autre sexe et de se contenter de rester entre-soi. Or, mon militantisme, mon engagement ou mon fantasme, car cela revient au même, n’a qu’un seul nom, c’est celui de la liberté, que chacun et chacune puisse aller au plus près de son désir, d’un désir averti et responsable, et qu’à cela, on ne cède pas.
©Jeanne Roualet