A propos de « l’être du signifiant »
A propos de l’« être de signifiant ».
Je saisis l’occasion de ce « forum » pour y contribuer par quelques questions qui me sont venues après ce passionnant séminaire d’été sur l’Ethique de la psychanalyse. Quelques questions et remarques qui concernent aussi les femmes et La Femme.
Car j’ai regretté qu’on n’accorde pas plus de temps au long commentaire que fait Lacan de l’amour courtois du Moyen-Age, l’amour de la Dame, l’incarnation de cet « objet féminin inaccessible dont on est privé ». En particulier lorsqu’il dit dans la leçon 11 que « cette place qu’occupe la visée tendancielle dans la sublimation, c’est ce point central où ce que demande l’homme, (mais aussi la femme, dirait-on aujourd’hui) et qu’il ne peut faire que demander, c’est d’être privé à proprement parler de quelque chose de réel ». Fonction symbolique dit Lacan, et qui permettrait d’articuler les trois registres R,S,I.
Il ne peut faire que le demander dans son adresse à l’Autre, comme pour organiser un détour, un obstacle dont la fonction sera de faire apparaître comme tel le domaine de la Chose, de la vacuole. Il s’agit là de quelque chose de fondamental dans la demande, demande d’être privé, que nous entendons si souvent dans les cures. Elle dépasse, me semble-t-il, le registre de la demande hystérique prise comme désir insatisfait, et a pour effet de redoubler en quelque sorte ce dont le langage prive l’être.
« Etre de signifiant » dira plus loin Lacan de la Dame. Cet être de signifiant, qu’Alice Massat a évoqué, rejoint-il la « fiction de mot » dont il est question dans Encore ? C’est alors ce dont rend compte le signifiant parlêtre, celui qui croit à l’être parce qu’il parle. Je crois cependant qu’on ne peut pas faire l’économie de cette croyance, de cette illusion nécessaire, comme disait Omar Guerrerro. Elle est à l’œuvre par exemple dans la demande qu’une fille adresse à sa mère, lorsqu’elle persiste dans la demande, cette demande d’une complétude qui assurerait son être. Je pense ici à cette allusion de Lacan au « ravage qu’est chez la femme, pour la plupart, le rapport à sa mère, d’où elle semble bien attendre plus de subsistance que de son père… » (L’Etourdit, Scilicet IV p 21)
Cet « être de signifiant » a-t-il aussi un lien avec ce que Lacan appellera plus tard La Femme, celle qui n’existe pas, sinon à titre de modèle, de référent (au même titre que le Maître pour un homme dans le dernier tiers de d’Un Autre à l’autre). Autrement dit, Mme K pour Dora, et sa contemplation de la madone de Dresde ? Effets d’idéalisation imaginaires liés à « l’exigence de l’Autre d’avoir à réaliser l’être du signifiant » ?
Cet être de signifiant ne désigne-t-il pas du même coup une place, cette « place où se vocifère que l’univers est un défaut dans la pureté du non-être », cette place qui « à se garder fait languir l’être lui-même » écrit Lacan dans Subversion en 1960, juste après le séminaire sur l’éthique ?
Nathalie Delafond, 24 septembre 2020.