ÉVÈNEMENTS : décès du Dr Demangeat
20 janvier 2011

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BÉDÈRE Serge
Billets
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Le Dr Michel Demangeat était membre de l’Association lacanienne internationale et c’est bien volontiers que nous nous associons à l’hommage qui lui est rendu par ses collègues bordelais

 

Michel Demangeat a quitté brusquement la scène de la vie ce mardi 15 mars laissant en chantier de nombreux projets en cours, fauché en pleine activité à 83 ans.

Durant de nombreuses années, il a su soutenir et transmettre un enthousiasme pour le travail et la recherche dans un esprit de rigueur et d’ouverture, inlassablement au service de la psychanalyse, sans jamais lâcher le fil de la psychiatrie.

Psychiatre de formation, il avait fait sa formation analytique avec Lacan.

Michel Demangeat était l’homme d’une parole en actes ; il aura été, chaque fois avec quelques autres, à la fondation de nombreux projets alors innovants dans le champ de la psychiatrie avec comme boussole la psychanalyse.

A Bordeaux où il exerçait, il a ainsi été à la fondation, de l’Hôpital de jour de la Société d’Hygiène Mentale d’Aquitaine dont il était toujours le Président en exercice, un des premiers hôpitaux de jour en France, après celui du XIIIe arrondissement. On le retrouve aussi à la fondation des premiers Foyers de Réadaptation créés dans le cadre de l’Association Rénovation, permettant à des personnes psychotiques de trouver un étayage adapté. Mais aussi dans la réflexion des projets porteurs des premiers Centres d’Aide par la Travail. Pendant une dizaine d’années, il aura été une cheville ouvrière de l’UER de Psychiatrie alors dirigé par le Pr Marc Blanc, participant ainsi à la formation de toute une génération de psychiatres.

Alors qu’il avait été membre du Conseil d’Administration de l’Ecole Freudienne, il investira ses forces vives avec quelques autres dans un mouvement autour de la psychanalyse, nommé TRAIT, auquel il sera resté fidèle jusqu’au bout. Depuis 1982 de très nombreux psychanalystes auront répondu à l’invitation faite par TRAIT de venir participer à Bordeaux à des journées de travail, et ce dès avant la constitution de certains groupes ou écoles bien connus depuis : le Cercle Freudien, les Cartels Constituants, l’Ecole Lacanienne Internationale, le CFRP puis Espace Analytique, tissant entre Bordeaux et Paris des liens de travail solides et fructueux.

Travailleur infatigable, Michel Demangeat était surtout un homme de transmission orale.

Pas moins de 453 textes témoignent aujourd’hui de ses interventions dans des espaces variés ; Michel Demangeat avait très bien compris que la transmission était avant tout affaire de parole, d’adresse et de transfert. Si parmi eux, un certain nombre ont trouvé au fil du temps à être publiés dans des revues, un grand nombre est resté inédit. Tous portent la trace d’une grande érudition, et d’une articulation de la clinique avec le domaine littéraire. Que ce soit sur Rousseau, Proust, ou encore très récemment Wolfson, tous sont remarquables, tout comme l’était dès 1972 le rapport de Tunis, rédigé avec J.-F. Bargues, sur les familles de schizophrènes sur les prolongements duquel il travaillait ces jours-ci dans la perspective des Journées de la Fédération des Croix Marines prévues à Pau fin septembre 2011 sur le thème « Familles, sources et ressources ».

La question de la publication de cet immense travail était dans l’ordre des préoccupations évoquées auprès de quelques proches et amis ; peut-être cette question trouvera-t-elle désormais à s’articuler dans un devoir de mémoire ? [i]

Toujours articulée autour d’un séminaire sur « Clinique psychiatrique, clinique psychanalytique », cette réflexion toujours en cours se complétait par une participation toujours très active au travail de la Fédération des Croix Marines, de la Société Française de Psychiatrie au sein de laquelle il présidait le jury du Prix Charles Brisset, après avoir pendant de nombreuses années présidé la Société de Psychiatrie d’Aquitaine et l’Union Internationale d’Aide pour la Santé Mentale.

Une vie habitée par un engagement autour du souci continu de l’invention de dispositifs d’accueil institutionnels au service des sujets atteints de psychose, et de la recherche reposant sur le pari de « l’entreconnossoiment » cher à La Boétie qu’il se plaisait à rappeler souvent. Dans sa bouche ce n’était pas un vain mot. Il ouvrait généreusement son carnet d’adresses pour mettre en contact les uns et les autres, permettant ainsi à des liens vivants de soutenir le travail d’élaboration. Et parfois aussi à de solides amitiés de se nouer et d’infléchir et le cours des trajets de vie et la circulation des idées.