Quelles peuvent être les conséquences du mariage homosexuel?
Cette question ne vise pas seulement, on s’en doute, les effets empiriques que pourrait avoir telle ou telle union particulière, y compris accompagnée d’une adoption d’enfant.
D’une façon plus large, la possibilité de ce type d’union, sans doute inévitable à plus ou moins long terme, va profondément changer le rapport du sujet au désir sexuel.
Dans le monde humain, la sexualité n’obéit pas à un instinct qui rapprocherait des partenaires de sexe opposé et les conduirait nécessairement à l’acte sexuel "normal". Les conduites ou le choix d’objet varient, avec une amplitude assez importante, ce qui suffit à montrer qu’aucun comportement préformé ne correspond à ce qui serait un être homme ou un être femme.
Dès lors "homme" et "femme" se définissent à partir de divers discours, de diverses pratiques symboliques qui tentent de pallier à cette absence de comportement préformé. Ce faisant, ces pratiques symboliques – dont le mariage est bien sûr une des principales pièces – inscrivent en chacun les voies du désir, que le sujet s’y reconnaisse ou qu’au contraire il les conteste.
Si en effet dans bien des cas une bénédiction sociale, fût-elle laïque, est requise pour lier deux personnes, on constate également assez souvent qu’un choix d’objet homosexuel, mais aussi bien hétérosexuel s’impose comme récusation, plus ou moins inconsciente, des pratiques symboliques dominantes. Cela veut dire aussi que celles-ci sont essentielles, même là où elles ne le sont que par opposition.
Certains hétérosexuels ne peuvent désirer que des femmes qui ne ressemblent pas à leur mère, c’est-à-dire à celle qui est aussi la compagne légitime de leur père. Et certains homosexuels peuvent désirer des hommes dans la mesure où l’union avec eux vient en quelque sorte contredire le sacrement du mariage. En tout état de cause, celui-ci a affirmé jusqu’à présent l’existence de la différence des sexes, et cette affirmation conditionne le désir, même pour les sujets homosexuels.
La différence des sexes, cependant, n’est pas aujourd’hui politiquement correcte. Sous couvert de parité, on ne cesse d’en limiter la place. Et voici donc qu’on nous dit, à l’occasion du débat qui s’ouvre en France, qu’un pays comme la Suède, un pays "pionnier", envisage à présent le mariage "sexuellement neutre".
C’est assez logique. S’il fallait un jour marier des individus abstraction faite de leur sexe, il faudrait bien d’abord effacer (symboliquement, mais ce n’est pas rien), la petite différence qui subsiste entre les êtres humains.
Il y a fort à parier que ce ne sera pas sans effet. À mariage neutre, sexualité neutralisée. Voilà ce qui est aujourd’hui à craindre, et les homosexuels auraient autant de raisons de s’en alarmer que les hétérosexuels.