Une étoile lacanienne a surgi dans la nuit anglo-saxonne de la psychanalyse.
Notre collègue de Dublin, Helen Sheehan, vient en effet de produire une traduction anglaise du livre de Charles Melman, Nouvelles études sur l’hystérie, chez le prestigieux éditeur britannique Routlege.
À l’incontestable plaisir de redécouvrir ce travail essentiel de Charles Melman qui porte tant sur le discours que sur la névrose hystérique tout en examinant avec soin leurs implications et conséquences, s’ajoute celui de nous faire subtilement entrer dans une langue particulièrement choisie et précise dont elle a indéniablement l’art et le secret. Le travail de cisèlement de la langue de Shakespeare par Helen Sheehan est une perle qui offre au monde anglo-saxon un ouvrage fondamental, pierre de touche qui actualise les travaux de Freud à la lumière de l’enseignement lacanien. C’est dire la dimension d’acte d’une telle publication.
La parution d’un tel livre est l’occasion d’interroger de nouveau pour nous analystes ce que doit être une traduction au delà de l’efficacité attendue d’une restitution du sens. Chaque langue se différencie des autres en ceci que chacune recèle une intelligence et un savoir qui lui sont propre. Traduire avec succès consiste donc à parvenir de transmettre la part de Réel qui anime l’écrit d’origine, morceau d’impossible à restituer qui fait toute la difficulté de l’exercice et que l’on voit aisément culminer quand le traducteur planche sur de la poésie. Ainsi pouvons nous assurer que ce magnifique travail de Helen Sheehan, relève avant tout d’une véritable invention.
Rappelons à cette occasion ce beau débat que notre traductrice réactualise pour nous. Si l’américain Robert Frost affirmait que “poetry is what gets lost in translation”, à savoir que la part de poésie du texte initial est ce qui se perd toujours dans toute traduction ; le russe Joseph Brodsky a pu soutenir au contraire que “poetry is what is gained in translation”, que la poésie est bien ce qui se gagne dans le texte d’arrivée d’une traduction accomplie. Les deux propositions ne sont pourtant pas contradictoire car elles sont vraies conjointement. La poésie qui est la part nécessaire du style d’un écrit, joue dans une traduction réussie d’un double mouvement de perte et de fine recréation. C’est ce que réalise pour nous et pour la transmission de la psychanalyse Helen Sheehan. Nous entendons ici saluer sa performance et son exploit, tout comme la remercier pour son engagement majeur dont elle nous donne ici le plus vibrant témoignage.