Outre le dégagement du syndrome d’automatisme mental, on doit à
G. de Clérambault l’isolement du cadre des psychoses passionnelles. Ainsi
indiquait-il que si l’interprétatif erre dans le mystère, reste
dans l’expectative, le passionnel, sous ces trois aspects de l’érotomane,
du jaloux et du revendicateur est tendu vers un but précis, dans une
exigence consciente, complète d’emblée. Il trouvait là
une modalité psychotique particulière également remarquable
par sa stabilité évolutive, le sujet étant désespérément
fixé dans un réel cristallisé d’emblée là
où pour Schreber notamment il reste longtemps mouvant, transformable,
où la signification qu’il supporte n’est pas arrêtée.
La clinique de l’érotomane nous invite donc à repérer
dans cette stabilité et ces lignes de force très singulières
l’effet d’une structure. Est-ce à dire que celle-ci met en lumière
un type d’énonciation qui emprunte les voies d’une organisation discursive
où s’indique la restitution d’une structure tétrapodique et cela
au sens où Lacan a pu en établir la permanence dans les discours
communs ? C’est l’hypothèse sur laquelle s’est appuyé notre travail.
Lacan, lors de l’ouverture de la Section clinique, a indiqué en réponse
à une question que, dans la paranoïa, nous pouvions retrouver le
S1, le S2, le sujet et l’objet a.
Nous savons par ailleurs comment il avait, à maintes reprises, insisté
sur le nombre limité des discours à 4 ou 5. Ces discours, comme
nous le savons également ont la propriété de pouvoir fonder
un lien social et participent de la propriété d’un signifiant
de représenter un sujet pour un autre signifiant. Tout sujet peut trouver
à s’inscrire dans ces structures de discours communs, dès lors
que s’est constituée pour lui l’instance de l’Idéal du Moi, avec
les possibilités d’identification ainsi ouvertes.
Néanmoins, ce que la clinique nous donne à observer pourrait
témoigner de l’existence d’au moins une autre forme de discours, se présentant
comme une structure qui, si elle n’est pas moins stable que les premières,
ne fonde pourtant aucun lien social et pourrait être ainsi dite forme
de mal discouru.
En quoi l’érotomanie n’est nullement l’effet d’un malentendu, mais une
forme de mal discouru c’est ce que nous allons tenter de montrer. G. de Clérambault
avait remarqué, comme un trait constant chez la plupart des patients
érotomanes qu’il avait pu examiner, ce qu’il qualifiait de comportement
paradoxal de l’objet.
Ce trait était tout particulièrement évident chez Madame
F. patiente présentée à Gonesse par Bernard Vandermersch.
Sollicitée de dire ce qui lui permettait d’affirmer l’existence de sentiments
amoureux chez son partenaire, elle n’évoquait pas tant quelque amabilité
qui aurait échappé à celui-ci, que toute sorte de rebuffades,
marques d’indifférence, refus, ou tout autre manifestation qui aurait
pu être une indication claire qu’elle n’avait rien à attendre.
C’était là même où elle voyait témoignage
incontestable d’amour, raison d’espérer et arguments à produire.
C’est-à-dire que c’était précisément le refus, la
Versagung, ce qui est relevé par Lacan (séminaire du 16-04-58)
comme susceptible de produire l’identification à l’Idéal du Moi
qui, loin de provoquer une transformation du lien objectal libidinal en identification,
est ici, au contraire, la condition dont s’entretient la spéculation
érotomaniaque. Cette incidence de la Versagung, à titre
de facteur décisif, loin d’être une singularité de ce cas,
y est constante. A prêter plus d’attention aux notes de de Clérambault,
on voit que celle-ci y est notée très régulièrement
parmi les quelques petits détails venant caractériser l’objet,
dont ses observations se montrent pourtant peu prodigues. Notons par ailleurs
que, nullement sensibilisé à l’intérêt théorique
de ce point, on peut penser que de Clérambault ne devait pas être
spécialement attentif à le retrouver, élément qui
pour nous ne peut qu’en rehausser l’intérêt.
Ainsi :
– Henriette, 55 ans dont l’érotomanie pure a persisté en phase
d’espoir plus de 37 années : » espoir incoercible, indices favorables
dans les refus les plus nets « .
– Léontine, 28 ans : » lui trouvant l’air fier et froid, elle assure
que jamais il n’a eu une parole ou un regard qui l’ait éclairée
sur son amour « .
– Clémentine D., 50 ans : froideur apparente de ce prêtre à
son égard.
– Renée Pétronille qui demande un sauf-conduit au fonctionnaire
secrétaire des commissariats, le fonctionnaire en question le lui refuse.
De ce refus, il se constitue comme agent de l’amour érotomaniaque.
De Clérambault, s’il avait comme nous le savons établi l’évolution
du délire érotomaniaque en trois phases, avait observé
la spéciale stabilité de l’une d’entre elle, la phase d’espoir.
Bon nombre de ses patients restaient indéfiniment à cette phase
et, chez tous ses patients, la façon étonnamment provocatrice
dont il les questionnait, indique qu’il recherchait toujours et retrouvait souvent
cette position d’attente, invariable et assurée ; cet espoir toujours
susceptible de renaître quelle que soit la phase présumée
du délire.
Tout cela révèle donc une organisation d’une stabilité
singulière marquée par l’existence de traits qui se présentent
comme des éléments à peu près invariants marquant
en cela l’effet d’une structure. Ainsi, ce que de Clérambault met en
place comme table thématique d’un délire ne nous offre-t-il pas
un abord par lequel pourrait se lire l’effet d’un certain mode de structure
discursive ?
Nous avons parlé de l’incidence de la Versagung, il est un autre
trait que nous pourrions désigner par l’excellent terme de François
Perrier, l’épreuve maïeutique, pour indiquer comment l’érotomane
est mise invariablement en position d’avoir à produire elle-même
le bon savoir sur le désir de son partenaire. Ceci l’amène, tout
aussi invariablement, à endosser la responsabilité du ratage de
l’entreprise amoureuse, puisque son succès aurait témoigné
de la reconnaissance par son partenaire qu’elle avait correctement effectué
ce franchissement qui était attendu d’elle et donc qu’elle avait convenablement
déchiffré l’épreuve à laquelle elle était
soumise. Le partenaire de l’érotomane est ainsi placé en position
de jury d’une sorte de passe, mi-examen, mi-jugement, ce qui n’est pas sans
évoquer la question tout récemment revenue à l’actualité
du transsexuel et de sa requête judiciaire.
Si tout cela relève de l’effet d’une structure de discours il s’agit
alors de savoir laquelle serait susceptible d’en rendre compte, c’est-à-dire
laquelle pourrait conditionner une énonciation à se déployer
selon les quelques grands axes qui s’offrent à notre repérage.
Ce discours, où il nous semble que l’érotomane trouve à
s’inscrire, nous l’écrivons avant d’en examiner l’éventuelle pertinence
et quelques unes de ses conséquences :
L’érotomane, comme nous le voyons, s’y inscrit en place Autre,
en qualité d’objet de son partenaire situé lui-même en place
d’agent de ce discours. Cette position est repérable comme très
précocement établie chez Madame F. qui, évoquant son enfance,
se présente comme ayant été à la fois le regard,
cause du désir de son père et l’objet soutien du regard de celui-ci
et en cela soutien de toute la maisonnée. Ceci, sans préjuger
de savoir si c’est ou non l’effet d’une place familiale particulière,
est néanmoins repérable comme sa propre version et déjà
marquée par les effets du discours érotomaniaque. En effet, la
notion de cette place qu’elle occupait pour son père nous est livrée
comme un savoir exact, accessible par une interprétation dont serait
justiciable les conduites et ce que l’on appellerait dès lors la psychopathologie
de la vie quotidienne de son père. Cette apparente affinité du
savoir paranoïaque de l’érotomane avec un certain mode d’investigation
analytique, est quelque chose sur lequel nous reviendrons quand nous aborderons
la question du statut du savoir dans le discours érotomaniaque.
L’agent de ce discours, comme cela apparaît dans les remarques
de Perrier, est remarquable par la monotonie de son éminence d’homme
de bien, que ne semble jamais distinguer aucun élément un tant
soit peu personnel. C’est qu’il intervient non pas au titre d’une singularité
mais de sa valeur représentative, comme représentant d’une représentation
c’est-à-dire comme signifiant. Et une subjectivité lui est supposée.
Cette subjectivité supposée à l’homme de bien, ne l’est
pas pour un signifiant Autre qui en l’occurence n’est pas advenu, mais pour
l’objet a que l’érotomane est pour l’homme de bien, se trouvant
ainsi mise au travail, elle, de le produire ce S2 non encore advenu.
Ce savoir qu’elle se trouve là produire, est un savoir sur la
subjectivité du Maître comme désirant ; en quelque sorte,
une interprétation, le déchiffrage correct, une version juste
de ce qu’il attend d’elle. Produire la bonne réponse à une demande
qui n’est pas formulée, c’est là le travail qui lui est demandé
à titre d’épreuve, de passage.
L’érotomane est une impétrante et quand, forte de ses spéculations
sur le sujet, elle vient mettre sa réponse à l’épreuve
d’une rencontre avec le maître, et qu’elle se voit opposer un refus, un
congé ou toute autre fin de non recevoir par lesquelles elle peut se
trouver éconduite, elle y trouve le témoignage qui vient réamorcer,
relancer la marche de son discours. En effet s’il lui est impossible d’entendre
le refus c’est parce qu’il porterait sur la possibilité d’un savoir sur
le sujet supposé au maître. Or, dans ce discours, il n’est point
de barrière entre la place de la production et celle de la vérité.
Ce qui y est produit a au contraire vocation à entretenir les relations
les plus étroites avec la vérité, puisque l’obstacle entre
ce qui peut se produire comme savoir et le sujet en tant qu’il se pose comme
vérité y est donné comme franchissable.
Ainsi la seule conséquence qu’elle pourrait tirer des refus qui lui
sont manifestés, est également la seule dont elle ne veuille absolument
pas ; qu’il n’y ait pas de sujet au maître ou plutôt que le maître
n’intervienne pas au titre d’une subjectivité. Elle se trouve ainsi devant
un choix forcé que l’on pourrait écrire : ou il l’aime ou il n’y
a pas de sujet dans l’Autre. Il est à noter que ce type d’aliénation
produite par la position érotomaniaque, l’amène à toujours
devoir expérimenter une perte qui ne se fait jamais, puisque choisissant
la vie, elle conserve la bourse et que c’est cela même qui préside
au maintien du discours. De même si le sujet se trouve effectivement impliqué
par le savoir produit, alors il y a du rapport et donc pas de mise en oeuvre
d’un processus d’identification, puisque c’est le manque de rapport qui fonde
la nécessité de l’identification.
Plus que l’amour, c’est en réalité l’aveu de l’amour qui est
sollicité par l’érotomane, c’était un des arguments de
de Clérambault pour considérer que l’orgueil et non pas l’amour
était la source principale du délire. L’obtention de l’aveu peut
seul en effet apporter cet effet de ratification du S2 produit. C’est en cela
le seul verdict attendu, veredictum, ce qui laisse supposer que les dits
ne le sont pas tous véritablement. Nous verrons cette question à
propos du destin de la division quand elle n’est plus intra-subjective.
La seule conséquence que l’érotomane soit en mesure de tirer
du refus, est comme nous l’avons vu, que la faute lui en incombe, elle n’avait
pas su comprendre ce qui était attendu d’elle. Sa version n’était
pas la bonne et la voilà remise au travail, y trouvant, sinon l’aveu
de l’amoureux, du moins la marque de son exigence. Ainsi la culpabilité
venant rendre compte de l’infortune, annule les catégories de l’impossible
et de l’impuissance. (Question classique de la justice rétributive où
l’on reconnaît la parenté dans leur silence, du Dieu de Job et
de l’agent de ce discours.)
Cette disposition, commune à tous les érotomanes, est régulièrement
relevée par de Clérambault :
– Louis G. : » J’ai toute ma conscience pour moi, toute ma raison,
je n’ai rien à me reprocher, sauf le grand tort de ne pas t’avoir comprise
« .
– Léa Anna B. : malgré ses allures hostiles le souverain amoureux
(le roi d’Angleterre) est prêt à lui revenir. Comment pourrait-il
en être autrement puisque » son unique faute (à elle)
a consisté à ne pas comprendre « .
– Henriette H., explication des refus par sa propre faute : »
je n’ai pas compris « , » je regretterai de n’avoir pas su me comporter
comme il fallait « , » j’ai été absurde en lui disant
quand je le trompais « , » quand sachant bien que je l’attendais il
a passé accompagné d’une jeune femme cela voulait dire qu’il désirait
coucher à trois, mais cette idée m’a révoltée j’ai
eu le tort de ne pas être franche, d’être trop fière, de
ne pas faire assez les avances « .
Ces quelques remarques mettent en place ce qui permet de distinguer radicalement
l’hystérie pseudo-érotomaniaque de l’érotomanie vraie.
Dans l’hystérie pseudo-érotomaniaque, qui est une forme d’errance
que l’on rencontre de façon assez commune, c’est le maître qui
est mis au travail. Si son amour est, là aussi, postulé fondamentalement,
c’est en revanche à lui de comprendre : il finira bien par s’en rendre
compte, par en tirer les conséquences. L’hystérique sait se montrer
patiente elle aussi.
Examinons maintenant la conséquence d’une telle organisation discursive
sur le statut des éléments qui la composent et plus particulièrement
celui du S2. Le S2 est ce qui est produit et il s’agit d’une création
ex-nihilo. Cela ressort assez clairement de la configuration familiale qui fut
celle de l’enfance de Mme F.. Il n’y avait pas d’Autre. Il y avait le père,
la mère n’existait pas ou bien comme déchet. » Il a violé
ma mère devant nous, ma mère n’avait plus de personnalité,
c’était une image d’amour répugnante . »
» Elle était très absente, entre deux verres elle nous
oubliait sur la plage. J’ai eu une enfance sans mère bien que physiquement
présente. Petit à petit on m’a demandé de faire les courses,
la cuisine, mon père me donnait tout l’argent que je voulais. J’avais
pris la place de ma mère, j’en suis consciente, mon père se reposait
sur moi. J’ai pas fait le reste, le ménage, la lessive. Elle faisait
les grosses corvées, moi ce qui demandait de la jugeotte. » Ce
S2 à produire est un savoir qui porte non pas sur l’objet comme dans
le Discours Hystérique mais sur le sujet, son désir, ses intentions.
Cette extrême sensibilité aux manifestations de l’inconscient
de leur partenaire et cette facilité, rejoignant en cela la démarche
de Freud, à » attribuer un sens et une intention aux petits troubles
fonctionnels de la vie quotidienne « est un trait qui s’offre à
être repéré plus volontiers dans les cas de paranoïa
pure puisqu’il n’y est alors plus masqué par d’autres points d’ancrages,
plus bruyants, du délire. La paranoïaque n’épargne pas à
ses proches le traitement psychanalytique ne suivant pas en cela les recommandations
faites par Jung à Freud. A ceci près que le savoir est considéré
là non pas comme un savoir inconscient mais comme un savoir se sachant
lui-même, quand bien même le partenaire se refuserait-il à
en faire l’aveu. Savoir promu à la dignité de vérité
ou plutôt d’exactitude et qui vient donc épingler ce qui est perçu
comme un désir consciemment ressenti même s’il n’est pas assumé.
Cette interprétation produite sur le désir s’impose comme vérité
à celui auquel il est imputé, quoi qu’il en veuille. Ainsi, si
le sujet n’est pas divisé, la division intervient-elle entre une subjectivité
et le masque social qu’elle donne à voir, le personnage. La division
:
Ceci nous amène à évoquer une autre propriété
de ce S2. On pourrait dire que d’une certaine façon, il n’est pas sans
avoir autorité sur le S1. C’est là aussi quelque chose que Mme
F. nous permettait tout à fait de repérer. Elle en appelait en
effet à l’intervention d’un tiers comme témoin et juge, qui puisse
constater l’amour et statuer sur le fond, bien que son partenaire persiste à
nier et qu’il fasse ainsi comme s’il ne savait pas ce qui l’anime et ce qu’il
éprouve. Que le S2 puisse ainsi dicter sa loi au S1 c’est un point essentiel
que nous retrouvons chez Schreber. La nécessité d’une remarque
s’est en effet imposée à lui et l’a amené à ajouter
une note à son texte en 1902 (note 35, p. 64), note particulièrement
instructive que voici : » On pourrait comprendre à tort que l’ordre
de l’univers, à savoir quelque chose d’impersonnel, s’imposerait à
Dieu, serait plus puissant que Dieu, ou même imposerait sa loi à
Dieu lui-même. L' »ordre de l’univers » c’est la relation « légitime,
intrinsèque à l’essence et aux attributs mêmes de Dieu,
qui existe entre Dieu et la créature appelée à la vie par
lui ».[…] Il s’est mis en contradiction avec lui-même. » Le
comportement paradoxal est ici qualifié de contradictoire. L’ordre de
l’univers consiste en un savoir sur les rapports de Dieu à la créature
qui constitue cette forme du néoformation d’un S2. On peut remarquer
au passage comment ce que nous apporte Schreber n’est pas sans évoquer
l’abord de cette question de la structure du S2 par Lacan et son utilisation
du modèle de la paire ordonnée à cette différence
près que la paire en oeuvre ici dans la constitution du S2 par la
relation (S Æ a) n’est pas ordonnée
le S2 ne se contient pas lui-même comme manque inclus. Il n’y a pas de
lieu de l’Urverdrängung.
Une question se présente maintenant que nous devons examiner
: ce discours met-il en place une configuration qui pourrait nous éclairer
sur ce que désigne la catégorie de l’holophrase appliquée
au champ de la psychose. Est-ce une notion qui recouvre simplement l’idée
d’un collapsus entre S1 et S2 ? A ce sujet, trois remarques que nous laisserons
à l’état d’indication :
– L’homme de bien, figure emblèmatique qui intervient dans ce discours
avec les prérogatives d’un S1, en position maîtresse, a ceci de
particulier qu’étant, comme nous l’avons fait remarquer, quelque chose
de l’ordre du représentant d’une représentation, nous pourrions
avancer à suivre Lacan (3/06/1964) que sa nature serait en fait plutôt
celle d’un S2.
– S’il ne peut y avoir dans une telle structure discursive la possibilité
d’un effet signifiant subjectivant, il y a néanmoins un sujet désigné
au lieu du partenaire. Mais ce sujet, plutôt que d’être représenté
par un S1 pour un S2 est bien plutôt sous posé à ce S1 et
constitué dans et par ce S2.
– Enfin, et pour terminer, nous pouvons remarquer que dans un tel discours,
S1 et S2 occupent l’un par rapport à l’autre, non plus des places immédiatement
consécutives mais des places diagonalement opposées.
Quels types de rapport peuvent-ils bien entretenir l’un avec l’autre dans ce
type de conjonction, autrement dit, que peuvent bien venir désigner,
dans les formules des discours, les flèches diagonales. Lacan n’en a
jamais donné de lecture explicite comme il a pu le faire pour les trajets
horizontaux et verticaux pour lesquels nous disposons d’un certain nombre de
versions.
Nous disposons tout de même de quelques indications sur les rapports
qu’entretiennent, l’un avec l’autre, les éléments situés
à des places diagonalement opposées, quand ces places sont occupées
par et S2 toujours distribués dans
ce type de position réciproque lors de la rotation des quatres discours.
Dans certaines remarques de Lacan, figurant notamment dans » D’un Autre
à l’autre « , nous pourrions reconnaître l’indication d’une
spécularité potentielle entre ces deux éléments
et S2 et cela pourrait n’être pas
sans rapport avec la disposition des places qu’ils occupent. Ainsi S2 est tour
à tour dit par Lacan, l’étoffe du sujet, le reflet de la division
du sujet, l’espoir du rassemblement de ce ,
ce qui subsume le sujet, le lieu où réside la fonction subjective
du maître. On comprend ainsi que dans un discours où S1 et S2 seraient
placés dans des positions réciproques de cet ordre, les conditions
de l’holophrase resteraient virtuellement réunies.
Le délire érotomaniaque semble donc proposer une organisation
discursive dans laquelle peut être repéré l’effet d’une
structure tétrapodique particulière. (À noter qu’à
suivre les voies de la clinique, l’écriture de celle-ci n’est pas obtenue
par une opération de transformation mathématique à partir
des cinq formes de discours proposées par Lacan).
Dès lors trouver au terme de notre travail la validation de l’hypothèse
dont nous étions partis pourrait n’indiquer rien d’autre que le retour
dans notre clinique de ce qui s’y trouvait déjà, à savoir
les formes enseignées par Lacan (qu’un certain mode de persévération
nous amènerait à retrouver systématiquement) c’est dire
que le constat de la présence de cette structure ne prend sa réelle
valeur qu’à la condition que justement elle ne se retrouve pas dans toutes
les formes de psychoses dites délirantes. Or cela la clinique le montre
abondamment.