Titre de psychothérapeute : lettre à C.Landman et M.Lerude
09 juin 2008

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MELMAN Charles
Controverses



À Claude Landman et Martine Lerude

Mes chers amis,

La position récente prise par des sociétés psychanalytiques influentes afin de séparer radicalement, dans l’application de l’article 52, le couple psychanalyse et psychothérapie, a le mérite de la clarté et de privilégier les principes. On aimerait pouvoir y souscrire.

Malheureusement le divorce salutaire ainsi réclamé par l’un des partenaires ne signifie aucunement que l’autre y consentira.

Nos collègues semblent écarter le fait que la difficulté actuelle est venue d’un puissant lobby privé – "les fédérations de psychothérapeutes" décidé depuis de longues années à faire aboutir la reconnaissance du Diplôme d’État qu’elles délivreraient et qui, couvrant l’ensemble des pratiques, inclurait nécessairement la nôtre. Dans ce cas, les psychanalystes devraient leur formation et le droit d’exercice à ces Écoles privées. À l’insu de la grande majorité des collègues, un tel projet a d’ailleurs failli aboutir sous le gouvernement Jospin avec le projet de loi déposé par le député vert Marchand – rédigé par son assistant parlementaire lui-même "psychothérapeute"- et que Madame Guigou, alertée par un de nos collègues, a fait retirer in extremis.

Mais ce projet garde la faveur de pouvoirs publics soucieux de garantir, face à la pression des associations de consommateurs, la qualification "psy" et aussi à cause de la création d’emplois qu’il provoquerait. Monsieur Dreyfus-Schmitt, alors sénateur de Belfort, m’a avancé le chiffre de 150.000. Le bas tarif envisagé de l’acte et son non remboursement (comme pour les médecines dites "douces") soulagerait d’autant le budget public d’une psychiatrie dont on sait comment les effectifs sont déjà rognés. Cette délégation au secteur privé d’un monopole public – et avec l’avantage dès le départ d’un paiement par les étudiants de leur scolarité – va dans le sens de ce qui s’est déjà accompli en Italie, grâce d’ailleurs à l’activisme d’une "École" française, bien sûr à l’oeuvre aussi chez nous. La formation des analystes et la place de leurs sociétés ne s’en trouvent pas améliorées.

La sagesse et l’information du législateur français nous ont valu d’être protégés par l’article 52 contre une telle issue, confirmant par ailleurs l’aptitude théorique, pratique et déontologique du psychanalyste à exercer dans le domaine de cet avatar, la psychothérapie.

Le refus par des collègues de cette reconnaissance spécifique (au profit de la formation médicale ou psychologique) justifierait pleinement l’ambition des "Fédérations de psychothérapeutes" qui veulent banaliser la psychanalyse dans la panoplie de leur offre, en faire un élément de leur hypothétique "formation".

Le risque allégué par ces collègues d’une telle reconnaissance serait la multiplication d’"Instituts de psychanalyse" destinés à contourner la loi. Certes il n’est pas d’option qui n’ait ses inconvénients. Mais dans le cas présent, il serait facile au Ministère, s’il y avait contentieux, de vérifier si l’Association dont se réclame le "psychanalyste" a un but lucratif ou pas.

Il est intéressant de noter enfin que, près de cent ans après Freud, la question de l’analyse profane est toujours ouverte et qu’un psychanalyste risquerait encore de paraître vouloir fonder sa qualification sur d’autres disciplines que la sienne.

Je souhaite verser ces quelques remarques au débat et vous remercie de bien vouloir y procéder.