Sur le terrain hospitalier. Du témoignage à la réflexion
21 juin 2025

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Véronique Beaudré Bellein
Textes

Quels repères pour quels parcours?

Introduction

Aujourd’hui, j’aimerais ouvrir la réflexion, non pas comme un spécialiste (que je ne suis pas), mais comme un CANDIDE.

Mon terrain hospitalier et ses constats

 

1_ En Soins Palliatifs,

La personne malade est reconnue dans sa complexité et pas uniquement à travers le dysfonctionnement de ses organes.

Le patient est un sujet qui ne peut être réduit à « l’objet corps. »

    ~ Le sujet est le produit intriqué du corps et de l’esprit, intriqué au sens de  ce qui se passe dans le corps, l’esprit en répond et inversement, ce qui se passe dans l’esprit, a aussitôt un répondant corporel.

 

2_ À travers mon engagement dans la prise en charge des patients contaminés par le VIH, j’ai été confrontée à la question de la pluralité des êtres (homosexuels, toxicomanes, personnes d’origine africaine, aventuriers etc.) ainsi qu’à la question de la sexualité et son cortège de déclinaisons. J’ai été quelques fois confrontée à la question de la transidentité lors de demandes de transformation d’hommes homosexuels, et parfois séropositifs, sans prendre part pour autant à la réflexion et aux décisions.

Comme vous le voyez, je ne suis donc pas « experte » sur la question du transgenre. Lorsque j’ai été sollicitée pour intervenir aux journées d’étude sur ce thème, j’ai tout d’abord été déstabilisée, voire effrayée … « Qu’est-ce que  je vais pouvoir dire, qu’est-ce qu’on attend de moi ? » Mais cela m’a aussi interpellée, je me suis sentie convoquée.

Ce thème sensible et délicat, de la transidentité m’intéressait !

 

Partie1: Définitions

Comme tout à chacun, je me suis d’emblée posé la question: « Comment définir ces trois mots? » Sexe. Genre. Identité.

« Y a-t-il une définition unique ou est-elle plurielle? »

« Est-ce que chacun y met le même sens ? »

 

1_ Sexe

            * Ensemble des caractères qui permettent de distinguer chez la plupart des êtres vivants, le genre mâle et le genre femelle, soit pour le genre humain l’enfant de sexe masculin et l’enfant de sexe féminin.

            * Nom donné aux organes génitaux visibles (pénis, vulve, vagin) qui permettent la sexualité (reproduction).

 

2_ Genre

            * Division fondée sur un ou plusieurs caractères communs, avec un sens général de groupement, catégorie.

 

3_ Identité

            * En droit et dans l’usage courant (1801), il désigne le fait pour une personne d’être un individu donné et de pouvoir être reconnu pour tel.

        ~ Identité sexuelle: C’est le fait de se reconnaître et d’être reconnu, comme appartenant à tel sexe.

            * Ensemble des  données de fait et de droit

         – nom et prénom

         – date, heure et lieu de naissance

         – sexe

         – filiation

 

Partie 2: Concepts d’identité sexuelle et d’identité de genre

 

1_ Robert Stoller (Dictionnaire de la psychanalyse, 2009)

            * Identité sexuelle

      Le concept vise à établir une distinction entre les données biologiques (le sexe à la naissance) qui font objectivement d’un individu, un mâle ou une femelle et celle psychologique et sociale qui l’installe dans la conviction d’être un homme ou une femme.

                        ~ opposition entre sexe (sex) et genre (gender), le sexe étant réservé au sexe biologique, et la détermination de celui-ci qui dépend d’un certain nombre de facteurs physiques et objectivement mesurables que sont:

              – le génotype (XX, XY, autre)

              – le dosage hormonal

              – la constitution des organes génitaux externes et internes

              – les caractères sexuels secondaires

 

2_ Daniel Sibony (L’entre-deux sexuel, 2024)

            * Identité de genre

            On dit que le genre est la partie socialement construite de l’identité sexuelle, mais cette partie ne peut être séparée du substrat charnel et du support symbolique dont elle émerge avec lesquels elle est toujours en relation interactive de sorte que l’identité sexuelle est l’intrication de deux facteurs inséparables, le sexe et le genre, le biologique et le symbolique.

            > Réflexion (VB): Tout comme le sujet est le produit intriqué du corps et de l’esprit

            ~ le dialogue entre symbolique et biologique, c’est le quotidien du psychanalyste… Le fœtus ou le nouveau-né est déjà infiltré de filons symboliques qui l’aideront à vivre ou l’entraveront.

 

Partie 3: La transidentité (ChatGPT)

 

1_ L’identité de genre: cela correspond au sentiment profond d’être un homme ou une femme quelque soit les organes génitaux avec lesquels la personne est née.

            > Réflexion VB: Adéquation ou inadéquation entre sexe et genre sont à l’origine d’un sentiment de transidentité ou pas !

                        Témoignage Olivia Chaumont (D’un corps à l’autre, 2013)

                                    « Femme, piégée dans un corps d’homme. »

 

2_ Transidentité: terme englobant, qui désigne toutes les personnes dont l’identité de genre diffère du sexe « assigné » à la naissance.

3_ Transgenre: personne dont l’identité de genre est différente du sexe « assigné » à la naissance, ne présumant pas d’une demande de transition.

            ~ Pour l’HAS: personne dont le sexe biologique n’est pas aligné avec l’identité de genre.

 

4_ Transsexuel: terme, plus ancien qui désignaient les personnes ayant entrepris une transition médicale, traitement hormonal, chirurgie, pour aligner leur corps avec leur identité de genre.

            ~ Petit rappel sur le développement de l’embryon

            Malgré le génotype, à la base de la différenciation sexuelle, il existe au départ une certaine indifférenciation originelle

  • on retrouve ainsi des hormones mâles et femelles dans des proportions différentes chez les individus des deux sexes
  • de même que l’on reconnaît dans les organes masculins et féminins, le résultat de l’évolution ou de l’involution des mêmes organes originels.

 

             > Réflexion (VB): Notre  sexe de naissance est le fruit d’une rencontre du masculin et du féminin, de l’assemblage de gamètes, quelque soit la voie utilisée pour cette rencontre (accouplement ou procréation assistée), au fil du hasard de la vie. Pourquoi ce terme de sexe « assigné » à la naissance qui vient, contrairement à la beauté du fruit du hasard, revendiquer une possible action maîtrisable permettant une autre démarche, celle de pouvoir être réassigné et celle de permettre aux médecins de jouer parfois aux apprentis sorciers…

 

Partie 4: Mouvement TRANS et évolution sociétale.

 

1_ Le transsexualisme (Dictionnaire de la psychanalyse, 2009)

            * L’illustration la plus démonstrative  de la dissociation entre le biologique et le psychologique est offerte par les transsexuels. Ce sont en effet des individus qui ne présentent aucune anomalie biologique ou même simplement anatomique, qui tout en convenant de la réalité de leur anatomie sexuelle ont la conviction d’appartenir à l’autre sexe. Ils se présentent comme une femme dans un corps d’homme ou plus rarement l’inverse, et  réclament le plus souvent la rectification chirurgicale de leur anatomie dans le sens de ce qu’ils considèrent comme leur identité profonde.

            * Pour cerner la question qu’ils posent (dissociation sexe/genre) il convient de les distinguer de plusieurs autres cas avec lesquels ils risquent d’être confondus

                        – ils ne s’identifient pas à l’autre sexe de façon inconsciente (dans leurs rêves ou dans certains de leur comportement) c’est-à-dire que leur revendication ne se présente pas sous la forme propre de la névrose.

                        – il ne faut pas non plus, les confondre avec les travestis fétichistes qui jouissent précisément de la présence de leur pénis sous les vêtements féminins et ne remettent pas du tout en question, leur identité masculine.

                        – ce ne sont pas non plus des homosexuels efféminés qui même s’ils jouent parfois le rôle d’une femme au point de se travestir (Drag queen d’aujourd’hui) ils le font comme une parodie et conservent à leur pénis une fonction  essentielle dans leur vie sexuelle.

                        Témoignage Olivia Chaumont (D’un corps à l’autre, 2013)

                                    « Chaque fois, j’ai dû tout raconter en prenant des précautions pour ne pas choquer bien faire comprendre ce qu’est la transsexualité, sa différence avec l’homosexualité. »

                                    « A garder les yeux ouverts sur la nuit qui ne passe pas, sur ma vie qui passe, sur les souvenirs d’un gâchis de vie, le cul entre deux chaises pendant trop d’années. Une douleur qui ne serait pas si ma vie avait été autre, si la foudre avait frappé ailleurs, quelqu’un d’autre, si… si…s’il n’y avait pas eu cette erreur de départ car c’est de ça qu’il s’agit d’un bug, d’un mystère, d’une erreur lointaine comme une déchirure dans un tissu fragile qui laisse à l’infini des marques d’un drame inutile. Même refermée la cicatrice demeure visible et ne cachera jamais cette blessure d’où je viens…Un corps qui ne sera jamais vraiment…Mais qui est déjà plus. »

 

2_ Le mouvement TRANS. Daniel Sibony (L’entre-deux sexuel, 2024)

            Il a connu trois vagues:

            * Ceux de la première vague, croient dur comme fer à la différence sexuelle, un sexe qu’ils veulent avoir et qui pour eux sera leur genre et à la chirurgie pour l’obtenir.

            * Ceux de la deuxième vague, s’en tiennent aux hormones pour passer à volonté d’homme à femme ou de femme à homme.

            * Les suivants, les TRANS actuels sont ceux de l’affirmation, ni chirurgie ni prise d’hormones. Avec l’apparence d’un homme ils peuvent déclarer qu’ils sont femme ou l’inverse et être assurés, s’ils réunissent les conditions par rapport à la transition sociale, de n’être pas contredit car s’ils sont contredits ils sont victimes, ce qui donne en principe aujourd’hui, un statut inviolable.

            > Réflexion (VB): Évolution sociétale et son infiltration par le wokisme!

 

Partie 5: Recommandations de bonnes pratiques et parcours de transition des personnes transgenres.

 

Les recommandations HAS, 2025 sont en attente.

 

À la demande du ministère des solidarités et de la santé, un premier travail réflexif suite à la décision de l’OMS en 2018 de retirer la transidentité de sa liste des maladies mentales a eu lieu en 2021. Ces prémices de réflexion ont été validés par le collège en septembre 2022, mais elles n’ont pas abouti sur des recommandations jusqu’à présent.

 

Voici quelques points clés de cette ébauche:

 

1_ Objectifs de ce travail en vue de recommandations

            * Évaluer les conséquences en terme de parcours de soins de la décision de l’OMS de 2018.

            * Revoir la place de l’évaluation psychiatrique dans le processus de réassignation sexuelle hormono-chirurgicale.

            * Elaborer un nouveau protocole en lien avec les professionnels de santé et les associations communautaires dans le but d’améliorer l’organisation des soins, afin d’ assurer la qualité et la sécurité de la prise en charge de ce public.

            * Structurer la prise en charge médicale du parcours de transition en promouvant une articulation entre le médecin de premier recours et les spécialités médicales, endocrinologie, chirurgie et psychiatrie.

            * Structurer la prise en charge pour les mineurs.

            * Répondre aux attentes des usagers dont la place doit être centrale dans la définition des parcours de l’offre de soins.

            > Réflexion (VB): Discours stéréotypé, s’inscrivant dans les prérogatives actuelles de notre système de santé, quelle est la place du sujet ?

 

2_ État des connaissances.

            * Pas vraiment d’études pour estimer le nombre de personnes transgenres. En France, on avance le nombre de 20 000 à 60 000 personnes en 2022.

            * Le trouble de l’identité de genre relève d’une ALD (hors liste) depuis le 8 février 2010. En 2020, environ 9000 personnes sont titulaires d’une ALD pour transidentité.

            * Troubles ou problèmes associés à la transidentité (différents des conséquences du traitement médico-chirurgical de transition).

                        – Surexposition à l’infection VIH et aux maladies sexuellement transmissibles (étrangers et personnes se prostituant).

                        – Troubles de santé mentale, idées et conduites suicidaires.

                        – Consommation de substances psychoactives.

                        – Vulnérabilité psychosociale: rejet, ruptures, violences, stigmatisation, solitude.

 

3_ Les enjeux concernant les personnes en   questionnement sur leur identité de genre.

            * Diminution de l’errance des personnes.

            * Diminution de la stigmatisation.

            * Diminution de l’auto médicalisation.

            * Préservation de la fertilité.

            * Permettre une meilleure santé mentale.

            ~ Ces enjeux passent par:

                        – Une sensibilisation et une formation des professionnels.

                        – Une homogénéisation des pratiques.

                        – Une meilleure organisation des soins, tout en permettant la diversité des parcours de transition.

 

États des lieux du terrain brestois.

Ne sachant pas par où commencer, j’ai pris le temps de contacter les différents services et/ou personnes responsables, susceptibles d’être concernées par cette question de la la transidentité, à savoir, le service d’endocrinologie, le service de chirurgie plastique, le service de santé sexuelle, le service de psychiatrie et le responsable de la maison des adolescents.

 

1_ Du point de vue endocrinologue

Une jeune médecin, a pris le relais de sa cheffe de service, partie en retraite depuis peu. Pour autant, celle ci étant en congé de maternité, aucun praticien du service d’endocrinologie au CHU n’était apte à répondre à mes questions et aucune consultation spécifique n’était possible avant la rentrée de septembre 2025.

 

2_ Du point de vue psychiatrique

Malgré un appel au secrétariat et un mail réitéré, je n’ai jamais eu de retour du psychiatre concerné par cette question.

 

3_ Du point de vue chirurgical

Connaissant personnellement, le chirurgien plasticien avec lequel je travaille depuis de nombreuses années pour la prise en charge des lipodystrophies en lien avec l’infection VIH, je n’ai eu aucun mal à le joindre par téléphone.

J’ai tout d’abord été surprise d’apprendre qu’au CHU de Brest, le service de chirurgie plastique était un des services référents en France.

La secrétaire que j’avais eu auparavant au téléphone m’a effectivement précisé que des interventions de réassignation se faisaient très régulièrement dans leur service.

Le chirurgien d’origine chinoise (que j’ai parfois du mal à comprendre au téléphone…) m’a aussi avancé le chiffre de 60 000 personnes en demande de prise en charge en France. Il m’a expliqué qu’il avait été formé en 1995 à Bordeaux, et qu’effectivement il était spécialisé dans ce type d’interventions chirurgicales. Il a insisté sur le fait qu’aucune décision ne pouvait se prendre sans réunion de concertation pluri professionnelle (RCP) avec les endocrinologues et les psychiatres du CHU et qu’il ne voyait pas de personnes en demande de prise en charge chirurgicale en dehors de ce contexte. Il m’a aussi précisé qu’il ne s’agissait jamais d’une intervention programmée dans le cadre d’une consultation privée ce qui voulait dire sans surcoût pour la personne. Je l’ai malgré tout, senti un peu hésitant, à aller plus loin dans l’échange, comme s’il s’agissait d’un sujet qui restait malgré tout tabou.

 

4_ Rencontre avec le responsable de la maison des adolescents.

Nous avons pu échanger assez longuement, sur cette question de la dysphorie de genre qui est  récurrente pour lui depuis quatre à cinq ans. Il m’a rappelé les grandes étapes de cette période de l’adolescence avec ses mutations psychiques, ses transformations physiques et sa grande  vulnérabilité.

Il a abordé deux  fantasmes universels de l’adolescent à savoir l’androgynie et l’auto-engendrement.

L’androgynie est pour lui en lien avec une forme de délire de ne pas être dans le bon corps alors que la puberté au contraire impose l’assignation à un sexe, l’adolescent d’aujourd’hui repousse la  ligne d’horizon « ce qui me détermine c’est ce que je dis de ce que je suis et non pas ce qu’on dit de moi » qu’est ce que cette affirmation devient avec le temps ?

L’auto-engendrement est une forme de revendication de l’adolescent qui dit « c’est mon corps, c’est ma vie, c’est mon choix. » cette affirmation est proche d’une conduite suicidaire, c’est aussi « je n’ai pas choisi de naître mais je peux choisir de mourir », l’adolescent est alors son propre créateur mais aussi son propre destructeur.

Ce psychologue était aussi particulièrement vigilant au fait que les adolescents sont des caisses de résonance décuplée, sensibles à cette nouvelle mouvance du genre et souvent perturbés par cette vague TRANS. Pour autant, il dissocie la question de l’identité de genre en terme de revendication sociale et comme phénomène anthropologique, du transsexualisme qui nait d’un désir enraciné et profond de changer de sexe.

 

5_ Échange par mail avec la sage-femme du centre de santé sexuelle.

Celle-ci a pu grâce à ma demande mettre à jour son répertoire m’a-t-elle précisé et m’a donc transmis la cartographie locale.

Un endocrinologue libéral à Brest a une consultation spécifique pour cette prise en charge, deux généralistes et une gynécologue proposent de répondre aux  besoins de la population ( à savoir que les médecins généralistes ne peuvent  actuellement pas prescrire en première intention le traitement hormonal) et les associations LGBT, proposent des groupes de paroles pour les personnes concernées ainsi que pour leur entourage.

 

Partie 6: Les trois axes possibles du parcours de transition

 

1_ La transition sociale

C’est le fait de vivre dans son environnement dans un genre social autre que son genre de naissance.

D’où les termes: personne trans, gender queer, gender fluid.

 

2_ La transition administrative (juridique)

Elle porte sur la modification du prénom et/ou de la mention de sexe à l’État civil.

Loi du 18 novembre 2016, Art 61–5 à 61–8 du Code civil intitulée: «Changement de la mention du sexe à l’État civil.»

            * Pré requis

                        – personne se présentant publiquement dans le genre revendiqué (vêtements, prénom, comportement social).

                        – personne, reconnue, comme telle par son entourage.

                        – demande, cohérente et constante.

            * Constitution du dossier

                        La personne doit apporter des preuves de sa vie sociale, conforme au genre revendiqué.

            * Procédure judiciaire au Tribunal de grande instance.

                        – la demande se fait auprès du tribunal judiciaire, du lieu de naissance ou du domicile.

                        – il est fortement conseillé de se faire accompagner par un avocat, mais ce n’est pas obligatoire.

                        – la demande doit contenir une requête écrite (lettre au juge) et des pièces justificatives (constitution du dossier).

                        ~ le juge peut accepter la demande ou la refuser, il est possible de faire appel.

            * Modification de l’acte d’État civil

                        – l’officier d’État civil de la mairie de naissance modifie l’acte de naissance.

                        – le changement est ensuite transmis à l’INSEE pour la mise à jour du NIR (N°SS) et des autres documents officiels.

                                    NB: • le changement ne doit pas être rendu public sans consentement. Le secret du changement de sexe est protégé par la loi (Art 61-8 du Code civil).

  • le changement ne crée ni ne modifie les liens de filiation.

 

3_ La transition médicale

            * Concerne l’ensemble des soins médicaux liés à la transition de genre.

            * Le parcours se fait au sein du système de santé spécifique visant à obtenir les modifications corporelles, souhaitées et part:

  • des médecins (hormonothérapie, épilation/laser)
  • des chirurgiens (plastie du visage, de la poitrine, pelvienne)
  • d’autres professionnels de santé en fonction des besoins (psychiatres ou psychologues, orthophonistes…)

Partie 7: Le parcours de soins lors d’une demande de transition.

> Réflexion (VB) Est-ce le fruit du hasard? Le 20 juin 2025, l’assurance-maladie nous envoie un mail intitulé:

« À vos côtés dans votre parcours de transition de genre. » avec un numéro de téléphone 0 806 060 106 et un mail parcourstrans@assurance–maladie.fr

 

1_ Au fil des rencontres

Nécessité de se donner du temps

            * Évaluer la demande et laisser s’exprimer:

  • l’histoire de la personne
  • l’origine du mal-être et la prise de conscience de l’incongruence de genre
  • le vécu au sein de la famille et de l’entourage
  • la souffrance personnelle
  • les conséquences sur la vie de la personne (repérer notamment les addictions)

            * Poser le diagnostic de dysphorie de genre, ne pas se tromper ou se méprendre.

            > Réflexion (VB): Est-ce une maladie? Si oui dans quel registre peut-on la classer? A-t-elle un remède ? Sur quels critères s’appuyer ?

La personne a souvent fait son auto diagnostic d’après ce qu’elle ressent, et ce depuis longtemps, source de souffrance avec une impression de profonde erreur d’où la demande de rectification.

                        Témoignage:  Olivia Chaumont (D’un corps à l’autre, 2013)

                        « le problème, c’est que le transsexualisme n’a rien d’une maladie mentale, on ne sait rien de ses causes et de ses origines et le psy encore moins que le trans. Ils ne savent pas pourquoi ils sont trans mais ils savent qu’ils le sont. Le psy peut accompagner si besoin, pour veiller à ce que le trans ne se mette pas en danger, mais pas plus. »

                        « parfois elles ( les femmes transgenres) ne sont prises au sérieux que si elles ont fait une TDS. »

            * S’assurer de l’autodétermination de la personne et permettre un choix éclairé en améliorant l’accès à une information précise et complète par rapport au parcours de soins et aux risques de la prise en charge médicale et/ou chirurgicale.

            > Réflexion (VB): Est-ce qu’une personne est réellement libre lorsqu’elle fait cette demande de transition? Je n’en suis pas sûre… Certes la demande est authentique, elle vient de loin, elle envahit le champ de la pensée, pour autant la personne ne semble pas vraiment avoir le choix, elle subit une certitude celle d’une erreur à rectifier!

            Témoignage1:  lors d’une consultation au CHU de Brest après une transition de genre d’un homme homosexuel

            « C’était en moi, c’était plus fort que moi. Je ne pouvais pas faire autrement. C’était devenu une obsession un but à atteindre. D’ailleurs, ma mère m’a dit, qu’elle avait compris que je n’étais pas dans le bon corps dès ma plus jeune enfance. »

            Témoignage 2: Olivia Chaumont (D’un corps à l’autre, 2013)

            « j’allais leur imposer quelque chose comme quelque chose, s’était imposé à moi. »

            ~ Pour autant il semble essentiel de rester vigilant par rapport au diagnostic différentiel ou associé et à la question des « faux » trans, fabrique d’une société qui évolue et s’embrouille.

 

2_ L’examen clinique et le bilan complémentaire.

Pour moi, l’examen clinique reste indispensable à l’heure d’une médecine devenue technicienne. En dehors de repérer des anomalies cliniques, il replace le sujet dans la réalité de son corps, quelqu’il soit, bon, mauvais, défaillant etc…Il permet une rencontre différente de celle qui s’appuie sur la parole, parfois plus authentique car livrant de l’intime, du non-dit, du corporel et en cela de l’essentiel.

 

3_ L’information de la personne sur la prise en charge thérapeutique et ses conséquences.

            * L’hormonothérapie (prescrite hors AMM!)

  • Elle a pour objectif de développer les caractères sexuels secondaires du genre souhaité et de réduire ceux du sexe biologique.

                                    – femme trans: dévirilisation grâce aux Anti-androgènes, féminisation grâce aux Œstrogènes

                                    – homme trans: déféminisation grâce aux Progestatifs qui bloquent les règles, virilisation grâce à la Testostérone.

                        ~  Nécessité de dosages hormonaux réguliers.

  • Expliquer que la transformation souhaitée obéit à une temporalité qui est celle d’une puberté, et que les effets évolueront sur une période de trois à cinq ans.
  • Ne pas faire fi des risques de l’hormonothérapie: risques cardio-vasculaires (thrombose, polyglobulie), ovaires kystiques, cancer du sein, cancer de la prostate, troubles de l’humeur…

 

            * La chirurgie de réassignation

            Daniel Sibony (L’entre-deux sexuel, 2024): Aujourd’hui, la solution technique est à portée de main.

  • Nécessite un chirurgien formé et expérimenté. Ce sont souvent les services de chirurgie plastique qui sont les centres de référence.
  • Il s’agit d’un processus long (et parfois coûteux) avec différentes étapes, chirurgie du visage et du cou, chirurgie du thorax, chirurgie du pelvis (stérilisation?)
  • Les risques chirurgicaux ne sont pas anodins, risque de l’anesthésie, risque d’infections et de nécrose, syndrome algique parfois difficile à supporter.
  • En postopératoire, convalescence nécessaire avec parfois une rééducation, notamment dans le cadre des femmes trans.

            Témoignage: Olivia Chaumont (D’un corps à l’autre, 2013)

            « Pour un certain nombre de filles, l’opération n’est pas une finalité. Certaines ne peuvent pas ne veulent pas être opérées. Ce qui importe c’est de vivre sa féminité et d’être reconnu comme femme. »

 

4_ Le vécu

            * Prendre conscience de ce qui ne va pas changer (transition après puberté)

  • du point de vue corporel, la stature, l’aspect des pieds et des mains, la voix pour les femmes trans.
  • la façon de s’exprimer parfois …
  • la structure de personnalité et ses fragilités.
  • quid de l’orientation sexuelle après transformation?
  • Savoir que ce qui va changer peut décevoir

            Témoignage: Olivia Chaumont (D’un corps à l’autre, 2013)

            « Je détaille leur visage et ne peux m’empêcher de juger de la réussite ou non de leur transformation. »

            * Évolution des liens avec l’entourage, jugement, violence, rupture ou acceptation?

            * Question sensible de la réaction et de la place des enfants quand ils existent.

            * Les répercussions de la stérilisation, du point de vue humain.

            Daniel Sibony (L’entre-deux sexuel, 2024): Pour autant, transmettre son patrimoine génétique, avoir des enfants de son sang, reste un souci immémorial chez les humains.

            > Réflexion (VB): Actuellement la conservation des gamètes est possible, mais quel sens cela a?

            * L’inconnu de vivre « autre », quelles répercussions en terme de construction identitaire?

            Témoignage: Olivia Chaumont (D’un corps à l’autre, 2013)

            « Quelle va être ma vie maintenant? J’ai traversé la rivière, je découvre des terres inconnues. Je suis une femme sans savoir ce que c’est de l’être… Je dois tout découvrir et d’abord un nouveau rapport aux autres. Tous mes repères disparaissent. »

            * La trace d’origine qui ne s’efface pas complètement.

            Témoignage 1: Nancy Huston (Francia, 2024)

            « C’est plus simple avec les trans. Un trans a tout ce qu’il faut pour être une femme, sauf qu’au lieu d’être compliqué comme une femme, c’est simple comme un homme. »

            Témoignage 2: Olivia Chaumont (D’un corps à l’autre, 2013)

            « PDG est un bon amant, je m’en aperçois vite à la façon dont il s’y prend, je pense à la façon dont je m’y prenais, moi avant… Je sais ce qu’un homme désire, ce qu’un homme ressent et qu’une femme ne connaîtra jamais. Je découvre ce qu’une femme ressent, et qu’un homme ne connaîtra jamais. »

 

Partie 8: Questions éthiques

 

L’éthique médicale questionne et guide l’action en contexte clinique complexe, elle interroge les conflits entre valeurs et bénéfices médicaux. Elle aide à trouver la meilleure solution (ou la moins pire).

 

1_ Rester à l’écouter pour ne pas se méprendre

Notamment sur cette notion du «mauvais corps» et de son inscription dans notre société actuelle.

Daniel Sibony (L’entre-deux sexuel, 2024): Cette expression vaut pour chacun! Qui à un moment ou à un autre n’a pas trouvé que son corps n’était pas le bon.

Pour autant…

Témoignage : Olivia Chaumont (D’un corps à l’autre, 2013)

« Je regarde mon corps avec un contentement renouvelé qui compense les larmes versées. »

 

2_ Se méfier du discours militant dans une France qui est de plus en plus infiltrée par les réseaux sociaux qui influencent notamment et grandement les plus jeunes.

Daniel Sibony (L’entre-deux sexuel, 2024): Le discours militant pousse le bouchon toujours plus loin jusqu’à poser que le trans donne la vraie norme de ce que sont un corps et une sexualité, ils posent comme acquis ce qu’ils veulent démontrer…

Certains pensent même que c’est l’entourage qu’on doit guérir…Lequel pourtant s’adapte bien mais pas au point d’admettre que la norme soit celle du trans.

 

3_ Etre conscient de l’ambivalence, des soignants face aux demandes de transition et la proposition, notamment, d’une prise en charge psychologique.

            * Les uns la conçoivent pour aider à l’affirmation de genre.

            * Les autres pour essayer de déterminer les causes du désir de transition.

 

4_ Éthique de la chirurgie

Amputation – Mutilation – Acte chirurgical thérapeutique?

Des termes qui s’entrechoquent!

Dans un contexte éthique, la distinction entre amputation et mutilation prend une dimension particulièrement forte car elle touche à des questions:

            * de consentement

            * de nécessité médicale

            * de violence

            * de dignité humaine (au sens ontologique)

 

Une amputation est considérée généralement comme moralement justifiée, si elle est pratiquée avec le consentement éclairé du patient ou de son représentant, dans un but de sauvegarde de la vie ou de la santé (gangrène, cancer, blessure etc…) par des professionnels de santé, dans un cadre médical et légal.

En éthique biomédicale, l’amputation est acceptable si elle respecte les principes d’autonomie, de bienfaisance, de non malfaisance et de justice.

Cela suppose une intervention contrôlée parfois vitale pour empêcher une aggravation voire un décès.

 

La mutilation est presque toujours considérée comme une atteinte grave à l’éthique, car elle viole l’intégrité physique et la dignité de la personne. Elle est souvent infligée sans consentement, voire contre la volonté de la personne qui devient victime.

Elle peut-être irréversible et entraîner des souffrances, un handicap, une stigmatisation (mutilations génitales féminines, tortures, châtiment comme une main coupée pour vol, mutilations rituelles ou culturelles…)

 

Comment considérer la demande de rectification dans un contexte d’erreur ressentie viscéralement par un humain dans le cadre d’une dysphorie de genre?

Pour les personnes concernées, il s’agit d’un acte chirurgical thérapeutique d’affirmation. Le consentement éclairé est présent. Il ne s’agit pas d’une mutilation parce qu’il n’y a pas d’atteinte non justifiée à l’intégrité corporelle, en effet la demande vient de la personne elle-même, il s’agit d’aligner le corps à l’identité de genre.

Pour les chirurgiens concernés, ils valident en réunion de concertation un acte chirurgical nécessaire pour réduire la souffrance réelle et profonde d’un être humain. Ils ne se placent sans doute pas dans un contexte d’amputation au sens littéral du terme à savoir sauvegarde de la vie ou de la santé mais plutôt dans celui d’une rectification essentielle, indispensable, validée par un collège médical.

 

Pour autant comment décider?

Daniel Sibony (L’entre-deux sexuel, 2024): mais décider de quoi du reste, que la dysphorie de genre est une grande souffrance? Les sujets, eux-mêmes en témoignent. Peuvent-ils guérir de leur dysphorie de genre par un acte médical spécifique? Les trans n’échappent pas de l’autre côté aux limites et aux contraintes ordinaires de l’être humain.

            > Réflexion (VB): Ces personnes peuvent parfois aller mieux, parfois regretter leur démarche, mais dans tous les cas, cela nécessite un réel accompagnement soignant et un engagement éthique de qualité.

 

Partie 9: L’accompagnement soignant.

Ce travail réflexif m’a fait réfléchir à un concept essentiel en Soins Palliatifs et qui pour moi devrait être celui de toute prise en charge médicale complexe, celui de l’accompagnement soignant.

Dans le terme accompagnement, on retrouve « ac » qui signifie vers, « cum » qui signifie avec, et « pagnis » qui signifie le pain.

Trois dimensions s’inscrivent dans ce terme, la relation pour cum, le cheminement pour ac et le partage pour panis.

Pour autant dans la relation le patient et le soignant n’ont pas un statut égal. Ils vont devoir fonctionner dans une relation conjuguant disparité des places et parité relationnelle.

L’accompagnement soignant renvoie toujours à une idée de cheminement qui inclut un temps d’élaboration et des étapes, qui composent la mise en chemin, le plus souvent en lien avec une situation particulière.

Elle vient dire que l’accompagnement est le plus souvent temporaire avec un début, un développement et une fin…

Il se soutient toujours d’une rencontre unique, mais nécessite le regard croisé d’une équipe pluridisciplinaire.

L’accompagnement soignant reste je pense une pierre angulaire dans ces situations cliniques complexes d’un nouveau genre… qui nous dérangent et nous perturbent malgré tout!

 

Conclusion

Aujourd’hui, on s’offre sans doute le luxe de réfléchir à la question de la transidentité parce qu’elle ne touche pas vraiment à l’humanité et la question de sa survie.

Comme le dit Pierre Legendre dans La fabrique de l’homme occidental, « L’humanité jamais ne se renie. Elle vit, elle meurt sans compter. »

Pour autant en tant que soignant, la personne en quête de transidentité nous engage.

En référence à ce qu’Emmanuel Lévinas a nommé « l’épiphanie du visage » elle nous convoque et nous oblige dans sa souffrance, qui s’inscrit pour lui dans une perspective interhumaine, sans différence les uns envers les autres.

Mais cet engagement ne peut se faire sans un fondement éthique de qualité et là est sans doute la question cruciale car en dépit des règles d’autonomie, de consentement, de non malfaisance enseignées par l’éthique biomédicale, celle de la bienfaisance peut nous sembler atteindre ses limites dans ces situations nouvelles et très particulières en lien avec la transidentité.

Restons bienveillants mais soyons vigilants.

 

 

Travail réflexif pour les journées d’étude de l’Association Lacanienne Internationale (ALI) les 21 et 22 juin 2025.

Véronique Beaudré Bellein

 

 


Bibliographie

_ CHAUMONT Olivia, D’un corps à l’autre, Paris, Robert Laffont, 2013.

_ CHEMAMA Roland, VANDERMERSCH Bernard, Dictionnaire de la psychanalyse, Paris, Larousse, 2009

_ HUSTON Nancy, Francia, Paris, Actes sud, 2024.

_ LEGENDRE Pierre, La fabrique de l’homme occidental, Paris, Mille et une nuits/Arte, 1996.

_ LEVINAS Emmanuel, Totalité et infini, Paris, Le livre de poche/Biblio essais, 1990.

_ REY Alain, Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 2000.

_ SIBONY Daniel, L’entre-deux sexuel, Paris, Odile Jacob, 2024.