Sur cette Traduction de Freud par Jean-Pierre Rossfelder
28 mai 2017

-

ROSSFELDER Jean-Pierre
Lire Freud et Lacan
image_print



paru aux éditions des crépuscules 2016
Sur cette Traduction de Freud
Alors que ce livre allait paraître j’apprends qu’une autre traduction de ce même texte vient de sortir. Que se passe-t-il ? N’est-ce-pas étrange ? Pourquoi cette concomitance ? et sur ce texte, quelques pages parmi les milliers écrites par Freud ?
C’est un travail proposé par L’école psychanalytique de Sainte-Anne sur « Bipolaire ? Vous avez dit bipolaire ? » qui m’a projeté dans cette traduction. J’ai l’habitude depuis bien des années de lire Freud en allemand et je dois dire que les rares tentatives que j’ai faites depuis, pour le lire en français m’étaient insupportables. Toute musique, tout rythme enfin disons précisément son style disparaît de toute traduction. Je n’entendais plus la voix à laquelle j’étais habitué, je n’entendais plus sa voix. Aussi quand il m’a fallu citer Freud tout naturellement me suis-je mis à le traduire. Puis ainsi, sur incitation, je suis passé à la traduction entière de l’article.
Cette banalité : toute traduction, y compris la mienne bien sûr, est œuvre du traducteur et non hélas de l’auteur. Comme pour la poésie, et finalement pour des raisons proches, Freud est intraduisible.
Seulement c’est inacceptable, il faut traduire Freud une des rares voix que nous ayons encore dans le chaos dans lequel nous vivons.
Alors je m’y suis essayé…. autorisé par quoi ? Disons-le, oui, ma prétention à le lire et sembler l’entendre. Pour un artisan comme je le suis, qui finalement n’a aucune compétence particulière en allemand, sinon celle de lire Freud, un chemin est ouvert dont j’essaie par cette traduction de rendre compte. Les traductions dites savantes me semblaient pécher par le carcan dans lequel elles se situent elles-mêmes. C’est à dire tenter une traduction scientifique où le concept est souvent le guide, la logique binaire la voie et l’exactitude la nécessité. D’où une lourdeur certaine, rien n’y chante et certainement pas la voix de Freud et surtout sa lutte n’y est pas. Dans les traductions disons profanes, la phrase est mieux balancée, mais les écueils sont arrondis, tout semble plus loin, l’acharnement n’y est pas.
Je ne prétends pas avoir trouvé la solution mais je crois les quelques éléments suivants des guides sûrs :
– Chaque article important de Freud répond à un moment précis de son travail, souvent un point d’arrêt qui implique pour lui une reprise et une scrutation impitoyable de son savoir du moment, il n’hésite pas à balayer et reprendre tout, dans un perpétuel mouvement tournant de retour sur ce qui précède et ce mouvement constitue l’écriture même de l’article. Et ce qu’il cerne dans ces spirales qui se referment, qu’il le nomme ou pas c’est bien sûr son champs, celui de l’inconscient.
– Le vocabulaire est à l’égal de cette recherche effrénée : rude, tranchant, net pour faire émerger ces choses dont il faut bien dire qu’elles disparaissent aussitôt qu’entrevue.
– Enfin que raconte Freud ? la plupart du temps, disons le, on n’y comprend rien et c’est bien ça le difficile, il n’est pas réductible au sens, même si il passe par celui-ci. Ce sont les détours, ce qui n’est qu’entrevue, ce qui ne s’attrape qu’à peine, ce qui disparaît dans son affirmation même qui sont en réalité ce qui s’écrit dans ce qu’il écrit.
Finalement, vous voyez que ce qui a présidé à cette traduction n’est guère gouverné par ce que les traducteurs appellent les problèmes de la traduction mais finalement ma position d’analyste lisant Freud.
Tout cela pourtant n’a pas été sans les longues heures passées à peser un mot, une phrase une tournure, une tentative de cohérence signifiante, ni sans cette désespérance de sentir à chaque nouvelle lecture de la traduction, crue finie, la nécessité s’imposant de la refaire comme dans un processus infini… qu’il faut pourtant un jour trancher.
Alors je souhaite que cette traduction puisse permettre à certains de mieux faire tourner le Freud de cet article dans leur tête comme si vous, moi, avions compris mais ce, en en gardant toutes les zones d’ombre, c’est-à-dire tout son prix.
Jean-Pierre Rossfelder07/11/2016