L’image réelle est celle que produisent nos appareils photographiques, caméras, projecteurs, loupes, lentilles, lunettes. Les rayons convergent en un seul point, le foyer de l’image : c’est par exemple, la surface sensible de notre œil ou le négatif photographique, ou de nos jours, les innombrables capteurs numériques qui parsèment la cité.
Lorsque ce point est réellement un seul point de convergence, l’image de l’objet est nette, tranchante. Au devant ou en deçà de ce point, elle devient floue.
Ce qui a une conséquence : Divers objets, placés à des distances variables produisent des rayons qui convergent, au travers des lentilles et des miroirs concaves, en des points différents. Ce qui suppose un choix : l’endroit où se fera la mise au point, sur tel, ou tel objet. A y regarder de trop près, l’image ne peut-être nette pour tous les objets.
C’est ce dont parle Lacan dans le schéma optique : cette accommodation de l’œil/sujet est cet endroit précis où placé là, il parviendra à obtenir une image réelle, suffisamment nette de ce qui est regardé. Ce point idéal est I(a), mais c’est un point, de structure, qui restera inaccessible pour le sujet. Point absent, symbolique. Où qu’il se place alors, ailleurs qu’à cette place, parviendra-t-il tout au plus à obtenir, si elle se forme, une image nette satisfaisante, reconnaissable, ou du bouquet, (l’encolure, le corps) ou des fleurs (désirs, pulsions…), mais jamais les deux en même temps. Dans l’image réelle, il n’y a pas de compromis possible. Il faut choisir, si l’on est amené face au réel, à choisir seul son point de vue. Pas de visée unifiante, pas de Un de la totalité.
Il faut donc pour ce sujet, d’autant plus si c’est un enfant, un artifice, une autre Chose, qui rende possible, pour lui, l’illusion d’une perception unifiante, une image où tout serait net, quelque soit l’endroit d’où il se place, et quelle que soit sa distance aux objets, en l’occurrence ici, son corps propre.
Cet artifice, qui rend donc l’illusion possible c’est l’image virtuelle. C’est l’image qui se forme dans le miroir plan de nos salles de bain. Face à cette image, je est un autre qui est pourtant moi [i’(a)], pour cette raison simple : le point de vue s’est déplacé. Vous êtes regardé d’un point situé de l’autre côté du miroir, à égale distance de ce qui vous en sépare.
Ce point, ce type qui regarde, dans le schéma optique de Lacan, c’est toujours cet idéal du moi. Celui qui peut enfin voir une image où tout sera net, où cela ferait un, unité du corps à partir d’un réel morcelé, mais nourrit du un comptable. (la boîte, un vase à l’envers, quelques fleurs).
C’est la particularité de l’image virtuelle dont Lacan dira qu’elle est une image qui se forme là où elle n’est pas : là, pas de matérialité, pas de convergence des rayons optiques, mais une infinitude : l’image virtuelle est une construction de la pensée, un aplat sans fond qui fait que deux miroirs plans placés face à face vont produire un infini, un abîme dans une multiplication frégolienne des images.
Orientant le miroir du mieux qu’elle le pourra, la mère nommera alors un père, un nom du père : « C’est toi, c’est ton nom ». Elle orientera non seulement le miroir, mais le cours du phallus. Son action.
Ce petit film de Virginia Hasenbalg se regarde comme une très jolie fiction : tout tend à ce plan final, où l’on perçoit alors, le basculement du miroir plan : où l’on perçoit et l’image réelle, nette, et le dispositif aliénant de l’image virtuelle, nette évidemment elle aussi. Lacan en parle dans les Ecrits techniques, comme du travail de l’analyste, ce basculement du miroir faisant glisser les signifiants, parfois, vers un point de convergence : l’étonnement. Curieux que ce signifiant -là, ne soit pas sans rapport avec la voix.
Mais dans ce basculement du miroir, il y a forcément une perte, un réel qui tombe, un hors-champ de l’Autre que le sujet s’attellera alors à questionner : « Que veut-il, de moi ? »
Autre surprise : ce petit film, en lui-même est une image photographique. Elle est donc réelle.
C’est l’image d’un film, d’une fiction orientée par un Auteur.
Soit dans l’acte de création peut-être, une inversion : qu’une image réelle aide à percevoir, cette fois, la virtualité aliénante de l’image. Du transfert, et de ses conséquences.