SÉMINAIRE DE PRÉPARATION AU SÉMINAIRE D'ÉTÉ 2022 : L'ANGOISSE - LEÇON 25
18 juillet 2022

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BERTAUD Edouard
Séminaire d'été
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Préparation au Séminaire d’Été 2022 – Étude du séminaire X de Jacques Lacan, L’Angoisse

Mardi 07 juin 2022

Président et discutant : Fabrizio Gambini

Leçon 25, 3 juillet 1963

Edouard Bertaud

 

 

 

Je vais tenter de vous présenter le fil de cette dernière séance du séminaire sur l’Angoisse.

Même si j’ai la chance de bénéficier d’un peu plus de temps que d’habitude, puisqu’exceptionnellement nous ne travaillons qu’une seule séance ce soir du séminaire, je ne vais pas pour autant aborder tous les aspects de cette séance. Il y aura un reste bien sûr, beaucoup d’éléments et de questions qui resteront pour nos échanges et la discussion.

Au cours de cette dernière séance, Lacan va reprendre, rassembler – c’est aussi ce qui en fait la densité – de nombreux éléments qu’il a travaillés durant toute cette année de séminaire sur l’Angoisse. C’est en effet pour lui l’occasion d’évoquer – à nouveau – les caractères de l’objet petit a et son rapport essentiel (qu’il avait indiqué dès la première séance de séminaire) au désir de l’Autre.

Mais cette séance à mon sens est essentiellement pour lui l’occasion d’indiquer son originalité.

Il le dit explicitement dès les premières minutes de la séance. Il reprend là « ce qu’il aura articulé d’original » cette année sur le sujet ; original, dans sa façon de se démarquer de Freud et de renouveler, préciser la lecture freudienne de l’angoisse, de l’objet, mais également celle du deuil dont il reparlera également dans cette séance.

Mais ce signifiant « d’original » est d’autant plus important que cette séance – mais nous pourrions le dire il me semble de tout le séminaire – revient sur la question de l’origine et de la fonction de l’objet petit a comme étant celle de la constitution du sujet au lieu de l’Autre.

Lacan va donc d’abord reprendre des éléments de la seconde théorie de Freud sur l’angoisse en indiquant que pour Freud, l’angoisse est signal d’un danger. Lacan marque donc son originalité en précisant que ce danger est lié au caractère de cession du moment constitutif de l’objet petit a.

L’angoisse est donc liée à ce caractère de cession et tout au long du séminaire, vous avez pu voir comment il s’est appliqué à nous montrer comment avec chacun des sens et des parties du corps, il y a un reste et que c’est ce reste qui vient le construire.

Ainsi, le sujet se constitue-t-il dans la fonction de cession.

L’angoisse est signal du danger que représente la cession de l’objet et cette même angoisse se trouve rapportée au désir de l’Autre en ce que je ne sais pas quel objet petit a je suis pour l’Autre, pour le désir de l’Autre.

Si l’objet petit a est lié à la constitution du sujet au lieu de l’Autre, et si l’Autre c’est la réalité, c’est-à-dire, comme le dit Lacan, si l’Autre est toujours là dans « sa pleine réalité », cette réalité de l’Autre, elle ne se manifeste tout particulièrement que par certains événements, que Lacan va reprendre.

Et cela va l’amener à rechercher à chaque niveau du graphe de l’objet (en forme de poire d’angoisse) qu’il a présenté le 19 juin 1963, l’accès qui est donné à cette réalité de l’Autre, et qui ne sera pas le même à chaque fois : à l’étage oral, anal, phallique, scopique, de l’objet, avec un traitement à part réservé au cinquième niveau, j’en reparlerai.

Je vais tenter de reprendre rapidement ce que Lacan dit de ces étages dans cette séance :

À l’étage de l’oralité, je dirais que grand A et petit a sont confondus.

Au premier niveau, « cette réalité de l’Autre est présentifiée (…) par le besoin ».

En effet, la première demande (de l’Autre) n’est donc pas du côté du sein puisque celui-ci est donné par la mère. Mais l’enfant ne sait pas qu’il reçoit le sein qui est à l’un et à l’autre. Je vous renvoie à ce que Lacan disait de l’organe ambocepteur. C’est pour cela qu’il dit encore que le sein est la première forme qui rend possible l’objet transitionnel en tant qu’il n’est ni à l’un ni à l’autre mais qu’il appartient aux deux.

Toutefois, « l’angoisse paraît avant toute articulation de la demande de l’Autre » et coïncide au cri qui échappe au nourrisson.

C’est là, selon Lacan, que se situe le trauma de la naissance. Il n’est pas dans la séparation d’avec la mère mais dans l’aspiration en soi de ce milieu foncièrement autre.

Si Freud parle du traumatisme de la naissance, reprenant Otto Rank, l’important, pour Lacan, c’est le sevrage, pas la naissance. C’est le sevrage qui va le fonder. L’enfant joue à se détacher et à reprendre le sein. D’ailleurs, pour faire succion, il faut d’abord faire du vide. L’enfant se sèvre plus qu’il n’est sevré. Il investit la perte et se trouve investi par la perte.

Passons au deuxième niveau du graphe, dont il a déjà beaucoup parlé aux séances précédentes, le niveau anal.

À ce niveau se situe la première demande de l’Autre maternel. Cette demande dans l’Autre se spécifie par le manque d’objet : il est question pour l’enfant en effet de retenir l’objet. La première demande se fait du côté de la propreté. L’objet n’est pas là où il faut, il est nécessaire de retenir l’objet puis de le lâcher, de donner cet objet d’une grande valeur pour l’autre. Nous retrouvons là tout l’aspect disparate de l’obsessionnel à travers cette demande hétérogène : C’est moi et ce n’est pas moi, je garde et je donne, etc.

Contrairement au niveau oral[1], il y a à ce deuxième niveau cette fois-ci un sujet, et ce sujet se reconnaît en quelque sorte dans cet objet. Il s’agit de donner et de retenir ce qu’il est.

 Plus exactement, il s’agit de faire cession de son statut de sujet (ce qu’il est). Il doit disparaître comme sujet pour devenir objet.

Si l’Autre obtient l’objet cessible et que je deviens cet objet, alors je ne peux me supporter en place d’objet et c’est la violence qui va prédominer.

Lacan reprend là ce qu’il a pu dire dès la deuxième séance du séminaire à propos des formules de désir, sur le duel à mort avec le petit autre et sur la façon de se retrouver à la merci de l’autre (notamment si nous n’avons à faire qu’à des consciences comme c’est le cas chez Hegel).

J’évoquais à l’instant la violence, la guerre à mort entre deux autres, Lacan souligne un point technique sur ce que nous allons trouver chez l’obsessionnel sous le titre de l’agressivité et l’ambivalence.

Lacan ne cite pas Maurice Bouvet cette fois-ci mais la référence est sous-entendue, si l’on valide ou si l’on pointe – comme peut le faire un Maurice Bouvet – l’agressivité dans le transfert ou si l’on interprète les actes de l’obsessionnel sur leur aspect anal, nous voyons bien que c’est la meilleure façon de rester, c’est le cas de le dire, à ce stade, à ce niveau.

Ce n’est pas tant que l’obsessionnel serait à une « mauvaise distance à l’objet » comme dirait Bouvet, ce qui pourrait se résoudre dans l’identification idéale à l’analyste, que l’obsessionnel prendrait bien sûr comme une demande provenant de l’Autre de l’analyste, ce n’est donc pas tant cela que de s’apercevoir que la névrose obsessionnelle est totalement organisée pour lutter contre la perte de l’objet.

Cet objet refusé à donner, à donner ce que l’on est, ne serait en fait que « vanité » (Hêvele), « chose qui s’efface ».

Si cet objet est bien un reste, il n’est pas vanité, mais ce qui va constituer ce lieu que devient l’écart entre le désir et la jouissance.

En disant cela, l’on se situe alors au troisième niveau de ce graphe.

L’objet petit a phallique est à l’étage où s’opère cette disjonction du désir et de la jouissance.

Le moins j est symbole de ce qui manque, et donc la désignation de l’ensemble des objets petit a. La castration est en effet synonyme de coupure.
Si je suis « à jamais cet objet cessible », l’objet d’échange, les objets sont donc remplaçables, alors un monde s’ouvre à moi et me fait désirer.

« Ce n’est pas un manque du sujet mais le principe qui me fait désirer, c’est un défaut fait à la jouissance qui se situe au niveau de l’Autre ». C’est en cela que Lacan se propose d’évoquer à ce niveau le désir de castration plutôt que l’angoisse de castration. Ce n’est plus la crainte de la castration mais craindre le fait qu’il n’y ait pas de castration.

La cession est une perte mais aussi un bénéfice, celui de ne pas être réduit à l’objet joui par l’Autre.

Au quatrième niveau, Lacan rappelle que c’est à ce stade que l’angoisse peut être repoussée, méconnue car dit-il nous avons des « yeux pour ne pas voir ». Pas besoin de se les arracher tel Œdipe. C’est un étage marqué du désir de ne pas voir. Pris dans la capture narcissique de l’i(a), c’est là où l’objet petit a est le plus masqué.

Pour reprendre l’apologue de la mante religieuse avec lequel il avait ouvert le séminaire et que nous retrouvions déjà à la fin de celui sur L’identification, nous dirions que quand le sujet ne voit pas son image, c’est l’angoisse.

Quand il se voit dans le regard de l’Autre, c’est le désir.

À ne pas faire face à un Autre radicalement Autre (comme dans l’histoire de la mante religieuse), mais à un semblable, à un petit autre dans notre vie courante, alors nous allons là tout loisir d’échapper à l’angoisse et à masquer l’objet petit a, ce « je ne sais pas ce que je suis comme objet ».

L’évocation de ce quatrième niveau est également l’occasion pour Lacan de l’articuler à sa matrice, le tableau de référence qu’il a déjà présenté dans d’autres séances.

Je ne vais pas le reprendre dans son détail, on pourra en parler par la suite si vous voulez mais il introduit dans la reformulation de la matrice le deuil en place de l’acting out.

Effectivement, une grande partie de la fin de la séance sera consacrée à la question du deuil.

Pourquoi cela ? Il y a bien sûr la fin du texte de Freud d’Inhibition symptôme et angoisse et la question qu’il pose : quand est-ce que la séparation d’avec l’objet donne-t-elle de l’angoisse et quand est-ce qu’elle donne du deuil ?

Comment faire, en fait, avec ce que l’on n’a plus ?

On voit bien comment Lacan nous oblige à distinguer : perte, séparation, « sépartition » et cession.

Lacan va introduire sa lecture de « Deuil et Mélancolie » en reprenant l’une des références de cet article de Freud, Hamlet, comme figure du deuil mais également je vous rappelle qu’il avait pu dire, puisqu’il a beaucoup parlé de la névrose obsessionnelle dans les trois dernières séances du séminaire l’Angoisse, il a pu dire dans Le désir et son interprétation que le désir d’Hamlet c’est, notamment, le désir d’un obsessionnel. Pas que cela mais aussi cela. Il a surtout indiqué qu’Hamlet était une plaque tournante concernant le désir.

Lacan ne reprend pas tout le long développement qu’il avait pu faire dans le séminaire Le désir et son interprétation, mais il va insister sur un seul point autour de quoi tournera sa lecture de « Deuil et mélancolie » : i(a) et petit a.  

Hamlet constate l’absence de deuil de sa mère ce qui provoque l’effondrement de l’idéal chez lui et ainsi la disparition du désir.

Hamlet s’éloigne d’Ophélie et il aura fallu la vision du deuil du frère d’Ophélie, Laërte, cet épisode spéculaire, pour retrouver le désir et sortir de sa procrastination.

« Est-ce que ceci ne nous ouvre pas la porte, ne nous donne pas la clé [dit Lacan] qui nous permet de mieux articuler que ne le fait Freud ce que signifie un deuil ? »

En effet, vous savez dans une lecture je dirais freudienne du deuil, le deuil est une réaction à une perte. Le travail de deuil consiste alors à faire triompher la réalité (à savoir que l’objet n’existe plus) et à retirer toute la libido des liens à l’objet. Lacan souligne l’importance que Freud donne au fait que la personne endeuillée prend beaucoup de temps et accomplit de façon détaillée ce travail de liaison-déliaison à l’objet. C’est-à-dire que chaque souvenir, chaque trait de liaison à l’objet est repris, surinvesti pour permettre ensuite à la libido de s’en détacher.

L’originalité de Lacan pourrait-on dire est de proposer un renversement de la logique du deuil en deux temps : il ne s’agit pas tant de se détacher minutieusement des liens à l’objet que, par ce dit travail du deuil, de « maintenir, soutenir tous ces liens de détails ».

Il est vrai que celui dont on est séparé par la mort n’est jamais aussi présent que par le deuil. Vous trouverez la même chose dans les séparations de couple, les deuils d’une relation amoureuse.

C’est ce lien-là qu’il s’agit de restaurer, ce lien à l’objet petit a, véritable objet de la relation au défunt. Un travail de construction de l’objet perdu, construction de l’objet petit a[2].

Ensuite, nous dit Lacan, et là il retrouve une lecture freudienne, un substitut pourra être donné, mais un substitut qui concernera l’image de l’autre i(a).

De la même façon, l’introduction de petit a et de i(a) permet de revisiter la psychose maniaco-dépressive.

Qu’est ce qui vient lier ces deux tableaux cliniques que sont la manie et la mélancolie et qui semblent si différents ? À l’heure actuelle, on a trouvé la réponse dans la perturbation de l’humeur, à l’époque de Baillarger et Falret c’était la question cyclique ou circulaire (à double forme) de la maladie, et cela avant la description par Kraepelin de la folie maniaco-dépressive en 1899.

C’est la non fonction de l’objet petit a qui vient lier mélancolie et manie.

Dans la manie, le sujet n’est plus lesté par aucun objet petit a qui le livre à la métonymie infinie et ludique, pure, de la chaîne signifiante.

Le petit a leste en fait le rapport du sujet au langage. Le sujet n’est plus divisé, tout est possible pourrions-nous dire sans ce leste. Le maniaque est avalé par le grand Autre à défaut d’être lesté.

Cette non fonction de l’objet petit a dans la manie peut trouver son illustration psychiatrique dans ce que l’on appelle la fuite des idées du maniaque. Kraepelin en donne une très belle illustration (qui s’ouvre vous le noterez sur a question de l’objet) :

« Un objet tombe sous leur regard, une inscription, un bruit fortuit, un mot qui résonne à leurs oreilles sont aussitôt introduits dans leur discours et peuvent susciter une série de représentations soit similaires soit associées uniquement par une habitude linguistique ou assonante »[3].

Donc non fonction de l’objet petit a dans la manie, en tant que le sujet n’est pas lesté par cet objet, et dans la mélancolie, le sujet est réduit à être cet objet, et c’est le corps tout entier qui est déchet, rebus, reste qui n’a pas de découpe. C’est la perte, comme l’indiquait Charles Melman, de toute perte possible.

« L’objet parle en clair » dans la mélancolie, dit Marcel Czermak, et le mélancolique énumère toutes les caractéristiques de l’objet. Il n’est plus masqué par les parenthèses de l’i(a), cette image spéculaire qui donne son habillement « à cet objet insaisissable ». Le mélancolique est commandé par l’objet petit a, et c’est à chercher à l’atteindre qu’il va attaquer son image et passer au travers. Il devient ce qui choit, d’où le caractère nécessaire quasi automatique du suicide du mélancolique qui passe par une précipitation par la fenêtre. Tentative d’instaurer une coupure, de se dégager du plein (pensons au délire d’énormité, à l’aspect sphérique du Cotard). L’objet a pris toute la place, toute la scène laissée vacante par la disparition du sujet.

Marcel Czermak le rappelait souvent, ce que le mélancolique dit être, le maniaque l’est : impudique, ingérable…

Avant d’évoquer le deuil et la folie maniaco-dépressive, nous avons reparlé des quatre étages du graphe de l’objet, mais il y en a cinq. Le dernier étage, il va essentiellement l’aborder un peu plus tard dans la seule et unique séance du séminaire Les noms du père. Il s’agit de l’étage de la voix, de la dimension auditive qui a déjà été évoquée dans une séance précédente par le biais du schofar et qui implique la fonction paternelle, la fonction du nom.

On retrouve là encore la question de la cession puisque si l’on nomme, on perd toujours quelque chose en nommant.

« Il n’y a de surmontement de l’angoisse que quand l’Autre s’est nommé. Il n’y a d’amour que d’un nom ». On voit bien là toute la référence biblique et la fonction de donner nom.

Plusieurs remarques à ce sujet et qui prendront forme également de conclusion :

Cette question de la nomination est d’autant plus intéressante que l’objet petit a dans son immatérialité ne peut être nommé. L’appeler, comme le fait Lacan, petit a lui fait perdre son côté imaginaire pour n’en retenir que sa dimension de fonction, puisque ce séminaire L’Angoisse est, pourrait-on dire, un séminaire non pas sur l’objet petit a mais sur la fonction de l’objet petit a.

Je vous signale que l’aliéniste de Clérambault n’aura pas procédé autrement dans ce souci d’éviter toute imaginarisation quand il envisagea pendant un temps nommer le syndrome d’automatisme mental « syndrome S ».

J’ai indiqué en commençant ce soir cette lecture qu’il s’agissait d’une séance sur l’originalité, sur ce qu’il y a d’original chez Lacan, en ce sens que l’objet petit a, comme nous l’avons vu, éclaire des questions cliniques (deuil, psychose) mais indique également ce qu’il en est de l’origine du sujet, se constituant au lieu de l’Autre.

Dernière séance, et séminaire tout entier sur l’original, l’origine du sujet mais aussi sur l’origine d’une analyse, son point de départ :

Je vous rappelle que dès la première séance Lacan évoquait la question de l’angoisse du côté de l’analyste lorsqu’il reçoit un patient.

Reprenons cette phrase : il n’y a d’amour que d’un nom.

C’est souvent ainsi qu’une personne demande les coordonnées d’un ou d’une analyste : pourriez-vous me donner un nom ? Auriez-vous un nom à me donner ?

Et Lacan dit qu’il y a surmontement de l’angoisse que l’Autre se nomme. Il ne dit pas quand le désir de l’Autre se nomme mais l’Autre. En tout cas quand on peut identifier l’Autre.

Cette question de nommer est importante aussi si on la rapporte à l’angoisse de l’analysant : Un analysant qui dit qu’il est angoissé, qui nomme cette angoisse est déjà pourrait-on dire presque sorti de l’angoisse.

Quelqu’un qui est angoissé devient en effet totalement l’angoisse et ne peut parler.

C’est la référence à la poire d’angoisse dont Lacan parlait au début du séminaire. Cet instrument de torture qui s’ouvre dès que la personne tente de dire, d’articuler quelque chose.

Un dernier mot concernant le deuil et la cession :

Quand nous parlons de la fin de l’analyse, il est très souvent question de cette fin du côté de l’analysant, très peu du côté de l’analyste.

J’ai déjà entendu Guy Pariente (qui a pendant de un précieux séminaire de lecture des séminaires de Lacan), dire que quand on reçoit un patient la question n’est pas de savoir comment le garder mais comment s’en débarrasser.

On retrouve cette question de la cession, de la séparation.

J’ai toujours entendu cette phrase comme une variation de ce que disait Lucien Israël quand il indiquait que l’analyse ne peut se terminer qu’à condition que l’analyste soit capable de perdre un analysant.

Et avec l’humour qui le caractérisait toujours, il rajoutait : « Dans les moindres des cas, ce sera perdu pour son portefeuille, dans les cas graves ce sera perdu pour son narcissisme ».

Vous voyez on retrouve petit a et i(a).

Lacan termine ce séminaire en indiquant que c’est le transfert qui permet de mettre en place l’objet petit a.

Bien sûr que l’analyste va être convoqué en place de grand Autre et que la questionu Que vuoi ?   se poser. L’analyse ne pourra se mettre en route que si l’analysant pense, postule qu’il y a bien une cause derrière tout ça, derrière ses symptômes, derrière ce dont il se plaint. Ça cache quelque chose pourrait-on dire.

Mais le séminaire se termine sur une phrase qui me semble bien énigmatique.

Je vous la cite : « Il convient que l’analyste soit celui qui ait pu (…) assez faire rentrer son désir dans ce (a) irréductible pour offrir à la question du concept de l’angoisse une garantie réelle ».

Cela convoque bien sûr l’analyste en place d’objet petit a. Si le patient n’entend pas ce qu’il dit dans l’analyse, alors l’analyste est bien au niveau de ce qui manque au patient.

Mais Lacan reprend dans cette phrase la référence à Kierkegaard dans ce « concept de l’angoisse ».

Le concept c’est ce qui vient faire bord, c’est ce qui contient.

La garantie réelle ce serait peut-être de dire qu’il n’y a pas de signifiant, de signification venant attraper, cerner l’objet par l’analyse mais seulement la limite que constitue la fonction manquante de l’objet petit a.

L’analyse garantie que l’angoisse n’est pas sans cet objet.

Cela me faisait penser à cette phrase de Marcel Czermak que j’avais retenue, il ne l’a jamais écrite je crois, mais il disait :

« Une analyse ça ne sert qu’à une chose : à supporter plus d’angoisse ».

 

 

Avec accord de l’auteur.


[1] « Le sujet ne sait pas, ne peut pas savoir jusqu’à quel point il est lui-même cet être plaqué sur ce parasite plongeant ses villosités dans la muqueuse utérine sous la forme du placenta » séance 19 juin 63
[2] Nous sommes en deuil de quelqu’un dont nous pouvons dire : « j’étais son manque ». Nous ne savions pas que nous remplissions cette fonction d’être à la place de son manque.
Kraepelin La folie maniaco-dépressive (1913), Editions Mollat 1997.