SEANCE PLÉNIÈRE SUR le Séminaire Les Noms du Père (EXTRAITS)
17 juillet 2022

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LANDMAN Claude,THIBIERGE Stéphane
Le Collège de l'ALI

Séance plénière du 27/06/2022

Jacque Lacan Séminaire Les Noms du Père (leçon du 20 novembre 1963)
 
Stéphane Thibierge 
Claude Landman 

 

Stéphane Thibierge :

 C’est une leçon qui est un-petit-peu singulière parce que Lacan commence ce séminaire. En même temps, on perçoit bien qu’il n’ouvre pas tout à fait la main concernant ce qu’il pouvait avoir à dire de ces noms du père. On entend bien qu’il a beaucoup plus à dire que ce qu’il va livrer dans cette leçon. Mais en même temps il en indique suffisamment pour que nous puissions en attraper quelques indications, quelques questions aussi …

A la fin de la leçon, Lacan indique un enjeu vraiment très important de cette leçon et du séminaire qu’il comptait faire sur les noms du père. Tout au long de la leçon, vous l’avez remarqué, je pense, il souligne combien il est essentiel d’aller au-delà d’une question devant laquelle Freud s’est arrêté et qui laisse la psychanalyse en panne. Et c’est la question que Lacan a introduite dès le début du séminaire « L’Angoisse » et qu’il a dépliée tout au long, c’est-à-dire la question du désir de l’Autre avec un grand A. Cette question, dans la leçon qui nous occupe, Lacan va l’amener d’une manière, je dois dire, assez extraordinaire, puisqu’il va convoquer rien de moins que la grande tradition biblique. Et pas n’importe quoi dans cette tradition biblique, le sacrifice d’Abraham, c’est-à-dire quand même un gros morceau. Il va nous montrer ce qui se joue dans le sacrifice d’Abraham et dans la substitution à l’objet du sacrifice, c’est-à-dire son fils… D’ailleurs, il nous dit d’une façon plutôt amusante, il nous dit : A l’époque, vous savez, il ne faut pas s’émouvoir, ça se faisait assez souvent de sacrifier son premier né à « l’Elohim du coin » (p. 51 …le dieu du coin…. Mais là, justement…

Il y a tout un passage très intéressant sur l’ange…

Lacan dit qu’il a rendu fou ce malheureux Teilhard de Chardin, qui était sûrement un excellent homme, en lui disant : « Moi, je veux bien, votre homogénéisation du monde, etc., mais qu’est-ce que vous allez faire des anges ? » L’autre dit : « Vous êtes sérieux ou quoi ? ». « Oui, qu’est-ce que vous faites des anges ? Vous n’allez pas les évacuer comme ça du texte biblique. C’est dans les textes, les anges !»

C’est effectivement que Lacan va très précisément repérer dans cette leçon que tout ce déroulement, somme toute assez classique, de l’offrande sacrificielle par Abraham de son fils premier né au dieu du coin va être arrêté par l’ange. Et l’ange, ici, Lacan le fait entendre, l’ange, c’est l’incidence du désir de l’Autre. C’est véritablement la marque qu’il y a là quelque chose qui se distingue complètement de la jouissance de Dieu. C’est quelque chose de l’ordre du désir de Dieu …

Lacan va montrer que l’enjeu de ce séminaire qu’il souhaitait faire, c’était justement de faire entendre ce qui a été seulement pressenti par Freud, quand Freud, de façon assez géniale, conjoint le père de la horde, dans son mythe, avec le totem, c’est-à-dire avec le nom. … Quand Freud réalise cette conjonction, il met sur la voie, mais il n’avance pas au-delà…

Lacan dit : si nous n’allons pas au-delà de cette difficulté où est resté Freud, nous ne pouvons pas rendre le maniement du transfert véritablement opératoire. Parce que ce qui est en jeu dans le transfert, c’est à savoir la question du désir de l’Autre. Comment il le dit ? Nous ne pouvons pas la rendre maniable. …

« Tant qu’il n’y a pas de nom au lieu de l’Autre, il est inopérant. » Inopérant, le transfert ! ….

Au-delà de ces questions que posent au sujet sa demande à l’Autre, la demande de l’Autre à son endroit, la faille dans l’Autre, le désir de l’Autre, je pense au champ scopique, et enfin la voix de l’Autre, au-delà de tout ça, il y a, dit Lacan, il y a… Voilà. Il y a la question du sujet d’avant la question. Il y a encore quelque chose et c’est ça que Lacan se proposait d’aborder avec les noms du père. Il y a quelque chose qui est structuralement au-delà même de ce lieu d’incidence de l’objet cause. Et c’est là, cette question du sujet d’avant la question, c’est là où l’incidence du désir de l’Autre se marque et se marque comme nom. C’est ce que Lacan avait l’intention de traiter dans ce séminaire. Et c’est ce qu’il va illustrer ici en le pointant comme désir d’un dieu par opposition à la jouissance d’un dieu…

Il y a, dans le récit biblique, dans le mythe biblique, quelque chose de très important, pour Lacan, du point de vue de la structure qui se manifeste. Au moment où ce sacrifice fait à la jouissance de l’Autre va être effectué, un ange arrête le bras d’Abraham et substitue à l’objet initial du sacrifice quelque chose dont Lacan dit que c’est le bélier, c’est-à-dire c’est le nom de ta race. C’est ton totem. C’est le nom du père, effectivement. C’est un des noms du père. …

En fait, c’est l’incidence du désir de l’Autre qui va rendre possible, pour Lacan, structuralement, la distinction radicale des deux plans de la jouissance et du désir. Et cette distinction de la jouissance et du désir est toujours escamotée dans la névrose …. « Dans la névrose, inséparable à nos yeux d’une fuite devant le terme du désir du père, auquel on substitue le terme de la demande. » ça, ça s’observe dans toutes les névroses….

Et, second point, il dit que cet escamotage du désir de l’Autre s’observe aussi, c’est une remarque très intéressante, dans le mysticisme. Et il ajoute : « Ascèse, assomption, plongée vers la jouissance de Dieu. »

Claude Landman : c’est « vers » qui est important.

Stéphane Thibierge : Oui. « Plongée vers la jouissance de Dieu. Ce qui fait l’entrave dans le mysticisme juif et plus encore dans le chrétien, et plus encore pour l’amour… »

Et cette incidence du désir de l’Autre, Lacan va l’aborder ici à travers… Je ne suis pas spécialiste de la tradition hébraïque, donc je ne saurai pas vous commenter de façon très savante le signifiant El Chaddaï sur lequel il s’appuie. Mais c’est manifestement un signifiant qui lui permet d’introduire cette dimension, non pas de la jouissance, mais la dimension, il le dit en haut de la page 514, « du désir d’un dieu » ….

Lacan le dit très clairement : « Je ne veux pas vous quitter sans avoir au moins prononcé le nom, le premier nom, par lequel je voulais introduire l’incidence spécifique dans la tradition judéo-chrétienne, non pas de la jouissance, mais du désir d’un dieu, le dieu Elohim. C’est devant ce dieu, premier terme, que Freud, sûrement, au-delà de ce que nous transmet sa plume s’est arrêté. » (p.514…

D’une manière qui laisse relever qu’il avait préparé ce séminaire très attentivement, il cite des éléments d’exégèses bibliques qui ne sont pas du Talmud, mais d’une autre collection d’exégèses dont il dit qu’elles se trouvent dans Les Sentences des Pères. Il évoque quand même des choses assez précises. Et c’est pour mettre l’accent sur le fait que là, nous avons, dans cet épisode du sacrifice d’Abraham, avec cette substitution au fils du bélier… « Ce qu’Elohim désigne à Abraham pour sacrifice à la place d’Isaac, c’est son ancêtre, le dieu de sa race. Il le présentifie comme désir. » (p.517) C’est-à-dire qu’il le présentifie comme nom qui marque une séparation radicale entre la jouissance et le désir. « Quelque chose qui se manifeste qui met essentiellement en valeur cette béance qui sépare la jouissance du désir. » (p.518) ….

C’est là que Lacan dit : Je m’arrête là, je vous quitte ici…

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A propos de cette béance entre la jouissance et le désir… Il amène le fait que Freud s’est arrêté là, mais non sans avoir désigné la question de la religion, dont il fait de façon très optimiste une illusion. Alors que Lacan dit de façon très claire : « C’est sur ce champ même par lequel l’Eglise tient, intacte et dans tout l’éclat que vous lui voyez, contre la révolution hégelienne… » (p. 507) La révolution hégelienne, c’est la tentative, mais ratée, d’homogénéiser le rapport entre le particulier et l’universel dans une dialectique de la conscience qui ne peut s’effectuer que dans la violence de la méconnaissance….

Mais le point que je trouvais intéressant, c’est que, vous voyez, Lacan dit : Freud évoque la religion, il a raison. Il la désigne comme une illusion. Là, il n’a pas tout à fait raison parce que, en ce qui me concerne, moi, Lacan, je vous arrête, je vous mène devant la puissance constatable et intacte, dit-il, de l’Eglise, de l’Eglise comme formation ecclésiale…. Quand on lit ça aujourd’hui, on pourrait être tenté de se dire : « Oui, mais Lacan parlait en 1963. Et aujourd’hui, on voit bien toutes les critiques à l’égard du catholicisme, du patriarcat. La puissance de l’Eglise est très très atteinte, elle n’est pas du tout intacte comme il le dit. » Je crois qu’il ne faut pas trop se presser d’aller à des conclusions hâtives comme ça parce que, si vous y êtes attentifs, nous sommes, je parle dans notre pays, en France, nous sommes pris dans la religion et dans le catholicisme, mais bien au-delà de ce que nous imaginons consciemment…. Tout ce déluge compassionnel, toute cette espèce d’écoeurante bienveillance qu’on fait dégouliner sur notre prochain et qui nous rend fous et paranoïaques montrent quand même que, quand Lacan nous dit que la puissance ecclésiale reste intacte, je crois qu’il a raison …

Ensuite, il évoque quelque chose dont je vous recommande la lecture, c’est-à-dire le De Trinitate de saint Augustin…. Dans son livre sur la Trinité, il interroge les trois termes de la Trinité, le Père, le Fils, le Saint-Esprit. Et Lacan dit : Je l’ai quand même trouvé un peu léger sur la question du père. Et c’est vrai.

 C.Landman : Freud est allé plus loin, Même s’il s’est arrêté à un seul Elohim, celui du meurtre primitif….

Bon, juste un point à propos de la névrose, une fuite, bon, inséparable à nos yeux d’une fuite devant le terme du désir du père auquel on substitut le terme de la demande….

C’est-à-dire que le névrosé fuit dans la demande de peur que…, de peur que le père jouisse de lui, c’est-à-dire, jouisse de sa castration. Il fuit parce que, justement, il a pas tout à fait situé le nom N O M, parce que le désir du père, ça va avec son nom ou ses noms au pluriel, c’est là ce qui est formidable dans cette leçon, c’est que pour qu’il y ait un désir, il faut qu’il y ait un nom N O M, il le dit explicitement alors il y a quelque chose du côté du névrosé qui est pas, comment dirais-je, repéré du côté du désir du père c‘est-à-dire de son nom N O M, et non pas de sa jouissance  …le transfert n’est pas opératoire tant qu’il n’y a pas de nom N O M au lieu de l’Autre. D’ailleurs, il y a un moment où le grand Autre se nomme, moyennant quoi, ce désir de l’Autre n’est plus aussi énigmatique et est source de toutes les angoisses, en tout cas de l’angoisse. Il y a quelque chose qui se nomme au lieu de l’Autre et à ce moment-là quelque chose de l’angoisse est tempéré, tempéré par un nom et du même coup, le désir de l’Autre n’est plus aussi angoissant, disons, et c’est comme ça que Freud est sorti de son angoisse névrotique, je le disais la dernière fois. Freud est sorti de son angoisse névrotique, parce qu’il a, bon, aussi, repéré, situé un nom du père, sous la forme de ce bélier, enfin ce bélier, je dis, ce bélier, parce que c’est le bélier mais de ce père animal, de ce père animal, il le dit lui-même, l’animal, il n’y a pas de limite à sa jouissance, il n’y en a pas.

C’est un point décisif, « le tranchant entre la jouissance de Dieu et ce qui d’une tradition désigne comme désir. »  Désir dont il s’agit de provoquer la chute, c’est-à-dire il faut faire choir l’origine biologique, c’est ça qui est dit. Ce désir, c’est le désir de provoquer la chute de l’origine biologique. C’est-à-dire, en effet, la chute de l’ancêtre animal qui est désormais sacrifié, n’est-ce-pas, « ici est la clé de ce mystère où se lit l’aversion à l’égard de la tradition judaïque, de la pratique des rites métaphysico-sexuels, au regard de ce qui unit la communauté dans la fête eu égard à la jouissance de Dieu. » … Tous ces dieux qui pullulaient, n’est-ce-pas, dans cette région, pullulaient littéralement- il y en avait partout des dieux et, il y avait des fêtes alors rituelles, orgiaques, n’est-ce pas- alors après Lacan, dans un séminaire ultérieur, je crois que c’est dans L’envers de la psychanalyse, il va jusqu’à se demander si précisément, il y avait pas là du rapport sexuel, parce que, il faut quand même bien voir que, à la fois, la religion juive a amené un progrès, logique, assurément avec cette substitution de la jouissance de Dieu par le désir de Dieu, par le désir qui se supporte d’un nom N O M ou deux noms N O M S mais en même temps. Il est certain que ce désir de Dieu, a aussi mis en place un non rapport sexuel, en tout cas, Lacan, je dis ça, je vais peut-être un peu vite, en tout cas, Lacan s’est posé la question, dans L’envers de la psychanalyse, s’il n’y avait pas en effet du rapport sexuel avant le monothéisme, dans ces espèces d’orgies métaphysico, tout ce que vous voulez, sexuelles en l’occurrence.

 Voilà, il s’est posé la question, maintenant, alors, c’est pour ça que Lacan passe de « du nom du père aux noms du père » au pluriel parce que là, il décline d’autres noms que l’ancêtre animal, n’est-ce-pas, qui est sacrifié, c’est d’autres noms que …, parce que c’est un Elohim, c’est un Elohim cet ancêtre, où est-ce qu’il le dit ça ? Il le dit que c’est un Elohim….

En effet, je pense que Lacan situe là, que Freud avait posé, un des noms du père, moyennant quoi, la tradition ecclésiale, elle s’est reproduite dans le milieu analytique, c’est-à-dire, qu’on a eu à l’endroit de Freud, une position qui était celle d’une Eglise. Bon, on le verra, vous le verrez, l’année prochaine avec les 4 concepts ou les fondements de la psychanalyse, vous verrez, il en reparle de ça, de l’Eglise- le milieu analytique de l’époque – mais enfin, aujourd’hui honnêtement, est-ce qu’on a beaucoup avancé sur ce point ? On est là, n’est-ce-pas à travailler nos textes, quoi, hein ? comme des rabbins, des théologiens mettons pour pas être antisémites, comme des théologiens ! …

Le fameux Aleph, ça a un impact chez Lacan, il ne reprendra pas ce point. Il N reprendra pas cette écriture de l’Aleph, sauf à revenir dans les séminaires tardifs de la Logique, je crois que c’est d’un Autre à l’autre, je ne sais plus, pas d’un Autre à l’autre, non, mais, Le savoir du psychanalyste, un de ces séminaires là, dans les années 70, où il va, revenir, enfin, venir plus exactement à l’infini actuel de Cantor. D’ailleurs, il va à la suite de Cantor, il va s’inscrire dans cette tradition qui est celle de Cantor, d’ailleurs, c’est pas rien, quand il dit que l’objet petit « a » et l’Aleph ont tout à fait à voir. Vous voyez cette formule,

                                                

                                                         ( a poinçon S barré  )

                                                          Aleph

                                                    d (A)                                     d

                                                               

Je la lis comme la transformation, la transformation de l’Aleph, du désir de l’Autre en désir c’est-à-dire en désir du sujet…. Pour passer du désir de l’Autre au désir du Sujet, en quelque sorte, il faut cette formule a sur Aleph poinçon <> S barré. C’est une transformation, je vous le dis comme ça, on peut le dire sûrement autrement, une transformation du désir de l’Autre à ce que le Sujet s’approprie comme désir, mais il faut qu’il en passe, il faut qu’il en passe par le fantasme et par l’Aleph de l’angoisse….

L’Aleph, sera là, pour nous aider à symboliser le rapport du sujet au « a ».

 Alors je crois que là, il pose, l’au-delà de l’infini, enfin, l’au-delà de la limite il y a quelque chose comme ça….

C’est ça le transfini de Cantor. C’est la possibilité de passer au-delà de la limite, au-delà de l’infini potentiel, c’est-à-dire « l’infini qui ne s’arrête jamais » dit Cantor. Cantor dit : « Voilà, il y a une limite dans l’infini, je la pose et je l’écris « Aleph », alors c’est Aleph 0 (zéro) et puis après, il procède et il produit une mathématique de l’infini actuel [écrit] c’est-à -dire il produit une mathématique avec les Alephs qui sont susceptibles de s’additionner.

L’infini potentiel, c’est une ligne droite à l’infini. L’infini actuel, c’est la possibilité de marquer une limite, qui…, de partir de la limite, d’actualiser l’infini, ça veut dire, de le rendre actuel….

Cet Aleph, c’est aussi l’Aleph qui n’est pas prononçable, en hébreu, c’est la lettre qu’on ne prononce pas…

Tout commence par le B, en effet, donc Alef est soustrait en quelque sorte….

Et pour Cantor, il était tellement angoissé, n’est-ce-pas d’avoir écrit cette lettre hébreu, cette première lettre qui est, en fait une lettre soustraite, c’est pour ça aussi qu’il l’a nommée comme ça, qu’il l’a écrite comme ça. C’est justement cette soustraction… et il a posé qu’il n’y avait pas de raison de la soustraire, c’est-à-dire que voilà, et il a écrit au Pape en disant, voilà, est-ce que vous permettez que j’utilise la lettre Aleph pour mes…, inutile de vous dire que le Pape n’en avait strictement rien à faire. Enfin, il a dû faire étudier ça par un de ses conseillers en mathématiques, mais finalement, voilà il …, donc Aleph c’est aussi cette lettre – là, donc c’est aussi quelque chose qui a plus grand rapport avec l’objet « a ». Aleph, objet petit « a » ….

Il évoque à propos de l’éthique, et de la transcendance, il évoque quelque chose de ce côté -là, Lacan, c’est-à-dire d’aller au-delà de la limite qui a été posée, qui a été celle de Freud tout simplement. C’est pas rien, ça a produit une scission dans le mouvement psychanalytique, ça a produit une scission dans l’histoire de la psychanalyse. Il y a aujourd’hui ceux qui, voilà, qui ne sont pas lacaniens et puis les autres.

Les lacaniens, c’est pas rien, même si les lacaniens sont pas toujours à la hauteur. Ca, c’est encore une autre question….

S.Thibierge : Oui,… tous les embarras contemporains ! C’est vrai que, si, ce que Lacan indique quand même dans cette leçon, c’est que, si on ne prend pas position sur ce nom du désir de l’Autre, on ne peut pas, le nom du désir de l’Autre, c’est-à-dire que c’est aussi le fait que du côté du désir de l’Autre, il y a une question, y a un, y a une, y a quelque chose qui parle, c’est…, y a quelque chose qui parle au-delà du sujet qui parle depuis le lieu de l’Autre.

Si on ne prend pas position sur ce qui parle, là, comment peut-on prendre une position un petit peu adéquate sur le transfert ? Comment peut-on le manier sans être dans une espèce de sujétion sans règle ?

C.Landman : D’autant que j’ai…, j’ai souligné ça à tort ou à raison, mais je ne pense pas tout à fait à tort, lors des journées sur le désir de Lacan. Le nom propre de l’analyste est très important dans la cure et le transfert. C’est aussi un transfert qui porte sur le nom de l’analyste quitte à ce que, à la fin de la cure, ce nom ne soit plus, pas autant investi, loin de là, puisqu’il devient ce nom propre, un signifiant quelconque. Donc, il y aurait aussi à repérer ce qui, au terme de l’analyse vient aussi chuter de ce nom au lieu de l’Autre ou plutôt s’épurer, s’épurer c’est-à-dire c’est quoi ce nom au lieu de l’Autre… bon, c’est cette…, ces lettres dans l’inconscient qui n’ont pas fait un nom propre, justement. On l’a nommé père mais en réalité, ça chute aussi ça, au terme de l’analyse, mais s’il n’y a pas nom au lieu de l’Autre, s’il n’y a pas un nom, n’est-ce pas pour porter le transfert eh ben, y a pas de transfert. En fait le transfert est absolument inopérant …

Il faudrait revenir éventuellement sur la déclinaison, à propos aussi du, [‘Ehyeh ‘Asher] qui est quand même un point très important, cette distinction qu’il fait, entre, ce Dieu qui parle, dans, j’allais dire dans la haie, dans le buisson ardent.  C’est formidable quand il dit voilà il y a le buisson ardent c’est le corps de Dieu. La [réjouissance] hein c’est quelque chose qui a à voir avec la jouissance de Dieu, la jouissance du corps. Mais c’est pas tout à fait, et comme il dit, d’ailleurs c’est écrit dans l’exode, n’est-ce pas, c’est pas sous ce nom, que je me suis présenté à vos ancêtres. C’est pas sous le nom de… ‘Ehyeh.

‘Ehyeh ça veut dire, « je suis ». « Je suis » en tant que « j’existe », n’est-ce pas.

 Pas le « je suis » de l’être, n’est-ce pas, comme l’a traduit Saint-Augustin. C’est pas « je suis celui qui suis ». Enfin, « je suis celui qui suis » ça voudrait dire que ce « je suis », c’est l’être. Alors que, « je suis ce que je suis », « je suis qui je suis », c’est tout autre chose, c’est une façon de poser un nom. « Je suis » il dit c’est un nom. C’est pas un être, c’est un nom. Voilà la différence elle est majeure….

Il dit que la femme elle a à sublimer. Et il nous dit, avec la gaine là.

Oui parce que la fonction de gaine ça a éminemment à voir avec la jouissance phallique. Mais c’est pas sa jouissance à elle ! c’est loin d’être toute sa jouissance. C’est ce qu’il dit hein, elle est au-dehors la jouissance.

Autrement dit, ce qui serait l’idéal, pour une femme si je puis dire, c’est le succube. Non l’incube ! Pardon, l’incube. C’est-à-dire cette espèce de personnage, n’est-ce pas, un homme un peu, un peu monstrueux, n’est-ce pas, qui se contente de, de l’étreindre, n’est-ce pas. Sans qu’elle ait besoin de faire jouer sa sensibilité de gaine. Mais alors c’est quoi cet incube, cet incube idéal ? Ben c’est, malheureusement ce qu’il faut bien dire, c’est peut-être un peu discutable sur ce point, mais enfin je m’appuie, sur Lacan, c’est que cet incube idéal, c’est-à-dire celui qui viendrait juste étreindre une femme, n’est-ce pas, et dont elle jouirait, évidemment, il est idéal, et là elle serait pas obligée n’est-ce pas de faire, de faire jouer sa fonction de gaine si je puis dire, ce serait l’étreinte, oui et donc cet incube idéal bah c’est l’homme châtré ou l’homme mort, qui se réincarne en un incube. C’est un fantasme féminin ça… C’est dans les Écrits II page 733 dans le congrès sur la sexualité féminine.

Une réceptivité d’étreinte, « a à se reporter en une sensibilité de gaine sur le pénis ». Voilà ce qu’il dit Lacan. C’est-à-dire que, voilà, là où était attendue une réceptivité d’étreinte ben y’en a pas. Hein, voilà. Donc ça reste -phi, la castration, et puis pour la femme c’est évidemment au dehors, qu’il y a une part de sa jouissance. Elle ne se résume pas à cette sensibilité de gaine !

S. Thibierge : Avouez qu’on finit quand même l’année sur une…

C. Landman : Fort ! On finit fort.

                                                    

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Choix des extraits : Christine Robert