« Aussi surprenant et paradoxal qu’il puisse paraitre, la lecture du livre de Charles Melman ne nous aura rien appris que nous ne sachions déjà. Sans pourtant être en mesure jusque-là d’en dire quoi que ce soit. Nous avions des yeux pour regarder, mais nous ne savions pas observer. Nous avions des oreilles pour entendre, mais nous ne savions pas écouter.
Charles Melman, avec l’Homme sans gravité, nous aura rendu et l’un et l’autre. Il aura mis des mots et énoncé ce que nous ne cessions avec désolation de constater sans pouvoir pour autant le nommer, et qui finissait par réduire en peau de chagrin autant l’indication d’analyse que nous tentions de poser que la pertinence de nos interventions ridicules et vides.
Nous ne faisions que dénoncer.
Charles Melman nous a appris à lire combien le changement de paradigme de nos contemporains rendait inutiles et vaines nos tentatives effrénées de penser pouvoir réduire à tout prix la jouissance pour assurer leur bien-être et leur socialisation.
Il nous fallait sans tarder modifier le contenu même de nos interventions, dont désormais, aucune ne pouvait garder la même innocence qu’auparavant. Accueillir, limiter et border plutôt qu’interdire. Interroger et s’étonner plutôt qu’acter. Aucun psychanalyste ne pouvait plus penser établir un lien transférentiel par la simple grâce d’un silence supposé instaurer à lui seul l’être-de-savoir, aucun psychanalyste ne pouvait plus s’opposer frontalement et sans une longue et patiente préparation à ce que les enfants viennent coloniser le lit des parents, aucun psychanalyste ne pouvait plus asserter l’assomption sexuée d’un patient d’une catégorie définitive. »