Réponse à Charles Melman sur la transmission
19 juin 2014

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BON Norbert
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Dans la suite de ce que Johanna Venneman a évoqué sur le style : « ce qui se transmet, c’est le style », je me suis souvenu de ce que m’avait, entre autres, dit Jean-Paul Hiltenbrand qui avait bien voulu me prodiguer quelques conseils au moment de la création de l’Ecole de Nancy : « De toutes façons, ce que tu transmets, c’est ton symptôme. » Style, symptôme, c’est tout un.

Or si quelque chose caractérise notre façon d’y faire avec notre symptôme, à l’issue de l’analyse, n’est-ce-pas notre rapport au travail ? Qui fait, par exemple, qu’en cette fin de mois d’août, au lieu de profiter comme beaucoup d’autres, des derniers jours de vacances sur la plage nous nous retrouvons à travailler les séminaires de Lacan. A tenter de faire lever ce qu’il a semé. A celui qui vient nous trouver, souvent en attente de recevoir un savoir, ce que nous lui proposons, c’est de se mettre à son tour au travail, comme à celui qui vient nous demander une analyse. Et, il me semble que depuis quelques années, beaucoup de nos collègues rechignent à cette mise au travail qui implique de soustraire une partie de leur libido dévolue à leur jouissance privée (la famille, les enfants, la maison, le jardin, les activités ludiques…) pour en consacrer une partie à ce travail d’études dont ils transmettront, à leur tour, les tourments à d’autres. Indéniablement sexuelle donc, la transmission, comme l’a justement rappelé Charles Melman dans son propos introductif à cette table ronde.

Raison inconsciente, peut-être, pour laquelle j’avais pris avec moi, pour lire dans le train, La nuit sexuelle De Pascal Quignard, où il parcourt les figurations picturales de la scène primitive, avec cette hypothèse qu’elles tentent de mettre une image sur ce moment originaire qui fait trou, puisque « dans cette étreinte qui m’a donné naissance », je n’y étais pas. Et c’est bien là aussi que Freud situe l’origine de la Wissgebierde, l’avidité de savoir : comprendre l’énigme de l’origine. Où le mythe vient apporter une réponse diachronique à une question structurale.

Mais, si d’entrée, sans avoir fait le travail analytique qui y conduit, je sais que ce lieu est vide, qu’il n’y a pas d’Autre de l’Autre, que le mythe m’apparaît d’entrée comme une mystification, comment puis-je supposer qu’un désir a présidé à ma venue au monde et sur lequel étayer mon propre désir ? Si tout se vaut, c’est-à-dire ne vaut rien, de ce parcours, autant en faire l’économie, nouvelle bien sur, et rester les doigts de pied en éventail sur la plage à lire dansGala ou Voici les déboires de la vie amoureuse des stars. Voilà qui n’est pas sans lien avec les questions débattues au cours de ces journées sur le nœud à trois ou à quatre. Débat où je sais gré à Charles Melman de nous avoir sorti de la dispute « troisistes » versus « quatristes » engendrée par la proposition d’un trois posé comme préalable et non pas comme visée et entendue par beaucoup, j’espère à tort, comme une injonction clivante à choisir son camp, comme un « ceux qui m’aiment prendront le trois ! » Ce qui serait tout de même un comble.

Norbert Bon

T.G.V. Paris – Nancy 31/09/2013.