Remarques sur la technique du mot d'esprit
25 février 2014

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LANDMAN Claude
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Mais pour introduire mon propos, je commencerai par insister sur le fait suivant, qui est d’ordre général : ce livre n’occupe pas dans le corpus de la psychanalyse la même place chez Freud et chez Lacan.

Pour Lacan, Le Mot d’esprit et sa relation avec l’inconscient, possède incontestablement une place d’éminence, ainsi qu’il en témoigne aussi bien dans ses Écrits que dans ses séminaires. Je pourrais citer nombre d’exemples de ce que j’avance, mais je me contenterai de n’en prendre qu’un seul, lui-même spirituel. Il se trouve dans Radiophonie et fait référence au séminaire Les Formations de l’inconscient :

« C’est ainsi que j’ai fait bailler trois mois, à décrocher le lustre dont je croyais l’avoir une fois pour toutes éclairé, mon auditoire, à lui démontrer dans le Witzde Freud (le mot d’esprit traduit-on) l’articulation même de l’inconscient. Ce n’était pas la verve qui me faisait défaut, qu’on m’en croie, ni, si j’ose le dire, le talent. »

C’est-à-dire que comme le souligne l’argument de Charles Melman, le Witz n’est pas en relation avec l’inconscient mais constitue bien pour Lacan, sa texture même.

Pour Freud au contraire, le livre sur le Witz, publié seulement en 1905, la même année que Trois essais sur la théorie sexuelle, bien qu’il ait été travaillé et écrit en partie parallèlement à la Traumdeutung, n’est qu’un livre dérivé de ce dernier, ainsi qu’il le formule dans Ma vie et la psychanalyse :

« Mon livre sur le mot d’esprit et sa relation avec l’inconscient est une ramification immédiate de L’interprétation des rêves. Le seul ami qui s’intéressât alors à mes travaux m’avait fait remarquer que mes interprétations de rêve, donnaient souvent l’impression de mots d’esprit.

Afin d’élucider cette impression, j’entrepris l’investigation des mots d’esprit et je trouvai que l’essence du Witz résidait dans ses moyens techniques. »

C’est cette formulation de Freud, « l’essence du Witz réside dans ses moyens techniques », qui est absolument novatrice dans l’abord de la question. J’y reviendrai.

Mais j’ajoute, qu’outre la relation entre le mot d’esprit et le rêve, qui sera longuement développée dans le cinquième chapitre du livre que nous étudions, un autre point me paraît intéressant à souligner dans ce passage, c’est que les moyens techniques de l’interprétation psychanalytique, celle qu’utilise Freud avec ses patients, au moins au début de sa pratique, sont identiques à ceux qui constituent l’essence du mot d’esprit. C’est-à-dire que l’interprétation psychanalytique, tout comme le mot d’esprit, relèvent d’une technique qui repose sur la propriété essentielle du signifiant qui est d’être équivoque, d’avoir un sens double. Un analyste de l’époque héroïque, pour lequel Lacan avait beaucoup d’estime, Théodore Reik, fut le seul, après Freud, en 1933, à identifier l’interprétation psychanalytique avec le mot d’esprit dans un article intitulé Voies nouvelles dans la technique psychanalytique. Il va même jusqu’à dire que la surprise que produit, aussi bien pour l’analysant que pour l’analyste, une interprétation utilisant la même technique que celle d’un Witz, constitue une indication de la justesse de la dite interprétation. Dans cet article, il donne l’exemple d’une patiente qui à partir du signifiant charlatan, en vient, par ses associations, à évoquer les relations qu’elle entretient avec un homme prénommé Charles. Reik oppose ce type d’interprétations qu’il qualifie en anglais de witty et qui seules résonnent avec l’inconscient du patient, aux interprétations explicatives fondées sur un savoir théorique général.

Cependant, cette identification entre la technique du mot d’esprit et celle de l’interprétation, en implique une autre, celle de la technique du mot d’esprit avec celle de la formation du symptôme. C’est cette dernière identification en effet qui justifie le procédé freudien de l’interprétation qui consiste, pour dissoudre le symptôme, à restituer au patient les modalités techniques selon lesquelles le symptôme s’est constitué à son insu et qui sont les mêmes que celles qui président à la formation d’un mot d’esprit. Il existe ainsi chez Freud une solidarité et une cohérence entre le symptôme, le mot d’esprit et l’interprétation qui reposent sur la même technique langagière, celle du signifiant et de la lettre.

De cette identification entre la formation du symptôme, la structure de l’interprétation et la technique du mot d’esprit, Freud nous en donne plusieurs exemples dans certaines lettres adressées à Fliess.

Je me contenterai de prendre l’exemple clinique suivant, qui se trouve dans la lettre 152 du 29 décembre 1897 :

« Une petite interprétation s’est présentée à moi dans les premiers jours immédiatement après mon retour. Monsieur E., que tu connais, a eu à l’âge de dix ans un accès d’angoisse, au moment où il essayait d’attraper un Käfer (un hanneton), un Käfer noir qui ne se laissait pas faire. L’interprétation de cet accès était jusqu’ici restée obscure. Il s’attarde maintenant au chapitre « irrésolution », il répète une conversation de sa grand-mère avec sa tante à propos du mariage de sa maman déjà morte à l’époque, et dont il ressort qu’elle avait bien tardé à se décider,(puis) en vient subitement à ce Käfer noir qu’il n’avait pas mentionné depuis des mois, et de là à Marienkäfer (coccinelle) (sa mère s’appelait Marie), puis il éclate d’un rire bruyant et explique ce rire en faisant remarquer que les zoologues nomment ce Käfer septumpunctata (à sept points), etc., d’après le nombre de points, alors qu’il s’agit du même animal. Puis nous interrompons là, et au début de la séance suivante il me dit qu’une idée lui est venue pour l’interprétation du Käfer. À savoir : Que faire ? = irrésolution. Meschugge !

Tu sais sans doute que chez nous on peut appeler une femme un gentil « Käfer ». Sa bonne d’enfants et premier amour était française ; il a en fait appris à parler le français avant l’allemand. »

Cet exemple, qui s’apparente dans sa forme, mais dans sa forme seulement, à celui du fameux a glance at the nose (un coup d’œil sur le nez) / ein Glanz auf der Nase (un brillant sur le nez) à l’origine du fétichisme d’un sujet anglophone, est d’autant plus intéressant que c’est le patient lui-même qui produit cette interprétation spirituelle par homophonie translinguistique.

Lacan, jusqu’à un certain point, reprendra cette identification structurale entre le symptôme et l’interprétation. Dans « Fonction et champ de la parole et du langage », il avancera en effet :

« Car si pour admettre un symptôme dans la psychopathologie psychanalytique, qu’il soit névrotique ou non, Freud exige le minimum de surdétermination que constitue un double sens, symbole d’un conflit défunt par delà sa fonction dans un conflit présent non moins symbolique (comme par exemple dans la paralysie hystérique), s’il nous a appris à suivre dans le texte des associations libres la ramification ascendante de cette lignée symbolique, pour y repérer aux points où les formes verbales s’en recroisent les nœuds de sa structure -, il est déjà tout à fait clair que le symptôme se résout tout entier dans une analyse de langage, parce qu’il est lui-même structuré comme un langage, qu’il est langage dont la parole doit être délivrée ».

Vingt ans plus tard, dans Télévision, il reprendra la question du symptôme et de l’interprétation à partir de la référence au nœud borroméen et à la dimension du trou qui le spécifie :

« Ce que Freud découvre dans l’inconscient, je n’ai tout à l’heure pu qu’inviter à ce qu’on aille voir dans ses écrits si je dis juste (celui sur le Witz notamment) c’est bien autre chose que de s’apercevoir qu’en gros on peut donner un sens sexuel à tout ce qu’on sait, pour la raison que connaître prête à la métaphore bien connue de toujours (versant de sens que Jung exploita). C’est le réel qui permet de dénouer effectivement ce dont le symptôme consiste, à savoir un nœud de signifiants. Nouer et dénouer n’étant pas ici des métaphores, mais bien à prendre comme ces nœuds qui se construisent réellement à faire chaîne de la matière signifiante. Car ces chaînes ne sont pas de sens mais de jouis-sens, à écrire comme vous voulez conformément à l’équivoque qui fait la loi du signifiant. »

Mais revenons au chapitre sur la technique du mot d’esprit. Cette technique, Freud la rapporte à un principe général, le principe d’économie, principe qui rend compte entre autre d’une des propriétés caractéristiques du Witz : sa concision.

Toutes ces techniques, écrit Freud, qui vient d’en énumérer un certain nombre, réparties en trois grands groupes :

D’abord la condensation, dont Lacan nous dira qu’elle est une des formes de la métaphore, de la substitution d’un signifiant par un autre signifiant dans le registre de la synchronie. Cette condensation peut se produire avec formation d’un mot mixte comme dans le cas du néologisme famillionnaire (condensation de familier et de millionnaire) sur lequel je reviendrai, ou dans celui deCarthaginoiserie (Carthage et chinoiserie), par lequel Sainte-Beuve critique le souci excessif du détail pittoresque dans le roman de Flaubert, Salammbô, qui se déroule à Carthage. La condensation est susceptible de se former aussi avec une légère modification, par exemple grâce à la simple adjonction d’une lettre, comme pour ce personnage puissant appelé Léopold, surnommé Cléopolden raison de la liaison qu’il entretenait avec une dame prénommée Cléo. Légère modification qui peut relever encore d’une substitution littérale, comme dans le cas du mot d’esprit de Monsieur N. fait aux dépens d’un homme qui ne brillait pas par son intelligence:

« J’ai voyagé en tête-à-bête avec lui. »

Après la condensation, Freud distingue, tout en la faisant valoir comme ce qui est son summum, la quintessence du principe d’économie, l’utilisation du même matériel signifiant d’un mot ou d’un énoncé, soit en jouant de la place de la césure, soit en se contentant d’utiliser exactement le même matériel verbal en modifiant l’ordre, la place des signifiants dans la phrase. Il donne l’exemple suivant :

« Le couple X vit sur un assez grand pied. Aux dires des uns, le mari, ayant gagné pas mal d’argent, disposerait maintenant d’un joli petit matelas ; selon d’autres, la femme, ayant disposé d’un joli petit matelas, disposerait de pas mal d’argent. »

Et enfin, troisième groupe, le double sens du signifiant. C’est d’ailleurs à cette dimension du sens double du signifiant, plutôt qu’au caractère second dans le temps par rapport au signifiant S1, que Lacan rapportera l’indice 2 du signifiant S2. Dès lors, pour que le sens double de S2 puisse être entendu, il convient qu’il soit supporté par une écriture littérale, même si, lorsque le S2 se trouve identifié au signifiant primordialement refoulé, au savoir inconscient, cette écriture ne possède ni orthographe, ni articulation grammaticale et n’a à proprement parler aucun sens.

Notons enfin que l’ensemble de ces techniques ont été utilisées au moins depuis l’Antiquité, ainsi qu’en témoigne Platon dans le dialogue intitulé Cratyle, lorsque Socrate, à qui l’on demande de trancher sur la question de savoir si les mots du langage avaient une origine naturelle ou conventionnelle, se livre, non sans une certaine ironie à l’endroit de ses interlocuteurs, à de multiples jeux sur l’étymologie des noms et des mots. Pour n’en donner qu’un seul exemple parmi des dizaines possibles:

« Hérà, c’est une dame « aimable », ératé, et de fait (ce que dit aussi la légende), Zeus l’a « aimée », érastheïs, et il est son mari. Mais il est possible que, versé dans les choses d’en haut, le législateur ait, sous le nom de Hérà, dissimulé l’air, « aèr », en mettant le commencement à la fin ! Tu t’en rendrais compte en redisant de suite plusieurs fois son nom : éraéraér… »

Après cette très longue incise, je termine la citation de Freud :

« Toutes ces techniques sont dominées par une tendance à la concentration, ou plus exactement par une tendance à l’économie. »

Ainsi donc c’est cette économie, fondée sur le jeu du signifiant et de la lettre, qui est au principe de la technique du mot d’esprit et qui rend compte de sa valeur, c’est-à-dire de ce qui procure à celui qui l’entend, après un temps de surprise plus ou moins prolongé, un gain de plaisir (Lustgewinn) qui se manifeste par le rire.

Dans le séminaire D’un Autre à L’autre, Lacan établit une homologie entre l’objet petit a, rebaptisé plus-de-jouir, que l’on peut aussi bien traduire par Mehrlust que par Lustgewinn, et la plus-value, Mehrwert, chez Marx. Il se souvient que lorsqu’il avait lu le Livre I du Capital dans sa jeunesse, il avait été frappé par la manière dont Marx présente sa découverte de la plus-value, en mettant en scène et en faisant parler le capitaliste. Ce dernier, qui s’adresse au prolétaire d’une façon toute famillionnaire, lui fait valoir qu’il lui rend service en avançant sur ses propres deniers les matériaux et les outils nécessaires à son activité. Soudain, le capitaliste en question rit, découvrant ou feignant de découvrir qu’il lui suffit d’augmenter le temps de travail du prolétaire, tout en le payant du seul salaire nécessaire à sa subsistance, pour réaliser une plus-value.

Et Lacan va jusqu’à dire que ce qui nous fait rire encore aujourd’hui dans le mot d’esprit de Heine qui a tant retenu Freud, c’est que le famillionnaire marque l’avènement du sujet capitaliste et les modalités particulières de la jouissance qui s’y attachent, permettant de mettre en évidence que c’est, je cite :

« cette élision caractéristique, en tant qu’elle constitue proprement l’objet petit a,…[que] c’est là le rapport foncier autour de quoi tourne toujours le sursaut, le choc, … le « tour de passe-passe », le « passez-muscade » qui nous saisit au ventre dans l’effet du mot d’esprit. »

Freud dit quelque chose d’assez analogue à ce que Lacan avance ici lorsqu’il évoque ce qu’il appelle la façade du mot d’esprit qui est à l’œuvre dans les nombreuses histoires juives de marieurs et de tapeurs qu’il nous rapporte. Ces dernières, en effet, sont fondées sur un raisonnement en apparence logique, mais qui est en réalité un sophisme visant à dissimuler une faute de raisonnement qu’il désigne comme un déplacement de la pensée. Cette façade a pour Freud une fonction qui consiste à nous égarer et à nous voiler le rapport qui est le nôtre à ce qu’il nomme textuellement la vérité, vérité à l’endroit de laquelle nous devons constater, en suivant les arguments qu’il développe, que nous sommes, en tant que sujets, divisés. Divisés par quoi ? Précisément par ce que Freud ne peut pas dire explicitement, à savoir par l’objet a, par la fonction du plus-de-jouir.

L’exemple paradigmatique de ce que j’avance ici, à la suite de Freud et de Lacan, est l’histoire suivante que nous rapporte Freud :

« Un homme qui s’est appauvri a emprunté 25 florins à un homme riche de sa connaissance, et ce, après lui avoir assuré à maintes reprises qu’il se trouvait dans le besoin. Le jour même, son bienfaiteur le rencontre au restaurant, installé devant un plat de saumon à la mayonnaise. Il lui fait alors ces reproches : « Quoi ! Vous m’empruntez de l’argent et ensuite vous commandez du saumon à la mayonnaise. C’est pour des choses comme ça que vous avez besoin de mon argent ?

Je ne vous comprends pas » répond l’homme mis en cause. « Quand je n’ai pas d’argent, je ne peux pas manger du saumon à la mayonnaise, et quand j’ai de l’argent, je ne dois pas manger de saumon à la mayonnaise. Mais quand diable voulez-vous que je mange du saumon à la mayonnaise ? » »

Et lorsque Freud revient plus loin, dans le chapitre consacré aux tendances du mot d’esprit, sur ce Witz qu’il qualifie de cynique, il écrit ceci qui me parait remarquable :

« … lorsqu’à la façade d’une histoire s’attache l’apparence de la logique, c’est que la pensée aimerait dire très sérieusement : « Cet homme a raison », mais que, devant la contradiction qu’elle trouve en face d’elle, elle ne se risque pas à lui donner raison autrement que sur un point sur lequel il est facile d’établir qu’il a tort. La « chute »Le traducteur apporte ici une précision importante qui est que Freud emploie dans le texte allemand le mot français « Pointe » qui a l’unique sens, celui d’effet surprenant et souvent spirituel apparaissant en conclusion d’un développement, notamment d’un mot d’esprit – La « chute », donc, je poursuis la citation : la « chute » choisie est le juste compromis entre le fait qu’il a raison et le fait qu’il a tort, ce qui ne tranche certes pas la question, mais correspond bien au conflit qui existe en nous-mêmes. »

Ce qui est la manière dont Freud évoque, à sa façon, ce que nous appelons la division du sujet. Et il enfonce même le clou, tout de suite après :

« Si l’idée que l’homme évoqué par le mot d’esprit sur « le saumon à la mayonnaise » a probablement raison, nous inspire une telle répulsion, cela provient seulement de ce que, pour illustrer la vérité, il y est fait référence à un plaisir de la plus basse espèce, dont, nous semble-t-il, on peut très bien se passer. En réalité, chacun de nous a connu des heures et des moments où il a admis le bien-fondé de cette philosophie de la vie et où il a reproché à la morale de ne savoir qu’exiger sans dédommager. »

Ce que Freud entérine avec ces propos, c’est bien que son époque marque l’émergence de nouvelles modalités possibles de la jouissance dont nous voyons aujourd’hui la généralisation dans une économie fondée presqu’exclusivement sur le plus-de-jouir. Mais qu’est-ce donc déjà que ce saumon à la mayonnaise, sinon une figuration du plus-de-jouir, sous la forme de l’objet a oral qu’abritait la demande que le schnorrer, le tapeur, adressait à son bienfaiteur ?

Freud marque bien que ce changement de l’économie subjective pose des problèmes nouveaux quant à notre rapport à la vérité et aux choix éthiques qu’il implique. Ces choix ne se posent plus dans les mêmes termes que dans les grandes Écoles philosophiques de l’Antiquité dont certaines sont évoquées par Freud et où l’éthique constituait un véritable art de vivre. Quant aux religions, dans la suite du passage que je vous ai cité, Freud écrit que « la référence à l’au-delà, lieu où tout renoncement est censé être récompensé par la satisfaction, ne rencontre plus notre adhésion » et qu’ « il existe, du reste, très peu de gens pieux dès qu’on fait du renoncement le critère de la foi ».

Ce n’est qu’à partir du repérage de la fonction du plus-de-jouir que Lacan a rendu possible grâce à l’écriture de son objet petit a, du trou qu’il vient boucher dans le savoir sur la jouissance, que la question du choix éthique est susceptible de se reposer autrement. Il est remarquable de constater que l’étude de la technique qui constitue l’essence du mot d’esprit est en mesure de nous faire apercevoir les enjeux que je viens de poser. Et ce, dans la mesure où le mot d’esprit induit certes des effets de sens, mais également des effets de trou, dès lors que l’escamotage de l’objet a qui y est à l’œuvre a pu être cerné. L’interprétation psychanalytique, dont nous avons vu qu’elle relève de la même technique que celle du mot d’esprit, pourrait alors produire sur le symptôme et la jouissance qui s’y attache, l’effet de dissolution qui en est attendue. Et ce, en faisant entendre, à partir de la lecture du discours de l’analysant, la manière dont s’est produite pour chacun, la coalescence entre ces éléments hétérogènes que sont d’une part les détritus, les débris, les restes de lalangue, en un seul mot, qui se sont trouvés tamisés de manière particulière, lorsque, très tôt, sa langue maternelle a été transmise au sujet ; coalescence donc entre d’une part ce que Lacan appelle le motérialisme, mais dont Freud parle déjà à sa façon dans le chapitre sur « La psychogénèse du mot d’esprit », lorsqu’il évoque le très petit enfant qui manie les mots de sa langue maternelle sans se soumette à la condition du sens, et ce, afin de jouir du rythme ou de la rime, et d’autre part la rencontre avec une jouissance étrangère, de nature sexuelle, qui induit le plus souvent une réponse symptomatique particulière.