Re-création de cour d’Ecole
21 novembre 2022

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RIDOUX Patrice
Hommages à Ch. Melman
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Re-création de cour d’Ecole

Le nom de Charles Melman me fut donné par une collègue avec qui je travaillais dans un inter secteur de pédopsychiatrie de l’Essonne. J’avais échangé avec elle sur l’impasse dans laquelle je me trouvais, celle d’un mauvais choix de carrière hospitalière et les remous de mes relations conjugales, position un peu trop familière d’équilibriste en porte à faux.

Nous étions dans les dernières années de la décennie 70 du siècle précédent et je fis le pas d’engager le travail analytique qui débuta pas très loin du Panthéon. Cela commença avec probablement un défi qui consistait en l’idée saugrenue à savoir, associée à ma demande, celle de ne pas me laisser prendre dans une analyse. Ce paradoxe voulait se soutenir de quelques arguties, comme la durée des séances, les attentes, les lectures et déplacements de cet analyste lorsque j’étais sur le divan, le prix, les coupures jugées hâtives et toutes autres stratégies qui semblaient ravir mon symptôme et mes positions névrotiques.

L’écoute de Charles Melman était bien heureusement et bien justement flottante, d’une pertinence active et suffisamment autoritaire pour mettre en mouvement mes résistances. Je ne pouvais plus concevoir sa place autrement que comme un sinthome dont j’aurais à user, logiquement.

Lorsque Jacques Lacan acta la dissolution de l’Ecole Freudienne en 1980, j’éprouvais l’inquiétante étrangeté de la perte de mon premier espace de formation. Je ne pouvais bien évidemment pas encore me rapprocher de l’Association Freudienne que Charles Melman avait fondé la même année et c’est au CFRP que je suivis Maud Mannoni jusqu’à ce que je refuse ensuite clairement de choisir une des deux écoles psychanalytiques créées après la scission de 1994. Il devint alors évident que je devais poursuivre mes cheminements à l’Association Lacanienne Internationale.

Charles Melman avait quitté le Panthéon pour l’Odéon, puis la rue des Archives. Jeux de places et de scènes qui accompagnèrent mes épisodes, mes « tranches » qui, avec lui, ont donné nom, et autorisé une possibilité d’identification à mon symptôme.

Au fil des liens de travail à l’ALI, c’est un d’entre eux, celui engagé avec M.C Laznik qui m’a fait me retrouver avec Charles, chez lui, et avec d’autres: Marie-Christine, Graciela, Hervé, Jean-Louis, Loutfi …des prénoms.

Lors d’une des premières soirées de rencontre je proposais un nom pour le groupe de recherche qui nous réunissait: PréAut. Alors Charles lança à la cantonade qu’il reconnaissait bien là mon gout pour les cours de récréation… Ce fut le vrai clin d’oeil du psychanalyste, un joueur habile et précieux oserais-je dire.

Je reste aujourd’hui dans la difficulté de me détacher d’une question apaisée: que s’est il passé? . Je sais qu’un homme est passé, dans ma vie.

Merci Charles Melman.

Patrice Ridoux