L’emploi de lettres en mathématiques a ceci de particulier : désigner des places plutôt que nommer des lieux. Places géométriques (les sommets d’un triangle) ou places de calcul (les équations algébriques).
La lettre se trouve de facto réduite au rang d’un signe quelconque laissé au libre choix du mathématicien. Mais pas plus libre en fait que l’association qualifiée par Freud. Car pour être mieux compris du lecteur, des usages se sont mis en place :
tout d’abord, les variables sont habituellement désignées par les lettres les plus éloignées dans l’alphabet (les trois dernières x, y, z, puis si nécessaire, u, v, w).
à l’opposé, les valeurs fixes seront le plus souvent portées par les premières lettres (le triangle ABC par exemple)
on tient donc près de soi (plus près du a), ce dont est plus sûr, et plus loin (fin de l’alphabet) ce que l’on ignore.
Le choix des lettres se fait ainsi dans un sens organisé du très connu au moins connu.
Entre les deux extrêmes, les paramètres seront notés m, n, p, q, r, s (le o est en effet peut usité). Ces paramètres ne sont ni tout à fait des valeurs fixes, ni tout à fait des variables : ils ne sont fixes que le temps d’étudier les variations des autres variables.
Plus près du connu : les indices i, j, k qui dénotent un ensemble dénombrable de valeurs.
Terminons cette liste par les lettres qui fonctionnent comme des noms propres, la plus connue étant pi (π). Par son caractère étrange, elle porte en elle l’incommensurabilité du rapport de la circonférence à son diamètre. Paradoxalement, on trouvera aussi dans ce rôle la lettre la plus commune e.
En conclusion soulignons que la lettre porte avec elle l’ensemble des opérations dont elle est l’objet. Elle n’est pas quelconque en mathématiques, pas plus qu’en psychanalyse.