Pierre Coërchon
Quel amour en fin de cure ?
En introduction, juste une remarque, qui m’est venue tardivement à la lecture de ce séminaire, sur la façon d’entendre, de recevoir un mot. Comme quand on reçoit un mot d’esprit produit par quelqu’un d’autre tout en se disant « ah… ben… pourquoi n’y ai-je pas songé moi-même? » Nous avons beaucoup parlé ce matin de la question de la parenté, dans la façon dont on pourrait se trouver embouteillé, coincé, bouché, dans une psychanalyse, tant du côté de l’analysant que de l’analyste qui écoute ça, par les interprétations pleines de sens et qui cherchent à expliquer l’histoire et les symptômes de tel sujet. En effet, ce n’est que très tardivement, après plusieurs lectures d’un séminaire de Lacan qui pourtant ne s’économise guère quant aux inventions signifiantes qui font entendre au-delà de la langue la lalangue, que j’ai entendu la passe du mot d’esprit pouvant nous faire traverser ce qu’il évoque comme l’escroquerie, par exemple à travers son invention signifiante du « matériel ne ment ». Ce n’est donc que très tardivement que j’ai pu entendre autrement le signifiant « retournement » tel que lui, signifiant maître pourtant de tout le séminaire, pourrait déboucher autrement aussi bien sur un : « retour ne ment ». Ainsi, par ce jeu de découpe, il nous est possible d’entendre les « holophrases » dans lesquelles nous sommes pris via l’apprentissage même de la langue et de tout ce que nous avons pu « orthodoxement » en apprendre, par les effets de sens du signifiant. « Retour ne ment », retour ne saurait-il donc mentir ? « Retourne m’en ! » de ce que je n’en veux rien savoir. D’un seul coup, cette bévue du sens fait apparaître cet effet de coupure tellement insu, inouï, mais pourtant compris dans la structure de tout effet de sens dans un continuum littéral. Ce décalage de coupure, dans un sens commun de bien-entendu, fait apparaître cette dimension topologique de coupure qui fait traverser la forme que suggère finalement le sens de ce signifiant. Et ce pour entendre quelque chose d’autre de l’enjeu de la prise par la structure-même, mais aussi de l’enjeu de la négation dans cet autre trait ouvert par l’esprit de ce « retour ne ment ». Déjà, j’avais été un peu surpris, comme ça, à la lecture de ce séminaire de ce fameux « papouâtassez » repris par Lacan du poème de Léon Paul Fargues, là où au départ on pouvait attendre d’un enseignement (et Lacan inscrit bien ses séminaires dans ce cadre) qu’il nous aide à piger. Alors justement, tant avec ce « papouâtassez » qu’avec d’autres découpes signifiantes décalées inventées par Lacan, on ne peut qu’être sensibilisé par la lecture de ce séminaire à ce remaniement de la découpe signifiante opérée ici et sa corrélation avec la manipulation des structures topologiques dont parle Lacan pour essayer de nous les faire intégrer. D’autant sensibilisé que cette topologie de la matière, « l’âme-à-tiers », il faut quand même accepter de pouvoir y rentrer pour pouvoir s’en sortir. Il y a déjà ces effets d’intériorité et d’extériorité que laissent entendre toutes ces formulations pratiquées antérieurement par Lacan, stylistiquement et topologiquement. Par exemple : « s’en servir pour pouvoir s’en passer »…, etc. J’ai été frappé aussi comme tout un chacun par la conclusion du séminaire qui revient à la prescription. Ici celle d’avoir à inventer un signifiant nouveau pour l’inconscient après avoir souligné d’ailleurs que la psychanalyse ne se trouvait pas hors suggestion, et là où nous avions tous, comme de bien entendu, compris qu’après Freud elle s’en démarquait. Or voici bien une prescription qui pourrait résonner tout à fait impérativement comme tout effet suggestif de la prescription du signifiant dans son effet de sens, et qui pourrait bien nous faire partir bille en tête pour nous dire : « quel signifiant nouveau vais-je pouvoir inventer pour l’inconscient ? » Car si le séminaire s’ouvre sur un « je professe » de Lacan mais se termine sur une promesse pour l’année suivante, celle d’inventer un signifiant nouveau, on pouvait s’attendre pour l’année suivante à un titre dans la continuité de la façon dont Lacan retraite le découpage du sens du signifiant ici. Or cette suggestion ne sera pas tenue puisqu’il sortira comme titre: Le moment de conclure. À stade-là de la lecture, je n’ai pu m’empêcher d’entendre: « le mot ment de con-clure » ; et d’y ajouter ce plus ancien trait d’esprit lacanien que j’avais en tête : « là où on dé-connaît ». Est-ce que ça ne pourrait pas être aussi là sa réponse ? C’est-à-dire de pouvoir, et pas seulement au niveau des lapsus des bévues de sens, profiter des suppléments de réintroductions de lettres du type « matériel ne ment », mais aussi des effets de découpe qui sont en jeu, là, dans la topologie. En effet, la langue qui elle-même parait découpée en ses effets de sens, paradoxalement, Lacan la fusionne, pour nous en dire quelque chose de la topologie même de cette autre découpe qu’il y aurait là à faire dans le continuum de lettres et de phonèmes pour que de ce matériel se fasse entendre comment se produit un sujet. Entre la langue et la lalangue (qui fait entendre le la-la-la et la dimension musiquante de l’affaire…), c’est vrai qu’il y a aussi ce renversement-là, ce retournement-là, alors qu’elle est déjà découpée, prédécoupée, « prête à porter » et qu’on peut tout de suite l’enfiler par le sens, eh bien finalement, Lacan nous invite à y habiter par ce jeu de découpe ou de mise en continuité. Voire même à nous affilier à ce jeu de découpe, notre pratique analytique ayant éminemment affaire à cette vérité du sujet. Voilà ce qui serait notre nouvelle parenté!
Ainsi Lacan évoque-t-il dans cette leçon que de la linguisterie il s’en fabrique depuis bien longtemps ; il évoque les références antiques, notamment de Platon et du Cratyle, pour nous faire entendre comment toutes ces tentatives très anciennes nous concernent comme psychanalystes. Car elles aussi ont finalement à parler sur lalangue, sur le langage et ses effets. « Parler sur » indique déjà quelque chose d’une supposition : une position sur quelque chose, et qui cherche aussi le sûr d’un substantiel à quoi se raccrocher. Lacan évoque ici le pousse-à-l’escroquerie de l’affaire et le type d’enchainement dans lequel on se trouve tout de suite embarqué. Il tente de s’en sortir par une renversante réponse topologique précisément à cet endroit-là. C’est-à-dire que pour essayer de parler sur-, ou parler de-, comme il l’a indiqué dans tout le début du séminaire, à partir du matériel qui ment, quel matériel pourrait ne pas mentir là-dessus et nous donnerait prise quelque peu sur le langage avec le Réel et la vérité de l’affaire ? Le seul matériel qui ne mentirait pas, le « matériel-ne-ment », ce serait selon lui la topologie torique. Voilà. La seule saisie, la seule prise, la seule comprise, la seule compréhension qu’on puisse avoir avec toutes ces affaires, la seule chose qu’on peut attraper, c’est d’attraper finalement une chose qui se présente comme un tore avec une autre chose qui elle-même aussi se présente comme un tore. On a donc dans cette affaire-là à rendre compte de quelque chose sur le langage ou la langue, où l’on a à voir, par là et au-delà, qu’il ne s’agit finalement que d’attraper un trou par un autre trou. Sans que ces trous n’arrivent pour autant à se conjoindre. Lacan a déjà évoqué plus anciennement cette topologie dans son séminaire sur l’Identification, puisqu’ici il reprend les deux tores enchainés du désir et de la demande. Et ce serait la seule prise sur laquelle, avec laquelle nous pourrions fonctionner en tant qu’être parlant, parlant de nous.
Alors ça pose un certain nombre de problèmes qui ont été évoqués ce matin. C’est-à-dire tout un tas de questions dans l’élaboration de pensée, dans toute la linguisterie qui peut en découler et être produite à cet endroit-là. À noter d’ailleurs qu’ici Lacan ne reprend pas le cogito de Descartes. Mais des énoncés tels que nomina sunt consequentia rerum, et toute cette discussion du Cratyle autour de questions comme « est-ce que les mots sont la conséquence des choses dans la nature ou vice-versa ? » Qu’est-ce que cette affaire? Comment peut-on attraper l’un avec l’autre ? Sachant que les deux ont à être compris, à avoir leur « com-prise », leur préhension ensemble, mais qu’échappe toujours quelque chose. Nous nous trouvons là, me semble-t-il, de plain-pied dans cette topologie qui a été évoquée ce matin par Esther Tellermann, c’est-à-dire ce genre d’impasse de la cure, de chose qui n’en finit pas de tourner en rond dans la cure. C’est-à-dire que ce en quoi on est en prise, c’est cette langue, avec laquelle on va attraper les choses, les choses qui vont attraper la langue, et qu’en fait le sujet ne sait pas comment s’y retrouver dans ces renversements. Mais on est là tout de suite en prise avec le constat clinique finalement extrêmement réduit qu’amène Lacan et qui me parait un aboutissement de son travail et de son enseignement. Le constat que le sujet reçoit ses signifiants de la langue de ses parents parce qu’il l’a apprise. Et que tout cet apprentissage de signifiants dans leur découpe de sens prêt à porter, n’arrive pas au sur mesure espéré parce qu’il n’y a pas de rapport, il y a toujours un décalage, un écart de taille. Et que le sujet en est toujours finalement à s’interroger de l’origine de ce défaut, se vivant comme toujours en tort, bien-sûr ! Le trou de l’un n’étant saisi que par le trou de l’autre, puisque les deux tores sont l’un dans l’autre, quelle origine ou quelle causalité pouvoir affirmer sur tout ça ? Alors la réponse toute faite est que ça vient de ceux qui nous l’ont appris, d’où on nous l’a appris !? Il y a toute cette rationalisation-là qui nourrit pendant très longtemps la cure : « ça vient de nos parents » et ça vient de la façon dont nos parents ont attrapé les choses par la langue ; et aussi la façon dont on a été pris là-dedans nous-mêmes ou qu’on y a eu prise ; comment on a été attrapé, enchaîné là-dedans. Ce qui laisse entendre que finalement, pour peut-être répondre à la question des incorporations telle qu’on l’a évoquée au départ, il faudrait repérer qu’il y aurait différentes incorporations et en quoi elles auraient affaire à différents retournements de tores avec ou sans coupure, mais aussi à de simples enchaînements de tores non forcément retournés. Celle qu’évoquait Marie-Christine Laznik et qui me parait tout à fait essentielle, par exemple, est celle d’avant l’acquisition de la langue et son apprentissage. Il y a un support antérieur aux deux tores enlacés ou aux deux tores enchaînés dont l’un ou les deux se trouverai(en)t retourné(s) ou même au tore unique troué retourné. C’est celui du retournement sans coupure de la surface (dite bouteille) de Klein de la pulsion invoquante dans lequel l’enfant, le bébé doit accepter d’être immergé de façon langagière mais bien avant l’apprentissage d’une langue et la confrontation perplexe ou enjouée à lalangue. Déjà du discours, même sans parole!
Schéma 1
Il y a quelque chose qui se répète de cette pulsionnalité-là, et qui rentre en matière, sous forme de retournement et d’échanges entre le bébé, la mère et le tiers (échange qui semble beaucoup avoir affaire à la musicalité) et bien avant l’enchaînement signifiant de ce qui va constituer la langue elle-même, quelque chose d’avant la détermination de la coupure. Puisque cette langue sera ensuite apprise de façon pré-découpée et que pour bien la manier et devenir un bon parleur, il va falloir quand même accepter l’orthodoxie des lois de sens commun qu’elle véhicule. Mais qu’y rentreront en matière aussi des bévues qui en transperceront la forme pour donner accès, via un autre retournement, à la structure torique du continuum de lalangue et sa nécessité de découpe qui nous retourne ou nous fait retourner au materiel même qui nous origine.
Ainsi, topologiquement, l’incorporation ça pourrait être tout simplement ça aussi, cet enchainement d’un tore dans un autre tore qui nous fait retourner sans cesse à l’impossible d’un métalangage mais à la possibilité de saisie d’une langue par une autre. Et il me semble que Lacan va aborder dans cette leçon les choses sous ce versant topologique-là, en se servant de ces deux tores enchaînés comme base et comme constat de ce qui peut faire aussi bouchon à l’intérieur-même d’une cure de psychanalyse. Mais alors, qu’est-ce qui déboucherait ? Qu’est-ce qui pourrait faire sauter un petit peu ce bouchon, c’est-à-dire cette structure topologique de base dans laquelle nous serions immergés ? Ce seraient des bévues! Des bévues qui viennent un petit peu déboucher, faire entendre autre chose dans ce pur enchainement, cet enchainement un peu « prêt à porter » qu’on aurait là à s’enfiler. Aussi pourrions-nous ici proposer la définition de ce qui pourrait s’appeler une bévue, à partir de cette lecture. Une bévue, ce serait un trou, un trou dans la forme – à entendre y compris du côté du style – un trou dans la forme qui permettrait d’accéder à autre chose, à une autre Vérité que celle que la forme laisse croire et cette Vérité, elle, elle aurait affaire à la structure, c’est-à-dire au Réel même de la structure du tore. Un trou qui peut aussi bien être une autre découpe que celle du sens premier mais qui laisse entendre autre chose plus en rapport avec la vérité ou bien l’émergence de lettres qu’il ne faudrait pas pour l’intelligibilité du sens mais qui néanmoins permettent d’en entendre un autre plus en rapport avec l’inconscient.
Alors, dans cette leçon, ce que va décliner Lacan, c’est le maniement de ces bévues, des manifestations de l’existence de l’inconscient d’un patient, de sa propre existence, car il n’est quand même pas qu’un robot qui a seulement assimilé la langue et qui s’en sert. Et ces bévues nous donnent une indication de sa vie langagière. Lacan va déplier topologiquement dans cette leçon IX, la déclinaison des bévues possibles topologiquement. À partir donc de cette base des deux tores enchainés, se déclinent deux possibilités. Sachant que son projet c’est à la fois d’accepter l’escroquerie dans laquelle la psychanalyse est aussi poussée mais pas forcément de l’entretenir inutilement. C’est-à-dire qu’il vise quand même une fin, une éthique de l’analyse qui ferait en sorte que pour assumer cette escroquerie et supporter dans le transfert de jouer le rôle de cet anneau auquel on viendrait s’accrocher, c’est à la condition que l’escroquerie « tombe juste », comme il le dit, par rapport aux effets de signifiants.
Là, Lacan va s’intéresser à certaines facettes des effets du signifiant, plus tant directement a priori la facette du Réel dont on a beaucoup parlé et qui est particulièrement sérieusement traitée dans ce séminaire, mais plutôt du côté de la facette des effets de sens qu’a le signifiant. Donc il part ici carrément des effets de sens à partir de l’héritage qu’on a reçu de la langue, la langue en deux mots. Il s’agit, dans un nœud borroméen à trois, de cette jonction entre l’Imaginaire et le Symbolique, qui coince quelque chose d’un effet de signifié hérité avec lequel on est tous à peu près à l’aise et aussi probablement en souffrance dès que cet effet de signifié disparait. Car, que cet effet de signifié soit mis à mal, et les problèmes cliniques alors pullulent. Alors, le signifiant a des effets de sens. Ce en quoi Lacan propose, parmi les escroqueries et en tentant de s’en sortir d’une façon qui n’entretienne pas à rester sourd ni bouché aux effets du signifiant, il propose la déclinaison clinique des bévues telles qu’elles peuvent avoir lieu « hystoriquement ». C’est-à-dire qu’il va reprendre les identifications programmatiques telles qu’il les avait énoncées dans la première leçon et qu’il va s’attacher ici à décliner une coupure sur un des deux tores en tant que ces deux tores sont enchainés.
Ça ressemble beaucoup à ce qu’on a déjà évoqué : retournement de tore, le fait d’avaler, « d’entuber » un tore dans un autre tore. Il est à noter que dans cette déclinaison que commence à manier ici Lacan, il ne va pas jusqu’au bout. Il ne décline pas tous les renversements possibles, notamment pas celui sur un seul tore, ni celui d’une coupure sur un des éléments du nœud borroméen en tant qu’il se retourne sur les deux autres tores. À ce moment-là de son développement, il n’annonce que certaines prémisses de toutes les déclinaisons possibles de ce retournement de l’identification hystérique d’un tore troué sur un tore intact (qui sont: Réellement Symbolique, Symboliquement Réel, Imaginairement Symbolique, Symboliquement Imaginaire, Imaginairement Réel et Réellement Imaginaire). Peut-être même qu’il se trompe à propos de l’angoisse telle qu’il la décrit ici. Mais par exemple pour la poésie, il va dire que la poésie, c’est l’Imaginairement Symbolique. Topologiquement, c’est un retournement du tore de l’Imaginaire sur le Symbolique qui reste inentamé en tant que transmetteur de la langue. Et là-dessus ce sont les lapsus, les « erreurs », les fautes, les ratés commis à ce niveau-là, mais aussi bien les créations poétiques inventées à ce niveau-là, qui sont pour l’analyste des productions de l’Inconscient qui vont plus loin que la forme en nous laissant accès à la structure même du langage. Et il va décliner toutes ces possibilités-là de retournement d’un tore troué ou coupé sur un tore intact. Certes en faisant toutes ces opérations, il part du nœud borroméen à trois évoqué déjà à propos des tranches d’analyses et du retournement du seul tore du Symbolique en l’occurrence, mais ici il s’attache plutôt cliniquement aux productions culturelles en tant que forcément elles-aussi interviennent dans la cure (poésie, mensonge, géométrie, angoisse…) Mais alors ici, quid du troisième élément ? Et ce d’autant qu’à propos de ces déclinaisons de retournements, Lacan ne retourne pas un tore noué borroméennement à trois sur les deux autres, mais bien un seul de deux tores enchaînés sur l’autre. Pour l’Imaginairement Symbolique par exemple, quid du Réel ? Et là il apporte une réponse dans son texte. Il propose de nommer ou de renommer différemment la poésie puisqu’il l’appelle carrément : la Vérité. La Vérité est poétique en tant que « le Réel dit la Vérité ». Le problème, c’est qu’il ne parle pas ce Réel.
Alors je me suis beaucoup interrogé sur cette façon de procéder de Lacan. Ça m’a vraiment « pris la tête », c’est le cas de le dire. Pourquoi cette dimension, apparemment, du tiers exclu dans l’affaire, de Réel exclu par exemple dans le retournement de ce qui serait l’Imaginaire sur le Symbolique à partir d’une bévue sur l’Imaginaire, sur le sens (jeux d’équivoque…) ? Qu’adviendrait-il du tiers terme ? Ce n’est pas tout à fait joycien non plus ; il n’y a pas un élément qui semble s’en aller, comme ça, non plus dans ce qu’il est en train de dire, et dans sa façon de nommer « l’Imaginairement Symbolique », la poésie ou la Vérité ! Ne pourrait-on pas considérer que dans ce type de manifestation de l’Inconscient, à ce moment-là, le Réel émergerait comme implicite ? Qu’il serait là, qu’il ne serait pas mentionné directement mais qu’il émergerait comme implicite dans l’affaire. Ce serait le tiers terme implicite. Et non pas exclu.
C’était une hypothèse, sachant que, selon moi, elle pourrait aussi se confirmer éventuellement à propos de la définition que Lacan va donner dans ses déclinaisons de retournements de tores (parce qu’il définit quand même une typologie clinique là-dedans), puisqu’il va considérer que le mensonge serait le Réellement-Symbolique. Voilà un usage hautement clinique de la topologie parce que c’est sur les bases de ce avec quoi on travaille. Le mensonge, donc, serait Réellement-Symbolique. C’est-à-dire qu’effectivement, à partir de là : quid du sens, de l’imaginaire, de l’indice du vrai ? On n’a plus de représentation vraie à quoi se rattacher. Eh bien le sens, le vrai, il ne vaut que dans son implicite comme ici « à la limite on s’en fout ». Il est accessoire. On peut y aller franco dans le mensonge mais ce « Réellement-Symbolique » fait entendre néanmoins quelque chose de la Vérité implicite contenue dans le mensonge, c’est-à-dire que ça n’exclut pas le tiers terme. On s’en fout mais pas tout-à-fait. On s’en fout que ça mente mais il faut que ça reste plausible et que ça dise quand même quelque chose de la vérité du langage. J’étais en effet très interpellé par ces apparences de binarité, d’enchainements de deux tores et de retournements sur cette base et ça me posait problème alors que Lacan partait du retournement d’un tore dans un nœud borroméen à trois, mais que ce n’était pas ce qu’il faisait là. Quid du troisième? Et comment faire entendre la ternarité encore dans ce type de retournement topologique? Il y avait quelque chose qui, dans une logique borroméenne à trois, posait problème pour cette topologie-là à deux tores enchaînés. Lacan, me semble-t-il, apporte cette réponse-là qu’il s’agit de manifestations de l’Inconscient qui disent à chaque fois quelque chose du Réel du nœud, et du tissu de la langue qui est ici à l’œuvre.
Là où la psychanalyse aurait hautement intérêt à rejoindre la poésie, Lacan va terminer là-dessus la leçon, ce serait selon lui finalement quand la poésie raterait. C’est-à-dire que peut-être qu’il y aurait des œuvres génialement poétiques, remuant l’académique jusqu’à elles dominant, ces fameuses bévues hystoriques comme ça, qui s’appuieraient sur deux tores enchainés avec un retourné et les effets de Réel que ça pourrait faire apparaitre implicitement au sein de ce chef-d’œuvre. Et puis il va au-delà de ça et il dit que ça rejoint la psychanalyse. C’est vrai, parce que si la psychanalyse est née, si j’ose dire, de l’accrochage aux hystériques, le sujet supposé au savoir à ce moment-là, le médecin, auquel l’hystérique va adresser son retournement de tore, le médecin se trouve pris, attrapé, enchainé à l’affaire. Et c’est comme ça que nait la psychanalyse ! Alors en quoi cette autre identification, celle au trait-unaire, celle qu’évoque Lacan à ce moment supplémentaire de la leçon, intéresserait-elle la psychanalyse ? Je vous proposerais ceci : c’est qu´aux bévues du patient – puisque la bévue, on l’a définie comme le trou qui permet d’accéder à la structure au-delà de la forme – au-delà d’une seule bévue sur l’un des deux tores enchainés, la particularité de l’affaire résiderait dans le fait que dès l’instant où le psychanalyste s’y engagerait et viendrait essayer d’acter quelque chose, il viendrait lui aussi commettre ses propres bévues, ses propres interprétations, ses propres découpes de sens, ses actes manqués, ses effets de re-découpe, tout ce qu’on a vu autour des « holophrasitions », des effets de phrases et puis de l’interpellation par l’arrêt que peut faire un psychanalyste à un moment donné, par sa propre intervention, voire tout simplement sa perplexité, sa surprise ou son silence… Il faut peu de chose pour faire trait. Et à ce moment-là on a affaire à ce que Lacan évoquait dès le début du séminaire à savoir à la troisième identification, c’est-à-dire l’identification au trait unaire, la bévue de l’analysant parlant sur son propre anneau s’enchaînant à l’anneau de l’analyste sur lequel celui-ci génère aussi ses propres bévues. Ce que je vous proposerais, c’est que l’identification au trait unaire a beaucoup affaire avec le déroulement d’une psychanalyse. Je vais essayer de vous le montrer à partir du matériel que déplie Lacan et dont il se sert dans cette leçon du séminaire. Il va le décliner là, sur le versant du problème du sens plein et du sens vide. C’est en ça que la psychanalyse rejoint la poésie. Et que finalement le psychanalyste aurait à apprendre dans son acte même, de la part des poètes et de la façon de participer des poètes à l’enchaînement des mots dans le langage et à l’implicite de la structure qu’il laisse entendre.
Voilà, cette façon qu’évoque Lacan, de la double découpe sur deux tores, c’est-à-dire, il y a une configuration qu’on peut voir ici de deux tores déjà découpés emboîtés l’un dans l’autre.
Schéma 2
C’est la configuration où finalement découper un des tores de deux tores enchassés l’un dans l’autre, l’un en pleine prise de l’autre, découper un tore, c’est découper le deuxième en même temps. De deux traits, de deux bévues, on ne fait qu’un. Ces deux bévues superposées ont une correspondance identitaire. Et c’est ce que Lacan évoque comme le support topologique du sens plein. J’ai repris le code-couleur qu’a utilisé Jean Brini dans son petit lexique de la topologie torique. Lacan va se servir de cette écriture comme support du sens plein. On voit bien ainsi cet effet de prise l’un sur l’autre qui serait une sorte d’englobement de l’un avec l’autre, l’un « entubant » l’autre. Ce serait ça le point de départ du sens plein. C’est plein de sens, en ce sens où il y aurait là presque une réponse à la tromperie dans le savoir, une idylle consensuelle pour un temps, une entente torique, c’est-à-dire la promesse que le nom corresponde bien à la chose qu’il signifie. Là, il y aurait presque du rapport. Rapport d’un analysant manquant de savoir avec un analyste supposé savoir. Mais très vite, la faille et l’impossible émergent dans cette affaire, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de sens plein qui ne tienne très longtemps, parce qu’il s’avère plein, le sens, surtout de duplicité, plein du S2. Du S2 de la division, en tant qu’il ne s’agit pas d’un deuxième. Il n’y a ni premier ni deuxième dans cette structure. Il n’y a ni contenant ni contenu. L’un peut s’échanger avec l’autre. Il y a un jeu d’équivalence tel qu’il existe déjà dans le nœud borroméen et qu’on retrouve là dans cette structure torique, c’est-à-dire un jeu d’équivalence biface. Donc ça ne tient pas très longtemps le sens plein, parce que tout de suite, ça s’ouvre et ça s’ouvre du côté du sens double, que ce S2 véhicule.
Schéma 3
La poésie, qui joue de l’équivoque en permanence du côté de la duplicité, du sens autre qu’on peut entendre dans des jeux de mots incessants qu’on peut faire dans cette affaire, il y a tout un temps de l’analyse qui est occupé par ça, mais néanmoins ça laisse entendre quelque chose de la structure à l’œuvre.
Le troisième temps qu’évoque Lacan et auquel il se réfère quand il parle de la poésie amoureuse, du sens vide, de la poésie chinoise et de son enjeu de passage par l’écriture, dans sa production de bévues, c’est ce qu’il a appelé le sens vide.
Schéma 4
Là, le tore va s’ouvrir pour finalement dégager l’axe commun qui existait encore à l’étape précédente et aboutir à une vidange d’un des sens. C’est ce que dit Lacan : « il n’y a plus qu’un sens ». Et un sens qui dorénavant a affaire à une pure signification, c’est-à-dire à un pur vide de sens. Mais il y a du sens, il y a une opération qui a été effectuée pour le choix quand même d’un sens, mais d’un sens en tant que dorénavant, dans la signification, il n’a plus qu’affaire à un pur vide. Il me semble cliniquement que c’est là aussi, dans l’entretien de l’amour de transfert, qu’une psychanalyse peut avoir tendance à s’éterniser dans l’infini. Il me semble aussi que cette dynamique que j’ai essayé de retracer devant vous matériellement – « matériel-ne-ment » – fait partie de la dynamique classique de la cure. Ce pourrait être en ça que la poésie devrait, selon Lacan, intéresser le psychanalyste. Dans le discours analytique, on passe par le S2 en place de Vérité, c’est-à-dire par cette Vérité qui ne peut-être que mi-dite, et qui demeure toujours équivoque, etc. Mais on peut aboutir à cette identification finale, qui d’ailleurs ne suffira peut-être pas, ce desêtre final qui serait cette identification de pure signification.
Cela ferait-il une fin de cure ? Est-ce que ce serait ça l’amour en fin de cure ? C’est bien joli d’entretenir une œuvre dans la poésie et dans la répétition de cette affaire, mais ce n’est peut-être pas la fin à laquelle veut en venir Lacan. En effet en toute fin de séminaire, quand Lacan évoque le fameux « pas pouâtassez » inspiré du poème de Léon-Paul Fargue L’air du poète, et qu’il suggère en conclusion l’invention d’un signifiant nouveau pour l’inconscient, ce n’est plus du tout la même poésie dont il s’agit. Puisqu’il s’agit d’une poésie qui va nous faire entendre directement la consistance de la langue, sa « corps-sistance », lalangue… et que finalement là serait peut-être l’enjeu d’une fin de cure ? L’enfant n’en serait-il d’ailleurs pas très proche dans ce qu’il entend des mots qu’il découvre ? C’est que l’on recevrait la langue parentale à partir de lalangue en son jeu même, là où gît le sujet comme division. Mais qu’il s’agirait de la même consistance ? Symptôme et Inconscient ne sont-ils pas les deux versants d’une même consistance, celle du tore du Symbolique, dans le noeud borroméen à trois, côté Réel pour le Symptôme et côte Imaginaire pour l’Inconscient ? Car il en est ainsi que la trinité peut se trouver contenue dans un seul tore marqué d’une bévue. Coupé ou troué, un seul tore suffit à assurer le lieu trinitaire qui nous articule, la corps-sistance qui nous articule. L’implicite résidant alors dans le nouage borroméen aux deux autres consistances.
Schéma 5
Un tore seul et sa bévue, une bévue dans un tore unique, suffit à supposer déjà la trinité du nouage borroméen à trois et du maillage minimal du tissu de la langue produisant l’existence d’un sujet. Ne se jouerait-elle pas là de nous notre filiation originaire au langage ?
Discussion
Jean-Luc Cacciali — Merci beaucoup Pierre pour cet audacieux exposé. Quelques points à propos de cette définition que tu proposes, la bévue comme trou dans la forme qui permet d’accéder à la structure et tes remarques de départ sur le retournement, le matériel-ne-ment, le mo(t)-ment, qui sont plus de l’ordre du glissement que de la coupure et qui va avec ce que dit un moment Lacan sur la bévue qui est de l’ordre de l’achoppement, du glissement, du trébuchement. Alors, est-ce que le glissement peut faire trou ?
P. Coërchon — C’est peut-être le trou qui peut laisser entendre la dimension structurale d’un effet de glissement des deux tores du désir et de la demande, perpétuellement. Il y a quand même… il faut un trou pour accéder à la structure.
J.-L. Cacciali — Un autre point sur : « apprendre lalangue », là, c’est apprendre lalangue en un mot ?
P. Coërchon — Non, « apprendre la langue », en deux mots. La parenté, à la fin, Lacan la réduit à ça. La parenté, il la réduit au fait que c’est nos parents, la structure familiale, nos proches quoi, qui nous apprennent cette langue-là, avec ces effets de sens-là. On en discutait avec Marie-Jeanne Teissier mercredi, elle nous racontait les perles de sa pratique avec les enfants, ce qu’on peut appeler les perles comme les enseignants le racontent aussi. C’est-à-dire toutes les bévues auxquelles l’enfant a affaire, par rapport à l’apprentissage de cette langue, c’est-à-dire qu’il est super sensible, lui cliniquement, aux homophonies et à tout ce jeu…
J.-L. Cacciali — Alors, là, il s’agit quand même de lalangue en un mot.
P. Coërchon — Là, lalangue on y a accède finalement par le trou. Ce n’est plus seulement à la forme qu’on a affaire, c’est à la structure elle-même, grâce au trouage du tore et aux effets de retournement.
J.-L. Cacciali — Pour revenir à la remarque que faisait Jean-Jacques Tyszler après l’exposé d’Esther Tellermann. Si, non seulement pourquoi on exigerait des analysants qui nous parlent de leur enfance, de leurs souvenirs d’enfance, mais en même temps il n’y a pas besoin de leur demander, c’est que de toute façon ils vont en parler. Et d’ailleurs quel que soit leur âge, même s’ils sont vieux, très vite ils parleront de leurs souvenirs d’enfance. Alors, du coup quand Lacan dit que du côté de la parenté, que la parenté, c’est la structure, c’est-à-dire qu’il reprend, il fait à partir des structures de la parenté…, c’est-à-dire qu’à la fois c’est difficile à supporter cela… et puis quand ils parlent de leurs parents ils en parlent toujours de la même façon. Mais là on peut se demander quand même si, il n’empêche que là, la parenté c’est de l’ordre de la structure, mais en tant que justement c’est lalangue en un seul mot, l’affaire entre les parents et l’enfant. C’est-à-dire en tant que le signifiant, il est reçu par l’enfant.
P. Coërchon — Ben tout à fait. Mais pour avoir accès à lalangue en un seul mot, pour s’apparenter à un pouâte, il faut justement avoir affaire non pas à la grammaire de la langue, à l’orthodoxie de la langue, à la syntaxe de lalangue mais aux effets de découpe.
J.-L. Cacciali — Tout à fait. Mais c’est sur apprendre la langue, en deux mots, c’est-à-dire que je me disais que du coup ce qu’il y a pour euh…, quand l’enfant… si quand même puisqu’il va parler de ses parents, c’est à partir de lalangue en un mot, c’est cela qui serait à attendre de l’analysant.
P. Coërchon — Oui. Peut-être à la fin, qu’il arrive à se désaliéner de l’aspect suggestif, topologique de l’aliénation, de l’enchainement à la langue qu’il a apprise et au titre de parenté que ça l’amène à rationaliser.
J.-L. Cacciali — Voilà mais du coup ça mettrait quand même la parenté du côté de la structure, je pense quand il prend par rapport au…
P. Coërchon — Par l’être.
J.-L. Cacciali — Voilà. Maintenant, sur le dernier point avant de passer la parole à la salle, on va dire la dynamique torique de la cure, que tu proposes et puis donc sur la question de la nécessité ou pas de deux tores enchaînés, est-ce une nécessité structurale ? Je voulais te demander… c’est-à-dire est-ce qu’alors on pourrait dire qu’il y aurait – puisque là, quand il revient toujours après se servir du Nom-du-Père, c’est savoir faire avec le symptôme – est-ce qu’il y a à savoir faire avec un enchaînement de tores pour pouvoir s’en passer c’est-à-dire à en venir à un seul tore et non plus…, bien que l’enchaînement soit nécessaire dans la cure, puisque, comme t’insistais sur la recherche de sens, et puis que nous parlons, tout simplement… mais structuralement, un seul tore, en tant qu’il y a cet effet de retour mais de retour à…, puisque tu dis, alors je ne sais pas comment mais topologiquement ça doit se démontrer, que un seul tore c’est une structure ternaire.
P. Coërchon — Oui, On l’a montré en début de séminaire. Un seul tore coupé, bien évidemment, un seul tore avec une bévue, oui. Troué.
J.-J. Tyszler — Pas troué, peut-être ?
P. Coërchon — Troué.
J.-L. Cacciali — Une dernière chose. Est-ce que tu pourrais dire quelque chose. Bon, j’avais évoqué quelque chose… qui n’a pas du tout été repris sur, il y a quand même ce point où Lacan dit qu’il y aurait à trouver une structure, donc une structure qui incarnerait correctement le sens, ce qui permettrait, du coup, de mettre S1 à une place correcte.
P. Coërchon — La structure qui met tout de suite S1 à une place correcte c’est la duplicité, parce que justement c’est l’enchaînement de S1 et S2, puisque le sens est par essence duplice, donc le S1 il a à tenir sa place quoi !
J.-L. Cacciali — Oui mais on a l’habitude de ça, alors pourquoi il dit chercher une structure qui incarnerait correctement le sens, alors que déjà dans le nœud borroméen il va donner une place au sens et malgré ça il dit d’aller chercher une structure qui incarnerait correctement le sens.
P. Coërchon — Ce n’est plus le S1 qui dicte ! Presque… il y a quelque chose qui est dicté au S1 ! Ce qui change totalement la configuration, qui renverse, qui retourne aussi le discours du maître.
Dans la salle :
Michel Jeanvoine — Merci Pierre. Donc tu nous présentes la manière dont on peut rendre compte du parcours d’un travail analytique par le jeu d’une succession de retournements. Alors ?… Et puis un mot t’est venu. C’est un mot qui dans le séminaire et dans les derniers séminaires de Lacan m’a un peu étonné, et c’est pourquoi je vous en fais part, j’aurais voulu savoir ce que tu en pensais et ce que quelques autres aussi en pensent. C’est le terme de « sujétion/suggestion ». Et il semble nous dire, et c’est ce que tu as repris, que justement pour l’analysant se trouver introduit à ce jeu du retournement, manifestement suggère, suggère/suggère, quoi ? Suggère quelque chose qui va faire qu’effectivement, semble-t-il, l’analysant sorte habité par une perte, par un défaut central, et puisse y consentir, d’une certaine manière. Alors qu’est-ce que c’est que cet effet donc de « suggestion » ? Parce que moi je suis tout à fait étonné à la fin du séminaire de Lacan de voir ce terme faire un retour puisque la psychanalyse en un temps tout à fait originaire s’était justement dégagée de la suggestion. Or voilà la suggestion qui fait retour. Donc ça me pose moi une question que je vous soumets à chacun, pas spécialement toi Pierre.
J.-J. Tyszler — Oui, oui, il dit pareil pour le discours.
P. Coërchon — Oui mais la suggestion elle est prise dans les effets de sens eux-mêmes. C’est-à-dire que déjà un sens suggère un autre. Le S1 du sens vide suggère ce vide, enfin il y a quelque chose qui peut s’entendre aussi dans ce qui est suggéré là. Ce n’est plus la dimension attributive du terme de suggestion tel qu’on pourrait finalement le forclore dans un certain discours analytique. Lacan le retravaille avec la topologie.
Didier de Brouwer — Est-ce que le signifiant ne suggère pas toujours une forme, c’est-à-dire une forme dans le rêve, une forme dans le discours ? La difficulté c’est de passer de cette forme à entendre la structure.
P. Coërchon — Oui.
Bernard Vandermersch — Oui, évidemment la suggestion elle revient mais enfin le but d’une cure c’est quand même de nous permettre de suggérer ce à quoi on a été suggestionné. C’est-à-dire que c’est par un effet de suggestion qu’on puisse s’ouvrir à tout ce à quoi on était suggestionné, justement par cet écart entre ce lalangue et la langue, et ces bévues, à condition qu’elles aient fait entrevoir, comment j’y ai été inclus pulsionnellement, par le corps vivant, et pas simplement par la logique.
P. Coërchon — Oui.