S’intéressant à la peau et à l’appareil psychique, nous remonterons jusqu’au tissu embryologique, l’ectoderme, à partir duquel se développent à la fois la peau, le système nerveux et les organes des sens, notamment l’oeil, pour tenter de repérer une logique possible des liens entre ces différents organes.
C’est à partir de l’organe peau, de son étendue que Freud va mettre en place une représentation de l’appareil psychique et de son fonctionnement.
La surface de la peau servira de support pour cerner les contours d’un abord scientifique des phénomènes psychiques, marquera ses bords indécis. (2ème topique)
Dès la lettre 52 adressée à Fliess, Freud utilise dans ses schémas, où s’illustre sa première topique, les deux espaces de la peau qui sont la surface, et la structure feuilletée de son épaisseur pour montrer que l’appareil psychique se constitue par traductions successives et pour rendre compte des deux systèmes : Perception – Conscience qui spécifient cet appareil.
Le cortex, la couche externe du cerveau est divisée en territoires et comparé à un bloc-note magique, où viennent s’inscrire différents enregistrements du système de Perception- Conscience selon le principe que mémoire et conscience s’excluent mutuellement (1ère topique).
À partir de là, la peau devient le terrain où se déploient plusieurs métapsychologies. Elle s’impose comme cerveau étalé, poussant les spécialistes de l’âme à défendre, chacun sa peau, chacun sa théorie. Comme la peau « psyché est étendue, mais elle ne le sait pas », dira Freud dans Résultats, idées, problèmes. Dans Le moi et le ça, il écrivait « le moi conscient est avant tout un moi corporel, il n’est pas seulement un être de surface, mais lui-même la projection d’une surface ».
Didier Anzieu reprend le modèle freudien pour confondre la peau avec le moi, lui conférant ainsi une structure d’enveloppe, tandis que Lacan rappelant que l’inconscient freudien se situe entre cuir et chair discutera cette construction freudienne fondée sur un moi imaginaire qui assigne à la peau la forme d’un sac irréversible où le moi devient le trou du sac.
La peau devient réceptacle et écran, où se projettent et se voilent les perceptions provenant de l’intérieur et de l’extérieur. Référée à psyché, la peau ouvre le champ de l’interface, module et met en correspondance les perceptions externes et internes comme un accordéon combine les harmoniques provenant du clavier et du soufflet.
Lacan s’appuyant sur la propriété souple de la peau, ouvre l’espace du retournement. Ces renversements seront repris à propos du tissu cutané par le dermatologue et philosophe François Dagognet. La topologie alors s’impose pour permettre une représentation non pas imaginaire mais logique des phénomènes psychiques qui vont s’enchaîner avec les phénomènes langagiers. Lacan néglige les propriétés biologiques de la peau, pour y voir une surface efface d’inscription, comprise dans un espace d’écriture. Cet espace modulable et singulier qui relève d’un réel est imaginarisable grâce à la surface topologique de la bande de Möbius qui dans son mouvement renversant n’a qu’un bord (Bande de Möbius).