Citations du numéro "hors série" des dossiers du Journal de l’Action Sociale, pour les "Assises Ile-de-France du développement social" :
"Pourquoi une nouvelle question sociale appelle une nouvelle réponse sociale ?
Tous les observateurs conviennent aujourd’hui d’une même réalité. Avec la banalisation de l’exclusion, c’est l’ensemble de l’organisation sociale qui devient fragile. Ce n’est plus seulement l’individu qu’il faut accompagner mais son environnement qu’il faut conforter"
"La prise de conscience du rapport entre destruction du lien social et exclusion sociale est maintenant bien reconnue. Sa reconstruction est prioritaire"
"[… ] Le développement social n’est encore qu’une aspiration, même si l’on peut penser que l’importance des enjeux rende enfin possible le développement d’une complémentarité obligée entre social et sociétal."
"Qu’est-ce que le développement social local ?
Longtemps le développement social local a été assimilé à la politique de la ville. Avec la précarisation accrue de l’ensemble de notre société, le développement social ne concerne plus seulement le traitement de l’urgence.
Bien au contraire, il entend s’inscrire dans une démarche de prévention pour l’ensemble des territoires et pour des populations très diversifiées; ce que l’on vise par le développement social, c’est le maintien actif dans notre société des populations fragilisées, non seulement par la précarité matérielle, mais aussi par l’âge, la différence culturelle, etc.
Il s’agit de parvenir à l’implication des acteurs locaux dans le développement d’initiatives axées sur le renforcement des relations sociales de proximité, à travers la vie associative, les réseaux d’écoute et d’entraide, les dynamiques intergénérationnelles, et, plus généralement, toutes démarches entraînant la mobilisation citoyenne des habitants d’un territoire déterminé.
Il ne s’agit pas d’accompagner seulement par la voie d’actions collectives les familles en situation de précarité mais de s’appuyer sur l’ensemble des forces vives d’un territoire pour en renforcer la cohésion."
I – Le developpement social dans le discours actuel des acteurs (et des analystes)
A – Définition et caractéristiques de la doctrine
1) Le développement social / local
Dans l’attente de la sortie prochaine d’un livre à paraître de Jean-Louis Sanchez, directeur de l’Odas, [1] qui devrait constituer une "Somme" faisant le point de la doctrine du développement social, on se contentera des notions de base fournies par Jacqueline Mengin et Gérard Masson dans leur Guide du développement local et du développement social, (L’Harmattan, coll. Logiques sociales, 1989).
Ces auteurs rappellent tout d’abord que le "développement local" est né en milieu rural, le "développement social" en milieu urbain.
1) Le développement local est né dans un contexte de déstructuration des campagnes françaises, de dépeuplement, de marginalisation d’espaces, de groupes, de sociétés rurales, face à la restructuration du secteur agricole selon des modèles productivistes.
A côté des interventions de l’Etat, alliant les aides aux personnes et aux régions en difficulté à des politiques de stimulation de la croissance agricole et d’aménagement et de développement rural, certaines forces vives de ces sociétés rurales laissées pour compte réagissent et tentent d’engager un développement microrégional en mobilisant des crédits externes mais aussi les ressources locales, humaines en particulier. Ces initiatives de développement local sont des tentatives d’adaptation aux changements imposés par l’évolution de la société industrielle et urbaine.
2) On connaît mieux la généalogie des différentes logiques qui ont présidé à l’évolution des politiques publiques dites "politiques de la Ville", liées à ce que l’on tend parfois à autonomiser sous le vocable de la "question urbaine"rencontrée après la phase de réponse quantitative aux besoins de logements d’après-guerre:
l’intégration d’une logique initiale d’action sur et par le bâti, dans une logique articulant l’amélioration de l’environnement (habitat, urbanisme et cadre de vie) avec celle de la vie sociale (services publics et action sociale, puis développement des socialités locales, comprises comme partie intégrante des causes de l’exclusion économique et sociale): opérations HVS (1977-1980), DSQ (1981′), DSU, contrats de ville’ eux-mêmes aujourd’hui inscrits en tant que "volets sociaux" dans les contrats d’agglomérations, les GPU puis GPV. (Voir l’une des meilleures synthèses analytiques de la généalogie des modèles de la politique de la Ville par Marie-Christine Jaillet: "la Politique de la ville: une politique incertaine", in Regards sur l’actualité, n°260, avril2000, Documentation Française).
Il s’agit maintenant, avec la "nouvelle génération" des contrats de ville, de promouvoir une approche globale intégrant localement développement économique, social et culturel, caractérisée par le passage récent d’une politique de discrimination positive sur des sites ciblés à une politique de la ville tendant à la réintégration dans l’ensemble de la vie urbaine, et devenue "une dimension de toutes les politiques publiques". (Voir plus bas l’item: "développement (social) urbain").
Une définition purement opérationnelle
Pour nos auteurs, citant quelques références, les qualificatifs "local" ou "social" accolés au concept de développement, changeraient totalement la nature de la notion.
Développement:
Selon F.Perroux: le terme fait référence "à la valorisation humaine des personnes et des sociétés, à la transformation des structures mentales, sociales, idéologiques, institutionnelles qui résultent de la croissance";
Selon R.Aron: "L’application de l’esprit scientifique et technique à l’organisation de la production."
Développement local:
Selon X.Greffe: "Un processus de diversification et d’enrichissement des activités économiques et sociales sur un territoire à partir de la mobilisation et de la coordination de ses ressources et de ses énergies";
Selon la DATAR: "La mise en ‘uvre, le plus souvent mais pas exclusivement dans le cadre de coopération intercommunale, d’un projet global associant les aspects économiques, sociaux, culturels du développement. Généralement initié par des élus locaux, un processus de développement local s’élabore à partir d’une concertation large de l’ensemble des citoyens et des partenaires concernés et trouve sa traduction dans une maîtrise d’ouvrage commune";
Selon nos auteurs: "Une intervention structurée, organisée, à visée globale et continue, dans un processus de changement des sociétés locales en proie à des destructurations et des restructurations."
Développement social:
Pour nos auteurs, "c’est la voie grâce à laquelle les acteurs entament un processus de remobilisation, de recréation d’un espace social, d’où peut naître un développement".
Ce terme n’aurait pas donné lieu à une définition. Les chercheurs préfèreraient rassembler les éléments caractéristiques essentiels de cette notion purement opérationnelle, idéologique, au service de l’action:
1) C’est un processus avant d’être une procédure. (Il faut en préalable une prise de conscience par la population de la situation et l’énoncé des problèmes permettant l’élaboration de solutions);
2) Il s’appuie sur des forces endogènes, sur des réseaux locaux. (Il y faut l’aptitude des acteurs à s’impliquer dans le processus et à mener des actions: mobilisation des ressources locales, matérielles et humaines, dans des micro-initiatives, permettant de retrouver une identité propre’);
3) Le développement local ou social est territorial et non sectoriel. (Le territorial est ‘le lieu’ de l’approche globale sur un espace où tout est lié’);
4) Le développement cherche le désenclavement. (Il faut affirmer une identité spécifique redonnant vie et dynamisme à un espace, à partir de quoi il sera en mesure de s’insérer dans la société globale, dans la ville, de devenir un partenaire dans une véritable négociation avec l’extérieur);
5) Il suppose des espaces et des procédures de concertation permettant l’élaboration d’un projet, d’un programme. (Que les divers secteurs économiques, sociaux, culturels imaginent, programment et réalisent de manière coordonnée des actions, des opérations, ayant une certaine durée, des objectifs définis et des résultats attendus);
6) Il nécessite un espace, une instance multipartenariale de négociation "cherchant à travailler avec les populations qui sont en position de renégocier quotidiennement leur citoyenneté".
"C’est un processus qui vise à ce que les populations d’espaces marginalisés prennent leur destin en main. Ce développement veut en faire des acteurs, mais aussi des partenaires en mesure de négocier, donc de maîtriser sur un espace ce qui les concerne."(Guide, p.25)
2) – Du "social" au sociétal
Des problèmes sociaux à la crise de l’être en société:
Au vu des citations tirées du JAS, mises en exergue de la présente note, on peut considérer que, dans la doctrine la plus actuelle du développement social, intervient une certaine rupture dans le "référentiel" des politiques publiques, postulant une nouvelle explication des causes des problèmes sociaux et de l’exclusion sociale: il s’agirait d’une "nouvelle question sociale" dans laquelle ce qui est en jeu, face à la massification, à l’aggravation des difficultés sociales, de la précarisation, et devant la radicalité des phénomènes d’exclusion frappant des pans entiers de la population, ce serait la société elle-même qui serait en péril de déstructuration du fait du délitement du lien social.
Il s’agirait donc de prendre conscience de l’extrême fragilisation (fragilité) du "faire société" même, et d’articuler résolution des problèmes sociaux (conçus comme difficultés concrètes, localisées, d’individus ou groupes particuliers) et problématique sociétale globale.
La "question sociale" ne viserait donc plus, comme dans son acception du XIXesiècle, des problématiques de rapports de classes, d’aliénation et d’inégalité entre composantes dominantes et dominées d’une même société, du fait et à l’intérieur d’un système, (certes conflictuel mais, précisément comme tel, d’intégration politique et sociale, caractérisé par le système de production économique), mais une problématique du dedans et du dehors, de l’inclusion et de l’exclusion, de la perte des solidarités inhérentes aux liens sociaux eux-mêmes, locaux et de proximité, une perte de la socialité "micro" dont serait "tissée" la société en son entier.
Ainsi, il appartiendrait aux acteurs, depuis les pouvoirs publics jusqu’aux "défavorisés" eux-mêmes en passant par la "société civile" organisée (et aux défavorisés en particulier), de produire du lien social, de recomposer les rapports de solidarités concrètes en quoi consisterait faire société, sur le fondement d’un nouveau "projet social".
L’exemple du champ de l’action sociale: de la distinction (et de la rupture supposée) entre travail social et intervention sociale.On rappellera ici certaines analyses développées par ailleurs sur l’évolution des logiques des politiques de l’intervention sociale.
Sur les analyses du social et de l’action sociale (Castel, Donzelot, Autès)
Le social est ce champ à la jointure de l’économique et du politique où se noue et se joue, sous la thématique de la "question sociale", la problématique de ce qui peut fonder ou légitimer telle ou telle forme de société donnée. Le champ du social constitue le lieu de la prise en compte de la question sociale telle qu’elle est construite à un moment historique donné.
L’évolution de l’action sociale et du travail social
Durant toute la période de construction et d’apogée de l’Etat social, l’action sociale a répondu à une logique de gestion de la marge, du bord, des franges, bref des fragilités créées par le système d’intégration qui caractérisait la société salariale.
Ce système a connu le passage d’une logique assistancielle, liée à la surveillance et au contrôle social des "classes laborieuses/dangereuses", à une logique assurantielle, sensée permettre de dépasser la contradiction entre rapports de forces et de domination liés au développement économique capitalistique et idéal républicain démocratique, égalitaire et de la citoyenneté universaliste. Cette logique assurantielle était (et est encore) basée sur "l’affiliation" des individus favorisée voire conditionnée par leur inscription dans le système salarial. Cette affiliation ouvrait l’accès à la protection contre les risques et voyait au surplus compenser les trop flagrantes inégalités ou injustices.
L’action sociale n’avait alors plus qu’à s’adresser à ceux, résiduels, qui, renvoyés sur les bords, exclus (ou s’excluant) du système de production et ne pouvant bénéficier de ses compensations ou de ses protections, avaient besoin d’être assistés. Dans cette logique de l’action sociale, le travail social, mêlant assistance et conformation idéologique des sujets, consistait à ramener au bercail du système de production les gens qui restaient à la marge, les "anormaux inutiles", déviants, soit par accident, soit par leur supposée marginalité subjective (par leur faute).
L’effritement de la société salariale tend à mettre en cause les systèmes de protection liés à l’inscription dans le système de production, caractérisés par les droits et les régulations collectives, et entraîne la "désaffiliation" des individus (Castel). Ce qui, avant, était à la marge, résiduel, comme à réintégrer normativement dans le système de production, tend à devenir une production même, centrale, du système économique. (Les "normaux inutiles" Donzelot, les "surnuméraires" Castel).
On assiste donc à une rupture entre l’économique et le politique, entre utilité sociale et citoyenneté, articulation qui caractérisait le social. Ce décrochage fait de plus en plus butée à toutes les politiques publiques.
Il y aurait donc tendance à la séparation entre les deux composantes du social: le principe correcteur de l’économique (poussé à l’extrême: substituts du salaire de la production et extension des droits à la protection) d’une part, le souci de citoyenneté et de démocratie d’autre part. Or l’articulation entre ces deux faces était le ressort de l’efficacité du social.
Ainsi, il ne s’agirait plus tant, pour le travail social, de ramener les déviants dans la norme et de faire entrer les marginaux dans un schéma conduisant de l’intégration à la protection grâce à l’acceptation des normes industrielles de production ‘mais plutôt, devant la dislocation de ce schéma, de travailler sur le lien social afin de produire la société pour elle-même, et de la faire produire par les individus eux-mêmes qui sont mis en devoir de faire exister la société par leur désir de prouver leur utilité sociale (Donzelot).
Il se s’agirait plus de défendre la société ou de "réparer" les individus mais de les inviter à réparer le tissu social: la solidarité comme maintien ou ravaudage du lien social et non plus exigence de fond quant à la justice sociale.
Sur les politiques publiques
Face à un tel bougé dans la question sociale, dont on ne sait en fait pas encore très bien comment la redéfinir, mais qui en manifeste cruellement les impasses, les politiques publiques sont elles-mêmes en pleine recomposition depuis deux décennies: transversalisation des différents domaines de l’action publique (action sociale, emploi, logement’), territorialisation et globalisation des interventions sur des populations et des collectifs (politique de la ville), tentatives de structuration de nouveaux modes de "socialité secondaire" (le travail de la société sur elle-même, Alain Caillé) construits à l’aide des savoir-faire de l’ingénierie sociale et du développement local; enfin nouveaux maîtres-mots de l’intervention sociale: insertion et médiation.
Ces derniers termes réfèrent à une action sociale qui prétend ne pas chercher à réformer les individus ou transformer leur comportement, mais travailler sur les relations sociales, les rapports interinstitutionnels et sociaux pour mobiliser et restaurer des liaisons, des circuits, des potentialités de ressources sociales.
Ainsi, dans les discours modernistes:
– au travail social le versant aliénant de la conformation idéologique, de l’assistanat, des secours, de la dépendance des précaires envers le pouvoir des corps professionnels et des institutions (analyse sitôt suivie de l’accusation d’inefficacité et d’obsolescence),
– à l’intervention sociale les promesses de l’insertion, du lien social, du développement, soit de l’émancipation citoyenne.
Ainsi, dans les nouvelles politiques publiques la conviction:
– d’avoir rompu avec les mauvais côtés idéologiques des modèles anciens devenus, de plus, inefficaces,
– et de promouvoir des politiques créatrices de lien social et produisant, par le développement des technologies de l’ingénierie sociale, les vertus citoyennes mises à mal par la désinstitutionnalisation et les effets ravageurs de la lutte économique.
Une telle opposition manichéiste, classique dans toute lutte pour imposer un nouveau paradigme, une nouvelle représentation normative dominante, ne peut être raisonnablement crédible dans le champ du social et du politique. Loin de s’estomper dans les discours les plus actuels, toujours aussi fondamentalistes, elle fait néanmoins l’objet d’une certaine dialectisation, comme on le verra ci-dessous, dans les appels au ralliement adressés aux acteurs du travail social
De fait, il y a là un risque de dichotomisation entre deux logiques distribuées sur différents dispositifs, qui coexistent cependant dans le champ de l’action sociale. Cette dernière est l’objet d’une injonction paradoxale: elle est en même temps sommée de se couler dans les capillarités infinies du microsocial territorial rejoignant les méandres du grand fleuve "développement social" et, en fait, assignée à s’inscrire dans un empilage de dispositifs, dans une logique de services et de prestations qui tend à privilégier la résolution de problèmes, l’urgence et le court terme, négligeant le temps du travail social et éducatif classique.
Or, en réalité, cette dichotomie entre "les anciens et les nouveaux métiers", cette prétendue rupture entre travail social et intervention sociale ne tient pas (Autès). Et le mot d’ordre de l’indispensable contribution des travailleurs sociaux au développement social local, affirmation en somme assez récente manifestant à juste titre un soudain regain de confiance dans les professionnels (voir les "Assises franciliennes du DS et le dossier du JAS), vient peut-être consacrer cette prise de conscience chez les édiles du développement social eux-mêmes. Les nuances et l’équilibre caractérisant les différents rapports sur les métiers, la formation des travailleurs sociaux (DIV, Odas, ADF, etc.) en porte la marque.
On reconnaît aujourd’hui une certaine filiation entre:
le travail social de groupe qui vise la transformation simultanée de la personne et de son environnement social et la résolution collective de certains problèmes communs à travers les activités et les interactions, [2]
le travail social communautaire, beaucoup plus développé historiquement dans les pays anglo-saxons et nordiques, qui vise la mobilisation et la participation des membres d’une communauté afin de promouvoir l’autonomie et le développement de celle-ci, le but étant la prise en charge par la population de la résolution de ses propres problèmes collectifs et, enfin,
le Développement Social Local qui, nouvelle avancée globalisante dans l’élaboration du modèle, tend à supplanter le travail (social) communautaire.
Le sectoriel et le global dans les politiques publiques : de "l’urbanité" comme lieu du dépassement de l’action sociale ‘puis de la politique de la ville’ au "projet de société" comme développement territorialisé de la (des) socialité(s)
Le développement urbain(social, etc.):
Le rapport Dubedout ("Ensemble refaire la ville", 1983) peut être considéré comme le texte fondateur du développement social urbain, avec l’invention d’une nouvelle procédure: le Développement Social des Quartiers, qui était à son origine une utopie réformatrice de la société. Il s’agissait, rien de moins, de réinventer la démocratie locale pour produire, à l’échelle des quartiers, un développement dont les habitants seraient les acteurs.
Pour cela: décloisonner les interventions sectorielles et traiter des problèmes dans toutes leurs dimensions, éducatives, sociales, économiques, préventives. Tous les "maîtres mots" de ce qu’on appellera plus tard la "politique de la Ville" étaient d’ores et déjà là: le projet territorial, la globalité, la transversalité, le partenariat, la participation des habitants. Dans ces premiers temps du développement social, de fait marqués d’une grande inventivité, ils étaient mis au service d’une "utopie": faire de ces quartiers le laboratoire du changement social (Jaillet).
un certain nombre de critiques: caractère trop social des interventions, confinent
l’action au seul périmètre quartier
alors qu’apparaît l’importance réinscrire les
quartiers dans l’ensemble fonctionnement urbain, mieux relier
à la ville, désenclaver, et porter niveau l’agglomération questions relatives marché logement, ghettoïsation (tri populations), aux relations entre l’Etat communes une politique partagée.>
où la refondation d’une politique du développement social urbain par l’invention "contrat
de ville" (1988-1990): tout en conservant l’idée géographie prioritaire, passage à l’échelle l’agglomération, projet global articulant
économique et politiques sociales, avec pour objectif que les
d’aménagement, d’équipement
contribuent réduire l’exclusion sociospatiale. (Le rapport
Brévan parlera "l’exclusion territorialisée").
Le DSU ne saurait être conçu comme une adjacente, venant
atténuer effets produits structurantes, mais constitutive des villes.>
On fit retour aux quartiers mais avec l’idée, dans la nouvelle procédure des "Grands projets Urbains" (GPU), de dépasser le développement social et leur simple
aménagement pour une véritable restructuration.>
pas marquant ces politiques, liés en bonne partie aux alternances verront osciller entre les accents
mis sur l’ordre public (se protéger des risques réels
ou supposés que la proximité pauvres ferait courir, cf.les
zones de non-droit, quartiers "relégation"), rationalisation critères choix "sites", perspectives correctrices par "discrimination positive"
pour rétablir une réelle égalité républicaine, hauts et bas reconnaissance du primat facteur économique l’exclusion (persistance chômage l’éviction marché travail)…>
est dans la dernière période que nouvelle conception de politique ville, articulée avec visée d’aménagement durable, solidarité et
le renouvellement urbain, renouera en fait philosophie d’origine
des contrats inscriptibles les d’agglomérations Grands Projets Villes, pour résoudre l’expression territorialisée
("foyer" ou "épicentre") "nouvelle question sociale". une affirmation
toujours plus forte, mais aussi difficile à concrétiser, nécessaire complémentarité entre développement social (et culturel), économique,
sensés trouver leur ressort un surplus démocratie locale.>
l’invention même de "nouvelles manières de "faire société" à laquelle est confrontée la politique de la ville. Un nouveau type "d’urbanité" qui réinvente l’espace public comme lieu où le frottement social était possible: un pari bien insensé pour une politique publique, selon M.-C.Jaillet.
Le développement social local correspond, au fond, à une recherche de nouvelle liaison entre le social et l’économique dans laquelle le développement des liens sociaux prend toute sa place ‘sous l’emblème de la citoyenneté’ non seulement pour apporter des solutions aux problèmes quotidiens (maisons de quartier, services communautaires), mais comme un levier fondamental d’une possibilité de reviviscence du tissu économique et de la résolution des problèmes liés à l’emploi et à l’insertion.
Dans sa préface à l’ouvrage collectif Lien social et développement économique, Renaud Sainsaulieu rappelle quelques étapes des préoccupations liées au développement local (repérées et travaillées par les chercheurs en sciences sociales):
Dans la foulée du mouvement de 1968, loin des affrontements politiques des forces de gauche contre la domination américaine, parler du développement social ne signifiait pas le renversement d’une dépendance économique à l’égard d’une superpuissance mondiale. La quête d’un développement local autocentré apparaissait comme une voie d’amélioration de la civilisation de croissance, en restituant aux citoyens locaux la gestion de leurs affaires culturelles et sociales. Dans cette période de croissance, la dimension locale du développement de société passait en fait par la recherche d’un surplus de démocratie dans la gestion des affaires courantes des problèmes d’aménagement, d’habitat et d’équipement. Les lois de décentralisation ont été inspirées par les recherches des sociologues qui visaient à éclairer les conditions d’un changement des institutions administratives de l’Etat.
Avec les effets de la crise économique et de la permanence du chômage, le développement local se trouva confronté à un tout autre défi que celui de la décentralisation des pouvoirs de l’Etat. Il s’agissait en fait de trouver dans les ressources d’initiatives locales les moyens de créer de l’emploi. (On s’intéressa aux créateurs d’entreprise, à la création de nouveaux acteurs capables de s’engager dans les risques de la création d’emplois: les recherches sociologiques s’orientèrent sur les conditions de la création d’entreprises, création de l’ANCE, Agence nationale pour la création d’entreprises). La question devint celle des conditions institutionnelles pertinentes et des réseaux pour soutenir les initiatives économiques locales, ce qui impliquait la redéfinition des rapports entre initiative locale et pouvoir central.
La crise économique est venue bouleverser ces schémas et théories d’une démocratie perfectible: même un surplus de démocratie n’apporte pas jusqu’à présent d’emplois, tandis que la survie culturelle du pays apparaît comme sans effets immédiats sur la crise. Quant à l’aménagement des villes modernes, il n’a pas pu éviter le drame des banlieues et de la jeunesse désoeuvrée’
Les recherches récentes tentent de dégager des approches nouvelles de la dynamique institutionnelle du développement local: il ne s’agit plus de perfectionner les institutions démocratiques, pas plus que de reconnaître les spécificités culturelles. En période de crise, la question est plus basique: il s’agit de trouver les moyens de réconcilier autrement l’économie et la société en prenant appui sur la réalité des forces et des cultures locales. D’où une lecture originale du développement local comme domaine de rapprochement de l’économique et du social. Soit une "sociologie de l’invention de société".
Quelques références à l’article de Pierre-Noël Denieul ‘Le lien social pour d’autres développements’, introduisant ce même ouvrage, permettront de soutenir la démonstration de cette tendance à l’inversion des causalités. [3]
Tout d’abord, une certaine antériorité du lien social porteur des relations économiques est avancée, proposant une autre approche "qui cependant a toujours taraudé la recherche de la pierre philosophale depuis l’origine des théories du management" du développement, basée sur les motivations sociales et le développement de l’activité économique comme un ensemble de pratiques sociales.
D’où l’importance du rapport socialement structurant du groupe à sa mémoire, de la construction identitaire, d’une croyance faisant "sens" en venant renforcer le sentiment d’appartenance (à une communauté, un territoire, une cité), dans une relation indissociable entre l’économique et le social, dans laquelle il s’agit de mettre le social au service d’une efficacité économique qui, en retour, contribuera à le légitimer, à le consolider, et donc à le reproduire.
Les communautés porteuses de la modernité étant celles capables de remplacer "l’agir communautaire" par un "agir sociétaire" basé sur une rationalisation des systèmes d’actions qui s’opère par le progrès des activités instrumentales et stratégiques. Un tel "agir sociétaire" consistant en une instrumentalisation, par le groupe et pour le groupe, de chacune des raisons individuelles en présence, qui se traduit par des accords "politiques" constituant des "espaces publics de communication et de langue".
La question des valeurs fondatrices:
La question du positionnement du lien social par rapport à un ensemble de valeurs, posée légitimement comme centrale,permet d’interroger le rapport entre lien social et économie:
"Ne se trouve-t-on pas en présence de valeurs "antérieures" qui s’objectiveraient dans des formes économiques, considérant que le lien social produit de l’économique et non plus le contraire?"
La mise en ‘uvre du développement économique supposerait alors des conditions sociales favorables et l’élaboration de nouvelles valeurs de base.
Certains textes de l’ouvrage soutiennent positivement cette hypothèse: "Nous trouvons toute la tradition anglaise qui associe la démocratie d’un côté avec le parlementarisme, et de l’autre côté avec le développement économique industriel. Dans cette perspective, le développement économique n’impliquait pas un égalitarisme mais la liberté d’entreprendre."
Et de citer les "philosophes humanistes" et les économistes "éclairés" du XVIIIesiècle pour aboutir d’une part à John Rawls, et d’autre part à l’idée solidariste ici réhabilitée, justement évoquée à ce point de consolidation de la doctrine du développement social: "L’idée de ‘solidarisme‘ est une valeur sociale, civile, dans le sens républicain, qui intervient dans la motivation des actions des bénévoles, des associations, des élus. L’étincelle solidariste devient le levier indispensable d’un nouvel entrepreunarial et sert d’élément légitimant en partie des liens communautaires de l’économie sociale." La relation sociale est appréhendée comme l’un des pivots d’une nouvelle forme d’économie.
Le lien est fait, à juste titre, avec un versant essentiel des sources idéologiques de la doctrine du développement social/local, constitué par les courants de pensée alternatifs (ici occidentaux et non marxistes ni tiers-mondistes). Le modèle alternatif, cherchant à donner d’autres valeurs au développement économique, à réinclure le social dans l’économique, à "réconcilier les contingences sociales et les contingences économiques", est en effet un leitmotiv du nouveau "projet social" que vise le DSL au plan sociétal.
(Lesdites "contingences" sont ici conçues comme simplement "en tension" et sujettes à leur résolution par une éthique communicationnelle de rassemblement de toutes les rationalités différentes mises en présence. Voir plus bas la notion de "gouvernance").
Ainsi: "Le fondement du lien social et de la coopération [ce qui serait la même chose?] entre acteurs économiques devient le point sensible du développement."
Mais quelle est donc la valeur première, fondatrice?
A cette bonne question, vient une réponse inattendue (mais logique dans la vision ingénierie sociale) [4] : LE PROJET.
Un projet apparaît ici comme "une optimisation, tentative de rentabilisation de l’être ensemble d’individus focalisés dans un espace, et déterminés sur un même objet". Le projet marque une antériorité des valeurs du groupe, qui s’objectivent dans le développement économique. (Il s’agit ici de la gestion par projet dans l’entreprise. Mais il en sera de même, par exemple, du postulat "d’antériorité" du projet ethnico-culturel sur le développement économique qu’il porte stratégiquement).
Ainsi se conforte l’idée selon laquelle les activités économiques dépendent de plus en plus étroitement des relations sociales fondatrices. D’où la nécessité de la mobilisation d’une constellation de partenaires sociaux autour d’un fait économique. Une telle mobilisation partenariale devient alors la clef de voûte d’un développement pensé comme une parole sociale et culturelle.
Les politiques actuelles du développement sont appréhendées comme le signe d’un renversement entre l’économique et le lien social par lequel le débat vient se réinsérer dans la relation marchande. [5]
Les différents textes, en écho avec ceux des édiles du développement social, s’orientent vers une analyse du développement comme réagencement et réadaptation, fondé sur une réappropriation, non plus du culturel mais du social, qui vient ainsi se réenchâsser dans l’économique.
Le développement social local est-il susceptible de transformer le système économique (et salarial) classique ou bien est-il destiné à demeurer un système alternatif et parallèle ? [6]
Dans le champ des tentatives de lutte contre l’exclusion, la régulation du lien social ne serait plus fondée (seulement) sur un retour du travail salarié mais aussi, en même temps, sur le territoire urbain vécu et l’horizon d’implication civique. L’insertion des populations locales deviendrait le moteur même du développement local, et l’on observe "la naissance d’institutions socio-économiques qui insèrent une partie de la population dans des emplois et des activités, sans que cette insertion ne soit le résultat d’un simple transfert d’activités, où une entreprise ne se développe pas seulement au détriment d’une autre dans le cadre du système concurrentiel".
"Il s’agit d’un développement social mené parallèlement, voire marginalement, au développement économique. Les interventions sociales du développement apparaîtraient donc comme un secteur parallèle à l’économie de marché classique, destinées à intégrer des acteurs que ce secteur marchand traditionnel refoule."
Car le travail salarié n’aurait plus d’efficacité si ce n’est de produire de l’exclusion. On débouche alors sur la nécessité de modalités de développement autres que celles dérivées du modèle du travail salarié. La constatation de l’incapacité à changer du dedans les conditions sociales qui se décident sur les marchés économiques nationaux et internationaux, entraîne la constitution de projets comme autant d’îlots de développement.
Dans son acception la plus aboutie, le développement social peut-il fournir l’alternative solidariste au modèle économiste? Pour notre auteur:
"Le solidarisme, à l’image du libéralisme, est-il un moyen de régulation de la société? La question se pose toutefois du statut à long terme de cette régulation, comme elle s’était posée à celle de l’économie informelle. Il acquiert en lui-même une autonomie qui lui permet de ne plus apparaître comme un simple instrument pour "ravauder" le social, un strict outil d’accommodation économique à l’usage des plus déshérités. Bien au contraire, le paradigme du solidarisme, comme celui du développement local et du microentrepreunariat, risque de s’installer et son approche semble bouleverser les approches méthodologiques du développement."
Une autre réponse est cependant présente: Cet "informel économique", celui des "naufragés du développement", constituerait la limite de l’occidentalisation du monde, il serait "porteur non d’un projet développementaliste mais porteur d’une autre société".