Je dirais tout d’abord du livre de Jean-Louis Chassaing qu’il donne à penser. C’est une machine à réfléchir qui a le grand intérêt de n’être à aucun moment dogmatique, même lorsqu’il y a des prises de position. C’est un livre qui donne à penser sur un problème, celui des toxicomanies qui, comme il le fait remarquer, a été relativement peu abordé par les psychanalystes, je veux dire qu’il y a de nombreuses notations ici et là, mais rarement une réflexion suivie. C’est un livre qui donne à penser sur un problème de fond, un problème qui a une certaine ampleur actuellement pour des raisons d’ordre sociologique et politique de gouvernance de la santé, comme s’il s’agissait d’une maladie, et de plus d’une maladie moderne, alors que la toxicomanie touche à l’humanité de l’homme et a depuis toujours existé. C’est bien ce que montre le grand balayage que fait Jean-Louis Chassaing, autant dans le domaine culturel, anthropologique, que dans le domaine littéraire. C’est un problème qui pose aussi des questions de psychopathologie, du point de vue de la structure, c\’est-à-dire une question qui est désormais au moins bien posée, de savoir, comme le disent de nombreux psychanalystes et comme d’ailleurs je l’ai soutenu moi-même, si la toxicomanie n’est pas du tout structurale, si ce n’est pas une nouvelle structure, ou plutôt si ce n’est pas une autre structure que l’on pourrait rajouter à psychose, névrose et perversion. La toxicomanie, du fait de sa mise en plis propre, crée-t-elle en comme une structure nouvelle, une structure supplémentaire qui met au second plan ce que sont les structures de la subjectivité, c\’est-à-dire les psychoses, névroses et perversions ?
En réalité, en refermant le livre, une réponse positive qui me semble être une réponse raisonnable, une réponse qui, en tout cas, correspond tout à fait à la pratique clinique, ne suffit pourtant pas. En réalité, il me semble donc que, loin d’être une structure qui peut se surajouter aux structures déjà existantes, il existe un rapport fondamental du sujet parlant au pharmakon, c\’est-à-dire à la production de substances, une production de substances exigée par son système de satisfaction hallucinatoire premier, c\’est-à-dire les hallucinations de désir qui marquent la subjectivité humaine dès sa naissance.
Nous sommes tous des sujets supposés rêver. Je me demande alors en refermant le livre si loin d’être une post-structure, la toxicomanie ne serait pas une pré-structure. Pré-structure à partir de laquelle il serait tout à fait secondaire de savoir si les drogues ingérées sont ingérées de l’extérieur (toxicomanies), ou si elles sont produites de l’intérieur à partir d’un certain nombre d’actions du sujet : c’est ce qui passe actuellement pour l’addiction. Voilà, j’ai donc dit tout de suite le problème central que m’a posé ce livre, donc un problème important qui reste un chantier de travail à élaborer, mais qui, au fond, me semble aller dans le même sens que l’invention de la psychanalyse elle-même, puisque Freud a bel et bien commencé sa carrière à titre de cocaïnomane, ou de scientifique intéressé par la cocaïne, mais en utilisant le produit, comme l’ont fait un grand nombre de psychiatres intéressés par la toxicomanie.
J’emploie ce terme très inusité de pré-structure à cause tout d’abord du fait que nous sommes devant un problème universel, celui de la toxicomanie, et ensuite devant un problème qui précède la structure elle-même, puisque le désir est dès le premier jour de la vie, premièrement hallucinatoire. Le désir comme axe majeur de la subjectivité, comme ce qui spécifie en propre la subjectivité, ce désir se dessinera toujours sur un fond hallucinatoire, et que l’hallucination soit provoquée sous le coup de drogues internes ou de drogues externes, c’est relativement secondaire. C’est avec ce désir, celui de la pré-structure qu’il va se choisir, sous la contrainte certes, mais correspondant de quelque façon à son choix défensif face au désir de l’Autre.
La conséquence est importante, et j’ai toujours été gêné en entendant parler de la « jouissance illimitée des toxicomanes ». J’ai plutôt l’impression, de par ma pratique clinique, qu’il faut dire que les toxicomanes ne jouissent pas du tout. Ils sont au contraire en lutte contre une jouissance qui leur est imposée, qui les envahit, et ils jouent la carte hallucinatoire contre la jouissance. Or, le désir n’est nullement un plaisir ni une jouissance, c’est tout à fait autre chose. Comme l’a écrit Freud dans les « trois essais », le désir est un plaisir plein de déplaisir, et c’est tout à fait distinct de la jouissance. C’est là un point qui mérite discussion dans le livre de Jean-Louis, mais l’expression n’est pas de lui, il y a de nombreux théoriciens qui parlent de la jouissance infinie du toxicomane, ce qui, en y réfléchissant mieux, me semble une contre-vérité.
S’il y a un soulagement de la prise de toxique, ce n’est pas me semble-t-il une jouissance, mais au contraire le fait de cesser d’être envahi par une jouissance Autre, c’est exactement le contraire. D’ailleurs, cette idée que nous serions dans une époque de toute jouissance me semble complètement farfelue. C’est tout à fait le contraire. Nous sommes au contraire dans une époque où la jouissance et le plaisir se font rares, et il ne faut pas être très au courant de ce qui se passe dans la société, pour imaginer que le plaisir immédiat est ce qui guide les toxicomanes. Il faut bien dire au contraire que la toxicomanie est souvent le fait des classes les plus défavorisées et les plus opprimées, c\’est-à-dire celles auxquelles toute jouissance est retirée. Je veux dire que toute jouissance propre leur est retirée, alors que au même instant ils sont jouis, ils sont les objets de jouissance d’une société, au sens où ils en sont les déchets.
C’est d’ailleurs en ce sens que la toxicomanie et la transgression sont liées, que la drogue est d’autant plus planante et efficace qu’elle est interdite. Et cela même si c’est beaucoup plus cher que des drogues ou des psychotropes comme l’alcool qui eux sont autorisés. Dès la naissance le sujet répète ses propres traumatismes subjectifs sous forme d’hallucinations, de rêves, ce qui définit son désir premier. Ces traumatismes subjectifs sont fonction de l’amour, de l’impossible de l’amour qui lui est donné. Et l’on comprend donc que dans la mesure où son propre système hallucinatoire ne produira pas suffisamment de drogue interne, il ira rechercher à l’extérieur les drogues externes qui sont nécessaires à la vectorialisation du désir. Le désir sexuel est secondaire, le désir sexuel vient se greffer sur cette première mise en place du désir. C’est tout à fait important, parce qu’on voit bien à partir de là que la toxicomanie n’est pas en quelque sorte un palliatif d’un désir sexuel qui ne marche pas, mais que la toxicomanie est palliative du désir tout court. En ce sens, la toxicomanie ne remplace pas le rapport sexuel, et d’ailleurs pour un certain nombre de toxicomanes, peu, c’est vrai, la prise de toxiques est parfaitement compatible avec l’amour et avec la sexualité.
Le désir sexuel ne se met en place qu’avec le complexe d’Œdipe et postérieurement à l’interdit oedipien. C’est une sorte de greffe sur le désir qui fait que la personne désirée est en quelque sorte hallucinante. Il existe donc aussi des formes de toxicomanie, et après tout ce sont sans doute les plus importantes, où la prise de toxique vient remplacer le rapport sexuel. C’est alors une prise qui remplace un défaut de structuration du complexe d’oedipe, au sens où il ne fait pas le relais, l’amplification et l’exutoire du désir hallucinatoire premier.
Mais je suis en train de donner tout de suite les réflexions bénéfiques que m’a inspiré ce livre sans vous dire ce qu’il y a dedans. Comme je l’ai dit, c’est un balayage très large qui va de notions d’histoire à la psychiatrie, avec la naissance du terme même de toxicomanie, des excursions qui sont plus que des excursions dans le domaine du jazz et de la littérature. Ce sont plus que des excursions, parce que c’est une dimension qui permet de mesurer le domaine créatif de la drogue, et de contrebattre le moralisme constant qui accompagne la plupart des psychiatres et des psychanalystes lorsqu’ils en parlent, et cela peut-être avec quelque raison, puisqu’après tout ils ont surtout affaire en quelque sorte aux déclassés de la drogue. Dans le livre, la clinique psychanalytique ne vient qu’en tout dernier lieu, avec modestie, une modestie bien nécessaire il faut le dire, du fait de la réserve des psychanalystes sur des questions pourtant aussi importantes.
Je vais souligner dans l’ordre où je les ai lus lues les questions que m’a posé ce vaste balayage. Il y a tout d’abord, dès les premières pages, ce que l’on peut appeler la naissance de la toxicomanie, du terme même, puisque avant la modernité la prise de toxiques ne faisait pas symptôme social au sens où chaque socius avait ses propres drogues légales qui n’étaient pas considérées comme des problèmes de police. Il y avait les drogues légales, et il y avait sans doute aussi ce que l’on peut appeler les machines à halluciner collectives que sont les religions, et d’une certaine façon la montée en puissance de la toxicomanie est corrélative de la chute des religions. Il y a donc un élément sociétal tout à fait certain dans la toxicomanie, son caractère de contagion, et même son caractère épidémique, est noté dès les débuts du 19e siècle par les aliénistes et les législateurs. Concernant cette période, se trouve cité ce passage si important de Freud dans Malaise dans la culture De 1929 concernant la « méthode chimique » : une sorte de toxicomanie commence à causer de la douleur physique, une autre presque aussi fréquente à cause de la douleur morale et enfin en dernier lieu pour combattre la dépression, la sensation de fatigue, il y a là la porte d’entrée peut-être la plus fructueuse pour nous qui concerne les névroses actuelles. Cette question sera reprise à la fin du livre, puisque les névroses actuelles sont liées à la question de la sexualité et de ce qui s’hallucine ou ne s’hallucine pas, de ce qui fait drogue ou ne fait pas drogue dans la sexualité, de ce qui fait orgasme ou non dans le rapport sexuel. C’est là un des points de recherche fécond de ce livre.
Parmi les autres points importants que je relève, il y a la question du langage telle que Clairambault la soulève comme étant un effet direct du toxique de faire revenir de manière hallucinatoire des fragments de personnalité. « Le lot de souvenirs cohérents préexistants est vivifié par une imprégnation directe et non par un des mécanismes de l’association des idées. … le substratum organique des souvenirs est directement mis en jeu, il est révélé au sens photographique du mot… certes, ces constatations n’expliquent pas le fait, mais elles se rattachent à une loi ». Donc c’est bien la reviviscence hallucinatoire, qui est activée par le toxique, c’est comme le dit Clairambault la responsabilité du toxique de déclencher le système délirant, et au fond, on voit bien par là que ce système délirant, comme tout délire, est lui aussi une tentative de guérison, au sens où le désir contredit la jouissance qui rend malade.
Je relève aussi à la page 97, dans ces longs passages sur les rapports du jazz et de la prise de drogue, la sorte de mythologie des années 60. Est-ce que la drogue pousse à la création ou inversement ? Mais comme disait Baudelaire, un boucher qui prendrait de la drogue ne ferait jamais que des rêves de boucher ! Au fond, il y a là une impossibilité totale à répondre à cette question qu’ont relevée tous les cliniciens sérieux : c’est que tout est affaire de circonstances pour le même sujet, d’époque, de culture, et que l’on ne peut se prononcer ni dans un sens, ni dans l’autre. Comme le dit Jean-Louis page 105, c’est ce qui avait découragé Freud dans ses études sur et avec la cocaïne.
Le rapport drogue/littérature, page 113, pose un problème de fond beaucoup plus important. Et cela en particulier dans le passage concernant Mikhaïl Boulgakov. Car c’est tout simplement d’une analogie entre prise de drogue et écriture dont il est question à propos de cet écrivain. C’est une analogie fondée, et qui va d’ailleurs dans le sens des remarques introductives. C’est que, après tout, la littérature est une machine à halluciner au même titre que la drogue, et c’est ce qui apparaît dans le livre de Boulgakov. L’écrivain est dans le même état que celui qui a pris de la drogue : la littérature n’oppose pas de résistance à ses inventions oniriques et à l’oubli que lui permet le fait d’écrire. C’est au fond le même genre de remarques que se faisait Freud dans Deuil et mélancolie, lorsqu’il écrivait à propos de l’ivresse alcoolique : « Il s’agit vraisemblablement avec elle de la suppression des dépenses en refoulement obtenu par un moyen toxique ». Cela veut dire que ce qui n’est pas obtenu par la drogue interne est ici obtenu par une drogue externe : l’alcool ou l’écriture. Parmi les grands écrivains qui sont cités, notamment Jünger, il y a bien entendu de Quincey, qui fut le premier à faire de la toxicomanie un thème littéraire. Mais je voudrais dire tout de suite que sa Confession d’un mangeur d’opium, si elle a eu beaucoup de succès en France, n’est qu’une partie minuscule dans l’immensité de son œuvre. C’est en particulier à son propos qu’il est vraiment complètement hors de proportion de le présenter comme un représentant affiché de la recherche de la jouissance effrénée (p. 161). C’est à côté de ce qu’était ce personnage raffiné et romantique. C’est un fait que – au fond malgré lui – de Quincey, grand littérateur, est devenu le chantre de la toxicomanie dans la modernité, opposé à la post-modernité en ceci que dans la post-modernité la toxicomanie est considérée comme un fléau, alors que dans la modernité, elle ne l’était pas.
Je voudrais également dire l’importance des notes sur l’anthropologie et le langage, par exemple la remarque de Lévi-Strauss page 228 qui montre que le même champignon « dans les sociétés aussi différentes que furent celles des Koriak et des Viking, on ait sollicité la même drogue pour en obtenir des effets psychiques opposés ». Comme le dit Jean-Louis, il y a un privilège du discours sur la chimie du produit. Mais je voudrais surtout noter pages 234 et 235 les importantes notations sur « toxicomanie et langage », c\’est-à-dire le manque du langage à représenter les sensations, notamment les sensations provoquées par la drogue. C’est bien dire une primauté des représentations de choses, c\’est-à-dire de l’hallucinatoire sur les représentations de mots. Au fond, Les représentations de mots et le langage sont faits pour réprimer l’hallucinatoire et les représentations de choses. Il me semble qu’à partir de là on ne peut pas dire que les effets du produit soient « une jouissance hors langage, jouissance exclusive du corps, manque dans le langage à dire dans la parole du sujet » (page 235), puisque au contraire, le langage est fait pour le refoulement. L’hallucinatoire est bien à l’origine même des langues, des mots, ce que « nulle langue, fût-elle ancienne, ne peut dire » et l’on ne peut que souscrire à ce commentaire qui explique que les toxicomanes disent souvent qu’il faut avoir essayé pour comprendre. Et je trouve très pertinent le rapport qui est fait avec la glossolalie, c\’est-à-dire un rapport premier au langage par le cri, les représentations de mots se dépliant en effet à partir des représentations de choses parmi lesquelles il y a le son. Mais remarquons-le, la glossolalie est active, c’est un acte, de même que prendre des drogues est actif, c’est donc se situer à l’origine par un acte, et être en ce sens égal à Dieu, en extase grâce à cet acte. C’est un acte au même titre que la masturbation est un acte, au sens de cesser d’être l’objet phallique de la jouissance de l’Autre pour avoir soi-même le phallus. Je dis cela à cause de la remarque répétée de Freud qui trouve dans la masturbation la seule grande habitude, l’addiction primitive dont viendront prendre par la suite les besoins d’alcool, de morphine, de tabac qui n’en sont que les produits de remplacement. La masturbation est l’Ursucht. Cette citation est dans une lettre à Fliess du 22 décembre 1897.
On en vient seulement maintenant à la page 249 aux questions concernant la psychanalyse. Il est tout d’abord évident que la toxicomanie n’est pas une structure, puisque tout le monde n’est pas toxicomane et que ceux qui le sont ont eu une autre structure avant de l’être, et que d’ailleurs le clinicien peut parfaitement repérer quand un toxicomane est en même temps psychotique, pervers ou névrosé. On peut donc dire à bon droit que la structure toxicomaniaque n’existe pas, mais on ne peut le dire qu’à la condition d’une définition de la structure. Et c’est peut-être ce qui manque dans le livre de Chassaing. Il faut d’abord définir la structure pour répondre à ces questions, ce que l’on peut faire en disant que la structure c’est le mode de réaction du sujet à ce qui de l’histoire lui préexiste, du désir qui lui préexiste. La structure est une formation réactive que l’on ne peut donc distinguer que dans le mouvement où elle se profile. Il n’y a pas de structure en soi mais seulement par réaction. Forclusion, déni, refoulement sont un certain mode de réaction, de défense d’un sujet au désir de l’Autre.
On peut donc dire que le sujet précède logiquement sinon historiquement la mise en place de la structure, et c’est bien en ce sens que la toxicomanie pourrait être dite pré-structurale. Mais ceci étant, aucun sujet ne reste dans cet état pré-structural, il est tout de suite engagé dans la structure, mais plus ou moins en fonction du désir de l’Autre. Si le désir de l’Autre est faible, son engagement dans la structure sera faible aussi, et par conséquent son besoin de toxique d’autant plus fort. En ce sens, les sujets qui se droguent seraient des sujets qui ont été laissés tomber, soit du côté du désir, soit du côté de l’amour indépendamment de la structure que programme ce désir et cet amour.
D’ailleurs, on voit bien tout de suite que cela entretient un rapport avec un social en mutation, puisque la famille dans la post-modernité voit ses idéaux affaiblis par une chute de valeur des idéaux du patriarcat, alors que d’autres idéaux – qui sont à coup sûr présents – n’ont pas encore pris la relève de manière lisible comme c’est d’ailleurs le cas à toutes les époques. Ce n’est pas une catastrophe, mais une mutation qui, en tout cas, affaibli le désir de l’Autre, tel qu’il s’exprimait dans la famille patriarcale. On peut donc dire à cet égard qu’il y a une façon particulièrement dévalorisante de parler des toxicomanes, en particulier comme des personnes cherchant une jouissance illimitée, qui reflète une sorte de nostalgie du patriarcat et une haine des pères pour les fils, une haine des pères pour la génération actuelle. C’est on peut dire la seule note moraliste qui revient à quelques reprises dans la dernière partie de ce livre. C’est aussi assurément un préalable idéologique qui empêche la pensée clinique, comme si la toxicomanie était « plaisir et jouissance obtenus de façon artificielle, mais à volonté par la grâce de ces objets du monde » (page 257).
Quoi qu’il en soit, il est bien certain qu’il existe une dynamique vers une structuration toxicomane qui fait que des gens de structure de départ assez éloignée finissent par se ressembler même pour le clinicien averti. Tout le monde ne peut pas devenir toxicomane sans doute, mais ceux que le deviennent se ressemblent, et tendent à répéter leurs expériences toxicomaniaques tout au long de leur vie, comme si c’était devenu en effet une structure acquise.
C’est bien une des solutions au Malaise dans la culture, dont j’ai fait une citation tout à l’heure, la solution chimique, l’échafaudage de secours. Il faudrait voir ce que vient remplacer, ce à quoi vient pallier le toxique. Je fais allusion ici naturellement au rapport sexuel, et à la production de substances chimiques internes que l’orgasme provoque. C\’est-à-dire le système hallucinatoire du désir tel que le rapport sexuel en prend le relais après le complexe d’Œdipe. Or ce rapport sexuel peut très bien être tout à fait en panne dans les névroses actuelles et c’est là un point vraiment essentiel pour comprendre le rapport post-structural qui fait que la toxicomanie s’installe dans ce défaut de production orgastique. En ce cas, ce qui est le moyen toxicomaniaque du malaise dans la culture pour la plupart des sujets qui y vivent, ce simple moyen, moyen de lever l’inhibition ou de supporter le malaise devient une fin, c\’est-à-dire la fin de produire de l’hallucinatoire, et dans ce cas en effet on ne voit pas pourquoi cette prise de drogue ne viendrait pas en remplacement ou plutôt en prolongement des structures cliniques. En ce sens il me semble qu’on pourrait parler d’une toxicomanie de structure en tant qu’elle est liée aux névroses actuelles. C\’est-à-dire au bout du compte à l’absence de rapport sexuel, ou plutôt de l’orgasme producteur d’hallucinogènes.