Nœud à quatre/Nœud à trois : comment entendre la dimension du transfert ?
19 juin 2014

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SCIARA Louis
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Mon intervention au séminaire d’été est liée, au moins en partie, à la sollicitation de Pierre Christophe Cathelineau. Il m’a demandé de déployer mes arguments en faveur du nœud « bo » à quatre, suite aux remarques critiques que j’avais formulées durant les journées de juin sur l’invention en topologie. Bien que le terrain de la topologie nodale ne me soit pas le plus aisé, je reconnais son intérêt structural majeur, celui de mettre l’accent sur le Réel. Lacan le souligne. Ce frayage de la topologie nodale lui est venu directement de sa clinique. Il le dit ainsi dans RSI : « Rien de ce que je vous dis ne vient d’ailleurs que de ma pratique, ce nœud borroméen, c’est de l’expérience analytique qu’il rend compte ». Ce qui sous-entend que le transfert est inscrit dans la mise à plat du nœud, plus précisément je dirai qu’il est inhérent à l’opération de nouage qui effectue le nœud. Cette petite nuance traduit, selon moi, l’écart entre ce qui opère dans le transfert via Le signifiant et ce qui s’en écrit. Il y a un reste. Ceci pour distinguer le Réel de la structure du sujet dans la cure que le nœud « bo » présente, si on fait foi des avancées de Lacan, et l’élaboration clinique qui peut en être faite par le clinicien. Cette élaboration c’est ce qu’il peut dire de la structure du sujet, ce qu’il peut dire et lire de ce qui s’écrit de la structure du sujet sous transfert. Mais encore faut-il savoir écrire le nœud singulier en question. J’insiste d’emblée sur cet écart entre le Réel de la structure et ce qui peut s’élaborer de la position de l’analyste dans le transfert singulier dans lequel il est immergé.

La lecture d’une structure clinique engage le clinicien dans son acte. Elle trouve appui sur ce que l’analyste peut entendre des dires de l’analysant, dépend de sa façon d’intervenir ou d’interpréter, de ses présupposés théoriques. J’ajouterai de son rapport au Réel, c’est-à-dire de son propre symptôme, y compris à se choisir tel ou tel concept pour entendre la clinique. Ce qui m’amène à poser la question suivante : structure du sujet et transfert sont-ils homogènes ? Ce serait homogène du point de vue de la logique structurale (la structure est nodale), c’est-à-dire que toute énonciation vaudrait « comme la matérialisation d’un nœud borroméen » (1), comme le formule Jean Brini. Ce qui revient à considérer comme équivalentes les opérations propres aux nœuds (celles de Reidemaster qui réduisent le nombre de croisements dans les nœuds) et les lois du signifiant qui régissent les nœuds de langage inhérents à l’énonciation et à l’interprétation dans la cure dans ce qui se noue entre l’analysant et de l’analyste. Mais, à mon sens, transfert et structure ne peuvent être strictement homogènes, parce que le transfert indique qu’il y a une différence irréductible de places, de positions, d’énonciations, entre le praticien et l’analysant. De plus, je ne saurais le démontrer, mais je ne suis pas si certain que la grammaire des nœuds soit équivalente à celle du signifiant. En tout cas, il y a de quoi rester prudent dans notre discipline, car le clinicien ne pourra jamais tout à fait rendre compte par la parole comme par la manipulation des nœuds, du Réel noué singulier de la structure d’un sujet sous transfert. Il me semble que c’est ce qui fait du métier de psychanalyste un métier impossible et qu’il revient à chaque praticien de réinventer comment se débrouiller avec la clinique, avec ce Réel en tant qu’il est impossible à supporter. Sans doute Lacan va dans ce sens lorsqu’il précise que « la clinique psychanalytique doit consister à interroger non seulement l’analyse mais aussi les analystes, afin qu’ils rendent compte de ce que leur pratique a de hasardeux…» (2). Ce « hasardeux » me paraît fondamental. Je le pose comme préalable, comme enjeu éthique qui oriente le fil de mon propos. Le psychanalyste tâtonne. Il n’y a pas de savoir établi. Le savoir inconscient est troué. Il reste toujours une part d’énigme, topologie nodale ou pas.

En juin dernier, j’avais vivement réagi et adressé aux organisateurs des journées quelques remarques critiques. Je tiens à préciser que bien évidemment les travaux des collègues férus de topologie m’ont beaucoup appris. Ils continuent de m’enseigner et m’ont permis d’élaborer cette réflexion. Mais, il me semble qu’à force de trop se focaliser sur le fait que le nœud « bo » soit une écriture qui supporte un Réel (celui d’un parlêtre sous transfert), et non pas une écriture logico-mathématique qui suppose un Réel, il ne faudrait pas considérer que nous tenons enfin le Réel, « le Réel réel », « le vrai Réel » – comme le dit Lacan -« nous en sommes tout à fait séparés » (La Troisième). Il ne faudrait pas non plus trop épurer la clinique jusqu’à ne la réduire qu’à une écriture des nœuds, à une lecture mathématique, trop systématique et absolue, qui ne ferait plus cas de la position de l’analyste dans le transfert, de la lecture qu’il en fait. Il y a cet écart que j’ai souligné en préambule. A ce titre, je me méfie trop du risque d’un engouement topologique qui ferait démonstration en venant plaquer tel type de nouage à tel type de structure clinique à partir de la seule écriture des nœuds et compte-tenu des contraintes imposées par le caractère « bo ». C’est pourquoi, j’avais caricaturé avec humour et provocation mon propos en indiquant qu’à trop aller dans ce sens nous ne serions plus loin d’une clinique de l’objectivable, du signe, à l’instar de la clinique du DSM que nous combattons.

Je veux dire que nous devons partir de la clinique pour dire la structure du sujet dans le transfert. C’est le préalable à ce qui peut s’écrire d’une cure. Même si le dire, comme le dit Lacan, ne pourra jamais égaler ce que comporte le nœud. La clinique psychanalytique est une clinique du transfert. Dire, pour l’analyste, c’est énoncer, interpréter, relever, mettre l’accent sur les signifiants qui témoignent des pentes structurales, des modalités de jouissance, du type de symptôme, entre autres, qui singularisent un parlêtre sous transfert. Tout ceci pour revenir sur une question fondamentale, relevée à moult reprises par les collègues, en particulier Marc Darmon dans un de ses articles (3) : « Quel est donc l’enjeu du nœud ? En deux mots, il s’agit de trancher entre signifiant et topologie ». Dans cet article, il rappelle que la structure est nodale, que les nœuds marquent une rupture dans la lecture de la clinique, qu’ils visent la pratique des analystes. Ainsi, que l’analysant retrouve les signifiants, les lettres, les chiffres du refoulé ne suffit pas. Jusque-là rien d’étonnant. Mais, il va plus loin. Je le cite : « Ainsi, le signifiant qui fait coupure dans le transfert et dans le temps de l’interprétation n’était pas « déjà là », disposé comme un savoir dans l’inconscient, attendant celui qui devait l’y trouver. Ce qui était déjà là, c’était la surface topologique ou le nœud ». Le statut de l’urverdrängt, écrit Darmon, change avec le renversement qu’opère Lacan avec la topologie. De supposé être constitué d’éléments littéraux bien définis, il n’est plus substantifié et correspond au trou lui-même avec le nœud. Ainsi, « aucun signifiant n’est a priori privilégié » dans le rond du Symbolique noué aux deux autres et c’est bien le Réel du nouage qui est déterminant. J’entends aussi dans cette lecture de Marc Darmon que c’est bien la dimension synchronique qui est privilégiée dans la cure et qu’effectivement le grand intérêt, à mon sens, de l’affaire concerne la responsabilité de l’analyste. Il l’écrit d’ailleurs explicitement : « La responsabilité de l’analyste est entière, il ne s’agit pas d’attendre que le sac se vide ou de faire indéfiniment le relevé des lettres tombées de l’inconscient, mais de se saisir de ce qui s’offre dans le transfert à l’instant pour tenter une opération topologique ». Il reste que je continue de m’interroger. Dire que le nœud était « déjà là », pour indiquer que les signifiants, les lettres de l’énonciation de l’analysant y sont déjà inscrits dans le nouage des trois dimensions, n’élude pas la question du temps logique de ce que j’appellerai le nouage « primordial ». J’entends par là l’espace/temps de passage entre « lalangue » – temps logique où les trois dimensions ne sont pas nouées – et la langue – temps logique d’un Réel noué, pour un parlêtre. Ce qui réintroduit à la dimension diachronique, à ce qui s’institue au fil des temps logiques qui structurent un sujet autour de son symptôme.

Mais est-il si indispensable de trancher entre signifiant et nœud sous prétexte que le nœud est préalable au signifiant comme Marc Darmon l’indique à l’appui de sa clinique et de sa lecture de Lacan ? Que ce soit le cas, ne dément pas qu’ils soient indissociablement liés, que l’un ne s’articule pas sans l’autre. Je pense que le travail du psychanalyste, même pétri par les avancées topologiques, consiste d’abord et avant tout à mettre en avant la dimension de la parole et donc celle du signifiant. L’analyste est responsable d’un discours qui « soude » l’analysant au couple analysant/analyste (Lacan dans LaTroisième). C’est-à-dire que l’analyste peut prendre appui sur la topologie nodale pour éclairer sa pratique et l’utiliser dans l’élaboration qu’il en fait, mais sans jamais se dessaisir du discours qui articule, dit et permet l’écriture du nœud. A une époque comme la nôtre où la parole est de plus en plus réduite à un outil de communication, voire discréditée, nous avons tout intérêt à mettre l’accent sur le caractère fondamental du signifiant. En témoigne, par exemple, cet exercice particulier et si formateur que constitue le travail sur le trait du cas à partir d’une présentation. Nous nous appuyons d’abord sur l’enregistrement des propos du patient, et ensuite sur la transcription du verbatim (elle-même toujours filtrée par le rapport à la langue du transcripteur, c’est-à-dire par son propre symptôme) avant toute élaboration topologique. Que toute énonciation participe des trois registres, que certaines énonciations rendent compte des points-nœuds qui font « trait du cas » pour un sujet singulier, que celles-ci fassent partie du nouage même qui se déploie dans le transfert, repose d’abord et avant tout sur le caractère primordial du signifiant. Nous n’en élaborons une lecture nodale, une mise en évidence des trois registres et de leur nouage que dans l’après-coup de ce qui est restitué par l’énonciation du patient. C’est la même chose avec nos patients en séance. Il n’y a d’élaboration topologique, en tout cas pour moi, qu’après avoir essayé d’entendre quelque chose du nouage des signifiants fondamentaux d’un parlêtre. C’est bel et bien le signifiant qui est propre au transfert et à son repérage, y compris dans un discours sans parole.

Toutes ces questions ne sont évidemment pas anodines. Elles véhiculent le poids de la transmission de la psychanalyse, d’autant qu’elles s’appuient sur les différences de frayages de Freud et de Lacan, quant à la manière qu’ils ont eue, l’un et l’autre, d’aborder et de restituer le transfert. Pour Freud, inventeur de la discipline, il fallait en passer par la transcription fidèle de cas cliniques. Tout en privilégiant les dires des patients, il prenait sérieusement en compte le roman individuel, mais non sans faire part de sa propre implication subjective dans le transfert, avec plus ou moins de lucidité, à souligner le procès œdipien du patient. Il n’a eu de cesse de rapporter le travail transférentiel à l’instance du Père : père mort interdicteur de l’inceste et fondateur de la loi symbolique, père de l’identification comme venant instituer et orienter la position sexuée. Lacan s’y est pris autrement. Il n’a pas restitué de cure, si ce n’est par courtes séquences. En revanche, il a beaucoup repris, réinterprété les cures de Freud et d’autres analystes. Dans les dernières années de séminaire il n’a pratiquement plus fait référence à des éléments cliniques tout en ne cessant de dire qu’il se fondait sur sa clinique. Lacan s’est décalé peu à peu de Freud par son effort théorique qui visait avant tout à restituer la logique de l’inconscient et la formalisation du Réel. Il a démystifié la figure symbolique du père, décentré la clinique de la prévalence de l’Oedipe et de la jouissance phallique au profit de l’objet a (ce qui ne signifie pas que le procès œdipien ait disparu de la clinique), élaboré le champ des jouissances, essayé de formaliser la position et le désir du psychanalyste, théorisé la fin de cure. Tous ses remaniements conceptuels – depuis ses premiers écrits sur le transfert, en passant par le séminaire qu’il lui a consacré, la lettre de 1967 aux analystes de l’Ecole freudienne (avec l’enjeu de la passe), l’écriture du discours psychanalytique qui met l’objet a en place d’agent et de semblant, jusqu’aux nœuds – permettent d’entendre qu’il s’est toujours préoccupé de la question du transfert. Il est sensible que sa lecture de la clinique et donc du transfert a été de plus en plus orientée par la formalisation du Réel et que cette dernière a été elle-même influencée et façonnée par ses remaniements conceptuels concernant l’instance paternelle, le Réel du désir du père. Charge donc à chaque psychanalyste de se situer dans cet écart de transmission entre Freud et Lacan.

Que nous enseignent sur le transfert respectivement le nœud à trois et celui à quatre ? Serait-ce différent ? Il me semble qu’opposer les deux types de nœud est un faux débat.

C’est bel et bien le nœud à trois qui constitue le pas décisif. Il faut trois ronds en triskèle pour qu’il y ait nouage « bo », pour écrire le Réel de la structure du sujet et aussi, pour faire quatre et plus borroméennement. C’est ce que marque le passage fondamental aux noms du père dans son unique séance de 1963 qui sera réamorcé avec Ou pire, pour en arriver à La Troisième, RSI, Le Sinthome. Je note que dans l’écriture de ce nœud à trois : d’une part, il y a l’écriture des jouissances, toutes « branchées » à la « place du plus-de-jouir », à l’objet adégagé comme coupure dans le champ de la jouissance, soit comme cause du désir ; d’autre part, l’écriture du symptôme à l’intersection du Réel et du Symbolique – le symptôme en tant que c’est ce qui vient du Réel, en tant qu’il comporte une pente réelle et pas seulement symbolique, c’est-à-dire métaphorique, qu’il constitue une manifestation du Réel qui permet d’appréhender le Réel.

Quant au nœud à quatre, Lacan y vient en faisant allusion dans RSI aux concepts freudiens de « réalité psychique » et d’Œdipe, tout en précisant que Freud avait déjà à disposition les trois registres, mais qu’il ne les avait ni nommés ni noués. Il va complexifier sa lecture du quatrième rond qui noue borroméennement les trois autres en le nommant Nom-du-Père. Ce qui est délicat c’est de parvenir à bien différencier, tout en les nouant, le père comme Nom, le père qui nomme et d’en rapprocher celui de la métaphore paternelle. Il me semble que le quatrième rond, désigné comme celui du Nom-du-Père, correspond au Nom-du-père Réel, plus précisément au Père comme Nom, qu’il constitue en soi la fonction de nomination du père, celle qui fait nœud et trou. Quant au symptôme, soit ce qui spécifie la psychanalyse et qui constitue la marque singulière du sujet, il est à la fois métaphore signifiante du non rapport sexuel, manifestation du Réel, mais aussi « ce qui de l’inconscient peut se traduire par une lettre » (RSI – 21/01/75), comme l’objet a. Lacan va aussi le mettre au rang de quatrième rond dans la séance du 18/11/75 de RSI. Il l’implique dans le nœud même, à quatre, de la structure subjective. Par la suite, Lacan évoquera l’identification au symptôme en fin de cure (L’une-Bévue…. Séance du 16/11/1976), peut-être comme identification au Réel de l’écriture de la structure, c’est-à-dire en mettant l’accent sur la dimension réelle de la structure jusqu’à la réduire à la lettre, à une combinaison de lettres. Ce qui pose la question de ce qui ne cesse pas de s’écrire du symptôme en fin de cure, soit ce Réel qui singularise un sujet sous transfert et qui échappe à jamais, ce reste qui constitue une épure du symptôme et que Lacan, me-semble-t-il, nommesinthome pour des névrosés. C’est pourquoi, le nœud à quatre me semble celui qui présente le Réel du transfert pour un analysant, celui qui inscrit l’analyste en place de nouage au titre de sujet supposé savoir dans le dispositif de la cure, de « fonction nœud » pour reprendre l’expression de Lacan, sur laquelle Michel Jeanvoine met si souvent l’accent, à juste titre, dans ses travaux. J’avancerai que du Nom-du-Père on peut s’en passer, à condition de s’en servir, grâce au procès abouti d’une cure. Mais de l’irréductible de la face réelle de son symptôme, c’est à dite de la littéralité qui en rend compte comme manifestation ultime du Réel, nous serions condamnés à nous en débrouiller à vie. Il s’agirait d’un Réel noué sur lequel un sujet s’est construit et identifié. Reste la responsabilité du sujet en question au regard de son inconscient, d’avoir à mieux savoir y faire avec les déplacements de jouissance qui ont pu se produire à la faveur de la cure pour mieux supporter le poids de son symptôme.

Vous aurez compris que je considère que le nœud à quatre s’appuie sur celui à trois, qu’il le complexifie en y inscrivant la dimension du transfert, l’irréductible du symptôme qui tient de la lettre comme trace symbolique du Réel. C’est pourquoi, je crois que ces deux écritures nodales du Réel de la structure du sujet ne peuvent être opposées dans un choix éthique. Elles participent du même choix et donnent lieu à une dialectique. Il ne s’agit pas avec le nœud à quatre de rester les dévots du Un, ni de cultiver le symptôme de l’amour du père. Les lois du signifiant et du langage ne nous laissent pas d’autre choix éthique, si on s’en tient à l’expérience de la psychanalyse, que de nous livrer au Réel et à une trace symptomatique propre à chacun qui ne relève d’aucun père, si ce n’est d’une fonction de nomination qui nous inscrit à jamais dans la vie, avec cette limite même du Réel.

Pour conclure, je dirai que ma lecture clinique me porte à penser que la clinique du nœud à trois est plutôt rare. Elle concerne des occurrences précises, en particulier des moments de la fin de cure du névrosé, moments où l’analysant averti par la redondance de la part réelle de son symptôme finit par entendre qu’aucun sujet supposé savoir ne pourra lui révéler sa propre part de vérité et qu’il n’a plus qu’à s’en débrouiller tout seul. Par ce nouage à trois, le symptôme du sujet s’inscrit à l’intersection Réel/Symbolique : cela traduirait que le sujet névrosé parvenu en fin de parcours analytique serait comme libéré des foisonnements imaginaires de sens de son symptôme. Le symptôme serait alors réduit à son épure, plus à son versant Réel, au point que le nouage à trois y suffise, que l’analyste y soit inclus, que transfert et structure viennent à s’équivaloir, que l’analyste ne soit plus en place de quatrième rond. Le nœud à trois serait alors le nœud d’une analyse aboutie…sauf que cela ne tient pas parce que le Réel d’un symptôme se répète, amenant certains analysants à refaire une tranche. Je ne crois pas exagéré de dire que nous autres psychanalystes en savons quelque chose. Peut-être même en tant que névrosés qui ne veulent pas s’y résoudre !

Par ailleurs, il me paraît incongru d’avancer que l’écriture du nœud à trois présenterait désormais l’ordinaire, le banal de la clinique contemporaine, comme si elle était homogène, voire uniforme. Dans mon ouvrage – Banlieues, Pointe avancée de la clinique contemporaine je suis personnellement parvenu à la conclusion que nous aurions affaire à une phénoménologie nouvelle dans le champ des névroses liée aux effets d’une certaine perversion sociale. J’ai avancé qu’il s’agirait d’une « clinique contemporaine des névroses ». Celle-ci me semble plutôt relever d’une clinique du nœud à quatre, dans la mesure où la question centrale est bien celle du transfert. Ce dont témoigne la position particulière de quatrième rond que le clinicien présentifie en début de transfert (mais alors, peut-on rétorquer, en véritable place de suppléance ?). Il contribue par son implication subjective en ce temps logique préliminaire à assurer une fonction de nouage. En particulier, en veillant à favoriser la réhabilitation de la fonction de la parole et à redonner tout son crédit au fait de supposer un savoir dans l’Autre pour que puisse se mettre en place un sujet supposé savoir, soit ce qui est le pivot indispensable au transfert. En somme, le transfert est au cœur de la clinique contemporaine.