L'objet : retrouvaille et constitution
16 janvier 1995

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NUSINOVICI Valentin
Textes
Concepts psychanalytiques

Pour les auteurs qui théorisent la relation d’objet, la visée
de la cure est une relation d’objet qui serait satisfaisante, harmonieuse, adaptée.
C’est là l’axe de leur réflexion. Pour Lacan qui les critique
– non seulement dans le séminaire IV à propos duquel nous sommes
réunis aujourd’hui, mais déjà dans le séminaire
I et plus tard dans le séminaire VI – leur orientation méconnaît
ce qu’il en est du désir, il lui paraît nécessaire de dégager
d’abord ce qu’est l’objet du désir humain et comment il se constitue
avant de préciser ce que devrait être la fin de la cure. Ce qui
lui paraît en tout cas assuré c’est que plutôt qu’une relation
d’objet la relation fondamentale est une relation au manque d’objet.

Gilbert Diatkine nous disait ce matin que la notion de manque d’objet était
couramment admise chez les non-lacaniens, au moins chez les français.
La question cependant est de savoir ce que ce terme de manque d’objet engage.
Pourquoi y a-t-il manque, que devient-il et en particulier dans la cure ? Celle-ci
doit-elle viser à le réparer ? S’il n’y a apparemment guère
de difficulté à s’accorder sur l’existence d’un manque à
l’origine du désir, s’accordera-t-on pour penser que ce manque est déterminé
par le signifiant et que celui-ci détermine aussi ce qui viendra se proposer
comme objet ?

Pour essayer de suivre Lacan, il me semble qu’il est utile de partir des paradoxes
qu’il fait valoir et qui tiennent justement à cette détermination
par le signifiant. Je partirai de ceux qu’il introduit à propos de la
perte et de la retrouvaille de l’objet (Objektfiundung, également traduit
par redécouverte de l’objet). Dans la Lettre volée, qu’il vient
de rédiger lorsqu’il entreprend le séminaire VI, Lacan a évoqué
l’objet foncièrement perdu, et néanmoins il va parler dans le
séminaire IV de retrouvaille de l’objet, il va même avancer que
c’est la frustration qui constitue la première étape de cette
retrouvaille. On pourrait donc retrouver l’objet foncièrement perdu et
cela aurait lieu précisément quand se fait sentir la frustration
qu’engage sa perte ! On peut certes estimer que c’est là une façon
de présenter les choses qui les complique à plaisir mais on peut
aussi reprendre le paragraphe des Trois Essais auquel Lacan se refère
quand il parle de retrouvaille de l’objet et se demander si malgré la
clarté de son style il n’offre pas quelques difficultés d’interprétation.

 » Quand la toute première satisfaction sexuelle était
encore liée à l’ingestion d’aliment, la pulsion sexuelle avait,
dans le sein maternel, un objet sexuel à l’extérieur du corps
propre. Elle ne le perdit que plus tard, peut-être précisément
à l’époque où il devint possible à l’enfant de former
la représentation globale de la personne à laquelle appartenait
l’organe qui lui procurait la satisfaction. En règle générale,
la pulsion sexuelle devient alors autoérotique, et ce n’est qu’une fois
le temps de latence dépassé que le rapport originel se rétablit.
Ce n’est pas sans de bonnes raisons que la figure de l’enfant qui tète
le sein de sa mère est devenue le modèle de tout rapport amoureux.
La découverte de l’objet est à vrai dire une redécouverte1. »

Freud a distingué plus tôt dans les Trois Essais pulsion sexuelle
et pulsion d’autoconservation et il a situé le moment où leur
séparation devient inéluctable comme celui du sevrage, la pulsion
sexuelle devenant alors autoérotique2. Mais ici ce n’est pas au sevrage
qu’est attribuée la perte de cet  » objet sexuel à l’extérieur
du corps propre  » c’est à la constitution de l’image globale de
la mère. Cela indique que la perte de l’objet sexuel oral est indépendante
du fait que le sein soit encore ou ne soit plus saisi et tété.
Mais alors comment définir l’objet sexuel oral et de quelle façon
sa perte a-t-elle rapport à la constitution de l’image de la mère  ?

Quant à la retrouvaille qu’est-ce qui y pousse ? Ne faut-il pas admettre
puisqu’on ne peut se contenter d’invoquer les modifications physiologiques de
la puberté, qu’un désir est organisé qui oriente vers cette
retrouvaille ? Et entre la satisfaction perdue et celle qui est retrouvée
quel rapport y a-t-il ? Quand Freud dit que la figure de l’enfant qui tète
est le modèle du rapport amoureux, cela signifie-t-il que le rapport
amoureux permet de retrouver l’objet d’une satisfaction totale et sans histoire
ou bien cette figure ne tient-elle son efficace que du fait qu’elle rend présent
ce qui est inaccessible ?

Il est habituel de considérer que le désir s’origine d’une frustration.
Dans le séminaire I, quand il discute les thèses de Balint, Lacan
fait porter sa critique sur le fait que la frustration soit comprise comme frustration
d’un besoin et qu’à partir de là la relation d’objet soit conçue
comme  » ce qui conjoint à un besoin un objet qui le satisfait3.
 » Que se passe-t-il, demande-t-il dans le séminaire IV, si on frustre
l’enfant en lui retirant le sein ? Il a faim, il crie, cela relance un désir
primaire. Mais ce n’est pas à partir de l’instinct et des traces mnésiques
de la satisfaction que se constitue l’objet du désir. A l’origine du
désir il y a un objet « foncièrement perdu », qui est
dit tel, parce qu’il n’y en a pas de trace. C’est ce trou dans la représentation
qui constitue le manque fondamental d’objet. A sa manière Lacan reprend
ici ce que Freud a noté, dans l’Esquisse, comme étant la part
 » inassimilable  » du complexe d’objet, celle qui échappe à
la représentation. Pour lui, mais Freud insiste déjà sur
l’importance de l’appel de l’enfant et des réponses qu’il reçoit,
cette « perte » se constitue du simple fait qu’il n’y a pas de satisfaction
du besoin sans passage par la demande. Cette dimension de la demande est présente
dès les premiers cris de l’enfant puisque ceux-ci sont entendus par la
mère comme des appels et que celle-ci est dès lors instituée
comme Autre. Avec la succession des appels de l’enfant et celle des allers-retours
de la mère il y a l’amorce du symbolique et Lacan souligne que le symbolique
a un caractère profondément décevant qui tient à
ce que la réponse de la mère introduit un registre hétérogène
à celui du besoin. Cette réponse c’est d’abord sa venue, le don
de sa présence conditionnant celui du sein. (si donc le sein est perdu
quand se constitue l’image de la mère ne serait-ce pas parce que c’est
sur elle, la dispensatrice du don, et non plus sur le sein que l’enfant concentre
son attente et son attention ?) Seulement, « le don n’est rien en tant
qu’objet de satisfaction » , il n’est pas assuré qu’il soit accordé
et même si la mère ne le refuse pas, sa présence est de
toute façon déjà marquée de l’absence à venir.
Ainsi se creuse la place d’une jouissance  » perdue  » sans avoir jamais
été éprouvée, jamais obtenue de l’Autre. C’est du
manque de ce qui n’a jamais été que s’origine le désir 4.

Pour savoir en quoi la frustration est retrouvaille, il faut se souvenir de
l’observation de St Augustin si souvent rappelée par Lacan. Augustin
dépeint le regard empoisonné qu’un petit enfant déjà
sevré jette à son frère qui est encore accroché
à la mamelle. Dans cette expérience que Lacan tient pour prototypique,
la jouissance est  » retrouvée  » comme ce que le frère
aurait obtenu de la mère, ce qu’il aurait obtenu indûment, et l’on
voit là que la frustration dont il s’agit n’est pas celle du besoin,
mais celle de l’amour, qu’elle est Versagung, promesse non tenue. Quand à
l’objet il est  » retrouvé  » en tant qu’à sa possession
est censée être attachée cette jouissance hors d’atteinte
pour le sujet.

Cette mise en place complexe que fait Lacan a l’intérêt de mettre
en valeur trois points importants :

– la retrouvaille de l’objet n’a rien d’heureux (la figure heureuse de l’enfant
qui tète, évoquée par Freud, est bien celle de l’autre,
c’est en cela qu’elle constitue un modèle du rapport amoureux). Elle
ne satisfait pas le désir, elle l’organise. On a ici une première
approche de ce que Lacan entend par fantasme : un  » rapport  » où
le sujet ne se soutient que de l’absence de l’objet. Cependant il y a indiscutablement
une jouissance de la frustration dans laquelle le sujet peut trouver de quoi
perpétuer une revendication et nourrir sa névrose.

– Qu’il s’agisse du sein dans l’observation d’Augustin ne signifie pas que
ce soit là un objet auquel correspondrait un premier stade du développement.
Le point important est que le sein est situé sur fond de la jouissance
perdue. C’est toujours sur ce fond que seront situés les objets qui s’y
substituent d’autant plus facilement que cette jouissance qui fait leur prix
ne leur est en rien spécifiquement attachée.

– le sein – ou tel objet qui s’y substitue – n’est pas objet partiel au sens
où il serait partie d’une totalité. Il n’appartient pas au corps
de l’autre, il apparaît comme ce qui pourrait le compléter et comme
ce dont le manque décompléte le corps du sujet.

Ainsi cette mise en place permet de rendre compte de trois caractéristiques
essentielles du désir : son indestructibilité dans l’inconscient,
la substitution des objets du désir, la constitution d’objets qui n’appartiennent
ni au corps du sujet ni au corps de l’autre.

Il y a dans le séminaire IV en parallèle à celle du fantasme,
une première mise en place de l’organisation de la pulsion dans laquelle
Lacan fait également intervenir la déception provoquée
par le jeu symbolique : l’enfant écrase son inassouvissement dans la
saisie du sein, l’érogénéité de la fonction est
alors seule sollicitée tandis que l’objet tend à devenir indifférent.
Il peut même être dénué de toute matérialité,
Lacan soutenant en effet qu’il y a dans l’anorexie mentale un objet, le rien,
qui permet le jeu pulsionnel. Par là se trouve à nouveau indiqué
que l’objet, dans la pulsion, comme dans le désir, n’appartient pas à
l’image du corps de l’autre. Ici s’éclaire le problème rencontré
dans le texte des Trois Essais : si le sein est perdu par rapport à l’image
de la mère c’est parce qu’il n’appartient pas à cette image, parce
qu’il est hors du registre spéculaire.

Le rapport à l’objet n’est pas réductible à un jeu de
projection-introjection ou à un réglage de distance. A cet égard
Lacan trouve, dans son opposition aux thèses de Mélanie Klein
et de Maurice Bouvet, un appui précieux dans l’article de Winnicott sur
l’objet transitionnel. Certes il n’interprète pas de la même façon
la constitution de ce premier objet  » non moi « , hors narcissisme.
Pour Winnicott il y a d’abord une nécessaire phase d’illusion que doit
entretenir la mère avant que survienne la désillusion source des
frustrations que l’objet transitionnel permet de surmonter. Pour Lacan le symbolique
qui n’autorise guère l’illusion que décrit Winnicott, l’enfant
a d’emblée affaire à l’Autre susceptible de le priver de satisfaction
et par l’objet transitionnel il opère un détachement par rapport
à ce pouvoir de l’Autre.

D’autre part Lacan estime que si la zone transitionnelle est bien au départ
de toute création (artistique, religieuse…) il faut expliquer pourquoi
chaque sujet n’y reste pas enfermé à la façon d’une monade
mais qu’il y a ordinairement, comme Winnicott le dit, des points communs entre
ces zones intermédiaires. Comment l’entrée en jeu du phallus –
Winnicott dit que l’objet transitionnel est un phallus virtuel – permet-elle
l’établissement de ces points communs ? Selon Lacan parce que le phallus
intervient comme l’objet signifiant du désir de la mère et que
celle-ci n’étant justement pas une monade il devient l’objet signifiant
du désir de tout un chacun.

Valeur étalon, l’objet phallique va se « superposer » à
tous les objets, avant d’être pris dans la loi symbolique qui en réglera
les échanges. Mais pour qu’il apparaisse comme l’objet du désir
de la mère, il a déjà fallu que l’enfant repère
que celle-ci était manquante. De ce fait le fantasme de la mère
phallique ne se résume pas à l’image d’une mère pourvue
d’un membre. La mère dont le manque doit être dissimulé
derrière le vêtement, dont la privation se manifeste par l’image
de la gueule ouverte est tout aussi présente dans le fantasme comme l’est
également l’image du phallus dentatus. Ce point de vue n’est pas celui
de la psychanalyste dont l’observation est commentée dans le séminaire
IV et encore dans le VI et dans les Ecrits et qui interprète comme mère
phallique l’image onirique d’un homme armé d’un flytox, comme s’il n’y
avait dans le fantasme de la mère phallique que la mère et le
phallus et non le manque.

Le phallus n’est pas l’équivalent de l’organe. Quand Freud dit que le
fétiche est le substitut du phallus de la femme auquel l’enfant n’a pas
voulu renoncer cela ne peut signgifier qu’il présentifierait l’organe
en le matérialisant car alors pourquoi causerait-il le désir ?
Le phallus est un objet imaginaire, indissociable du langage, qui se tient si
l’on peut dire dans l’intervalle entre les signifiants tant que la castration
symbolique n’en a pas fait un objet perdu. Le fétichiste dénie
cette perte : sur le voile qui constitue son fétiche vient miroiter le
phallus comme s’il se tenait au-delà, l’absence en se donnant pour présence
cause du désir.

Le séminaire IV par son abord successif de plusieurs modes névrotiques
ou pervers, du rapport à une femme (l’hystérie et l’homosexualité
femmes, le fétichisme, la phobie, les cas de Léonard et de Don
Juan) nous conduit vers cette question : Qu’est-ce qui soutient le rapport  »
normal  » à l’objet féminin ? Cet objet que Lacan dit  »
achevé  » après la castration, en quoi l’est-il ? C’est la
perte qui est achevée : perte du phallus et avec lui de l’objet présentiel
(sein, fèces…) auquel il confère valeur phallique. Une femme
devient alors représentante de l’objet perdu et seulement sa représentante
si bien que l’homme a toujours tendance à chercher l’objet ailleurs.

D’où cette loucherie masculine dans laquelle Freud voyait la conséquence
d’une destruction incomplète du complexe d’Œdipe avec persistance
de l’objet maternel dans l’inconscient. Si cette explication est la bonne, une
destruction enfin complète de l’Œdipe viendrait corriger ce défaut.
Lacan, pour sa part, ne voit dans cette hypothèse que la marque de « l’idéal
monogamique » de Freud. Pour lui l’objet maternel n’est
pas en cause dans le désir mais dans la fixation névrotique.

Avant de terminer en en revenant à l’opposition des thèses de
Lacan et de Bouvet – puisque dans le séminaire IV Bouvet est le premier
auteur pris à partie – il faut rappeler une des conclusions que Lacan
tire du cas de Hans qu’il analyse si longuement. Bien que Hans soit arrivé
à la représentation et à l’acceptation de la perte d’un
morceau du corps, il n’a pas renoncé à l’image du phallus, il
reste fixé aux filles-phallus, c’est-à-dire aussi bien au leurre
que lui-même a proposé à la mère. Il y a là
une effectuation insuffisante de la castration, non repérée par
Freud qui jugeait satisfaisante son issue de l’Œdipe, d’où ce pronostic
que Hans ne connaîtra pas la  » consistance plénière
de la femme « ,  » l’énigme de la féminité « .

Pour Bouvet dont Lacan a lu dès la première séance du
séminaire IV quelques lignes concernant les  » prégénitaux
 » et les  » génitaux  » extraits de son article de La
psychanalyse d’Aujourd’hui5
, la relation d’objet génitale se caractérise
par  » une personnalité harmonieuse « ,  » une adaptation
heureuse au monde « ,  » la reconnaissance de l’objet comme un sujet,
un autre avec lequel un échange substantiel et simple devient possible
« . Ne peut-on dire que ce qui est décrit là est un rapport
narcissique qui s’avérerait réussi, non conflictuel ? Bouvet d’ailleurs
ne cache pas que l’objet génital n’est pas moins narcissique que l’objet
prégénital et l’on peut rappeler que Balint attribue l’harmonie
à laquelle le génital atteint dans le coït à une homosexualité
sublimée6. L’insistance sur le fait que le partenaire n’est pas seulement
un objet sexuel ne fait-elle pas négliger d’autres aspects ? A cet égard,
Lacan, un peu goguenard, s’exlame :  » Pourquoi notre semblable ne serait-il
pas valablement un objet ? Je dirai même plus : plût au ciel qu’il
le fut, un objet, car à la vérité ce que l’analyse nous
montre, c’est que communément et au départ il est encore bien
moins qu’un objet, il est quelque chose qui vient remplir sa place de signifiant
à l’intérieur de notre interrogation, si tant est que la névrose
est comme, je vous l’ai dit, redit et répété une question.
« 

Souvent en effet, pour le névrosé, la partenaire plutôt
que l’objet de désir est le signifiant sur lequel vient se refermer la
question névrotique, elle est son symptôme. Et même si elle s’en
défend et s’y dérobe, elle tolère mal de ne pas être
mise en place de cause du désir.

Une reconnaissance qui ne serait qu’imaginaire fait de la partenaire un alterego.
Certes Bouvet voit bien l’écueil, l’objet, dit-il, doit être reconnu
comme un sujet avec ses désirs et ses besoins mais à quels obstacles
cela se heurte-t-il et quel en est le prix à payer ? Lacan en distinguant
les registres de l’imaginaire, du symbolique et du réel nous invite à
penser ce que peut ou ce que pourrait être une reconnaissance prenant
en compte les registres du symbolique et du réel.

Comment une parole telle que « tu es ma femme » noue le pacte symbolique.
Bien que l’adresse en soit faite à la deuxième personne, elle
implique la dimension tierce et c’est pourquoi celui qui la prononce se trouve
par la même – Lacan dit qu’il reçoit son propre message sous une
forme inversée – situe en tant qu’époux. Toutefois cette reconnaissance
symbolique ne concerne une femme qu’en tant qu’épouse et quant à
l’homme il paye le pacte d’une accentuation de la castration puisque la loucherie
est désormais interdite.

Mais le point le plus délicat concerne la reconnaissance de ce que Lacan
nomme ici « l’énigme de la féminité », la reconnaissance
du réel qui fait « la consistance plénière »
de la femme. L’homme peut-il reconnaître que celle qui est, dans son fantasme,
représentante du phallus, est animée d’un désir non congruent
au sien et relève d’une jouissance différente ? Peut-il la connaître
comme telle, c’est-à-dire, non pas comme le dit Bouvet, prendre en considération
au plus haut point ses convenances, ses désirs et ses besoins, mais jouir
d’elle en tant qu’Autre ? Il faudrait pour seulement élaborer les termes
de cette question s’appuyer sur des enseignements de Lacan largement postérieurs
au séminaire IV, mais on peut au moins au point où nous en sommes
venus souligner une différence essentielle par rapport à la position
de Bouvet, et qui sans doute a des conséquences dans la direction de
la cure. Bouvet fait de la génitalité une limite idéale
que vise l’analyse, vers laquelle elle tend. Pour Lacan il n’y a pas de limite
idéale à atteindre ou à viser, il y a une limite par rapoort
à laquelle il s’agit d’opérer un franchissement. Pour l’un la
relation d’objet pensée en termes de distance peut être progressivement
modifiée. Pour l’autre le fantasme est une organisation remarquablement
fixe tant qu’une modification décisive de la structure n’est pas produite.