Suite à notre conversation, je vous écris ce bref compte rendu relatif à quelques difficultés que j’ai rencontrées dans mon expérience de traduction des textes analytiques du français vers l’espagnol.
Les impasses de la traduction d’une langue vers une autre sont bien connues, cependant, dans le champ qui est le nôtre, l’on ne peut pas méconnaître que les problèmes de traduction se recoupent avec cette autre dimension, tout aussi complexe, qui est celle de l’inconscient et de la transmission de la psychanalyse.
Votre questionnement concernant la façon de traduire le plus pertinemment, vers l’espagnol, les expressions françaises "rapport sexuel" et "relation sexuelle", est bien exemplaire de ces difficultés, car elles se traduisent généralement de la même façon : "relación sexual".
En français, c’est justement la différence entre ces deux expressions qui permet à Lacan de faire entendre autrement, voire à contre sens, quand il affirme que "qu’il n’y a pas de rapport sexuel".
Si l’on se réfère à la définition du Petit Larousse, l’on trouvera que le "rapport sexuel" est synonyme de "coït", c’est-à-dire rien de plus naturel que l’acte sexuel ou "accouplement du mâle et de la femelle dans l’espèce humaine ou chez les animaux". Par contre, dans Le Petit Larousse, c’est la "relation sexuelle" qui n’existe pas, au sens où elle est absente de ce dictionnaire. Ce qui existe c’est la "relation entre personnes".
Lacan utilise à sa façon cette particularité de la langue française qui différencie la "relation" entendue comme lien entre les personnes, du "rapport" en tant que représentant langagier de l’acte sexuel : "Il n’y a pas d’acte [? ou : rapport?] sexuel, je l’ai déjà exprimé plusieurs fois", dit Lacan dans son séminaire D’un discours qui ne serait pas du semblant.
Comme vous pouvez l’apprécier, c’est justement le mot "acte" qui est mis en question par les éditeurs qui proposent, entre crochets, le terme "rapport".
La torsion en continuité, opérée par Lacan entre ces deux termes, garde toute sa valeur et sa pertinence, par exemple dans le séminaire Encore où il va parler "de la relation rapport sexuel" justement comme "l’impossible d’établir la relation d’eux, écrit : d apostrophe, e, u, x. La relation d’eux qui ? Les deux sexes".
Comme vous l’avez déjà souligné, en espagnol, il n’y a que le mot "relación"* pour traduire les deux mots français "rapport" et "relation". On peut dire que, littéralement, dans la "casta lengua castellana" le "rapport" sexuel ou tout autre n’existe pas, non plus que l’expression "relación sexual", absente elle aussi du dictionnaire de la Real Academia de la Lengua Española.
La connotation de "coito", "acto" o "cópula sexual" est absente dans le mot "relación", également comme il est non répertorié pour le mot "relation" dans le dictionnaire français. Toutefois, la signification sexuelle vient se rajouter par association d’idées dans le discours courant et le langage populaire.
Ainsi, quand le mot "rapport" est traduit, en espagnol, exclusivement comme équivalent du mot "relation", il perd sa richesse sémantique et donc une partie de l’impertinente pertinence de Lacan.
Lacan nous interpelle en permanence, justement, s’il peut exister pour l’être parlant un acte qui soit purement et simplement naturel, c’est à dire indépendamment de la dimension du signifiant. On accepte plus facilement que le rapport du sujet au langage l’inscrit et le délimite dans sa relation à la culture, à l’existence, aux liens et aux échanges avec les autres … mais de là à ce qu’il n’y ait pas de relation-rapport entre les sexes ?
Les mathématiques, au secours!
Bref rappel. En mathématiques le "rapport" de X sur Y est équivalent au quotient entre ces deux variables. Un "nombre rationnel" est celui que l’on peut exprimer par le rapport ou quotient entre deux nombres entiers X e Y ; dans le cas où ce rapport n’existe pas, comme par exemple le nombre d’or ou p, on les appelle "nombres irrationnels" : "j’ai déjà fait en donnant à ce petit a, pour support le nombre irrationnel qu’est le nombre dit nombre d’or".
Même si les "nombres réels" déterminent l’ensemble qui contient tant les nombres rationnels que les irrationnels, on appelle souvent les nombres irrationnels simplement "réels". On peut dire qu’un nombre réel, par exemple "petit a", est celui qui n’a pas de rapport, qu’il est impossible.
Dans un même type de raisonnement, on dira, en espagnol, "racional" à tout nombre qui a une "razón", "rapport", entre deux entiers X et Y, ce qui en français signifie littéralement "qui a raison". Cela peut paraître une redondance de dire : "los irracionales son aquellos que no tienen razón", mais, en espagnol, c’est mathématiquement correct. Par conséquent, la traduction de "rapport" par "razón" n’est pas très encourageante non plus, car cela conduirait à des propos tels que : "la razón sexual no existe".
De la même façon, si on essaie de faire entendre en espagnol, par le biais de cette autre expression mathématique, "x R y", c’est-à-dire le rapport en tant que "relation" entre X et Y, énoncé une fois de plus par Lacan : "Voyez-vous, on peut à la rigueur écrire x, grand R, y, — x R y et dire x c’est l’homme, y c’est la femme, et grand R c’est le rapport sexuel. Pourquoi pas ! Seulement voilà, c’est ce que je vous disais tout à l’heure, c’est une bêtise".
Alors, comment faire pour ne pas transmettre cette bêtise?
Je cite Encore Lacan : "C’est une bêtise parce que ce qui se supporte sous la fonction de signifiant de homme et de femme, ce ne sont que des signifiants. Ce ne sont que des signifiants tout à fait liés à cet usage courcourant du langage. Et s’il y a un discours qui vous le démontre c’est que la femme ne sera jamais prise — c’est ce que le discours analytique met en jeu — que quoad-matrem. C’est-à-dire que la femme n’entrera en fonction dans le rapport sexuel qu’en tant que la mère".
Malgré les références à Lacan et aux mathématiques, la traduction de "rapport" par "relación" dans le domaine du sexuel reste insatisfaisante, c’est le cas de le dire, non seulement à cause des limites de la langue espagnole ou d’une maîtrise imparfaite de la langue française, mais aussi parce qu’il s’agit d’une sorte de vérité qui dérange et qui est dure à dévoiler. Encore, et à la lettre, rien de plus réel que l’impossible.
Je vais vous laisser avec cette remarque. En espagnol, le mot "rapport" est employé dans le sens de "rapport d’activités" ou encore pour désigner un écrit, un compte rendu, etc. Alors, pourquoi ne pas utiliser, comme le propose Marcel Czermak, dans la traduction espagnole, le mot français et dire "el rapport sexual no existe". "Rapport" à transmettre et à faire entendre comme un apport de la langue française au "courcourant" lacanien hispanophone, voir aussi à l’ensemble de la langue.
Un mot bien placé vaut mieux que beaucoup d’images.
* relación (Del lat. relatio, -onis).
1. f. Exposición que se hace de un hecho.
2. f. Conexión, correspondencia de algo con otra cosa.
3. f. Conexión, correspondencia, trato, comunicación de alguien con otra persona. U. m. en pl. Relaciones de parentesco, de amistad, amorosas, comerciales.
4. f. Trato de carácter amoroso. U. m. en pl. Tienen relaciones desde hace tiempo.
5. f. Lista de nombres o elementos de cualquier clase.
6. f. Informe que generalmente se hace por escrito, y se presenta ante una autoridad.
7. f. En el poema dramático, trozo largo que dice un personaje, ya para contar o narrar algo, ya con cualquier otro fin.
8. f. Gram. Conexión o enlace entre dos términos de una misma oración; p. ej., en la frase amor de madre hay una relación gramatical cuyos dos términos son las voces amor y madre.
9. f. Mat. Resultado de comparar dos cantidades expresadas en números.
10. f. Arg. y Ur. En diversos bailes tradicionales, copla que se dicen los integrantes de las parejas.
11. f. pl. Conocidos o amigos influyentes. Sin relaciones no se puede triunfar en esa profesión.
~ de ciego.
1. f. romance de ciego.
2. f. coloq. La frívola e impertinente.
3. f. coloq. Aquello que se recita o lee con monotonía y sin darle el sentido que corresponde.
~ jurada.
1. f. Razón o cuenta que con juramento expreso en ella se da a quien tiene autoridad para exigirla.
~ jurídica.
1. f. Der. La que, regulada por el derecho, se establece entre dos o más personas.
relaciones públicas.
1. f. pl. Actividad profesional cuyo fin es, mediante gestiones personales o con el empleo de las técnicas de difusión y comunicación, informar sobre personas, empresas, instituciones, etc., tratando de prestigiarlas y de captar voluntades a su favor.
2. f. pl. u. c. sing. com. Persona que desempeña esta profesión.
con ~ a.
1. loc. prepos. Que tiene conexión o correspondencia con algo.
2. loc. prepos. con respecto a.
en ~ con.
1. loc. adv. con relación a.
hacer ~ a algo.
1. loc. verb. Tener con ello conexión aquello de que se trata.
2. loc. verb. Der. En los pleitos y causas, dar cuenta al tribunal relatando lo esencial de todo el proceso.
V.
adjetivo de relación
vida de relación