Est-ce que les enfants hyperkinétiques ont quelque chose à voir
avec la psychomotricité ?
Actuellement les enfants hyperkinétiques sont à la mode. Et je
crois qu’il ne faut pas traiter cette question à la légère
parce que d’une certaine façon la manière que nous avons de penser
la question des enfants hyperkinétiques est essentielle à comprendre
la psychomotricité. Je ne voudrais pas que vous pensiez que je vais faire
de la polémique sur cette question mais plutôt, avec vous, parce
que je crois qu’il faut que vous y réfléchissiez aussi, examiner
les questions qui à mon avis nous sont inévitablement posées
par ces enfants et en même temps comment se fait-il que nous ayons tant
de mal à répondre, que nous ayons eu tant de mal à répondre
pour que à peu près toute la littérature anglo-saxonne
et d’Amérique du sud et d’Europe du nord n’ait fait aucune allusion à
la psychomotricité quand il a été question des enfants
hyperkinétiques. Je crois que c’est le déficit de nos concepts
en psychomotricité qui a ouvert la porte à ce qui se dit des enfants
hyperkinétiques. Et la première question que je poserai sans y
apporter de réponse, comment se fait-il que la théorie qui sous-tend
l’idée des enfants hyperkinétiques ait autant de succès
? Alors je vais essayer de répondre à cette première question,
je dis je vais essayer parce que, pour ma part, c’est peut-être ce qui
me sépare de ceux qui donnent des médicaments, je n’ai pas de
réponse, je ne suis pas tranquille sur l’origine des enfants hyperkinétiques.
Je vais vous donner d’abord une idée de l’histoire des enfants hyperkinétiques
c’est-à-dire de la pensée des neurologues, des psychologues et
des pédagogues qui a abouti à l’idée que le syndrome hyperkinétique
ça existait. Et dans un deuxième temps, j’essaierai de poser les
questions que l’on pourrait résumer de la façon suivante : qu’est-ce
que nous apprennent les enfants hyperkinétiques ? La première
fois qu’il a été question des enfants hyperkinétiques,
c’était en 1923, après l’épidémie de grippe et d’encéphalite
qui était survenue en Europe, après la première guerre
mondiale et qui a gagné le monde entier. Vous le savez peut-être
mais cette épidémie de grippe a fait plus de victimes que la guerre.
Il s’agissait d’une encéphalite et cette encéphalite a été
décrite par un allemand qui s’appelle von Economo qui, en 1923, a employé
le terme d’hyperkinétique. Il parlait des enfants et des adultes qui,
à la suite des séquelles de cette encéphalite, avaient
un comportement qui se caractérisait par premièrement le désordre
des mouvements incessants, l’incapacité à rester en place, à
se concentrer, des troubles cognitifs de la mémoire et des apprentissages
et enfin des troubles de l’adaptation sociale avec des difficultés à
vivre en commun et quelques cas de délinquance. En 1960, aux Etats-Unis
et au Canada, a été décrit le syndrome des enfants hyperkinétiques
que vous connaissez en dehors de toute encéphalite. Entre 1960 et 1970,
il y a eu aux Etats-Unis et en Europe 30 publications sur ce syndrome. Entre
1970 et 1985, il y a eu 700 publications et entre 1985 jusqu’à 1995,
il y a eu 1200 publications, vous voyez que c’est un sujet porteur.
On a d’abord décrit un symptôme où l’hyperactivité
motrice était prédominante ensuite on a ajouté autour de
cette hyperactivité motrice les divers symptômes que vous connaissez,
cognitifs, de mémoire, de comportement social, d’inadaptation. Et le
dernier livre, à mon avis, intéressant qui est paru sur le sujet,
il y a deux ans, qui a été fait par Madame le docteur Weiss de
la Mac Gill Université au Canada, a fait un travail sur le devenir des
enfants hyperkinétiques qu’elle avait vus 20 ans auparavant, selon qu’ils
avaient pris du médicament ou n’en avaient pas pris. Je rentre pas tellement
là-dedans parce que vous trouverez ça en lisant le livre facilement.
Mais cet auteur qui est en quelque sorte l’un des créateurs de ce syndrome
est extrêmement étonné parce que dans le dernier catalogue
des maladies mentales DSM 4, le syndrome existe mais il n’y a plus l’hyperkinétique.
Le symptôme de l’incontinence motrice, ne fait plus partie du syndrome
dans le DSM 4 alors que c’est celui qui avait permis de créer le syndrome.
Ça, c’est un premier point.
D’autre part la question de la fréquence. Aux Etats-Unis, on compte
5 % d’enfants hyperkinétiques, en Angleterre, 1/1000, en France jusqu’à
l’année dernière, c’était un diagnostic qui n’était
pratiquement jamais porté. Voilà la mise en place du tableau.
Essayons un peu d’avancer pour comprendre.
A partir des années 40, avec Gesell, on a commencé à parler
du parallélisme psychomoteur. Ce parallélisme est supposé
entre la maturation des structures du système nerveux et le développement
des fonctions. C’est la fonction motrice qui va être exemplaire de cette
évolution et qui va être située en parallèle au développement.
Ce qu’on appelle le développement psychomoteur part de l’hypothèse
qu’il y a un parallélisme entre la maturation du système nerveux
qui commande la motricité et l’évolution des fonctions cognitives.
C’est ce parallélisme psychomoteur qui est à l’origine du travail
de développement chez l’enfant depuis 1940 et de tous les tests de Gesell
et de ceux qui ont suivi. On étudie donc le développement de la
fonction motrice par des tests et en parallèle on étudie le développement
des fonctions cognitives. On constate qu’il y a des stades, des phases, une
harmonie entre le développement de la maturation motrice et l’évolution
des fonctions cognitives. Cette harmonie, elle est commandée et elle
est prouvée par le parallélisme lui-même et lorsqu’il n’y
a pas d’harmonie, eh bien, on parle de dysharmonie d’évolution et pour
expliquer la dysharmonie, eh bien, on prend la même explication que celle
qu’on a employée pour montrer l’harmonie : c’est le système nerveux
qui est la cause de cette dysharmonie, la pathologie, le déficit apparaît
comme une nécessité pour expliquer la dysharmonie. D’un côté
la normale : la motricité sous-tendue par le système nerveux,
évolue en harmonie avec les fonctions cognitives, c’est l’évolution
psychomotrice. Quand il n’y a pas d’harmonie, comment expliquer cette dysharmonie
? Eh bien, on l’explique par une atteinte du facteur commun entre psycho et
motricité c’est-à-dire le système nerveux central. C’est
lui l’ordonnateur supposé de cette harmonie ou de cette dysharmonie,
la structure qui soutient ces fonctions, qui les détermine dans leur
efficience c’est-à-dire dans le résultat des tests ; il ne s’agit
donc plus seulement d’un envisagement dialectique entre le développement
des fonctions motrices et celui des fonctions cognitives mais de la mise en
évidence et de la recherche d’une causalité entre l’état
des structures neuro-physiologiques évaluée par l’examen neurologique,
moteur, biologique, l’imagerie médicale et l’appréciation des
fonctions qui ne relèvent pas de la motricité. Une fois qu’on
est engagé dans ce dispositif de pensée, eh bien, on est obligé
d’aboutir à des conclusions. A quelles conclusions est-on parvenu ?
1° – La mise en évidence de signes ou de symptômes indiquant
une atteinte lésionnelle ou bien une perturbation des constantes biologiques
dans la sphère motrice, dans tout ce qui concerne la motricité,
cette mise en évidence permet d’attribuer à une atteinte lésionnelle
ou à une aberration biologique toute perturbation des fonctions qui ne
soit pas motrice. C’est ainsi que l’incontrôle moteur, l’hyperactivité,
l’instabilité qui supposent une atteinte motrice, on peut les associer
à des difficultés de la vigilance, de l’attention, des apprentissages,
des conduites sociales et si je peux dire la meilleure preuve, c’est l’encéphalite
de Von Economo parce que là, on était sûr des lésions.
2° – Dans le cas où on n’arrive pas à mettre en évidence
des signes indiquant une altération des structures motrices, quand l’examen
neurologique est négatif, quand l’IRM est négatif ou le scanner
et que les difficultés d’apprentissage, d’attention et d’instabilité
existent, eh bien alors, il serait légitime d’incriminer une lésion
minime, une dysfonction minime, que l’on ne peut pas prouver mais cette réalité
minime, elle tire sa raison d’un raisonnement analogique issu du précédant.
Si je ne peux pas prouver la lésion ce n’est pas pour ça qu’elle
n’y est pas. Voilà ce que sont les " lésions ou dysfonctions
cérébrales a minima " : un résultat logique d’une
pensée déterminée. Si l’on se tourne vers la formulation
de la psychomotricité, vers la façon dont la psychomotricité
parle de ces enfants, on comprend tout de suite qu’il est très difficile
de s’entendre parce que la psychomotricité, ne parle pas d’hyperkinétique,
elle parle d’instabilité. Instable c’est-à-dire privation de la
stabilité comme si la stabilité était une norme. Wallon,
dans " l’Enfant turbulent " ou les " Origines du caractère
", pense que c’est le contrôle de la stabilité qui est en
jeu et qu’il est en déficit dans l’instabilité. Wallon incrimine
un processus de contrôle et c’est ce processus de contrôle qui ne
marche pas pour lui et qui détermine l’instabilité. Ça
manque de stabilité. La thérapie, la rééducation,
vont essayer d’apporter quelque chose pour remplacer ce qui manque, des techniques
pour compenser l’incontrôle. A côté de cela, l’hyperkinétique
: dans ce mot hyper il ne manque rien, au contraire il y a du trop, il y a de
la motricité superflue et ce qui est en trop chez l’enfant hyperkinétique
on va essayer de l’enlever, on va essayer de l’inhiber. En somme chez l’enfant
hyperkinétqiue le fonctionnement est en excès, chez l’enfant instable
c’est un fonctionnement insuffisant. Alors vous voyez, il est difficile de parler
la même langue.
Qu’est-ce qui rend l’enfant insupportable ? Qu’est-ce qui fait que devant les
enfants hyperkinétiques ou instables, qu’est-ce qui fait que les rééducateurs,
les thérapeutes ont à s’en occuper ? Est-ce que c’est lui qui
se plaint ? Ce sont les autres qui se plaignent de lui. La demande de soins,
elle n’est pas le fait de l’enfant, elle vient de ce que l’adulte est débordé,
dépassé par l’agitation, la violence, les difficultés d’insertion
sociale. Vous voyez que dans le cas des enfants hyperkinétiques ou instables,
la demande est tout à fait particulière, il ne s’agit jamais de
la demande l’enfant. L’enfant ne souffre pas, non. Alors pourquoi est-elle particulière
? Ce qui est insupportable, ce n’est pas l’instabilité, ce n’est pas
l’activité, ce n’est pas la motricité annexée, pour l’adulte,
ce qui est repéré dans l’agitation de l’enfant, ce n’est pas le
mouvement, c’est le geste. C’est l’adulte qui donne du sens à cette efflorescence,
à cette agitation. L’enfant parle en étant kinétique, non
pas parce qu’il fait des mouvements mais parce qu’il fait des mouvements que
l’adulte interprète comme des gestes. Ce passage du mouvement au geste,
c’est lui qui détermine la demande de l’adulte, c’est ça qui est
essentiel. L’adulte pense qu’il a épuisé le sens de l’agitation
en considérant qu’il s’agit d’un geste. En somme l’adulte donne du sens
à l’étiologie, à la cause de l’hyperkinésie. C’est
devant cette question que l’enfant hyperkinétique apparaît comme
particulier, ce n’est pas lui qui a une demande, il pose une question à
l’adulte qu’il met dans la nécessité de trouver une cause à
son mouvement parce que ce n’est pas le mouvement qui gêne l’adulte, c’est
le sens que l’adulte donne au mouvement dans la mesure où il en fait
un geste. Je vous donne un exemple, il y en a mille : la mère vous explique,
" il suffit que je le quitte des yeux ", il a un accident. Voilà.
L’enfant est pris dans la télécommande de la mère et si
le regard vient à le quitter, le désir inconscient de la mère
se réalise et l’enfant fait une bêtise. On ne peut pas le quitter
des yeux mais est-ce que vous connaissez quelque chose qu’on ne puisse pas quitter
des yeux ? Sinon le désir le plus dur. L’enfant hyperkinétique,
quel est son déficit, puisque dans hyper, on pourrait croire qu’il y
a du trop. Son déficit, c’est qu’il ne peut pas parler, il ne peut pas
dire. Plus l’adulte traduit l’enfant hyperkinétique, plus il l’empêche
de parler. Et vous voyez bien à quel point nous sommes obligés
nous-mêmes de le deviner, de le traduire. Par exemple par les lésions
cérébrales a minima. Nous ne voyons rien et nous disons, "
il y a quand même une lésion, je ne la vois pas mais elle y est,
elle est minime ". Il ne s’agit pas seulement de notre folie, ce sont les
enfants instables qui nous mettent dans cette position, dans cette position
d’être obligé de traduire parce que ça n’a aucun sens. C’est
ce que je voudrais vous faire entendre, ça n’a pas de sens puisqu’ils
ne parlent pas, c’est ce que je vous disais du geste tout à l’heure.
Un tremblement cérébelleux, ça a un sens puisque je me
représente une lésion du faisceau du système cérébelleux
qui explique le tremblement dans un circuit plus ou moins compliqué et
le neurologue supporte parfaitement le tremblement cérébelleux.
Mais l’enfant qui arrive, qui touche le téléphone, qui casse le
carreau, qui fait des sauts sur le divan, est-ce que ça a un sens ? Ça
n’a pas de sens. Alors, je lui en donne. Plus l’adulte traduit l’enfant hyperkinétique,
plus il l’empêche de parler. Vous n’avez qu’à vous rappeler le
dernier enfant hyperkinétique que vous avez vu, vous n’aviez aucune envie
de lui parler. Et cet enfant, il ne fait que répéter là
une vieille histoire : à savoir que lorsque la mère est avec son
bébé, elle remplit toutes ses fonctions, elle les maîtrise
et la clinique nous apprend qu’elle doit se laisser déborder par le fonctionnement
de l’enfant, par sa capacité à anticiper etc. en particulier quand
elle accompagne les mouvements posturaux de l’enfant par sa propre posture.
Dans ce mouvement de miroir, ce n’est pas une imitation, c’est un accompagnement
et une anticipation des mouvements de l’enfant et puis tout d’un coup, une surprise
apparaît, un sourire, un refus, une opposition de l’enfant, c’est ça
le débordement de la mère par l’enfant. Un débordement
dans le fonctionnement symbolique. Avec les enfants hyperkinétiques,
ceux qui s’en occupent, comme s’ils étaient de mauvaises mères,
sont incapables de se laisser déborder. La conséquence, c’est
que les enfants hyperkinétiques sont privés de toute anticipation,
ils sont incapables du côté cognitif de passer du figuratif à
l’opératif de Piaget, passage qui pour lui aboutit à l’image mentale.
Alors, est-ce qu’on peut conclure à un déficit de la pensée
? Si leur anticipation s’est trouvée bloquée dans les rapports
avec l’environnement, avec la mère ou celle qui la remplace, si cette
anticipation s’est trouvée bloquée, comment interpréter
la précipitation des hyperkinétiques, leur hâte d’en finir
avant d’avoir commencé, la nécessité où ils sont
de répéter les choses sans arrêt, sinon parce que ce qui
est en cause, c’est la dernière minute, le dernier moment c’est-à-dire
la mort. Quand vous avez un enfant hyperkinétique, insupportable dans
votre bureau, plutôt que de le rejeter ou de le prendre dans vos bras,
parlez lui de la mort et vous le verrez s’asseoir pendant plus d’une demi heure
à vous écouter parce que l’excitation motrice, le manque d’attention
etc. c’est l’action acharnée plus ou moins agressive, plus ou moins destructrice,
qui sert de drapeau et de remède contre la pulsion de mort. Les états
de tension avec leurs tremblements, la paratonie montrent que les enfants sont
tendus vers quelque chose. Dans les états tensionnels, je pense qu’il
faut toujours ajouter il est tendu vers, il n’est pas tendu tout court, il est
tendu vers, vers une image idéale, vers une limite idéale totalement
imaginaire. Cet état de tension peut se trouver dépassé
par la motricité, il peut se trouver dépassé par la motricité
qu’il essaie de contenir. Pour symboliser un état de tension vers une
image, il y a normalement la parole et le langage. Si ces enfants ne sont pas
entendus, n’ont jamais été entendus et sur ce point je reprends
l’exemple de tout à l’heure : une maman qui ne quitte pas son enfant
des yeux mais comment est-ce qu’elle peut l’écouter ? s’ils ne sont pas
entendus, c’est la motricité qui vient remplacer les mots, qui vient
remplacer les mots que l’on n’a jamais écoutés : c’est ce qu’on
appelle le passage à l’acte. Le passage à l’acte, ça ne
veut pas dire que je passe à l’action, ça veut dire que je passe
du langage que je ne peux pas utiliser à l’action. C’est complètement
différent, ça n’a rien à voir avec l’initiative, ça
n’a rien à voir avec une impulsion, avec une réaction. Dans ce
mot de passage, il faut que vous entendiez, je suis passé là parce
que je ne pouvais pas passer ailleurs. C’est parce que je suis privé
de la parole (parce qu’on ne m’entend pas) que je passe à l’acte et cette
question, vous la connaissez parfaitement bien chez les adolescents où
elle est absolument habituelle.
La parole qui n’est pas dite à l’occasion de l’action fait qu’elle n’a
pas de sens, c’est là le noyau de ce qui est en cause chez l’enfant hyperkinétique
et c’est devant ce noyau que l’adulte se croit obligé de donner du sens.
L’enfant par son action (privée de toute parole) entraîne l’adulte
à constater qu’il n’y a pas de sens et l’adulte donne du sens, et c’est
le sens qu’il donne qui rend l’enfant insupportable. C’est cette circulation
qui permet de comprendre un peu la haine incroyable que ces enfants supposent
puisque les neurologues qui sont des gens pacifiques voient dans leur tête
une lésion bien qu’aucun signe ne leur permet de le certifier. Quand
un médecin donne de la Ritaline, il essaie de donner du sens d’autant
plus que la Ritaline le rendrait intelligent.
Maintenant je voudrais aborder un aspect un peu différent des hyperkinétiques
dans leur rapport à la Ritaline parce qu’il faut tout de même bien
savoir que au moins pendant un temps la Ritaline est efficace. Qu’est-ce que
la Ritaline ? C’est une amphétamine. C’est une amphétamine comme
en prennent les drogués. C’est une amphétamine comme en prenaient
les parachutistes américains et anglais pendant la guerre pour ne pas
s’endormir après 24h de combat. Ce sont des amphétamines comme
vos parents ont pris des amphétamines dans les années 50 pour
préparer leurs concours et leurs examens. Ce n’est pas une découverte
inouïe, c’est un médicament bien connu totalement interdit par ailleurs
parce qu’il s’agit d’un médicament qui entraîne une accoutumance
beaucoup plus nette que la cocaïne. Le Maxiton, sont des cousins de la
ritaline, de proches cousins de l’orthedrine. Ce médicament est efficace
sur certains de ces enfants hyperkinétiques. Et cette efficacité,
eh bien, elle peut durer un certain temps. Je ne parle pas de l’accoutumance
et du côté drogue de l’amphétamine, je ne dramatise pas
ce côté-là de la question et vous êtes assez grands
pour comprendre. Mais je voudrais tenter d’expliquer, je crois, une grande part
de l’efficacité de la Ritaline.
Pendant une quinzaine d’année, à Sainte-Anne, au début
de la matinée, je m’occupais de l’électro-encéphalographie
des enfants, dans les années 1960 et il y avait déjà des
enfants hyperkinétiques, des enfants instables, insupportables qui couraient
dans les couloirs, qui tombaient dans l’escalier etc. Eh bien, j’avais constaté
et je n’étais pas le seul, que ces enfants-là, les plus bruyants
et les plus déchaînés, il suffisait qu’on leurs mette les
électrodes sur la tête et qu’on les allonge et ils s’endormaient
aussitôt. D’ailleurs, vous avez tous fait cette constatation avec les
bébés, le bébé qui met toute la famille en révolution
à 8h du soir jusqu’à ce que la grand-mère dise : " Bon,
on le met au lit " et en effet, on le met au lit et Pof ! Vous voyez ça
tous les jours. Alors, qu’est-ce que ça veut dire ça ? Ça
veut dire que l’hyperactivité, ça me sert à ne pas m’endormir
: c’est là qu’on retrouve la mort. Je lutte de façon motrice contre
l’arrivée du sommeil et je ne sais pas si parmi vous, il y en a qui de
la relaxation chez les enfants mais tous les enfants instables s’agitent de
façon incroyable au moment où ils pourraient s’endormir pendant
la séance et quelque fois ils s’endorment. Si vous-même on venait
vous dire vers minuit, vous êtes de garde jusqu’à demain matin,
est-ce que vous pensez que vous vous allongeriez tranquillement dans un lit
? Non. Et les insomniaques, qu’est-ce qu’ils sont d’autres que des hyperkinétiques
? Le livre, la lumière, le frigidaire etc. la fenêtre, enfin. Cette
lutte contre le sommeil… Je crois que vous avez tous fait l’observation dont
je vais vous parler. Quand vous voyez des enfants le jour du congé scolaire,
– en France, le mercredi -, ils ont regardé la télé jusqu’à
minuit puisqu’ils n’ont pas école. Quand ils arrivent, ils sont tous
complètement agités parce qu’ils s’endorment. Vous comprenez quel
est l’effet que peut avoir la Ritaline sur le sommeil : elle l’empêche
tel est son effet principal. C’est pour ça que les techniques de relaxation
sont tellement intéressantes. Elles sont intéressantes parce qu’elles
permettent à l’enfant d’accéder à un état de conscience
proche du sommeil et d’en revenir. C’est ça l’important. C’est que l’état
de fonctionnement de la conscience dans la relaxation, eh bien, au moment de
la reprise j’en reviens. Il y a des plongées et des remontées
et je fais dans ma séance l’expérience que je peux plonger et
remonter sans activité motrice. C’est à mon avis un apport intéressant
de la relaxation dans les états d’instabilité : c’est de faire
l’expérience que, au cours de la séance, je peux faire une plongée,
disons régressive mais nous pouvons parler en terme physiologique et
je peux revenir de cette plongée à plusieurs reprise dans la séance
ou, en tout cas, quand je fais ma reprise. C’est dans cette mesure qu’il est
stupide de représenter la relaxation comme une méthode ayant à
faire avec la maîtrise. J’en dirai deux mots parce que je crois que chez
les enfants hyperkinétiques la relaxation, c’est une excellente indication.
Mais je dois dire sur la relaxation : 1° le mot de relaxation, on ne peut
pas trouver pire. Ce signifiant est absolument immonde parce que celui qui vient
en relaxation et qui par définition est tendu, tendu vers une certaine
image, tendu vers une certaine limite, le thérapeute lui proposerait
de se ramollir ! mais il va partir comme un lapin ou bien alors il vous tombe
dans les bras et il vous dit : " Faites de moi ce que vous voulez ".
Alors la relaxation, ce n’est pas un système pour se ramollir.
2° Devant un enfant instable, si quelqu’un dit : " Qu’il aille faire
un peu de relaxation, ça lui fera du bien ". Qu’est-ce qu’il pense
? Il pense que la relaxation va lui permettre de maîtriser son instabilité,
de reprendre le contrôle. C’est pas du tout ça, ça n’a rien
à voir, il n’est pas question de contrôle et il est question de
faire une expérience. Il est question d’échanger un système
contre un autre. Je ne vous apprendrai rien que ce sont les mêmes qui
disent la relaxation, c’est pour se ramollir et la relaxation, c’est pour se
maîtriser. Ce qui est complètement incohérent. La relaxation,
justement, chez les enfants hyperkinétiques, elle permet de faire l’économie
de la motricité en excès. Elle permet de sentir mon corps autrement
que dans l’action, elle permet d’éprouver les limites de mon corps autrement
qu’en me heurtant aux objets, aux interdits des adultes. Si vous regardez par
une petite fenêtre un enfant hyperkinétique dans la cuisine, vous
voyez que les limites, c’est " non,non,non, non "… Ça,
ce sont des limites et s’il n’y a pas le non, eh bien, il se brûle au
fourneau, il renverse la casserole, il se cogne à la porte, de toute
façon les limites de son corps n’ont rien à voir avec son corps.
C’est pour ça que la relaxation est indiquée parce que dans la
relaxation, je fais l’expérience que mon corps a une limite. Chaque partie
de mon corps est limitée par une autre partie de mon corps. Mon corps
est limité par le toucher du thérapeute, par la mobilisation du
thérapeute et par les mots que le thérapeute met sur le corps
parce que " non, non non ", ce ne sont pas des mots.
D’ailleurs, on conçoit que le corps ait à devenir l’axe et le
point d’origine de l’action aussi bien spatial que temporel mais si je ne sens
pas mon corps, si je n’ai rien d’autre qu’une débauche de mouvements,
en aucune façon, je ne puis non seulement sentir ses limites mais avoir
une idée de l’origine du point de départ. Sur ce point je vais
vous raconter un cas qui m’avait beaucoup intéressé, très
résumé. C’était un médecin qui était venu
me voir pour son fils qui était un enfant très hyperkinétique
mais à l’époque le mot n’existait pas, alors je n’en avais pas
tellement tenu compte. Et à la suite de mon examen, je dis au père
ce que je viens de vous dire. Je lui dis qu’à mon sens, on pourrait commencer
par une relaxation, ça lui permettrait d’éprouver son corps, de
le sentir présent parce que je dis au père " votre fils a
beaucoup de difficulté avec la notion d’origine " Bon, là-dessus,
il s’en va. Deux heures après, j’ai un coup de téléphone
et il me dit : " Je suis le père de machin, je voudrais vous poser
une question " : " Oui " ! " Mais comment avez-vous
deviné que cet enfant a un problème d’origine ? " Parce que
en réalité le père pensait être stérile, c’était
ce qu’on lui avait dit aux Etats-Unis et sa femme s’était fait faire
une insémination artificielle. Là-dessus il était revenu
en France et il avait fait trois enfants. Bon, ça se voit assez souvent
mais ceci pour dire que la notion d’origine dans la logique de la parenté,
elle a quelque chose à faire avec les limites du corps. Elle a quelque
chose à faire avec les enfants hyperkinétiques et avec la mort,
avec la mort qui est soutenue par l’interrogation sur la logique de la parenté.
Je prends un exemple de familles dans lesquelles les personnages importants
sont les femmes. Voilà les hommes : celui-là est mort, celui-là
est parti, celui-là on ne le connaît pas, celui-là on l’a
mis dehors – voilà notre petit hyperkinétique – alors la logique
de la parenté, comment ça marche ? La motricité, l’absence
d’attention, l’incapacité cognitive et la logique faciale, vous comprenez
bien que cela peut faire partie d’une recherche d’une logique quelconque de
la parenté parce qu’il y a des choses qui ne sont pas dites. De sorte
que cette affaire d’origine a à faire avec l’espace et avec le temps
notamment dans l’organisation temporelle du mouvement ou dans ce qu’il est convenu
d’appeler le schéma corporel. L’enfant hyperkinétique, qu’est-ce
qu’il nous pose comme question à ce stade ? Il nous fait poser la question,
qu’est-ce qui fait tenir le corps ? Qu’est-ce qui le rend présent ? Qu’est-ce
qui nous permet de l’éprouver ? Qu’est-ce qui lui donne sa cohérence,
pas seulement sa cohérence physique mais sa cohérence logique
? Apportons un élément de réponse. A savoir que ce qui
fait tenir le corps ce n’est pas l’image, ce n’est pas l’imaginaire, ce n’est
pas l’idée que mon corps ferait un tout parce qu’il suffit que je sois
assis en ce moment devant vous pour m’apercevoir que je ne sens rien sauf la
chaise ; je suis assis sur la chaise, c’est tout ce que je sens ; je vous regarde
et plus je vous parle moins je sens quoi que se soit. Plus je vous vois, plus
je m’adosse à ce que je ne vois pas, je suis anticipant vos réactions
dans mon regard mais qu’est-ce que mon corps a à faire là-dedans
? C’est un des mérites de la relaxation de permettre de se rendre compte
dans les trois premières séances que le corps ça tient
avec des ficelles. Je m’allonge, je fais ma séance et j’ai mon bras droit
derrière le dos. Alors j’ouvre les yeux, je vois mes deux bras où
je les ai mis, c’est ce que j’appelle tenir avec des ficelles. Vous demandez
à votre patient " alors cette relaxation ? " – " Formidable
! mon bras était mort, je ne le sentais plus, il s’était décroché
du corps ". Voilà, je préfère vous dire que si vous
avez un schizophrène qui vous dit cela, cela ne vous étonne pas,
eh bien, nous sommes tous comme ça. Il ne faut pas croire que le corps
tient avec une image, c’est une blague, ça tient avec des mots, ce sont
les mots qui sont accrochés au corps et ce sont souvent les mots de la
plainte. Quand vous allez chercher vos croissants le matin et que vous rencontrez
votre copine, l’avez-vous déjà entendue dire " ce matin
j’ai les épaules qui marchent très bien, les genoux aussi ? "
non, c’est le bobo, ça tient avec la douleur, c’est comme ça que
je sens mon corps.
Le corps de l’enfant hyperkinétique, lui, a raté l’inscription
attachée au corps par la parole de la mère, il n’a pas inscrit
les expressions toutes faites qui ont à voir avec le corps. Je ne connais
pas les expressions en espagnol mais vous en connaissez des quantités
qui sont des expressions complètement délirantes : le mot désagréable
qu’on m’a envoyé, j’ai pas pu l’avaler. Elle m’est restée sur
l’estomac. Elle m’a fait mal au ventre. J’en ai plein le dos. Les bras m’en
tombent etc. Toutes ces expressions, tout le monde les comprend et personne
n’a eu les bras qui sont jamais tombés. Ces inscriptions du côté
des mots et du côté des formules toutes faites, sont inscrites
par la parole de la mère, sur le corps, à l’endroit intéressé
par le mot ou par la formule. Elles sont inscrites par la mère sur la
fonction intéressée et quand elle n’est pas inscrite, quand je
ne suis pas capable de dire que je ne peux pas avaler ce qu’on vient de me dire,
eh bien, je vomis. C’est ce qu’on appelle psychosomatique. C’est ce qu’on règle
comme ça, on dit ça comme ça parce que justement l’inscription
des mots de la mère sur le corps ne s’est pas faite. Et quand vous faites
une thérapie psychomotrice ou une relaxation mais votre travail, c’est
d’abord de mettre des mots sur le corps. Une image sans mots, ça ne ressemble
à rien. Notre corps, c’est un blason, nous le montrons aux autres, il
ressemble à tel ou tel de notre famille mais un blason, il y a l’image
et au dessous il y a la devise. Si j’enlève la devise, l’image tombe.
Vous voyez, c’est ça l’inscription par les paroles de la mère.
C’est que le blason sans devise, c’est l’image du corps, c’est ce qu’on nous
fait croire qu’il s’agirait d’une image du tout. Justement la devise, ça
montre ce qui manque parce que la devise, elle ne peut pas être générale.
La devise elle ment parce qu’elle est avec des mots, elle montre ce qui manque.
Et le corps de l’enfant hyperkinétique, est dépourvu de paroles.
Il fait discours par son action, c’est un discours incohérent et insensé.
Et les troubles de l’attention, qu’est-ce qu’ils sont d’autres que la difficulté
à investir que je suis présent à ce qui se dit ? C’est
ça les troubles de l’attention, pas tellement que je pense à autre
chose ; c’est comme le disent les mères et les institutrices, "
il est ailleurs ". Son corps est ailleurs. Autrement dit, je ne peux pas
investir ce qui se dit parce que ça ne s’est pas inscrit, les mots qui
me permettraient d’investir. Si Freud emploie ce terme d’investir qui est un
terme de finance, ce n’est pas un hasard. Les troubles de l’attention, ça
consiste à aller placer son argent dans une banque dont j’oublie le nom.
Dans la famille, il y a une personne qui m’écoute, c’est nécessaire.
Il faut qu’il y en est une. Contrairement à ce qu’on pense, il y a des
corps dont l’activité est perdue de n’avoir jamais été
prise dans une parole. C’est ce qui donne l’impression de stéréotypie
chez les hyperkinétiques. Le thérapeute en psychomotricité,
ce n’est pas seulement un visuel, il est à l’écoute. C’est parce
que la parole n’est pas dite que l’enfant se précipite dans l’action.
Et lorsque nous avons affaire à des enfants hyperkinétiques, il
est essentiel de penser à ce qui n’a jamais été dit à
cet enfant. Comme je vous donnais l’exemple tout à l’heure pour la logique
de la parenté, ce n’est pas à nous de le dire mais de lui dire
que nous sommes capables d’écouter et de comprendre son corps. En somme
de lui montrer qu’il a une place et que de cette place il peut parler, lui,
parce qu’il y a quelqu’un qui l’écoute. La thérapie psychomotrice
chez les enfants hyperkinétiques ne doit pas se borner à donner
une place, ne doit pas se borner à donner des limites et des coordonnées,
c’est ce que je veux dire, quand je dis, il ne suffit pas de regarder parce
que cette place, un fois qu’elle serait trouvée, qu’elle serait conquise,
qu’elle serait précise, acceptée, cette place, ce n’est rien,
si ce n’est pas la place d’où l’enfant peut parler.
Maintenant, je vais peut-être vous poser quelques questions pour que
vous ayez quelques sujets de recherche, quelques questions qui recoupent ce
que je viens de dire.
En somme ce sont des questions difficiles que je vais poser.
Pourquoi cette forme tonico-motrice de l’instabilité plutôt qu’une
autre forme ? Pourquoi le corps serait-il en jeu sous cette forme là,
chez cet enfant là ? Pourquoi comme ça, hyperkinétique,
alors qu’il peut trouver autre chose ?
Un début d’introduction. Il y a donc entre le développement cognitif
et le développement moteur quelque chose, une articulation que chacun
peut constater. Mais l’activité de l’enfant fait que cette articulation,
entre les deux, entre l’évolution cognitive et l’évolution motrice
est prise dans l’érotisation de cette activité. C’est l’érotisation
de l’activité qui fait le moteur. Ce ne sont pas seulement les structures
neuro-physiologiques ou les neuro-transmetteurs et cette activité d’érotiser,
elle va se trouver impliquée dans la répétition qui la
reproduit. Cette érotisation, elle tend à se reproduire dans la
répétition de l’action? Mais cette reproduction et c’est là
que Wallon a dit quelque chose d’important, cette reproduction, elle découle
de ce que Lacan a mis en lumière du sujet apparaissant dans l’image spéculaire,
à savoir que c’est l’autre, la mère, qui détient les clefs
de mon corps. Dans le stade du miroir, je, c’est l’Autre. C’est l’autre
qui tient les clefs de moi. C’est moi que je reconnais dans l’autre et c’est
dans cette confusion que prend naissance cette agressivité. C’est ce
que l’autre tient dans sa main que je désire parce que la main de l’autre,
c’est la mienne. Vous n’avez qu’à mettre trois bébés dans
un parc, tout se passe très bien, vous prenez une peluche, vous l’envoyez
dans le parc, c’est la bagarre parce que le premier qui tient cette peluche,
c’est la main des deux autres. Ce n’est pas parce que lui a l’objet, c’est parce
que la main qui tient l’objet, c’est la mienne. Voilà, c’est simple.
Je, c’est l’autre, c’est comme ça que ça commence. C’est
pour ça qu’à Sarajevo, les types se tiraient de l’autre côté
de la rue. Ils n’avaient pas besoin de faire trois kilomètres, le plus
proche, c’est le pire. Le désir de mort, la destrudo de Freud,
est pris dans cette répétition en même temps que dans l’activité.
L’enfant instable qui ne fait attention à rien, à rien de ce qu’on
lui dit, qui ne semble avoir accès qu’à sa propre motricité,
c’est lui qui est sensible à ce qu’on parle de la mort. Alors pourquoi
ce corps instable ? Un exemple que je tirerai de la relaxation. Il ne faut pas
croire que ce sont les enfants instables qui sont les plus insupportables dans
la relaxation. Ce sont les enfants inhibés à la quatre ou cinquième
séance. Alors là je vous souhaite bien du plaisir. Il saute sur
le ventre du voisin, il se bat avec le polochon, etc. cet enfant qui est venu
pour inhibition, qui restait comme ça dans son manteau avec son chapeau
et son foulard. L’inhibition, c’est la contrainte du corps, dans la mesure où
le corps peut être entraîné dans la satisfaction motrice.
La relaxation, ça lui permet de se satisfaire. L’inhibition, c’était
la contrainte de cette satisfaction parce que la satisfaction motrice, ce n’est
pas autre chose que l’érotisation de l’activité de l’enfant avec
la mère. C’est là que porte le refoulement. Comment se fait-il
que le corps qui se manifestait par l’inhibition, devienne instable ? Qu’est-ce
qui a soulevé ce freinage, ce refoulement, ce refoulement qui porte sur
le corps, qui porte sur une fonction, sur la fonction motrice du corps ? Dans
le stade du miroir, lorsque l’enfant fait la découverte intuitive de
sa propre image, il réagit par des mouvements désordonnés.
Quand sa mère l’élève dans ses bras, fait des mimiques
avec son visage, l’enfant l’accompagne et la précède. Ce stade
du miroir n’intéresse pas une image statique mais il intéresse
le corps de l’enfant animé par celui de la mère. Le stade du miroir,
ce n’est pas une photographie, le stade du miroir intéresse un corps
animé par le corps de la mère. Il arrive un moment où la
mère par son absence à son enfant présent, on insiste sur
le fait qu’habituellement la mère est absente ou qu’elle est présente,
c’est pas de ça que je vous parle, je vous parle de la mère qui
est absente à son enfant qui est présent c’est-à-dire qu’elle
ne l’a pas toujours suivi des yeux, justement elle le lâche, l’enfant
est là mais la mère pense à autre chose, c’est ça
que j’appelle la mère absente à son enfant présent, c’est
de celle-là qu’il est question ici, eh bien, à ce moment-là
elle ne relance pas la dialectique du miroir, elle cesse de faire miroir et
à ce moment-là l’enfant comprend que sa mère ne lui obéit
plus. C’est ce que Mélanie Klein appelle la période dépressive.
L’activité de l’enfant très longtemps dépendante de celle
de la mère se met à fonctionner pour elle-même, au moment
où il se décolle de la motricité de la mère, c’est
là l’érotisation de l’activité de l’enfant. Ce n’est pas
l’érotisation de l’activité de la mère pour l’enfant, c’est
l’érotisation de l’activité de l’enfant. Le corps de l’enfant
aussi bien dans son axe, sa surface, ses orifices, dans la fonction tonico-posturale,
c’est cela qui est érotisé. C’est cette activité qui est
érotisée, c’est là l’origine de la psychomotricité.
Elle n’est pas seulement prise dans l’équipement psycho-moteur, dans
le développement des fonctions posturo-motrices ou dans le parallélisme
entre développement cognitif et développement moteur dont j’ai
parlé tout à l’heure. Alors dès lors une nouvelle question
arrive.
Quel sens peut bien avoir l’instabilité ? Est-ce que ça a du
sens ? Qu’est-ce que fait avec son corps l’enfant hyperkinétique ? Je
vous propose une réponse, il fait signe pour quelqu’un. Tant que nous
faisons signe pour quelqu’un, il n’y a pas de sujet. C’est ce que j’ai essayé
de vous dire hier avec le poteau de sens interdit au milieu de la forêt
vierge. Ce qui n’est pas supportable chez les hyperkinétiques, chez les
instables pour le dire autrement que tout à l’heure, c’est que sans cesse
ils signe. Moi, je souffre en tant que sujet parce que, lui, n’est pas engagé
en tant que sujet. Vous voyez tout à l’heure je mettais l’accent sur
le fait que l’adulte est obligé de donner du sens mais du côté
de la souffrance, moi, je souffre devant un enfant hyperkinétique, je
souffre en tant que sujet mais, lui, il n’est pas engagé en tant que
sujet, il fait simplement signe. Alors est-ce la biologie, est-ce la neurologie
qui fait signe ? Pour moi, c’est insupportable mais l’enfant, lui, ne se plaint
pas.
La psychomotricité se propose d’étudier le sujet dans l’instabilité
et c’est là un point essentiel qui nous sépare de ceux qui donnent
des médicaments. Non parce qu’ils donnent des médicaments mais
compte-tenu des raisons qui sont les leurs de donner des médicaments,
c’est-à-dire une perspective qui vise à expliquer l’instabilité
par une cause est-ce de la cause qu’il s’agit ? ou est-ce que c’est d’un système
qui permet d’envisager l’instabilité comme intéressant le sujet
? Je vous donne un exemple. Il y a une maman qui vient me parler de son enfant
instable, c’est une longue plainte dont je vous fais grâce. Qu’est-ce
qu’elle dit ? " Il est insupportable comme son père, non, dit-elle,
comme mon père ". Alors qu’est-ce que je peux entendre ? Voyez,
là, il n’est plus question d’un signe, il est question du sujet il,
du pronom il. Ce il, il est représenté par l’adjectif
insupportable par rapport à son père mais ce qui est essentiel
à saisir, c’est que l’adjectif possessif ne correspond pas au père
de l’enfant, il correspond au père de la mère. La mère
est engagée comme sujet en tant que fille de son père, et cet
enfant n’est insupportable que dans la mesure où elle est la fille de
son propre père. Alors, quel est le sujet dans ce cas ? Voyez, c’est
ça le sujet au sens de Lacan, ce n’est pas le sujet grammatical, ce il,
il évidemment, on comprend bien que il est aussi insupportable
que son père, on comprend bien cet enfant mais ce il là
on pourrait imaginer que c’est le fils du père et bien pas du tout, c’est
le petit-fils du grand père. C’est çà la différence
entre le sujet grammatical et le sujet lacanien. C’est ça la nuance.
Alors, qui est hyperkinétique ? Est-ce que c’est le fils de son père
ou le fils de son grand-père ? Mais c’est évident que c’est le
fils du grand-père que la mère a fait avec son père. On
comprend bien que cette instabilité, elle a à faire avec le tableau
que je vous ai marqué tout à l’heure. C’est difficile de régler
cette question en restant calme. C’est dans cette inscription inconsciente,
dans cette plainte faite à son propre père que se trouve l’instabilité
de l’enfant. Et on comprend bien pourquoi on ne peut pas venir à bout
de l’instabilité de cet enfant puisque c’est son propre père que
sa mère voit en danger quand son enfant se met en danger. Le symptôme,
l’instabilité, il n’est pas supporté dans son réel, la
mère est entraînée par cette instabilité, la mère
ou l’institutrice. C’est là ce qui fait l’intérêt de l’instabilité
dans ce cas, de comprendre pourquoi elle est héréditaire. C’est
en ce sens que l’hérédité a affaire avec le sujet et que
les travaux concernant l’hérédité, en ce qui concerne les
troubles psychomoteurs, sont toujours discutables. C’est en ce sens donc qu’elle
a affaire avec le sujet et ça pose la question de mettre en parallèle
ce que les psychiatres américains et anglais, de mettre en parallèle
l’instabilité et la manie dans la mesure où la manie serait héréditaire.
Si je prends comme argument que je vais trouver dans la lignée paternelle
de l’instabilité, dans ce cas, il est bien évident que je ne vais
rien trouver du tout. Seulement je vais la trouver dans la lignée maternelle.
Mais de qui, de quelle instabilité fais-je la recherche ? De l’instabilité
du fils de son père ou du fils de son grand-père ? Quand je vais
remplir la fiche que je mettrai dans la machine IBM, qu’est-ce que je vais faire
si je ne tiens pas compte de ce que dit la mère ? c’est pour ça
que, quand il est question d’hyperkinésie, comme de beaucoup d’autres
choses, c’est par l’entendu que ça passe la science, ce n’est pas seulement
par le vu.