L'effet thérapeutique de l’interprétation inexacte : contribution à la théorie de la suggestion » (1931)
23 décembre 2015

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GLOVER Edward
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Edward Glover, In Technique de la psychanalyse, 1931, Ed. Tchou, col. Bibliothèque des introuvables (1999)
Cet article a été cité par Lacan à plusieures reprises dans :
Les formations de l’inconscient leçon du 18/06/58,
– la dernière leçon de la Logique du fantasme le 21/06/67,
– les Écrits : « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse » p. 300, « Variantes de la cure-type », p. 336, « La direction de la cure » p. 593.

L’intérêt porté par la psychanalyse aux théories de la cure est naturellement dirigé pour la plus grande partie vers les processus curatifs se produisant au cours du traitement analytique ; l’effet thérapeutique des autres méthodes, du moins de nos jours, est davantage une question d’intérêt psychologique général. A une époque antérieure, cependant, il était nécessaire d’accorder une attention particulière à la signification théorique des psychothérapies non analytiques. Des auteurs affirmaient souvent que la psychanalyse n’était rien de plus que de la suggestion camouflée. Comme de plus, la méthode analytique était basée sur des expériences dérivant de situations de rapport entre le médecin et le patient, par exemple hypnose, il convenait d’établir une certaine différenciation théorique. La plupart des études sur « la résolution du transfert » peuvent être considérées comme des contributions à ce problème. Elles permettent en effet d’établir une distinction approximative, mais tout de même utile, entre la méthode analytique et les autres méthodes thérapeutiques. De même, les articles spéciaux de Freud (1) sur la psychologie de groupe, de Ferenczi (2) sur le transfert, d’Ernest Jones (3) sur la suggestion et l’auto-suggestion, d’Abraham (4) sur la méthode de Coué et l’étude inachevée de Rado (5), sur les processus de la cure, ont donné à cette différenciation une plus large base théorique.
Néanmoins, nous sommes périodiquement amenés à reconsidérer le problème des rapports entre les diverses formes de psychothérapie, tout particulièrement lorsqu’il se produit un progrès quelconque dans nos connaissances analytiques. Dans cette dernière éventualité, nous sommes forcés de nous demander : « Qu’est-il arrivé à ces cas que nous avons traités, alors que nous n’étions pas encore en mesure de mettre à profit ces nouvelles connaissances ? » Nous ne nous sentirions certes pas dans une telle obligation si nous n’avions pas alors employé des termes tels que « cure », « analyse exhaustive », etc. Mais ce sont là précisément les termes que depuis maintenant plusieurs années nous avons pris l’habitude d’employer. Voilà pourquoi nous ne pouvons plus nous dérober à cet examen de conscience périodique.
Une réponse possible est que ces nouvelles connaissances n’affectent en rien la procédure thérapeutique ; que, comme M. Jourdain, nous avons tout le temps fait de la « prose » sans le savoir. Ceci s’applique certainement à une large partie des travaux récents sur l’analyse du surmoi, de l’angoisse et de la culpabilité. Il est vrai que nous avons pu subdiviser les résistances en résistances du surmoi, résistances du moi et résistances du ça. Mais nous nous sommes toujours efforcés de réduire ces résistances, même lorsque nous n’avions pas d’étiquettes spécifiques à leur apposer. D’un autre côté, si nous examinons le contenu refoulé, il est clair que la découverte de nouveaux systèmes fantasmatiques nous pose un problème en ce qui concerne la théorie de la cure. Ce problème pourrait s’énoncer comme suit : quel est l’effet de l’interprétation inexacte par opposition à celui de l’interprétation apparemment exacte ? Si nous admettons que l’exactitude de l’interprétation contribue, entre autres facteurs, à accélérer la cure et si, d’autre part, nous admettons que de nouveaux systèmes fantasmatiques sont de temps en temps découverts, que devons-nous penser des cures effectuées avant que ne fussent découverts ces systèmes ?
Le problème se trouve compliqué du fait que nous n’avons pas encore pu donner aux termes des définitions adéquates et qui font loi. Prenons l’exemple des standards de « la cure ». Il se peut que les standards ont varié ; qu’à une époque antérieure on recourait plus volontiers à l’emploi des critères symptomatiques ; que les standards de la cure se sont élargis, sont devenus plus hauts et plus exigeants à mesure que s’accroissaient nos connaissances. Ainsi, l’application de la technique analytique aux processus caractériels a sans aucun doute fortement contribué à relever le niveau des standards thérapeutiques ; il reste à voir cependant si cela n’a pas suscité la création de critères fantastiques. De toute façon, il est généralement admis qu’on ne peut établir une distinction entre les procédures thérapeutiques analytiques et non analytiques en se référant seulement ou immédiatement aux changements symptomatiques.
On pourrait alors dire, en ce qui concerne la signification des systèmes fantasmatiques, que le contenu de la représentation n’est pas de soi et en principe pathogénique ; que c’est la seule histoire de l’affect qui est importante dans la maladie et qu’en conséquence, les découvertes récentes en ce qui a trait au contenu fantasmatique ont pour unique avantage de rendre les réactions affectives plus rapidement et facilement accessibles. On peut objecter à ces vues qu’elles peuvent amener à fausser complètement l’interprétation ou à passer rapidement sur le contenu refoulé, puisqu’elles nous enlèvent une des précieuses distinctions qui existent entre l’interprétation psychanalytique et la suggestion pseudo-analytique.
Incidemment, un point de vue quelque peu cynique serait de faire remarquer en passant que les découvertes récentes ne sont pas nécessairement ou invariablement exactes, ou mêmes récentes. Il faut rappeler ici la rapidité avec laquelle certains analystes purent mettre en lumière, chez tous leurs patients, des « traumatismes de la naissance », dans la période qui suivit la publication du livre de Rank sur le Traumatisme de la naissance et avant que cette théorie ne fût officiellement mise au rancart. On peut aussi affirmer sans être trop cynique, qu’un grand nombre des systèmes fantasmatiques nouveaux ou des élaborations de systèmes connus sont principalement de nature répétitive ; on y retrouve un même intérêt central mais avec une formulation variable, cette dernière étant déterminée par les stades du développement libidinal et par la réaction du moi. Selon ce point de vue, les répétitions favorisent le déplacement et le patient s’en sert donc pour se protéger ; plus nombreux seront les systèmes découverts, plus il deviendra possible de prévenir efficacement le déplacement défensif. On peut dire ainsi que dans l’ancien temps les troubles affectifs étaient plus difficiles à analyser (les variations fantasmatiques étant alors moins connues) mais qu’ils étaient tout de même analysés.
Le prochain point de vue ressemble quelque peu au dernier mais conduit davantage à une impasse. Selon ce point de vue, les perturbations pathogéniques sont liées par la fixation et le refoulement à certains systèmes spécifiques, mais elles peuvent s’accrocher, en vertu d’un déplacement rétrograde (régression), à des systèmes antérieurs non spécifiques (Rück phantasieren) ou encore, en vertu d’un déplacement antérograde (répartition), à des systèmes fantasmatiques plus tardifs et plus compliqués. Même alors, nous pourrions dire que des cures véritables ont pu jadis s’effectuer, en dépit du handicap existant. Mais si quelqu’un s’avisait de soutenir que certaines névroses constituent une défense contre un ensemble spécifique de fantasmes inconscients liés à un stade spécifique de fixation et qu’à moins d’une résolution du refoulement et d’une mise en lumière directe de ces fantasmes, aucune cure ne peut être considérée comme complète, nous serions forcés d’examiner de très près la façon dont se produisaient les cures avant que ne fussent découverts ces fantasmes.
Si une pareille assertion était faite, il faudrait d’abord tenter d’estimer le rôle joué par le refoulement dans les cures antérieures. Dans toute analyse, c’est là le facteur inconnu. Il ne faut pas être grand clerc pour voir que la disparition rapide des symptômes, que l’on observe parfois dans la phase de début d’une analyse (par exemple dans les premiers deux ou trois mois), est partiellement due à des facteurs de transfert mais beaucoup plus à une augmentation dans l’efficacité du refoulement. Cette efficacité atteint son maximum à un ou deux moments : lorsque la quantité d’angoisse ou de culpabilité flottante a été réduite et lorsque la névrose de transfert menace de faire apparaître une angoisse ou une culpabilité profonde en même temps que son écorce de haine refoulée. On a cependant tendance à oublier que les mêmes facteurs peuvent opérer d’une façon plus discrète et produire leurs résultats à un stade beaucoup plus tardif de l’analyse. En ce cas, c’est la perturbation progressivement croissante de la culpabilité profonde qui est la principale responsable de l’augmentation du refoulement. Selon ce point de vue, les cures effectuées en l’absence d’une connaissance des systèmes fantasmatiques spécifiques seraient dues à un redressement général de la balance du conflit par des moyens véritablement analytiques, redressement qui entraînerait une efficacité accrue du refoulement.
Si nous acceptons cette opinion, nous pouvons nous permettre de négliger la signification pratique des interprétations inexactes. On admettra naturellement que dans le cas hypothétique que nous considérons, plusieurs des interprétations étaient inexactes, en ce sens qu’elles ne mettaient pas en lumière le système fantasmatique spécifique, bien qu’elles pouvaient mettre à jour des systèmes s’en rapprochant et ayant en commun avec lui un certain contenu symbolique. Toutefois, il nous est moins permis de négliger la signification théorique de ces interprétations inexactes. Après tout, si nous nous rappelons que les névroses sont des efforts spontanés visant à l’auto-guérison, il semble probable que l’appareil mental tourne à son avantage du moins un certain nombre d’interprétations inexactes en en faisant des produits de substitution. Si nous étudions l’élément « déplacement », tel qu’il se trouve illustré dans les phobies et les obsessions, nous avons le droit de décrire la situation en disant que le patient formule inconsciemment une interprétation inexacte quant à la source de l’angoisse et essaie consciemment d’y conformer son action. Il n’est donc pas interdit dc penser qu’un autre facteur peut contribuer à l’oeuvre de la cure dans ces cas où l’analyste ne sait pas encore reconnaître les systèmes fantasmatiques spécifiques ; le patient peut s’emparer de l’interprétation inexacte et la convertir par déplacement en un produit de substitution. Ce substitut est plus approprié que celui qu’il avait lui-même choisi durant le stade de la formation des sympt6mes et il s’écarte assez de la source véritable de l’angoisse pour qu’il puisse servir à lier des chargea qu’un travail analytique plus adéquat avait déjà d’ailleurs considérablement réduites. Il était d’usage de dire que les interprétations inexactes importent peu, que si elles n’aident pas, elles ne font pas du moins grand dommage, que l’esprit du patient ne les retient pas. D’un point de vue strictement symptomatique, cette affirmation ne semble pas justifiée. Il est probablement un type d’interprétation inexacte qui, par suite d’un degré optimum d’éloignement psychique dc la source réelle de l’angoisse, peut amener une amélioration dans le sens symptomatique au prix d’une plus grande inaccessibilité à l’analyse profonde. Une interprétation grossièrement inexacte reste probablement sans effet à moins qu’une forte autorité transférentielle ne vienne la soutenir, niais une interprétation légèrement inexacte peut augmenter nos difficultés. Une certaine confirmation nous en est donnée par l’étude des interprétations spontanées que nous offrent les patients. Celles-ci sont souvent extrêmement exactes en ce qui concerne un aspect particulier de leur activité fantasmatique, tout spécialement lorsque l’interprétation est vraiment intuitive, c’est-à-dire lorsqu’elle ne provient pas d’une compréhension purement intellectuelle ou d’une expérience analytique antérieure. On verra cependant que, sauf dans les cas de psychose, l’interprétation offerte n’est pas à ce moment précis la véritable interprétation. La preuve en est que si l’on parait acquiescer à l’opinion du patient, dans neuf cas de névrose sur dix, celui-ci arborera une indifférence qui marque bien qu’il est maintenant soulagé de son angoisse immédiate. La morale de l’histoire est qu’à moins de se sentir en terrain sûr, il vaut mieux demeurer silencieux.
On pourrait s’étendre indéfiniment sur le sujet mais je terminerai l’examen de son aspect purement analytique par une brève illustration. Pour cela, ce n’est pas le matériel qui manque. Nous n’avons qu’à nous rappeler les fantasmes intra-utérins usuels qui peuvent, entre autres possibilités, indiquer l’existence d’un traumatisme de la naissance ou représenter des souhaits incestueux de type génital appartenant à la période de prélatence ; ou encore les fantasmes d’attaque du père ou de son pénis dans l’utérus ou le vagin de la mère sur lesquels Abraham a spécialement attiré l’attention ; ou enfin les fantasmes utérins de nature encore plus « abdominale » auxquels Mélanie Klein a attaché un sens et une signification spécifiques. Je n’ajouterai, pour ce qui a trait à l’évaluation, qu’un seul commentaire, à savoir, qu’en l’absence d’une indication bien définie de fixation spécifique à l’un quelconque des stades, plus universels sont les fantasmes retrouvés, plus difficile il devient d’établir leur valeur dans tel ou tel cas particulier ; en d’autres termes, plus difficile il devient d’établir l’option névrotique. Pour rester dans la ligne d’une discussion récente (6) sur les facteurs de précipitation dans les névroses, nous ne pouvons parler d’un facteur qualitatif spécifique dans une série précipitante d’événements que lorsque nous avons prouvé, une fois levé l’obstacle du refoulement, non seulement que le même facteur existait dans la série prédisposante mais aussi qu’il était pathogénique.
Avant de laisser cet aspect du sujet et afin d’éviter tout malentendu, il serait bon d’établir une certaine distinction entre une interprétation « inexacte » et une interprétation « incomplète ». Il est évident que lorsqu’on est en train de mettre en lumière une couche de fantasmes profondément refoulés, on fait plusieurs interprétations préliminaires. Dans un grand nombre de cas, on ne saurait même faire autrement. Pour prendre un simple exemple, l’expérience commune nous enseigne que dans l’analyse des fantasmes homosexuels inconscients qui participent d’une organisation anale, il doit s’effectuer un travail préliminaire considérable au niveau génital du fantasme. Même lorsque sont dépassées les angoisses génitales et partiellement entamée l’organisation primitive, on peut voir les patients redonner vie périodiquement à leurs angoisses génitales. Le système anal est devenu pour le moment trop fortement chargé. Dans un tel cas, les interprétations préliminaires de la fantasmatique génitale seraient parfaitement exactes et légitimes, mais du point de vue de la pathogénie, incomplètes et indirectes. Si toutefois, on ne tentait aucunement d’exhumer les fantasmes anaux et si on ne soumettait à l’analyse que les seuls fantasmes génitaux, l’interprétation serait inexacte. Si, dans le cours ultérieur de l’analyse des fantasmes anaux, les systèmes génitaux étaient à nouveau investis mais qu’une interprétation génitale fût la seule à être donnée, cette interprétation ne serait pas seulement incomplète, mais inexacte.
Une situation similaire se produit avec les composantes sadiques d’un système sadique anal. L’interprétation préliminaire de la composante anale serait incomplète : elle ne serait pas complètement inexacte à moins que l’élément sadique ne soit constamment négligé. Ce dernier exemple mérite d’être examiné de près : dans la comparaison des résultats analytiques d’aujourd’hui avec ceux d’hier, il met en évidence un autre point. Dans les analyses de névroses obsessionnelles, on peut observer que lorsque les composantes sadiques sont à la source d’une résistance, celle-ci prend fréquemment la forme d’une exagération de fantasme et de cérémonial apparemment érotiques. Et le patient n’est que trop heureux d’accepter une interprétation couchée en termes de fantasmatique libidinale. Il en va de même pour la défense de composantes érotiques par une couche de fantasmes sadiques. Or actuellement, la mode est tout entière à l’interprétation des systèmes sadiques et des réactions de culpabilité. Nous devons donc nous demander si quelques-uns des succès symptomatiques antérieurs n’étaient pas dus au fait qu’on mettait beaucoup l’accent sur les facteurs libidinaux et très peu sur les facteurs sadiques, ce qui libérait le patient de son angoisse mais le laissait avec des systèmes sadiques non résolus (refoulés). Il serait intéressant de comparer les résultats d’hier avec ceux d’aujourd’hui en ce qui concerne l’analyse des névroses de transfert et celle des névroses narcissiques. Si l’opinion que j’ai présentée est valide, on trouverait probablement que, dans l’ancien temps, l’analyse des névroses narcissiques ne donnait que de bien pauvres résultats alors que celle des névroses de transfert amenait des améliorations symptomatiques rapides et dramatiques. Aujourd’hui, par contre, on s’attendrait à de meilleurs résultats dans l’analyse des névroses narcissiques et à des résultats moins rapides (bien qu’en fin de compte plus radicaux) dans celle des névroses de transfert. Il est probable que l’examen des niveaux profonds de culpabilité puisse retarder l’amélioration, dans les cas où l’inadaptation réside d’une façon plus manifeste dans le champ de l’organisation libidinale (7). Un dernier commentaire sur l’interprétation « incomplète ». Pour être complète, l’interprétation doit non seulement mettre en pleine lumière le fantasme mais expliquer les réactions défensives immédiates que provoque la prise de conscience de celui-ci. Il en va de même pour une interprétation faite en termes de « culpabilité » et « d’angoisse » ; cette dernière demeure incomplète aussi longtemps que n’a pas été retrouvée l’origine du système fantasmatique associé à l’affect en question. Ce travail de recherche peut conduire au noyau infantile par l’intermédiaire d’une répétition transférentielle ou à une répétition transférentielle par l’intermédiaire du noyau infantile (8).
En ce qui concerne l’aspect non analytique du problème, il est un ou deux points qui méritent d’être notés.
Le psychanalyste n’a jamais mis en doute l’amélioration symptomatique éventuellement produite par les méthodes suggestives de type simplement transférentiel ou de type pseudo-analytique, c’est-à-dire basées sur un certain degré d’appréciation interprétative. Il a sans doute contesté la permanence des résultats ou spéculé sur le prix qu’ils ont coûté, en termes de bien-être général, d’adaptation ou de liberté affective. Mais il ne pouvait pas très bien nier l’existence de pareilles améliorations ; dans sa propre pratique de consultant, l’analyste a souvent l’occasion d’observer le bienfait thérapeutique pouvant résulter d’une ou plusieurs entrevues. Même en ce bref espace de temps, il peut voir opérer des facteurs identiques à ceux qui ont été décrits plus haut. Les patients vont mieux après la consultation, soit parce qu’ils se sont déchargés d’un excès d’angoisse ou de culpabilité, soit parce que la perspective d’une analyse les a inconsciemment effrayés ou soit parce que, dans le cours de la consultation, le médecin a donné quelques explications qui, tout en étant passablement adéquates, étaient suffisamment inexactes pour aller au-devant du besoin du patient.
Rigoureusement parlant, cette dernière observation ne peut être qualifiée d’analytique. Mais si on la rapproche de notre étude précédente sur l’effet de l’interprétation inexacte su cours d’une analyse véritable, elle semble indiquer qu’il y a lieu de reconsidérer la théorie actuelle de la suggestion. On serait tenté de prendre un raccourci et d’affirmer immédiatement que tout processus psychothérapeutique non purement analytique doit avoir, à la longue, quelque chose en commun avec le mécanisme de formation des symptômes. A moins d’analyser le contenu mental et les mécanismes inconscients qui président à l’organisation de ce contenu, en même temps que les affects appropriés qui l’accompagnent, nous nous rangeons automatiquement du côté de la défense mentale. En conséquence, lorsque les mécanismes de défense d’un individu ont faibli et qu’il se rend chez un psychothérapeute non analyste pour y faire traiter ses symptômes (c’est-à-dire défenses subsidiaires), le médecin se doit d’adopter une procédure qui palliera les faiblesses du système secondaire (symptomatique) de défense, Il doit édifier un troisième système de défense.
Toute considération théorique mise à part, il semblerait raisonnable de commencer par examiner la technique effectivement employée dans la suggestion. On ne peut mieux faire dans ce but que de recourir à un standard commun d’évaluation, à savoir, la dose de vérité psychologique révélée au patient. On peut encore renverser le standard et classifier les procédures suggestives selon leur degré d’éloignement de la vérité psychologique ou selon les moyens employés pour s’en éloigner.
Avec ces standards, il serait sans doute possible d’en arriver à une subdivision élaborée de ces méthodes, mais on ne voit pas quel grand avantage on en retirerait. Il suffira, pour notre propos, de contraster entre eux quelques types de procédure suggestive, en les confrontant au barème commun de l’objectivité analytique. La procédure qui s’écarte le plus de cette objectivité n’est généralement pas du tout considérée comme de la suggestion. Il n’est pourtant pas douteux qu’elle n’en soit et qu’elle ne produise des résultats très définis. Il s’agit ici de la « négligence » et de la « contre-stimulation » qu’emploient le praticien de médecine générale ou le consultant (9). La vérité psychologique n’est même pas négligée, elle est complètement ignorée. Toutefois, poussé sans doute par une compréhension intuitive des contre-irritations et des attractions, le praticien recommande à son patient d’entreprendre des activités qui se situent hors du champ de sa routine coutumière. Il conseille un changement d’air (vacances) ou d’habitude corporelle (sport, récréation) ou d’activité mentale (lectures badines, music-hall, etc.). Les tendances sont ici évidentes.
Le médecin tente, à son insu, de renforcer le mécanisme du refoulement (négligence) et fait appel, d’une façon tout à fait définie, à un système de contre-charge ou contre-investissement. Il souhaite donc, en conseillant à son patient d’aller en vacances, de jouer au golf, d’assister au concert, voir s’établir une formation (symptomatique) substitutive. Il s’agit là, en somme, d’un symptôme de type obsessionnel. Le patient doit penser à quelque chose de nouveau, faire quelque chose de nouveau (pensée ou cérémonial obsessionnels), ou céder à une certaine contre-attraction (contre-investissement, annulation, négation, expiation). Ce système de contre-charge ne peut manquer de contribuer au succès de la manœuvre générale mais l’élément «refoulement » est également important. Le médecin encourage le patient en lui donnant une preuve de sa propre capacité de refouler. Il dit en effet : « Vous voyez, je suis aveugle ; je ne sais pas ce qui vous tracasse ; allez et faites de même ».
L’autre groupe, bien qu’officiellement reconnu, ne diffère pas beaucoup de la procédure qui vient d’être décrite. Il comprend les méthodes avouées de suggestion ou de suggestion hypnotique. Ici encore, la tendance est de s’éloigner complètement de la vérité analytique mais en insistant un peu moins sur l’aspect « refoulement ». Le suggestionneur admet qu’il connaît quelque chose de la condition de son patient mais prie celui-ci ou lui commande de n’y pas faire attention (aide au refoulement). Le patient peut et doit aller mieux, se trouve en fait déjà mieux et ainsi de suite. Pour pallier la faiblesse inhérente de ce système auxiliaire, le suggestionneur recourt à diverses procédures (suggestions ou recommandations) qui sont aussi de type obsessionnel. L’intérêt doit être reporté sur « quelque chose d’autre », qui diffère plus ou moins de l’intérêt pathogénique ; et naturellement dans la procédure hypnotique, il existe toujours des résidus de systèmes magiques (gestes et phrases).
Contrairement aux précédentes, les méthodes appartenant au troisième groupe comportent un certain emploi de la vérité psychologique ou de la compréhension analytique. Des explications plus ou moins détaillées et plus ou moins exactes sont proposées au patient. On recourt ensuite à la suggestion directe ou indirecte. Par voie de persuasion, d’exhortation ou d’implication, on amène le patient à croire qu’il se sent ou devrait se sentir libéré de ses symptômes. On peut y ajouter ou non des suggestions adjuvantes de type antithétique. Bien que variant dans le détail, toutes ces procédures peuvent être classées sous un seul chef, à savoir, celui de suggestion pseudo-analytique. Et en fait, bien que cette opinion ait suscité beaucoup de ressentiment, les analystes ont poussé la hardiesse jusqu’à considérer toute analyse pseudo-freudienne comme relevant essentiellement de la suggestion pseudo-analytique. La seule différence qu’ils peuvent y voir est qu’on n’y fait pas de recommandations suggestives franches dans le deuxième ou le troisième stade. Mais comme le transfert positif n’y est que très peu analysé et le transfert négatif pas du tout, il existe un état de rapport où se trouve évitée la nécessité de recommandations franches. Outre ceci, et probablement pour rendre l’assurance doublement sûre, on soumet obliquement le patient à une bonne dose d’influence éthique, morale ou rationaliste.
Il est un trait commun à toutes ces méthodes : la forte autorité transférentielle avec laquelle elles sont appliquées. Ce qui veut dire qu’en partageant la culpabilité avec le suggestionneur et en participant de la force de son surmoi, le moi du patient devient capable d’accepter un nouveau produit de substitution. Cette nouvelle « construction symptomatique thérapeutique » est devenue, pour le moment, synthone au moi (10).
Le critique de la psychanalyse qui, pour des raisons personnelles, est anxieux de prouver que l’analyse n’est elle-même qu’une autre forme de suggestion peut ici rétorquer comme suit ; si les premiers analystes ne pouvaient exhumer complètement le contenu inconscient, il doit sûrement y avoir eu, à la base de leurs succès analytiques, une part de suggestion dans le sens affectif par opposition au sens verbal. Il faut se rappeler que la vieille accusation portée contre la psychanalyse était que les interprétations analytiques n’étaient que des suggestions déguisées, d’ordre « verbal » ou idéoplastique. Au risque d’ennuyer, il importe de préciser les points suivants. L’analyse a toujours tenté de résoudre aussi complètement que possible le lien analytique affectif, aussi bien positif que négatif. Elle a toujours poussé l’interprétation jusqu’au maximum existant de compréhension objective. Il est certes possible que le refoulement (toujours quantité inconnue) se soit emparé des constructions psychiques incomplètement interprétées mais l’analyse a toujours visé à lever au maximum le refoulement. Il est également possible qu’il subsiste, là où l’interprétation a été incomplète, certains systèmes de déplacement qui fonctionnent à la façon de substituts ou de contre-investissements ; mais l’analyse s’est toujours efforcée de barrer la route à tous les déplacements protecteurs connus. Pour tout résumer, elle n’a jamais cherché à maintenir un transfert en tant qu’agent thérapeutique ultime ; elle n’a jamais offert moins que la vérité psychologique connue ; elle n’a jamais eu partie liée avec les mécanismes de refoulement, de déplacement ou de rationalisation. Ayant établi d’une façon claire ses positions, la psychanalyse ne passe pas à la contre-attaque. Au lieu de cela, elle propose une théorie de la suggestion. Elle est prête à admettre que la mauvaise analyse, l’analyse défectueuse, la pseudo-analyse peuvent justement prêter le flanc à la critique. Mais elle ajoute qu’une mauvaise analyse peut très bien être de la bonne suggestion, bien qu’en certains cas, elle fasse quelques réserves même sur ce point. Par exemple, c’est faire de la bien pauvre analyse que de réveiller le contenu sadique refoulé puis d’abattre les étais du déplacement sans analyser pleinement les réactions de culpabilité. Et c’est probablement faire de la bonne suggestion que d’offrir des substituts de déplacement nouveaux ou renforcés et d’étayer celles des tendances au retrait de l’investissement qui sont capables de support conscient. C’est probablement faire de la mauvaise suggestion ou plus exactement de la mauvaise suggestion pseudo-analytique que de perturber les niveaux profonds de culpabilité. On peut supposer qu’une bonne part du succès de la suggestion éthique et des activités substitutives est non seulement due au fait que les réactions sadiques du patient se trouvent à recevoir une couche additionnelle de rationalisation mais au fait que les activités substitutives recommandées fonctionnent à la manière « d’annulations » obsessionnelles de formations sadiques inconscientes (11).
Outre le refoulement et la substitution, il est un troisième facteur fondamental qu’il faut considérer. Il existe maintenant une foule d’observations, provenant de diverses sources analytiques, qui démontrent qu’au fond la fonction mentale est et continue d’être évaluée en termes d’expérience concrète. Les rapports réciproques entre systèmes perceptifs et systèmes conceptuels ont certes toujours suscité un certain intérêt académique. Mais le sujet a été tellement enrichi par les contributions détaillées et originales qu’y a apportées la psychanalyse qu’à toutes fins pratiques celle-ci se l’est annexé. Pour l’inconscient, une pensée est une substance, un mot est une action, une action est une pensée. Les variations compliquées qu’a découvertes la psychanalyse à l’intérieur de ce système général tiennent au fait que dans les couches supérieures de l’inconscient (s’il est permis d’employer ce vague terme topographique), la substance est considérée comme ayant une origine, des propriétés et des qualités différentes. D’un point de vue systématique, la nature de la substance dépend du système d’intérêt libidinal et agressif qui était en vogue lors de la formation du niveau particulier de l’organisation psychique.
A l’époque de la primauté orale, libidinale et agressive, le monde tout entier est un sein et tout ce qu’il renferme est du bon ou du mauvais lait. Lorsque prédominent les intérêts excrétoires et l’organisation mentale anale, l’univers n’est plus qu’un ventre. Durant les phases génitales infantiles, le monde est tantôt un cloaque génital, tantôt un phallus. Les chevauchements et l’interdépendance de ces principaux systèmes donnent naissance à la multiplicité et à la diversité des formations fantasmatiques. Mais il est un élément, commun à toutes les phases et qui est donc représenté dans toutes les variétés de fantasmes. C’est l’élément de l’agression, directe ou invertie. Aussi, toutes les substances que contient l’univers sont bénignes ou malignes, créatrices ou destructrices, bonnes ou mauvaises.
Les psychanalystes ont montré tant et plus qu’au moindre relâchement de la vigilance mentale, l’esprit est ouvertement assimilé à un organe corporel. L’esprit devient la bouche ; la parole, de l’urine ou un flatus ; un idéal est fécond et procréateur. Nos patients sont « gros de pensées » et nous le disent quand ils ne se surveillent plus. L’analyse des fantasmes de transfert nous a donné là-dessus un luxe de détails. Une interprétation est accueillie avec joie ou révolte (peur) comme un phallus. Les paroles aussi bien que les silences de l’analyste fournissent matière à reproche : leurs commentaires sont traités d’attaques sadiques ; leurs silences sont mis sur le compte d’une volonté implacable de frustrer. Pour tout résumer, l’analyse est inconsciemment regardée comme une réédition de l’ancienne situation de l’enfant dans ou contre le monde. Une interprétation est une substance, du bon ou du mauvais lait, de bonnes ou de mauvaises matières fécales ou urine (ou bébé ou phallus). C’est la substance suprême des parents, bienveillante ou hostile ; ou c’est la substance de l’enfant, lui revenant sous une forme amicale ou maligne, après un séjour agréable ou pénible dans le monde.
Comme je l’ai souligné ailleurs (12), cette tendance innée de l’esprit constitue une perpétuelle pierre d’achoppement pour l’objectivité, non seulement de la part du patient mais aussi de l’analyste. On doit, toujours y penser et tenter de la mesurer à tous les stades de l’analyse. Cette prise de conscience et ces essais de mesure sont essentiels pour l’interprétation du transfert. Aussi bien sous sa forme transférentielle que sous sa forme projective, cette tendance joue un rôle considérable dans la peur de l’analyse que l’on peut universellement observer. Juste l’autre jour, un patient, qui avait une compréhension intuitive du symbolisme mais qui n’avait aucune connaissance directe ou indirecte de la procédure analytique, exprimait les vues suivantes au cours du premier stade de l’analyse : les mots sont réellement de l’urine et le jet urinaire est un instrument d’attaque : les associations peuvent être de l’urine bienveillante ou hostile : l’interprétation est généralement de l’urine bienveillante, sauf les jours où les fantasmes érotiques et sadiques sont importants ; lorsque les associations sont mauvaises, l’urine est mauvaise ; lorsque l’interprétation est mauvaise, l’analyste asperge le patient de mauvaise urine : le patient, ou selon le cas, l’analyste doit l’essuyer. Le pronostic de ce cas n’était pas très favorable mais les associations étaient entièrement spontanées.
Comme je l’ai déjà dit, cette tendance innée de l’esprit constitue une perpétuelle pierre d’achoppement pour l’analyse. Mais ce qui est pierre d’achoppement pour l’analyse peut très bien être une pierre d’angle ou du moins un élément structural essentiel, pour la suggestion. Les théories de la suggestion ont depuis toujours implicitement reconnu la signification de « la substance » ; qu’il suffise de citer ici l’ancienne croyance à un «fluide magnétique» et les théories « d’implantation » tout à fait récentes de Bernheim et autres (idée-plastie). On peut même penser que ces explications, qui dans leur temps parurent scientifiques, ne sont que de lointains dérivés d’une idéologie « concrète » plus primitive, tels qu’on en peut étudier dans les systèmes animistes des primitifs, les systèmes délirants des paranoïaques et (compte tenu de l’investigation analytique) les systèmes transférentiels des névrosés. Janet, on s’en souvient, considérait le besoin impérieux ou « passion somnambulique » comme comparable au besoin impérieux des toxicomanes ; et Ernest Jones a rapproché ceci des idées psychanalytiques concernant la signification de l’alcool (Abraham). Des théories inadéquates et discréditées reprennent ainsi de l’importance d’une manière imprévue. Elles donnent une indication supplémentaire sur la nature du rapport hypnotique et suggestif et laissent quelque peu présager les limites thérapeutiques de la suggestion pseudo-analytique. La substance essentielle, symbolisée par les mots ou par quelqu’autre médium de communication, doit être une substance curative bienveillante. Elle doit être capable de remplir un espace dangereux dans l’esprit (corps) du patient ; elle doit pouvoir chasser en douce les substances dangereuses qui s’y trouvent ou du moins être capable de les neutraliser. Elle doit pouvoir neutraliser la culpabilité sans réveiller l’angoisse. L’hystérique par exemple, ne doit pas être psychiquement engrossée au cours de la laparatomie psychique. Aussi, le suggestionneur pseudo-analytique fait-il bien d’apaiser l’angoisse avant d’endormir la culpabilité avec l’opium de la suggestion. Il doit également se garder d’analyser le sadisme. Le praticien de médecine générale qui recourt à son insu à un système de suggestion non officiellement codifié lui donne ici un bon exemple. Comme nous l’avons vu, non seulement se range-t-il du côté du refoulement et recommande-t-il une politique de contre-investissement obsessionnel, mais il entre dans le jeu paranoïaque du patient. Il ne sait pas ce qui trouble son esprit, mais il sait, ou croit savoir, ce qui ne va pas avec son système intestinal. Et aux cathartiques ou laxatifs doux qu’il emploie pour chasser le poison, il ajoute ensuite des toniques bienveillants et des hématiniques revigorants. De cette façon, il neutralise les dangereux systèmes de paranoïa et d’omnipotence sans qu’il soit jamais question de l’esprit. Le suggestionneur qui tente ouvertement de neutraliser l’esprit par l’esprit devrait se rappeler qu’en dernière analyse, il doit baser ses interventions suggestives sur un système de « paranoïa amicale ». La différence entre la suggestion et la véritable analyse apparait encore ici. L’analyste n’a de cesse qu’il n’ait mis à jour ce plus profond des systèmes mentaux ; le suggestionneur, tout en gardant un oeil sur les réactions anxieuses de son patient, doit constamment chercher à l’exploiter.
Conclusion. Si l’on veut savoir à fond comment opère la suggestion, il faudra examiner plusieurs autres facteurs, sur lesquels l’analyse a déjà et aura encore beaucoup à dire. Mais notre présent propos n’exige pas un examen aussi détaillé. En étudiant l’effet de l’interprétation inexacte dans l’analyse, nous avons été amenés à voir que ce qui est pour nous une interprétation incomplète peut très bien être pour le patient un déplacement opportun. Du fait que l’interprétation a été donnée par l’analyste, elle peut agir à la façon d’un système de déplacement (produit, symptôme de substitution) synthone au moi. Appliquant ceci à l’étude des méthodes de suggestion, nous voyons que la technique de la suggestion varie selon que l’accent est mis sur tel ou tel mécanisme de défense. Toutes les méthodes recourent au mécanisme du refoulement mais chacune lui en ajoute un autre qui constitue sa marque distinctive. Par suite de leur opposition complète à la vérité psychologique et de l’accent qu’elles mettent sur les modifications de pensée et de conduite, les méthodes non analytiques peuvent être généralement considérées comme des « systèmes obsessionnels de suggestion ». Les méthodes pseudo-analytiques, bien que se rapprochant davantage de la vérité, en sont pourtant suffisamment éloignées pour opérer en concentrant l’énergie sur un déplacement, ce qui permettrait de les qualifier de « suggestions hystériques d’ordre phobique ». Mais le technicien le plus original, et en un sens le plus audacieux, bien qu’on lui fasse rarement ce crédit, est le praticien ou le consultant de médecine générale. D’une façon intuitive, il tente de neutraliser immédiatement les couches anxieuses superficielles et les couches de culpabilité les plus profondes. Il est à son insu un pur « suggestionneur hystérique », en ce sens qu’il joue à fond la carte du refoulement et qu’il propose son propre refoulement (ignorance) comme modèle à imiter ; puis, en recourant aux médicaments, il montre qu’il a une compréhension intuitive de ces niveaux profonds de culpabilité qui, en d’autres circonstances, donnent naissance à la paranoïa. Il joue le rôle d’un « persécuteur bienveillant ». Il est à cet égard l’héritier direct des premiers pharmacologistes magiciens.
Ces conclusions n’ont aucune prétention à l’originalité. On a longtemps soutenu que les manifestations hypnotiques constituent une hystérie induite et Rado a fait des hypothèses analogues en ce qui regarde les phénomènes d’abréaction cathartique. Abraham était d’avis que les états d’auto-suggestion étaient des systèmes obsessionnels induits et naturellement l’induction ou le développement d’une « névrose de transfert », durant l’analyse est considérée comme une partie intégrante du même processus. Les types courants de suggestion pseudo-analytique n’ont pas reçu une égale attention. Et comme ils sont employés de plus en plus fréquemment dans les cercles psychothérapeutiques, il est grand temps de leur donner un statut plus défini. Basé qu’il est sur le déplacement, le système qu’ils tentent d’exploiter est un système phobique. Pour que le traitement porte ses fruits, le patient doit développer une phobie synthone au moi. Cette forme de suggestion peut être considérée comme une forme d’homéopathie. Le suggestionneur prend le patient à son propre jeu de formation symptomatique.

Notes :
(1) S. FREUD, Group Psychology and the analysis ol the ego (1922), London, Hogarth Press.
(2) FERENCZI, Introjection and transference, Contribution to psycho-analysis (1916).
(3) E. JONES, The action of Suggestion in Psychotherapy ; The Nature of Autosuggestion, Papers on Psycho-analysis, London, Bailliere, Tindall & Cox (1925), 340-81, 382-403.
(4) ABRAHAM, Psycho-analytical notes on Coué’s method of self-mastery, Int J. Psycho-anal. (1926), 7, 190-213.
(5) RADO, The economic principle in psycho-analytic technique, Int, J. Psycho-anal. (1925), 6, 35-44.
(6) The Significance of Precipitating Factors in Neurotic Disorder symposium tenu sous les auspices de la Société britannique de Psychanalyse, le 6 mai 1931.
(7) Si un article parallèle était écrit sur « l’effet d’exacerbation de l’interprétation inexacte », il traiterait principalement, sans doute, du résultat de l’interprétation partielle du fantasme sadique. Quand les systèmes de culpabilité sont perturbés sans être adéquatement interprétés, il arrive souvent que le patient interrompt l’analyse en plein transfert négatif. Même si ses symptômes anxieux ont disparu, Il peut quitter l’analyse avec un sentiment d’infériorité accru, signe certain d’une activation de la culpabilité. Outre cette terminaison dramatique, il existe beaucoup d’autres indications de résistance active à la suite d’interprétations inexactes. Lorsque cet article fut discuté, Mlle Searl attira l’attention sur une source usuelle de résistance, de stagnation au cours de l’analyse, à savoir, l’interprétation d’un système du ça dans les termes d’un système du surmoi ou vice versa. Cette observation est certainement juste. Il est facile d’en démontrer expérimentalement le bien-fondé durant l’analyse des cas obsessionnels. Dans les stades initiaux de formation du cérémonial, c’est le surmoi qui dicte le choix du système qui protège ou qui annule (qui « défait »). Mais tôt ou tard, ce système est infiltré par des éléments sadiques et libidinaux refoulés (éléments du ça). Une interprétation faite dans les termes du surmoi est alors « inexacte » et si elle est constamment répétée, l’analyse entre dans une phase de stagnation.
(8) GLOVER, The Technique of Psycho-analysis (journal supplément, n°3 (1928), voir Première Partie de ce volume).
(9) GLOVER, The Psychology of the Psychotherapist, British J. Psycho!. (1929), 9, 1-16.
(10) Je n’ai pas voulu donner lei une description détaillée des changements dynamiques et topographiques qu’impliquent les processus de suggestion. Ils ont été décrits d’une façon très complète par Ernest JONES dans les articles déjà cités.
(11) Dans une communication d’ordre privé, Mme RIVIÈRE a souligné l’importance des facteurs sadiques dans toute évaluation de la méthode analytique ou suggestive.
(12) GLOVER, Introduction to the study of psycho-analytical theory, Int. J. Psycho-anal. (1930), 9, 47-84.