Le temps qu’il fait : Réel et signifiant du désir
30 octobre 2023

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LAQUIEZE-WANIEK Eva
Billets
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La contribution a été publié en allemand: « Das Wetter: Reales und Signifikant des Begehrens», dans: Texte. Psychoanalyse. Ästhetik. Kulturkritik, Nr. 1/2022, 42eme année, édition Passagen, Vienne, p. 7-22 ; et aussi dans le livre: Panteliadou, Sophia (ed.): Kairos. Recall of Earth. Vienne 2023, p. 142-157.

Cette contribution fut prononcée à Vienne dans le cadre du symposion Kairos. Recall of Earth en novembre 2021, qui se déroulait parallèlement à une exposition du même nom (accueillie par la Postsparkasse de Otto Wagner ). Les organisateurs étaient Sophia Pandeliadou et Rainer Kaltenberger en coopération avec l’AIL (Angewandten Innovation Lab) de l’Université des Arts appliqués de Vienne et le ZAMAG (Zentralanstalt für Meteorologie und Geodynamik), Centre de recherches en météorologie et géodynamique du Ministère autrichien de l’éducation, des sciences et de la recherche.)

 

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Le temps qu’il fait : Réel et signifiant du désir

Eva Laquièze-Waniek

 

« Si quelqu’un vous salue en vous disant qu’il fait un temps superbe aujourd’hui, il ne vous viendra pas seulement à l’idée que ses propos visent alors le temps qu’il fait réellement ce jour là »,[1] mais vous penserez plutôt qu’ils expriment un état psychique ou constituent un message inconscient à votre adresse : c’est ce que faisait remarquer le psychanalyste Marc Morali lors d’ une conférence faite à Nice (2020) portant sur la cause du désir.

Si on ne veut pas se contenter de voir ici un exemple de scène de transfert, mais si on veut y saisir en outre une occasion de réfléchir plus précisément sur la relation qui peut exister entre le temps et le désir, alors nous nous demanderons dans quelle mesure – et dans quelles circonstances déterminées – le temps peut devenir un signifiant du désir,[2] aussi bien dans sa dimension réelle que symbolique.

C’est ce que je souhaiterais tenter dans ce qui suit – même si j’en resterai à une esquisse – en trouvant une ressource dans la théorie lacanienne des trois ordres le réel, le symbolique et l’imaginaire, dont c’est le nouage – nous enseigne Jacques Lacan – qui permet au sujet de se constituer.[3]

L’imaginaire – Le temps comme signifiant du désir

Mon premier pas sera d’étudier le désir, en tant qu’il est ordonné par Lacan à l’imaginaire, dans la mesure où il se trouve de manière décisive en relation avec la fantasmatique de chaque sujet. Cette dernière, dans certaines de ses représentations, se trouve associée à la jouissance corporelle, et agit ainsi sur le sujet comme source de plaisir.

Il suffit à ce propos de prendre comme exemple le domaine de la littérature: on voit bien qu’une telle relation entre le plaisir, le désir et le temps s’y est formée, particulièrement dans l’espace culturel européen. J’ai en tête à cet égard l’usage qui s’est imposé dans la poésie courtoise de la Minne et en général dans la poésie médiévale, de recourir comme métaphores de la naissance de l’amour à différents traits emblématiques du printemps, comme ceux de l’automne ou de l’hiver sont voués au contraire à évoquer la fin d’une histoire d’amour, si ce n’est même la mort du sujet.

Cet usage de faire appel à certains phénomènes atmosphériques pour exprimer le désir semble avoir connu une particulière intensification à l’âge classique; qu’on songe par exemple au mouvement du Sturm und Drang (fr. tempête et passion), qui suppose tout uniment une synonymie entre le désir et le temps, temps de la tempête et emportement du désir. Ici je prendrai pour exemple un poème du jeune Wolfgang von Goethe « Willkommen und Abschied » (fr. « Bienvenue et adieu »):[4] le protagoniste dont le cœur bat fort chevauche dans un paysage crépusculaire. La nature y est tout d’abord décrite comme simple et tranquille, mais ensuite dans la sombre forêt nocturne, comme de plus en plus angoissante – changement d’atmosphère dû avant tout aux vents: au début «lents frottements d’ailes» mais ensuite ils «sifflaient lugubres à mes oreilles» et finalement l’impression que la nuit sombre «façonnait mille monstres». Pourtant l’angoisse a beau saisir le cavalier, elle est maîtrisée – nous assure Goethe – par le courage «joyeux et gai» et le feu «courant dans ses veines» suscités par le désir qu’il a de la bien-aimée. Ce tourbillon de sentiments contraires, l’emportement de la passion et une angoisse que la présence attendue de la bien-aimée dissiperait sans doute, le héros arrive à s’en délivrer à la seule pensée de son « doux regard » et de son « tendre visage » qui lui apparaît comme « une rose aurore de printemps ».[5]

Il nous paraît possible d’interpréter cette scène en faisant appel à la théorie lacanienne du regard comme objet a – à comprendre comme objet partiel (ici, donc le regard) qui constitue la cause du désir de l’objet aimé et qui peut procurer au sujet la jouissance en même temps qu’un refuge (alld. « Heim »), dans un monde souvent hostile ou inquiétant.[6] Les vers de Goethe nous font presque ressentir l’effet physique que provoque le regard de la bien-aimée aussi bien calmant qu’euphorisant, lorsque, un plus loin, voulant suggérer que le cœur et la respiration du héros sont dans le même battement, il écrit: « Tout mon cœur était près du tien / Et chacun de mes souffles était pour toi» ; (alld.) : « Ganz war mein Herz auf deiner Seite / Und jeder Atemzug für dich».[7]

Goethe en composant ce poème en 1771 lors de son séjour en Alsace pour la fille d’un pasteur, Friederike Brion, qui met en scène le protagoniste dans une attente pleine d’excitation et d’angoisse, que la présence concrète de l’objet aimé va faire s’évanouir dans la douce sécurité d’un ravissement, a rompu alors pour toujours avec le lyrisme un peu trop convenu du style rococo qui était celui de l’époque et le sien jusque là.

Vingt ans plus tard il décrit cette fois-ci l’absence de « tempête et de passion » avec tout autant de force en évoquant un paysage s’étendant sans un souffle de vent qui fait alors de la mer, d’habitude toujours en mouvement, une inquiétante zone de mort. « Meeresstille » (fr. « Mer calme »), c’est le titre qu’il donne à cette poésie de 1795, poésie du sentiment d’abandon et de perte de tout monde qu’éprouve un « soucieux batelier » et que ces mots concluent : « Aucun soufle d’aucune part ! / Effroyable inquiétude funèbre ! / Dans l’immense lointain / Aucune vague ne se meut. » (Alld.: « Keine Luft von keiner Seite! / Todesstille fürchterlich / In der ungeheuern Weite / Reget keine Welle sich. »)[8]

Ce choix de Goethe, dans les deux cas, d’une métaphorisation faisant d’une certaine atmosphère naturelle l’expression poétique de la disposition intime d’un sujet s’est imposé finalement avec le romantisme allemand comme un trait stylistique majeur. Qu’on pense par exemple au lyrisme de Joseph von Eichendorff, dans lequel le temps qu’il fait, le paysage et l’âme assez souvent échangent leur place et se trouvent mis sur le même plan.[9] Eichendorff ira même encore plus loin dans son poème « Der Abend » (fr. « Le Soir », 1826) jusqu’à pour ainsi dire annoncer la poésie moderne dans la mesure où il fait des éclairs habituellement situés dans le monde extérieur un événement psychique et sensible à l’intérieure du sujet:

 

« Schweigt der Menschen laute Lust                 « Quand l’envie forte des hommes fait silence

Rauscht die Erde wie in Träumen                     La terre bruisse comme dans les rêves

Wunderbar mit allen Bäumen                           Merveille avec tous les arbres

Was dem Herzen kaum bewusst                                    Ce que le cœur ressent, pas même conscient

Alte Zeiten, linde Trauer                                  Anciens temps, douceur du deuil

Und es schweifen leise Schauer                                    Et de légères averses lancent au loin

Wetterleuchtend durch die Brust. »                   Comme des éclairs à travers la poitrine. »[10]

La frontière habituellement tracée entre le sujet et l’objet ou l’extériorité se trouve ici très largement supprimée: les légères averses et les éclairs traversent, en lui donnant son atmosphère, l’espace plein de nostalgie de la psychè; ils affectent le corps en même titre que le paysage : ce qui correspond au souhait de se procurer le puissant plaisir de faire se rejoindre la « nature intérieure et la nature extérieure », mais qui en même temps abrite aussi déjà un atmosphère pleine de mélancolie. Cette poésie en effet à été écrite à une époque où déjà en Europe la première industrialisation intervient et avec elle le capital qui vise à tirer sans cesse valeur de l’exploitation de la force de travail humaine et des matières premières, si bien que le romantisme de la poésie d’Eichendorff nous apparaît après coup comme le dernier chant d’un souci de maintenir une relation équilibrée entre la nature extérieure et les pulsions de notre intériorité.

Dans l’ensemble on peut observer que le temps qu’il fait et le psychisme ont été vus par le romantisme dans une relation particulièrement étroite, jusqu’à les regarder même parfois comme identiques: on pourrait même y voir une tendance à devenir un thème culturel s’imposant un peu partout de manière encore plus détaillée.

Je m’en tiendrai ici au roman Les Hauts de Hurlevent (angl. Wuthering Heights) d’Emily Brontë 1874, où cette relation, ne serait-ce déjà que par son titre, fut ainsi élevée au rang de programme alors qu’elle y décrit le sujet en proie aux ambivalences de son désir, comme, de surcroît, en rupture avec les normes et représentations de la société victorienne. Elle dépeint ainsi dans son roman une relation amoureuse qui sort des convenances entre une jeune femme d’une famille bourgeoise traditionnelle et un homme, enfant trouvé que son père a recueilli après l’avoir arraché à un quartier misérable et qui, malgré tout, se sent toujours étranger dans le monde. Cette relation, dans la violence de la passion qui l’anime, mène finalement à l’anéantissement physique et spirituel des protagonistes allant même presque jusqu’à la ruine de toute la parenté: le drame a pour théâtre central une maison de maître battue par les vents accrochée à une colline dominant une tourbière en Angleterre. C’est donc une liaison encore une fois placée sous le signe de la « tempête » et de la « passion » impétueuse mais qui nous dévoile la force sociale explosive du désir. Cette manière de voir persistera en prenant diverse formes jusque dans notre présent: qu’on pense par exemple au film culte des années 1970 de Richard O’Brian tiré de la comédie musicale Rocky Horror Picture Show,[11] où une terrifiante tempête va être l’occasion de transgresser les normes bourgeoises hétérosexuelles de la jouissance sexuelle.

2. Le réel, le temps et le désir

Toutefois on doit maintenant se demander, à propos des exemples évoqués, pourquoi l’expérience du désir doit trouver sa métaphore dans des phénomènes météorologiques? À ce propos il convient de remarquer que Lacan, dès 1955, attirait l’attention sur le fait que le processus métaphorique (et avec lui le poétique) vit de la substitution de quelque chose par quelque chose d’autre qui ne lui est pas semblable: « comment peut-il se faire que le langage ait son maximum d’efficacité quand il arrive à dire quelque chose en disant autre chose? »[12]

Au même moment Lacan nous avertit de ne pas vouloir aller chercher la métaphore poétique (au sens de la mise en circulation d’une nouvelle signification plus puissante) dans la similarité des signifiés – c’est-à-dire dans la similarité des représentations conventionnelles ou bien dans la similarité matérielle du référent – bien plutôt il s’agit de reconnaître la condition de possibilité du processus métaphorique dans la propriété métonymique de la langue qui rend possible de faire se succéder les signes dans leur articulation de simples valeurs.[13]

Puisque le temps qu’il fait – qui dans sa réalité désigne un phénomène atmosphérique présent dans certains sites ou régions de la surface terrestre et se manifeste comme vent, tempête, éclair, tonnerre, pluie, grêle, glace, neige, froid ou chaud, n’a rien à voir – à considérer les choses matériellement, avec le désir comme phénomène psychique, il faut bien se demander ce qui a pu pousser les poètes évoqués à faire de lui son signifiant privilégié.

Je pense qu’on peut alors avancer d’un pas dans ce problème si on se tourne vers le procès de constitution du sujet de l’inconscient, à propos duquel on tirera quelque lumière si on commence par poser avec Lacan qu’il ne faut pas entendre le réel au sens de la réalité comme ensemble des objets et des phénomènes mais qu’il s’agit avec elle d’une simple composante d’un monde que le symbolique ou l’imaginaire ont déjà ouvert et ont ainsi rendu possible que ce monde puisse se constituer comme objet de savoir. Tout différemment, Lacan entend par réel l’impossibilité de constituer sans reste une objectivité, qu’elle soit symbolique ou imaginaire, dans la mesure où pour lui le réel affecte le sujet comme un trauma au sens d’un « extrême du bien » et avant tout comme « Mal »,[14] trauma qui a le pouvoir de l’ébranler – que la cause en vienne de l’extérieur ou qu’elle soit à situer dans la propre pulsion du sujet, pulsion qui est alors éprouvée comme étrangère et fait du coup échouer toute tentative de présentifier par la langue, le calcul ou l’image ce qui a été perçu et de le faire accéder à l’expérience vive.

Ces remarques faites on pourrait dès lors interpréter – et c’est ma thèse – le choix arbitraire que les écrivains ont fait – de faire d’un certain type de temps l’index d’un possible désir, en le mettant en relation avec le premier Autre comme premier représentant du réel. Si on veut justifier un peu plus cette hypothèse, il faut alors prêter attention à la constitution préverbale du sujet alors que le nouveau-né va faire l’épreuve du corps de la mère comme premier dehors et plus tard nouer avec elle une relation libidinale à concevoir comme un rapport qui du point de vue psychique ignore quasiment encore la séparation: un rapport qu’on ne peut penser dans des catégories opposées qui s’excluraient l’une l’autre, par exemple la différence du propre et de l’étranger ou du sujet avec l’objet ou l’intériorité avec l’extériorité, mais un rapport qui va contribuer à les élaborer peu à peu.

C’est dans cet esprit que Lacan introduit en 1959 – en référence à Sigmund Freud – son concept de la Chose (das Ding) précisément au sens de premier Autre qui constitue le premier dehors pour l’infans et c’est cette rencontre qui lui fournira l’occasion et la possibilité de développer ses premiers jugements. En même temps la Chose s’impose au petit enfant en raison de sa cohésion si bien qu’il va pouvoir aussi s’identifier à la constance de la Chose. Cela va si loin que le bébé va vivre les gestes, les cris et aussi les douleurs du premier Autre (en tant que Chose) comme les siens,[15] mais pour lesquels il ne dispose pas encore d’un système de signifiants au moyen duquel il pourrait communiquer ses impressions de plaisir ou de déplaisir.

Par son interaction continuelle avec la Chose il parvient cependant peu à peu à situer dans l’inconscient tout un éventail d‘expériences de plaisir et de déplaisir grâce à quoi les parties du corps de l’autre qui lui procurent du plaisir (comme par exemple le sein, le regard ou la voix) peuvent être identifiées comme représentations d’un bon ou d’un mauvais objet. En bref il s’agit ici de la construction d’un premier ordre affectif sur lequel le pré-sujet peut prendre appui aussi bien de manière psychique que somatique grâce au point de repère qu’est pour lui l’Autre comme Chose avec lequel il a des rapports symbiotiques. Avant son entrée dans le phénomène social de la langue qui va lui permettre alors de symboliser la rencontre avec la Chose en usant de signes, et de la transformer en un objet du désir parvenant ainsi au statut de sujet.

Dès lors que le sujet parlant met en relation sa libido, effet dans son inconscient de la rencontre avec la Chose, comme capable de plaisir et de déplaisir, avec l’expérience qu’il fait de ce qui l’entoure entendu comme espace du dehors, il peut aussi faire l’expérience des divers météores de l’atmosphère terrestre dans toute la gamme des différentes impressions allant du plaisir jusqu’au déplaisir, qui de la même manière peuvent agir sur son état d’âme et même dans les cas extrêmes se révéler traumatisants. Que l’on songe par exemple au premier orage qu’on a vécu – éventuellement même à l’air libre – et dont la violence a probablement déclenché l’angoisse d’être détruit, qui a pu se renverser si on se trouve alors de nouveau en sécurité, en respect ou en admiration pour la sublimité de la nature,[16] ce qui n’est pas sans rapport avec cette polarité caractéristique de la Chose.

En ce qui concerne la question que pose le recours à des métaphores tirées des divers aspects du temps qu’il fait, qu’il soit bon ou mauvais, dans l’expression du désir du sujet, on pourrait à présent apporter cette réponse: une mise en relation de cette nature ne repose pas sur une supposée similarité des significations – comme s’il s’agissait selon la formule de Lacan, d’« un magasin des accessoires du signifiant »[17] –, mais a tout à voir avec le rapport du sujet à la Chose comme premier dehors, à laquelle le temps qu’il fait en tant que signifiant pour la libido peut correspondre.

Cela signifie donc que la relation de similarité entre deux phénomènes ne trouve pas sa fondation sur le plan de la sémantique ou d’une identité logée dans la « nature de la même matiére » mais bien de la mise en jeu, dans les deux cas de manière comparable, de toute l’étendue du spectre des expériences de plaisir et de déplaisir qui trouve son fondement dans la rencontre du pré-sujet avec le premier dehors. Grâce à une métaphorisation adéquate cette première rencontre, qui se fait sentir d’une manière toujours plus ou moins traumatisante, peut désormais être exprimée et portée à la parole: du coup une distance se ménage avec un état jusque là vécu et éprouvé dans l’immédiateté; c’est ce que Lacan a désigné comme le « meurtre de la Chose »[18].

Concernant cette interprétation il ne faudrait pas omettre de dire que Lacan à partir de 1960 comprend la sublimation artistique comme faculté de faire usage des signes afin d’élever un objet connu à la dignité de la Chose,[19] ou bien à le dire autrement, d’évoquer grâce à la forme artistique donnée à la mise en scène, la première affection de la libido par la Chose, encore immédiate, même si c’est sous la forme d’une perte.

De surcroît on pourrait dès lors préciser d’un point de vue théorique la différence entre la réalité du temps qu’il fait et ce dernier pris comme réel. Le temps comme réalité est à comprendre comme un phénomène que les météorologues déterminent, qui peut être saisi et représenté comme objet des sciences de la nature comme il peut être dans la visée d’une maîtrise de la réalité calculé et l’objet d’une prévision autant que les prévisions météorologiques nous le permettent.

En revanche le temps qu’il fait comme réel doit être mis en rapport avec sa dimension de la Chose qui excède la connaissance objective qu’on peut avoir de ce phénomène dans la mesure où cette dimension nous concerne en tant que sujets désirants, vulnérables et mortels d’une manière qui peut même être traumatisante. On pourrait de plus à l’heure actuelle prendre en compte une angoisse, peut-être encore simplement diffuse, face aux conséquences incalculables de manière précise du réchauffement de la terre – dans la mesure où le sujet pressent inconsciemment, par une sorte d’analogie qui se fait avec son rapport au premier autre lors de sa préhistoire, qu’une « Terre-Mère trop chaude » pourrait avoir un effet comparable à la menace de la Chose privée de toute mesure comme il pressent qu’une telle montée aux extrêmes pourrait conduire à la disparition du sujet et de ses semblables avec lui.

3. Le symbolique: des dieux et des déesses du ciel au droit du climat

Maintenant demandons nous quelle peut bien être enfin sur le plan symbolique la relation entre le temps qu’il fait et le désir? C’est la question que je voudrais aborder pour finir. A cette fin j’admettrai la thèse de Lacan qui comprend le symbolique comme introduction de la loi, c’est-à-dire en tant que tabou de l’inceste et interdit du meurtre l’autre ou pour lequel il recourt aussi au concept de grand Autre. Ces deux notions apportent une contribution essentielle au surgissement de la culture et on doit les considérer comme le présupposé de toute possibilité d’instituer les commandements de l’éthique et de la morale aussi bien que de la constitution de tout ordre juridique (qu’il soit écrit ou simplement oral).

Toutefois on se gardera de confondre ces dispositions avec « la Loi » au sens psychanalytique car cette dernière exige de l’individu « simplement » de mettre une borne à sa jouissance, en l’occurrence la renonciation à la jouissance sexuelle du premier autre, autrement dit de la Chose – c’est le sens de la castration[20] – mais elle ne prescrit pas concrètement sous quelles formes et selon quelles normes cette renonciation doit être mise en œuvre. Ces dernières sont prescrites par les conceptions variables de parenté dans les sociétés et/ou par les différentes lois des États. En conséquence il ne peut y avoir de désir pour Lacan sans cette loi puisque ce dernier ne surgit que par la limitation de sa jouissance imposée par la loi et de sorte que devient possible le transfert du désir sur des personnes licites ou des formations idéelles qui deviennent ainsi les nouveaux objets du désir.

De la même manière, le symbolique est étroitement lié à la langue dans la mesure où elle permet à l’individu, grâce à la convention de ses règles (convention d’origine sociale), de convertir la jouissance individuelle, le trauma et l’affect en une expression signifiante, par quoi ils peuvent se communiquer et recevoir une signification dans un sens collectif aussi bien qu’accéder au conscient.

Si on se tourne maintenant vers l’histoire culturelle du temps qu’il fait telle qu’elle se présente en Europe ce qui frappe c’est que ce dernier, dès le début a, été considéré comme une affaire des dieux et de fait a ainsi relevé de l’ordre symbolique. Il suffit simplement par exemple de penser à la culture grecque ou romaine et à leurs mythologies au centre desquelles se trouvaient Zeus ou Jupiter qui disposaient des forces de la nature comme l’éclair si bien que ce dernier allait devenir comme l’emblème de leur domination.[21] Par ailleurs on sait que Persephone (comme Korê ou Hecate) aussi bien que Proserpine étaient des déesses de la fécondité dont dépendaient l’ordre des saisons, autrement dit la floraison, la maturité et ensuite le déclin de la nature. Dans l’espace celtique et germanique on sait que Donar ou Thor ont une fonction analogue à celle de Zeus ou Jupiter en tant que dieux du temps et des orages. On trouve même des figures féminines qui suggèrent une ancienne organisation matrilinéaire dans la répartition ou hiérarchie des puissances ayant la maîtrise du temps qu’il fait. Nous avons l’exemple de la Dame Hollé (alld. Frau Holle), personnage d’un conte que les frères Grimm nous ont transmis en 1812, qu’on considérait notamment comme responsable de la neige et de la perturbation des saisons, si elle s’absentait quelque peu de la terre. On peut encore penser à La Dame de pluie (alld. Die Regentrude) de la nouvelle de Theodor Storm (1863), qu’on présente comme esseulée presque oubliée des humains, dont l’accès au royaume souterrain se fait par une fontaine et qui y attend qu’on prononce la bonne formule magique lui permettant d’être rappelée sur la terre où elle mettra un terme à la sécheresse, déchaînée par le règne du « Feu du diable », grâce à la pluie féconde.

Dans les deux cas on a vu que les puissances maîtresses du temps se trouvaient aux ordres d’un représentant du grand Autre pris au sens incontestablement lacanien, dans la mesure où elles se trouvent éthiquement impliquées dans le bien être de la terre et du coup ont de l’influence sur les destins humains en leur accordant le bonheur ou le malheur. Bien sûr des pratiques magiques n’ont pas manqué de se développer en réponse au désir d’influencer le temps qu’il fait et de se le rendre propice. Depuis l’antiquité on a connaissance d’observations météorologiques concernant les semailles et les moissons qui, à côté des tentatives de rationalisation encore empreintes de magie ou de mythes, ont contribué à constituer le temps qu’il fait en objet d’un savoir intéressant la collectivité. Avec la naissance des sciences modernes de la nature, la météorologie s’occupe depuis le 19ème siècle d’étudier les phénomènes physiques et chimiques qui se déroulent dans l’atmosphère terrestre donnant naissance à des disciplines comme la prévision du temps déjà évoquée ou comme la climatologie.

Il faut enfin maintenant prendre en compte l’étude du changement climatique: depuis le 20ème siècle l’industrialisation toujours croissante et se mondialisant a conduit à un réchauffement de la terre en raison de la pollution de l’air et du rejet de gaz à effet de serre. Aujourd’hui les pronostics de la météo nous mettent en garde de manière insistante devant le risque présenté par l’accroissement du réchauffement sur toute la terre dans un futur proche, qui conduirait non seulement à une augmentation du nombre des phénomènes météorologiques extrêmes voire dangereux, mais qui pourraient même rendre inhabitables de vastes zones de la terre.

Pour y faire obstacle depuis les années 1970 on a mis en place une justice climatique et environnementale[22] ainsi qu’un droit du climat[23] en espérant ainsi empêcher ou au moins contenir l’excès du réchauffement de la terre tout comme ses conséquences biologiques et économiques prévisibles de même que les crises sociales qu’elles risqueraient de déclencher. Pour obtenir ce résultat il est toutefois impératif, si l’on veut préserver l’équilibre climatique de la terre, prenant comme référence la situation qui prévalait avant son industrialisation, que le réchauffement à l’avenir ne soit pas supérieur à 1,5 ou au pire à 2 degrés – et c’est la décision prise en 2015 par la conférence mondiale sur le climat de Paris.[24]

Cette exigence replace le discours sur le temps qu’il fait au plan symbolique ou juridique, dans la mesure où c’est au nom du bien de tous comme aussi de la possibilité de survie des générations à venir sur la planète, qu’il exige et rend obligatoire que soit mise une borne aux intérêts économiques et à la course au profit des nations comme des entreprises.

C’est ainsi – si on voulait à la fin résumer le propos –, que le temps qu’il fait ne s’est pas contenté de passer simplement du statut d’un signifiant d’abord mythologique d’un ordre naturel plein de sens et d’une éthique qui en acceptait les limites, à celui d’un signifiant du désir individuel, tel que l’art de la fin du 18ème et du 19ème siècle en témoigne, et qui à l’époque de l’industrialisation nous parle encore avec nostalgie du désir d’arriver à faire coïncider la «nature extérieure et intérieure de l’homme »; en effet, pour notre présent, il a acquis de surcroît aussi un nouveau statut celui de signifiant d’un désir collectif qui exige, avec la revendication de nouvelles normes éthiques et de nouvelles aspirations en termes de droit, également une nouvelle politique, mieux un tournant, à prendre par la politique, qu’on pourrait probablement caractériser, pour parler avec Lacan, comme celui de la disparition, devant nous inéluctable, d’un ancien signifiant-maître[25] qui avait comme idéal la « croissance économique  illimitée » de même que la « recherche sans limite du profit par quelques uns », qu’il s’agirait de remplacer maintenant par une « économie du ralentissement »[26] en donnant un sens positif au terme de décroissance.[27]

 

Traduction française faite par Jean Loup Thebaud et l’autrice.

Notes


[1] Marc Morali : Une vie sans compromis, Conférence du 08.02.2020 dans le cadre de l’Association Lacanienne Internationale Côte d’Azur, Maison des Associations Garibaldi, Nice. Celle ci étant inédite je cite de mémoire.
[2] Lacan a recours dans sa détermination psychanalytique du désir au concept de signifiant qu’il emprunte à partir des années 1950: «image acoustique» nommée signifiant et par opposition au «concept en soi» nommée signifié. Cf. Ferdinand de Saussure (1916): Cours de linguistique générale. Édition critique préparée par Tullio de Mauro. Payot, Paris 1979, p. 97-103.
[3] Lacan a avancé son concept des trois ordres la première fois en 1955 mais il l’a constamment développé: par la suite il va en effet spécifier chacun des ordres par les deux autres, pour être précis on peut encore décomposer le Réel en un Réel réel (Rr), symbolique (Rs), et imaginaire (Ri), ce qui vaut également pour les deux autres ordres: (Sr, Ss, Si) et (Ir, Is, Ii). Cf. ma thèse d’habilitation soutenue auprès de 1’Université Alpen-Adria de Klagenfurt, Institut für Philosophie: Das resthafte Subjekt. Eine philosophisch-psychoanalytische Untersuchung über die Ursache des Begehrens, 2021, (fr.: Le sujet comme reste. Recherche philosophique et psychanalytique sur la cause du désir), Chapitre 6.4: (fr .:) « Le réel, le symbolique, l’imaginaire chez Lacan – Vue rétrospective et actualisation 1974/75 » et Chapitre 6.5: (fr.) « Noeuds et Spirales », p. 282-299.
[4] Johann Wolfgang von Goethe, 1771/5:
«Willkommen und Abschied»:                                                         «Bienvenue et adieu»:
Es schlug mein Herz, geschwind zu Pferde!                                Mon cœur battait fort, vite en selle!
Es war getan fast eh gedacht.                                                          Et, sitôt, j’étais à cheval 
Der Abend wiegte schon die Erde,                                                 Le soir déjà berçait la terre 
Und an den Bergen hing die Nacht;                                               Et la nuit pendait aux montagnes. 
Schon stand im Nebelkleid die Eiche,                                           Déjà, le chêne avait son costume de brume, 
Ein aufgetürmter Riese, da,                                                             Tour gigantesque dressée, là, 
Wo Finsternis aus dem Gesträuche                                                Dans la broussaille ténébreuse, 
Mit hundert schwarzen Augen Sah.                                               Où m’observaient cent regards noirs. 
Der Mond von einem Wolkenhügel                                               La lune au sommet d’un nuage 
Sah kläglich aus dem Duft hervor,                                                 Passait un regard langoureux, 
Die Winde schwangen leise Flügel,                                               Les vents à lents frôlement d’ailes 
Umsausten schauerlich mein Ohr;                                                 Sifflaient, lugubres, à mes oreilles. 
Die Nacht schuf tausend Ungeheuer,                                             La nuit façonnait mille monstres. 
Doch frisch und fröhlich war mein Mut:                                      Pourtant, j’étais joyeux et gai. 
In meinen Adern welches Feuer!                                                    Ô, la fournaise dans mes veines! 
In meinem Herzen welche Glut!                                                     Ô, la braise ardente en mon cœur. 
Dich sah ich, und die milde Freude                                                Je t’ai vue, et la joie si tendre 
Floß von dem süßen Blick auf mich;                                             De tes doux yeux m’a inondé; 
Ganz war mein Herz an deiner Seite                                              Tout mon cœur était près du tien, 
Und jeder Atemzug für dich.                                                           Et tous mes souffles étaient pour toi. 
Ein rosenfarbnes Frühlingswetter                                                   Une rose aurore de printemps 
Umgab das liebliche Gesicht,                                                         Nimbait le visage charmant, 
Und Zärtlichkeit für mich – ihr Götter!                                         Et la tendresse –  ô Dieu – pour moi! 
Ich hofft es, ich verdient es nicht!                                                  Je l’espérais, mais sans la mériter! 
Doch ach, schon mit der Morgensonne                                         Las, dès le soleil du matin, 
Verengt der Abschied mir das Herz:                                             Les adieux m’étreignaient le cœur: 
In deinen Küssen welche Wonne!                                                  Quelle extase dans tes baisers! 
In deinem Auge welcher Schmerz!                                                Et dans ton regard, quelle douleur! 
Ich ging, du standst und sahst zur Erden,                                      Je suis parti, tu es restée,  les yeux baissés 
Und sahst mir nach mit nassem Blick:                                          Et m’as suivi, œil humecte de larmes; 
Und doch, welch Glück, geliebt zu werden!                                                Quel bonheur, pourtant, d’être aimé! 
Und lieben, Götter, welch, ein Glück!                                           Et d’aimer, ô dieux, quel bonheur!
(Traduction: Jean-Pierre Lefebvre, dans: Anthologie bilingue de la poésie allemande. Editions Gallimard (= Bibliothèque de la Pléiade), Paris 1993, p. 360-363.)
[5] Cf. ibid.
[6] Lacan a utilisé pour l’objet a (comme objet partiel) une fois le mot allemand «Heim» (cf.: Lacan, Jacques (2021): L’Angoisse, Séminaire 1962-1963. Texte établi sous la responsabilité de Jean-Paul Beaumont. Éditions de Association Lacanienne Internationale (publication hors commerce), Paris 2021, p. 67), ce qui signifie en français « chez moi » ou « chez nous ». Par conséquent Bernard Vandermersch a proposé de comprendre l’objet a comme quelque chose, qui peut procurer au sujet un refuge dans un monde d’inhospitalité (Cf.: «Détresse et courage», Conférence prononcée dans le cadre d’une manifestation portant le même nom organisée par 1’Association Lacanienne Internationale, à Paris le 16.10.2021.)
[7] Goethe «Willkommen und Abschied», version remaniée 1789 (premiére version publiée 1775).
[8] Wolfgang von Goethe (1795): «Meeresstille»                                          «Mer calme»
Tiefe Stille herrscht im Wasser,                                                                      Une profonde quiétude règne dans l’onde,
Ohne Regung ruht das Meer,                                                                           La mer repose sans mouvement,
Und bekümmert sieht der Schiffer                                                                 Et soucieux, le batelier regarde
Glatte Fläche ringsumher.                                                                                La lisse surface alentour.
Keine Luft von keiner Seite!                                                                           Aucun souffle d’aucune part!
Todesstille fürchterlich!                                                                                   Effroyable quiétude funèbre!
In der ungeheuern Weite                                                                                  Dans l’immense lointain
Reget keine Welle sich.                                                                                    Aucune vague ne se meut.
[9] Voir p. ex. Joseph von Eichendorff 1837: «Mondnacht»                       «Nuit de Lune»
Es war, als hätt’ der Himmel                                                                           On eût dit que sans bruit le ciel
Die Erde still geküßt,                                                                                        avait embrassé la terre,
Daß sie im Blütenschimmer                                                                            pour que dans la clarté des fleurs
Von ihm nun träumen müßt’.                                                                          Elle ne rêvât plus que de lui.
Die Luft ging durch die Felder,                                                                       La brise passait sur les champs,
Die Ähren wogten sacht,                                                                                 les blés ondoyaient avec grâce,
Es rauschten leis’ die Wälder,                                                                         les forêts bruissaient doucement,
So sternklar war die Nacht.                                                                             les astres éclairaient tant la nuit.
Und meine Seele spannte                                                                                Et mon âme vaste éployait
Weit ihre Flügel aus,                                                                                        largement ses ailes,
Flog durch die stillen Lande,                                                                          volait par les campagnes calmes,
Als flöge sie nach Haus.                                                                                  Et comme revenant chez elle.
(Traduction: Jean-Pierre Lefebvre, dans: Anthologie bilingue de la poésie allemande. Editions Gallimard (= Bibliothèque de la Pléiade), Paris 1993, p. 608-609.)
[10] Joseph von Eichendorff, « Der Abend» (fr. Le soir), traduction faite par François Laquièze et l’autrice. Ce poème se trouve au centre du roman d‘Eichendorff (1826): Aus dem Leben eines Taugenichts, (fr. Scénes de la vie d’un propre-à-rien).
[11] The Rocky Horror Picture Show est la version filmée (1975) de la comédie musicale du même nom de Richard O’Brien, donné pour la première fois à Londres en 1973.
[12] Jacques Lacan (1975): Le Séminaire, livre III, Les Psychoses (1955-56), Le Seuil, Paris, p. 255.
[13] Cf. ibid., p. 258.
[14] «Il (le nouveau-né ou le pré-sujet) ne peut supporter l’extrême du bien que peut lui apporter «das Ding», à plus forte raison ne peut-il se situer à l’endroit du mauvais». Jacques Lacan (1986): Le Séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse (1959-60). Le Seuil, Paris, p. 89.
[15] Cf. Freud (1950): «Entwurf einer Psychologie», dans le volume Nachtragsband, Texte aus den Jahren 1885-1938. G. W. Fischer 1999, p. 375-486, ici: p. 426-427.
[16] Ici on se situe dans la proximité de Immanuel Kant et de son esthétique du «sublime dynamique», dans la mesure où ce dernier consiste lui aussi dans une «mise en mouvement de l’esprit» qui dans le cas de la « nature comme force» peut nous conduire de la démesure de l’effroi d’y voir une pressante invitation à faire usage de nos propres forces et qui par là même se trouve en étroite relation avec la force de l’imagination (alld. Einbildungskraft) et la capacité désirante du sujet (alld. Begehrungsvermögen). Immanuel Kant (1790), Kritik der Urteilskraft, (fr. Critique du Jugement). Werkausgabe (ed. par W. Weischedel), Volume X. Suhrkamp, Francfort/Main, partie B, § 28, p. 184-191.
[17] Jacques Lacan (1975): Le Séminaire, livre III, Les Psychoses (1955-56), Le Seuil, Paris, p. 199.
[18] «Ainsi le symbole se manifeste d’abord comme meurtre de la chose, et cette mort constitue dans le sujet l’éternisation de son désir.» Jacques Lacan (1966) : Ecrits, Seuil, Paris, p. 319.
[19] « Et la formule la plus générale que je vous donne de la sublimation est celle-ci – elle élève un objet (…) à la dignité de la Chose.» Jacques Lacan (1986): Le Séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse (1959-60). Le Seuil, Paris, p. 133.
[20] On sait que Freud a théorisé cette renonciation dans le concept de castration.
[21] Cf. par ex., concernant les divinités mentionnées: Robert von Ranke-Graves: Les Mythes grecs, Fayard, Paris 1967, ainsi que W. Vollmer (1874): Wörterbuch der Mythologie aller Völker, nouvelle version de W. Binder avec une introduction de J. Minckwitz. Édition Fourier, Wiesbaden 1985.
[22] Le concept de «justice climatique» est lié au changement climatique provoqué par les hommes depuis le 20ème siècle qui mène à un réchauffement continu de la terre, lequel a été reconnu comme posant non seulement un problème touchant la nature et l’environnement mais avant tout concernant le domaine de l’éthique et de la politique. Il s’agit en l’occurrence de prendre des mesures pour faire face à ce changement: il y a en effet des régions ou des pays qui ne contribuent que faiblement au réchauffement de la terre’ (comme p. ex. l’Afrique) et qui au contraire peuvent être à l’extrême touchés par lui. La critique doit viser essentiellement un idéal économique qui consiste dans une croissance illimitée car il apparaît comme la cause principale du changement climatique.
[23] Des recherches internationales sur le droit du climat on été formulées pour la première fois en l992 dans le cadre de l’UNFCCC; s’en sont suivis le protocole de Kyoto en 1997 et l’Accord de Paris en 2015, mais l’application de ce droit du climat en raison des intérêts divergents et des capacités différentes des Etats n’a connu jusqu’à maintenant qu’une réussite modeste. Cf.: https://www.klimarecht.ch/klimarecht/ (15.07.2023).
[24] Cf. Max Planck-Gesellschaft: Klima und Klimawandel, (fr. climat et changement climatique), disponible: https://www.mpg.de/klima (15.07.2023).
[25] Le concept de signifiant-maître sert à Lacan pour nommer la revendication d’une domination dans le champ du discours social, dans la mesure où on suppose au porteur de ce signifiant, homme ou femme, une capacité, en faisant jouer de manière positive la règle de la castration, d’agir pour le bien commun, c’est-à-dire de fixer des règles et de prendre des dispositions afin qu’elles favorisent et assurent la vie de tous. Cf. mon article (2013): «Herrensignifikant: Diskurs, symbolische Ordnung und Machtwechsel», (fr. Signifiant-maître. Discours, ordre symbolique et changement du pouvoir), dans: Ivo Gurschler, Sándor Ivady, Andrea Wald (ed.): Lacan 4 D. Zu den vier Diskursen in Lacans Seminar XVII, (fr.: Sur les quatre discours du Séminaire XVII), Turia+Kant, Vienne, Berlin, p. 165-196.
[26] Cf. p. ex. Serge Latouche (2001) : La déraison de la raison économique. Du délire d’efficacité au principe de précaution. Édition Michel Albin, Paris.
[27] La contribution a été publié en allemand: « Das Wetter: Reales und Signifikant des Begehrens», dans: Texte. Psychoanalyse. Ästhetik. Kulturkritik, Nr. 1/2022, 42eme année, édition Passagen, Vienne, p. 7-22 ; et aussi dans: Panteliadou, Sophia (ed.): Kairos. Recall of Earth. Vienne 2023, p. 142-157.