Le Sujet Supposé Savoir
29 août 2025

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Pierre MARCHAL
Textes

Mon intérêt pour cette question du Sujet Supposé Savoir tourne autour de deux moments importants de la cure : son commencement et sa conclusion. Dans les deux cas, il concerne aussi bien celui qui s’adresse à un analyste et demande une cure que l’analyste lui-même à qui cette demande est adressée

 

Le commencement est généralement marqué par une demande explicite qui porte sur le savoir supposé de l’analyste. Savoir Supposé de ce qui pourrait apporter une solution aux difficultés dans lesquelles se débat celui qui s’adresse à un analyste. C’est d’ailleurs ce qui caractérise fondamentalement le transfert dans sa première phase : l’analyste est mis dans la position d’être celui qui contient l’agalma, l’objet fondamental qui est pensé comme la clé de tous les problèmes qui encombrent le demandeur d’analyse. Et qui constitue le fantasme fondamental. L’intérêt de ce que je tente de penser comme le « commencement », c’est d’y introduire quelque chose de l’ordre de l’objet. Mais bien sûr d’un objet de la réalité : l’analyste, en tant qu’il est mis dans cette position de Sujet Supposé Savoir, c’est parce qu’il possèderait un savoir sur l’objet dont le sujet (non barré, notez-le) convoiterait la jouissance. Que la dimension de la jouissance apparaisse ici dans le repérage du sujet supposé savoir m’apparaît essentielle.

 

Le déplacement premier qui se produira par rapport à ce « commencement », c’est quand le sujet acceptera de se faire « analysant ». Il me semble que cette modification suppose que l’on prenne en compte ce que l’on pourrait appeler : l’imparité subjective du transfert. C’est-à-dire de venir inscrire ce déplacement dans une « juste topologie » que Lacan déploiera dans les deux séminaires qui suivent directement celui sur le transfert. A savoir L’identification et L’angoisse.

 

J’ai la conviction que se construit dans cette série de séminaires (Le transfert, L’Identification et L’angoisse), dans ce que Lacan nomme la « juste topologie », la mise en évidence de l’objet a. Ce qui va signer le destin du ce que l’on pourrait appeler le destin du Sujet Supposé Savoir. Il choit. L’analyste n’occupe plus la place du sujet supposé savoir, il y a là un pas, un saut, la chute du sujet supposé savoir…. C’est la conclusion, qui renvoie au moment de conclure dans le temps logique.

 

Cela a deux conséquences :

  1. Sur le sujet d’abord qui se voit marqué par une barre : S barré. Ceci est l’écriture du désêtre qui frappe le Sujet Supposé Savoir.
  2. Conséquence directe : l’objet de jouissance qui devient l’objet petit a.

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Il me faut conclure. Je le ferai en faisant retour à Freud pour repérer comment l’invention de Lacan de ce Sujet Supposé Savoir marque à la fois l’entrée dans la cure et le deuil de ce Sujet Supposé Savoir qui marque un moment de passe.

 

Je pense évidemment au texte de Freud Deuil et Mélancolie.

 

Dans cet article datant de 1915, Freud y décrit le mélancolique :

« Quand il se dépeint dans cette autocritique exacerbée comme un homme mesquin, égoïste, insincère, dépendant qui ne tend toujours qu’à cacher les faiblesses de son être, il doit avoir approché d’assez près notre savoir sur la connaissance de nous-mêmes. Et nous nous interrogeons : pourquoi doit-on tomber d’abord malade pour accéder à une telle vérité. »

 

Notre collègue Rossfelder commente ce texte de Feud d’une manière qui nous intéresse :

« Vous voyez la vérité de ce que l’on est, c’est le mélancolique qui la connaît. Ce n’est pas rien et c’est aussi une des premières indications qui nous expliquent que le 13 octobre 1972, à Louvain, Lacan puisse dire :

« Si j’ai un jour inventé ce que c’était que l’objet petit a, c’est que c’est écrit dans Trauer und Melancolie.

 

Un tout dernier mot. Dans le n°1 de Scilicet, un article de Lacan intitulé : « La méprise du Sujet supposé Savoir » où il est question de la position du psychanalyste :

« En effet, c’est à un rapport si béant qu’est suspendue la position du psychanalyste. Non pas seulement est-il requis de construire la théorie de la méprise essentielle au sujet de la théorie, ce que nous appelons le Sujet Supposé Savoir.  …  La question est ici : que suis-je pour oser une telle élaboration ? La réponse est simple : un psychanalyste. C’est une réponse suffisante.si on limite la portée à ceci que j’ai d’un psychanalyste, la pratique ».

 

Je vous remercie.