Ainsi, une équipe de L’INSERM aurait évalué les psychothérapies.
Passons sur le procédé, dénoncé par Stéphane Thibierge (Le Monde du 25/02/04), qui consiste à énumérer en préambule toutes les raisons pour lesquelles il est très difficile, voire impossible d’évaluer les psychothérapies à l’instar d’autres traitements, pour néanmoins procéder à cette évaluation et conclure à la supériorité des thérapies cognitivo-comportementales sur les thérapies dites "psychodynamiques".
Passons également sur le fait que dans ce panier de la ménagère, on trouve, assimilées à la psychanalyse, tantôt "les thérapies psychodynamiques", tantôt les thérapies verbales, ou encore les thérapies de soutien… Allons à l’essentiel : L’évaluation par l’INSERM des psychothérapies, c’est le serpent qui se mord la queue ! Cette "évaluation" repose, en effet, sur des "méta-analyses" de la littérature, activité qui consiste à faire une revue des revues de la littérature à partir des résumés trouvés dans les "abstracts", sur le sujet considéré. Une telle "évaluation" repose, nous dit-on, sur l’hypothèse "que l’ensemble des études est un échantillon de toutes les études possible sur le thème donné". Or, cette hypothèse est assurément fausse.
Pour avoir, pendant plus de 25 ans exercé une double activité de chercheur en santé publique et de praticien de la psychanalyse, je peux témoigner d’une totale disjonction entre la littérature des chercheurs et universitaires et celle des praticiens : la première concerne des revues en langue anglaise (la seule qui vaille dans un CV et une carrière de chercheur ou d’enseignant), qui publient des études appuyées sur une approche hypothético-déductive, réduisant la science au modèle expérimental et au quantifiable (en l’occurrence, ici, du seul point de vue de la disparition ou de l’amenuisement du symptôme), les secondes, en langues nationales (français et espagnol notamment) qui s’appuient sur la pratique clinique d’où elles tentent de dégager des processus qualitatifs et d’en établir, inductivement, le degré de généralité. Pour apprécier (sinon évaluer) les effets (sinon l’efficacité) de la psychanalyse, au cas par cas, il faudrait prendre en compte d’autres critères (processuels) et d’autres modalités d’administration de la preuve et aller les chercher dans d’autres revues. Or, ces critères sont méconnus ou méprisés par les Chercheurs et ces revues ne sont pas recensées dans les "abstracts" !
L’étude de l’INSERM ne fait donc que confirmer l’inféodation de la recherche en "social sciences" (autrefois sciences humaines) au modèle anglo-saxon dominant et sa congruence inévitable avec les théories cognitivo-comportementales. Quant aux chercheurs se réclamant de la psychanalyse et tentant de se faire reconnaître (et financer…) en se calquant sur les méthodes des sciences dites exactes plutôt que de développer ceux des sciences que Lacan appelait "conjecturales", leur faut-il une autre preuve qu’ils travaillent à leur propre perte et au discrédit de la psychanalyse ? Comment mesurer à la même aune, celle de la disparition du symptôme, des entreprises qui visent à le faire taire et celle qui vise à le laisser parler ? Le tout premier enfant que j’ai reçu à mon cabinet était énurétique, je l’ai "guéri" en une seule séance. Belle efficacité ! Mais je ne doute pas qu’il aura su rapidement trouver un autre symptôme pour faire valoir sa revendication.