Le par-être
23 novembre 2009

-

METZ Bénédicte



Je vais prolonger la réflexion sur le signifiant "être" dans Encore en l’abordant à partir de l’élucidation de quelques phrases, équivalentes à un ou deux paragraphes dans la transcription, dans lesquelles surgit non pas exactement un signifiant nouveau mais un agencement de lettres : par être. En deux mots comme vous l’avez lu dans la leçon V d’Encore aux pages 89-91 de la dernière édition pour ceux qui veulent s’y reporter. Cela n’est pas rare que la parole de Lacan arrive à de telles trouvailles, elles sont même une caractéristique de ce qu’on appelle son "style" et Encore en est particulièrement riche. Celle-ci m’a arrêtée à cause de la difficulté de lecture particulière qu’ont présenté pour moi les énoncés qui l’amènent et qui la développent.

Dans la leçon V d’Encore, Lacan opère par l’écriture une subversion du signifiant paraître en par-être. Je dis "subversion", pour reprendre le signifiant central de cette leçon où il affirme que la vraie révolution scientifique est la subversion opérée par Newton avec l’écriture en petites lettres de la gravitation. Et ce faisant, laissant s’écrire ainsi le par-être Lacan indique un rapport de l’être et de la lettre. Cette réécriture du signifiant "paraître" est en effet la preuve que l’écrit "révèle ce dont il s’agit dans le langage", objet de ces passages : d’un ratage de l’être. Alors quel être ? Voilà ce qu’il me fallait élucider.

Le langage comme tel, registre du signifiant, n’a pas accès par lui-même à cet être : il est irréductiblement métaphorique, limité au semblant. D’où l’importance de la lettre, de l’emploi de la lettre déjà fait en mathématiques, qui doit être, dit Lacan, l’horizon du discours analytique, et qui est "ce qui, dans la langue, la brise". C’est par elle notamment que se révèle la grammaire, qui donne aux signifiants leur valeur dans une phrase. C’est par elle que quelque chose de l’être raté, par et du fait du langage, s’aperçoit.

"La référence à l’écrit", dit Lacan, "permet d’articuler quelque chose des effets du langage dans un supposé en deçà et au-delà du langage", le signifié d’un côté, l’écrit de l’autre. Sans la référence à l’écrit ce quelque chose est inarticulable. Mais le supposé "en-deçà et au-delà du langage" est aussitôt subverti par Lacan en "à côté" (le para qui va amener le par-être). Pourquoi ?

L’usage même du langage supposant qu’il n’est pas ce qu’il dit et qu’il dit autre chose que ce qu’il dit, il y a quelque chose "en deçà" et "au-delà". Mais l’"en deçà" et l’ "au-delà" sont des références intuitives, et de l’intuitif Lacan passe au structurel, c’est-à-dire à ce qui se lit du langage dans l’écrit. C’est ainsi notamment que se révèle la nature du signifiant dans son rapport au signifié (il faut l’écrire : signe, structure du signe d’ailleurs inversée par Lacan par rapport à celle de Saussure dans l’emploi qu’il fait de ces termes). Le signifié, rappelons-le, c’est l’ensemble des effets de sens produits par une articulation signifiante. Et entre le signifiant et le signifié il y a une barre que seule l’écriture peut faire apparaître. Or, dit ici Lacan, "dans son effet de signifié, le langage n’est jamais que à côté du signifiant", pas en-deçà, donc, malgré son écriture "sous" la barre, mais décalé, décroché, sans rapport de continuité, voire opposé (para).

L’écrit est un second effet du langage. Dans une première approximation, intuitive, l’effet d’écrit est "au-delà" du langage (et c’est comme tel qu’il constitue l’ "idéal" des mathématiques). Mais "l’écrit" est surtout, je cite Lacan, "effet de quelque chose qui le constitue". C’est la thèse déjà affirmée dans le séminaire sur le semblant mais centrale dans le séminaire Encore où la question de ce qui s’écrit est primordiale : l’écrit est effet, dans le réel, des signifiants.

"A côté", donc, est substitué à "en deçà" et "au-delà" pour situer écrit et signifié par rapport au langage qui les produit parce que les références spatiales que la langue impose sont une imposition de l’être : il y a quelque chose en deçà et quelque chose au-delà des signifiants ; ce qu’il faut justement abandonner pour pouvoir faire fonctionner le discours analytique, et donc a comme agent.

Car ce discours, le discours analytique tel que Lacan l’a fait progresser, fait apparaître qu’il n’y a pas d’accès à l’être : il n’y a donc pas à chercher l’être correspondant à ce qu’on dit, et notamment l’être que l’on voudrait se supposer ou que l’on voudrait supposer à celui à qui l’on s’adresse ou à notre partenaire dans le rapport sexuel. Lacan invite à abandonner l’être, car "nous n’avons rien de lui (par le langage et du fait du langage) que le par-être" : ce qui est à côté, para (donc distinct et peut-être sans rapport). Ce "para" n’est pas l’enveloppe d’un être comme le paraître supposant au-delà de lui, le présentant et le voilant, le noumène (cf. Kant, ou mieux Schopenhauer). L’être n’est pas pour autant assimilé à un non-être : il y a de l’être mais il n’y a pas à le supposer au discours qui le fait par-être. L’écrit révèle parfaitement cette autonomie : a, par exemple, qui s’écrit, n’implique pas d’être, il peut être désignation d’une absence.

Lacan précise les modalités par lesquelles l’être par-est. "C’est, dit-il, dans les paradoxes de tout ce qui arrive à se formuler comme effet d’écrit du langage que l’être se présente, au point même où ils jaillissent", soit dans toutes les bizarreries qu’on peut écrire mais pas dire, qui sont purement grammaticales, logiques (le paradoxe de Zénon révélant l’impossibilité d’écrire le rapport d’Achille et de la tortue…) ou seulement graphiques (la conjugaison de par-être qu’autorise la seule écriture puisque la parole ravale le par-être au paraître, mais plus simplement les lapsus calami que Lacan évoque de façon récurrente). Le lieu de ces paradoxes ce sont les lettres puisque (Lacan y insiste lui-même, cela n’a rien d’évident) "c’est" bien "la lettre qui s’écrit" et elle seule (ce qui veut dire pas le signifiant lui-même).

Si l’être ne se présente que de par-être dans les lettres paradoxales de l’écrit, c’est que les lettres sont l’à-côté par excellence du signifiant : ce qui s’en détache et en tombe (cf. Lituraterre).

Des effets de signifié que génèrent ces paradoxes, on comprend mieux qu’ils soient "à côté" du signifiant : ils sont orientés, et indiqués par la lettre en particulier quand elle est "chue", détachée du signifiant.

Une fois indiquée cette liaison du par-être et de la lettre, et même proposé la conjugaison de ce par-être au sujet de laquelle je ne dirai d’ailleurs rien de plus que ceci : qu’elle invite à prendre au sérieux cette trouvaille d’écriture et d’y introduire le sujet ; une fois ceci introduit, donc, Lacan revient à l’amour qu’il s’est donné pour tâche de situer par rapport à la jouissance et donc au rapport sexuel : il constitue une autre relation de par-être. Ecrit et signifié sont dans une relation de par-être au regard du langage, l’amour "est para au regard du rapport sexuel auquel il supplée". Il est donc à côté de ce qui ferait l’être du rapport sexuel, et celui-ci par-est dans l’amour. L’amour se présente alors comme défense (para) contre ce qu’il y aurait d’être ou d’absence d’être dans le rapport sexuel. Autre façon de lire ce para.

Comme tel, comme par-être, "l’amour supplée au rapport sexuel en tant qu’inexistant", c’est-à-dire ininscriptible, puisque l’inexistence est du côté de l’écriture, son fait : c’est elle qui en témoigne par ses impossibilités ; c’est ce qu’on nous a rappelé hier : c’est le réel mathématique qui nous introduit à l’existence à proprement parler, comme distincte de l’être). Cela veut bien dire que derrière le par-être de l’amour, il n’y a pas d’existence du rapport sexuel puisqu’il ne s’écrit pas, cela n’exclut pas qu’il y en ait un être. Mais nous n’avons accès, du fait du langage qu’à du par-être et le discours (sur le sexe) n’a pas besoin de supposer cet être.

Mais qu’est-ce alors qui par-est du rapport sexuel dans l’amour ? L’amour s’écrit, et c’est cet écrit qui est dans un rapport de par-être au réel qu’il indique. Là où est ce qui ne s’écrit pas, là est ce qui fait rapport sans que cela puisse s’écrire. L’amour qui ne cesse pas de s’écrire (lettres d’amour, écrits philosophiques et théologiques) ne peut donc qu’indiquer dans son écriture ce point d’impossible : le e chu de "tu ne sauras jamais combien je t’ai aimé" ; "je te demande de refuser ce que je te donne car ce n’est pas ça", "le pas ça", "ça" qui condense un "cela" étant placé par Lacan dans l’ordre du cri, non écrit comme tel.

Bref, "entre les sexes, chez l’être parlant, il y a quelque chose (a et φ) qui de rapport ne fait pas" (leçon VII) et c’est à partir de là que peut s’énoncer ce qui y supplée. L’amour est un de ces modes de suppléance. C’est le rapport d’un sujet à a ou à φ sous leur présentation imaginaire, c’est-à-dire tels qu’ils apparaissent dans l’image d’un autre organisée par le fantasme. L’image masque ces causes du désir comme manques, mais l’amour est paradoxalement suscité par cette présentation masquée du manque dans l’image.

Cette présentation imaginaire de a et de φ est le signe d’un sujet ("ce qui est signe du sujet est ce quelque chose susceptible de susciter le désir", à la toute fin de la leçon V). Et l’amour vise ce sujet dont le signe, comme signe d’un défaut, suscite le désir. Voilà ce qui s’écrira. Mais a et φ, deux lettres certes, n’écrivent pas un rapport entre deux "un", entre deux sujets. En direction du sujet visé dans l’amour ("le sujet et rien d’autre", c’est-à-dire comme désirant) a et &phi ; font obstacle en même temps qu’ils suscitent le désir. Derrière l’habillage imaginaire de a et φ, c’est bien un trou qui surgirait (ou l’objet de l’angoisse venant à cette place qui devrait être vide, vidée par l’opération symbolique de la castration). Voilà pourquoi, comme la perruche de Picasso, c’est l’habit que l’on aime. Mais, et voilà un vrai problème pour moi, la mascarade, "la comédie jouée jusqu’à la limite extrême de l’acte de copulation" (pour reprendre les termes de la Signification du Phallus), sont aussi ce par quoi un homme fait homme et une femme femme pour l’autre sexe. Semblant homme, semblant femme. Pourtant par-être et semblant ne sont pas exactement du même registre, puisque le par-être, comme je dois l’avoir montré, est du côté de la lettre et le semblant du signifiant.

Ma question, du coup, est celle-ci : qu’est-ce qui fait l’être sexué ? Et plutôt, s’il n’est plus besoin d’y supposer un être : qu’est-ce qui sexue… la jouissance, le désir, par-delà cette mascarade ? Si l’on abandonne l’idée d’un "par-delà" comme le "para" nous y invite, il se confirme qu’il n’y a pas ni d’être femme, ni d’être homme. Ce que l’écriture logique présentée dans le tableau de la sexuation dont la nécessité est ainsi introduite rend parfaitement assumable. L’écriture permettant décidément de se passer de l’être.

Qu’est-ce qui sexue le trou qui fait le sujet désirant ? Un certain rapport à un certain objet, diversement déterminé.

Et pour revenir au par-être, il est alors ce qui permet de localiser ce qui pour un sujet surgit à la place du trou dans sa parole, en tant, justement, qu’il parle.

***

Martine Lerude : Merci Bénédicte de nous avoir éclairés sur cette leçon V. En particulier pour la manière dont l’amour vise le sujet. Cela vous nous l’avez très bien explicité. A votre question je voudrais répondre, d’une manière rapide donc cela ne va pas être juste, mais quand Lacan dit "l’être est a-sexué", c’était une des phrases sur lesquelles Hubert Ricard butait (?) hier, on peut bien sûr l’écrire : il est petit a sexué. Mais petit a sexué, quand je disais ça à Hubert hier, il me disait : mais petit a il est pas sexué. Les objets a sont tout à fait, éminemment sexualisés. C’est toute la question. Alors bien sûr, pour vous répondre d’une manière trop rapide, c’est situer l’objet, la question de la sexuation, dans le rapport à l’objet et pas dans le rapport au phallus. Or vous, là, vous avez bien mis en place cette double tension. Et ce qui est intéressant ici par rapport à ce para, c’est que, vous avez vu dans les formules du tableau de la sexuation, du côté du grand Autre, le petit a il est para, à côté, à côté du La barré de La femme. C’est-à-dire qu’il n’y a pas une flèche qui mène vers le petit a mais il est là, dans le jeu des identifications féminines, c’est vraiment l’identification qui est tout de suite là, cette identification au petit a, cette proximité du petit a. C’est la seule remarque que je voulais faire… Je laisse la parole à la salle.

Jean-Jacques Tyszler : C’est une remarque sur la fin, sur le déroulé du propos et votre toute fin. C’est-à-dire un moment, après un déroulé que j’ai trouvé très intéressant, vous finissez là tout de même sur quelque chose qui est très intriguant, c’est-à-dire quand vous dites en toute fin : et bien, pour finir je ne sais plus très bien ce que je pourrais appeler homme ou femme, après tout ce ne serait qu’une manière de se déterminer quand à l’objet et quant au phallus… Bon. Et alors vous voyez, bon, cette phrase là… qu’est-ce qui ferait la différence avec ce que Butler par exemple propose à partir d’autres lectures, en disant : homme, femme, boh… c’est une façon de dire, ce n’est qu’une question psychosociale, une façon de se ranger, au choix du moment-même au gré des transformations… il me semble, je vous dis ça pas pour votre exposé en propre, mais si on regarde de près ce que sont devenus les groupes analytiques autour du travail sur le tableau de la sexuation sans même nommer précisément ceux qui… on est surpris d’une lecture qui souvent, petit à petit s’est détachée, s’est décapitonnée et au fond nous laisse, enfin c’est une question pour moi, c’est une angoisse pour moi, au fond sans voix face à ce qui dans la culture ambiante considère que ce ne sont que des transformations réciproques au gré du vent, quoi.

Bénédicte Metz : Oui, tout à fait. C’est très important. En fait, cette fin elle m’est venue comme une réaction aux deux premières journées. Qu’il n’y ait pas d’être femme, d’être homme, ce n’est pas ça qui est intriguant. Vous, vous êtes intrigué par le fait que je serais dans une espèce de relativisme. Oui, sauf que il y a la lettre… qui est déterminante ! Marqué par la lettre, on ne va pas choisir son sexe. Voilà ce que je vous répondrais.

Charles Melman (hors micro) : Vous êtes sûre ?

Bénédicte Metz (hors micro) : non !

Jean-Jacques Tyszler : Oui, c’est vrai. En effet, à cet endroit du séminaire, Lacan signale : n’importe quel effet de discours, ça me parait important à dire tout de suite, produit de la lettre. N’importe quel effet de discours, donc n’importe quel effet de discours social produit de la lettre. Et c’est pour ça que je vous alerte sur ce problème, c’est-à-dire que nous sommes nous-mêmes, beaucoup plus qu’à l’époque du séminaire Encore, parce que le Séminaire Encore est un moment de féminisme radical et en même temps productif, je veux dire c’est l’écriture féminine, c’est la parole féminine, l’édition des femmes, etc. c’est-à-dire la position d’un discours social face à la question du signifiant féminin. Aujourd’hui on est pas du tout dans ce discours social là, on est dans un discours qui produit une lettre totalement de réciprocité entre la question homme et femme. C’est donc pour vous alerter, y compris à partir de la lettre, du fait que la lettre ne choie pas du même discours.

Bénédicte Metz : Oui. Alors moi je suis très embarrassée avec le collectif… la lettre je la singularise. Peut-être un peu trop, j’en sais rien. Je n’arrive pas du tout à… J’ai autre chose en tête là, parce que Charles Melman, quand j’ai dit "marqué par la lettre on va pas choisir son sexe", il me dit "vous êtes sûre" (rires). Que je sois sûre de rien c’est une autre affaire, mais qu’est-ce que c’est que choisir son sexe, je ne sais pas ! (rires)

Martine Lerude : Mais Jean-Jacques tout de même, quand il est question de sexuation il s’agit d’un processus de subjectivation qui effectivement s’effectue par la série des identifications tout au long de la vie d’un sujet, et tout au long de la vie d’une femme, hein ! je veux dire, on n’est pas identifié une fois pour toutes dans son existence. Et ce processus de subjectivation du sexe il vient là après le temps de mise en place du sexuel. Il y a la position sexuelle et puis il y a le processus de subjectivation. Et c’est à ce point là que se situe le discours de Bénédicte à partir du texte de Lacan, c’est dans la question de la sexuation. Et pas dans la question de la position sexuelle. Enfin je dis ça comme ça.

Charles Melman : Hm… Nous posons, comme vous le faites, inévitablement la question toujours "qu’est-ce qui fait que ?". Autrement dit, en posant toujours la question "qu’est-ce qui fait que ?", c’est toujours notre logique qui consiste à chercher soit la cause soit l’auteur. Hm ? Bon. Je pense que ce à quoi nous sommes déjà formés c’est de fonctionner sur le mode trinitaire, autrement dit à traiter la question sous les trois registres : du réel, de l’imaginaire et symbolique. Alors, si vous la traitez d’abord du côté du réel, vous voyez très bien que la sexuation, ce qui sexue, c’est la place que vous êtes amené, volens nolens, à occuper. Vous êtes soit d’un côté de ce que le discours organise, du côté du semblant, soit vous êtes du côté Autre, du côté de la jouissance. Il y a donc d’emblée cette question de place à partir du registre réel. Il y a bien entendu ce qui appartient au registre du symbolique, c’est-à-dire ce qui relève de la nomination. La nomination signifiant là en quelque sorte, justement, non pas le type de manque qui serait spécifique puisque la castration est une, mais spécifiant justement la place, le type de défaut que vous allez être amené à éprouver que ce soit d’un côté ou que ce soit de l’autre. Le type de défaut n’est pas le même puisque l’objet lui n’est pas le même. Et puis il y a ce que vous avez très bien introduit avec la notion de la mascarade, c’est-à-dire le registre de l’imaginaire. Donc, je dirai, plutôt que de chercher le responsable, quel est le responsif de l’affaire, il y a la manière dont cette mécanique du langage règle pour nous la question avec évidemment cette hésitation qui est, du fait que de la division propre à chacun, il y a une ambisexualité puisque, s’il y a pour celui qui se trouve du côté homme une division subjective, sa subjectivité forcément elle est de l’autre côté et il ya forcément chez une femme un autre type de division qui est que si il y a chez une femme en tant que semblant d’objet a, ce dit objet a est causé si j’ose dire par le signifiant un, eh bien ce signifiant un ne relève pas moins si je puis dire d’une certaine manière de son domaine même s’il est de l’autre côté, du côté… Alors il est clair que cette ambisexualité propre à la créature parlante vient d’une certaine manière, peut-être, brouiller un peu l’abord de la question. L’abord de la question qui, je dirais, aujourd’hui est traité, c’est ce que Jean-Jacques amenait au décours de votre propos, la manière moderne de traiter la question c’est de dire que finalement ces places ce sont des fonctions. On rejoint ce que disait Lacan quand il distinguait le fait d’être nommé et le fait d’être nommé à. Autrement dit si être d’un côté ou de l’autre c’est être simplement une fonction un emploi, hm ? un poste, voire une carrière, ben y a aucune raison pour que cet emploi, on est aujourd’hui pour la parité, ne puisse être occupé par l’un ou par l’une. Alors on opposera là le problème de la nomination. Mais comme on sait justement aujourd’hui la nomination, le pouvoir de la nomination est en crise. Il manque aujourd’hui de référent pour faire valoir son autorité. Donc c’est à ça que l’on joue actuellement, ce qui après tout est un jeu comme un autre, puisque cet égalitarisme ou cette parité ainsi institués ne changent rien au fond de l’affaire. Ça permet de voyager, on aime les voyages et le tourisme c’est à la mode. On passe la frontière, on va voir comment ça se passe de l’autre côté.

Martine Lerude : Ce qui est poussé à l’extrême c’est pas d’aimer les voyages, c’est de pouvoir choisir puisque la revendication c’est de faire du choix du sexe un choix citoyen ! Donc du même coup on voyagerait plus, il se fixerait…

Charles Melman : Bien sûr, il se fixerait

Martine Lerude : … selon son choix

Charles Melman : On se fixerait ou on s’fixerait pas. On peut se fixer ou ne pas se fixer, et continuer de voyager. Il y a des gens qui adorent passer leur temps à voyager. Mais oui ! pourquoi se fixer, c’est embêtant de se fixer, c’est monotone. Hein ? Ça vous va ?

Bénédicte Metz : Oui, merci ! (rires)