Le corps à la trace (2)
07 juillet 2004

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CHASSAING Jean-Louis
Textes
Psychosomatique

 

Séminaire du 26 Mars 1958 dans « Les formations de l’inconscient »

À propos de la castration, également de l’angoisse de castration, Lacan précise ici que cette castration porte sur le phallus.

Ceci précise-t-il amène quelques différences entre l’homme et la femme.

La castration déjà porte sur un signifiant, mais « c’est quelque chose qui a un certain rapport avec les organes mais un certain rapport dont le caractère justement signifiant déjà, dès l’origine, ne fait pas de doute et c’est ce caractère signifiant qui domine« .

Ainsi nous pouvons donner les trois points de repère suivants pour ce qui concerne le phallus : le signifiant ; le corps ; le sexuel. L’opération symbolique de la castration concerne donc les trois points.

En effet la castration est une opération qui porte sur le signifiant, qui (s’) installe dans le registre du signifiant (registre symbolique), c’est-à-dire que dans ce champs là « le signifiant domine par rapport à l’organe ».

C’est le premier point.

Le second point est qu’il s’agit là d’un signifiant qui se situe dans le registre, complexe, du sexuel.

Ceci demande à définir ce qu’est le sexuel pour Freud.

Le sexuel freudien est composé pourrait-on dire de la libido et des pulsions partielles ; déjà il y aurait tout un chapitre afin d’accorder quelque chose de cohérent là-dessus.

« Le complexe de castration est le rapport d’un désir d’une part, avec, d’autre part, ce que j’appellerai dans cette occasion une marque« . Pour Lacan en effet il s’agit là de deux pôles fondamentaux, minimum pour un point de départ que l’on puisse accepter, minimum afin que l’entente théorique à minima existe.

Que le phallus soit, pour être phallus …. (pourrait-on dire pour être libido ? C’est le rapprochement qu’effectue Charles Melman. Lacan parle bien de la libido comme d’un organe-instrument, ceci dans le séminaire « Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse », dans le chapitre qui concerne la pulsion)… marqué de quelque chose est une des nécessités absolues dit Lacan comme témoignage de ce qu’il a subi la castration.

Le phallus doit être marqué de quelque chose qui témoigne de la castration.

Voilà donc un autre point de départ, celui-ci théorique : de quoi s’agit-il ? Si le phallus, qui réunit signifiant, corps et sexuel, a cette particularité en tant que signifiant c’est qu’il est marqué d’un passage par la castration, c’est aussi qu’il est quelque chose qui a à voir avec le désir ; d’où le lien entre la marque et le désir.

Ainsi Lacan déjà en 1958 amène une insistance, une importance qualitative sur la marque.

Il évoquera là, les signes de l’anthropologie, les rituels, la circoncision (il serait intéressant de préciser le statut de la circoncision chez Lacan puisqu’il en parle à différentes reprises et n’en fait pas uniquement ou essentiellement un signe de la castration), également les rites de puberté, les tatouages…

« Cela imprime le sujet… la marque et l’impression… d’un accès à un certain étage du désir ».

Il s’agit donc d’un changement qualitatif. C’est donc ici que Lacan évoque également le troupeau, la marque d’appartenance, le signe d’appartenance, le signe de reconnaissance, il aura même cette interrogation, cette critique par rapport à l’essentialité de cette interprétation : en quoi le peuple élu a-t-il la marque de reconnaissance d’un Dieu ? S’agit-il seulement de la question « du troupeau » ?

Non, pour Lacan, en ce qui concerne le parlêtre, la question de la marque comme signe d’appartenance, signe de reconnaissance ne suffit pas ! C’est insuffisant ! La marque est la rencontre, la confrontation, d’un signifiant et du désir

Et, il faut le lire à chaque ligne, Lacan ne se précipite pas : il ne faut pas aller trop vite dit-il, « je n’ai pas dit, cela ne veut pas dire que c’est cette marque qui modifie le désir« …

« Il y a peut-être dans ce désir une béance qui permet à cette marque de prendre son incidence spéciale… ».

Cette nuance est de taille puisque d’emblée ça n’est pas la marque qui suscite ou qui modifie le désir, mais elle s’immisce…

Qu’est-ce que la fonction du signifiant ?

A ce moment du séminaire Lacan fait référence à « Totem et Tabou« , dans lequel dit Lacan « Freud y conjugue le désir et le signifiant… » ; il n’y a nulle autre interprétation de « totem et tabou » que celle-ci…

Lacan fait référence ici à la clinique, notamment à la phobie. Le signifiant d’une phobie, le signifiant à tout faire, il y a 36000 significations pour le sujet en ce qui concerne ce signifiant, c’est le signifiant qui manque pour que les significations puissent tenir justement… Tentative, essai…

C’est la même chose pour le totem dit-il, signifiant à tout faire, signifiant clé, grâce auquel tout s’ordonne et principalement le sujet… Dans ce signifiant le sujet trouve ce qu’il est !…

Qu’en est-il ? C’est au nom de ces totems que, pour lui, sujet, s’ordonne aussi ce qui est interdit.

Qu’est-ce ? Qu’est le meurtre du père ? Meurtre du père célébré par le totem, totem comme signifiant particulier, totem comme marque et/ou comme signifiant qui manque, célébré ainsi par le totem et le repas le meurtre du père n’est-il pas identique à l’instauration de la loi primitive, et notamment l’interdit de l’inceste…

Ici commence un problème, intéressant, dans ce glissement de la marque, laquelle se glisse elle-même dans la béance du désir, au signifiant du manque, par exemple totem, ou signifiant phobique, pouvons-nous dire : non-encore phallus ?…

Lacan va jusqu’au bout. Il évoque maintenant le lien étroit entre la mort et l’apparition du signifiant (le meurtre de la Chose). Il évoque ici cette difficulté à considérer ce qu’il en est de la mémoire : il s’agit ici, précisément, d’oublier cette mort (Lacan fait référence au père, à Moïse) ; il s’agit d’oublier cet avènement du signifiant dans le registre symbolique, ainsi lié à la mort (laquelle n’est pas réelle dans ce cas précis). S’agit-il de la question de la mort dans le registre symbolique ? Probablement.

Donc il y a castration, opération symbolique.

Il y a « un rapport organique du désir avec le signifiant… du désir à la marque, à l’insigne, au signifiant« …

Lacan aura une autre manière de prendre la question du fonctionnement et de la fonction du signifiant. Il parle maintenant du mot d’esprit, lequel dit-il a un rapport non du désir avec le signifiant mais du désir « avec la parole, c’est-à-dire avec la Demande ». Il trace alors au tableau trois formules distinctes :

s : signifié ; s(A) : ce qui dans l’Autre est signifié, « ce qui dans l’Autre, pour moi sujet, prend valeur de signifié à l’aide du signifiant… (… c’est-à-dire les insignes…)« .

L’identification est ce qui entraîne la constitution dans le sujet de l’Idéal du moi : ceci ne s’établit que par l’Autre.

Dans la deuxième des deux formules ci-dessus nous pouvons mentionner que de la demande à l’identification, en passant par la position de l’Autre par rapport au désir, nous sommes en relation avec ce qui dans l’Autre est signifié, et à l’Idéal du moi.

Dans la leçon du 23 Avril 1958, Lacan pose « ce que c’est qu’un signifiant » ? S’agit-il d’émergence ? :

« S’agit-il d’une trace ? Non : une trace c’est une empreinte, ce n’est pas un signifiant, on sent bien qu’il peut y avoir un rapport, et qu’à la vérité ce qu’on appelle le matériel du signifiant participe toujours quelque peu au caractère évanescent de la trace. Cela semble être une des conditions d’existence de ce matériel signifiant. Ce n’est pourtant pas là un signifiant, même le pied de Vendredi (pour Robinson)… n’est pas un signifiant… Mais par contre à supposer que lui, Robinson, pour une raison quelconque, efface cette trace, là nous introduisons nettement la dimension du signifiant. »

Donc : dans le signifiant il y a la trace, nous pouvons dire le passé, le quelque chose de passé, une présence passée, c’est le « signifiant en tant que creuset« .

« Inversement« , dans « Le signifiant pleinement développé » – la parole – « il y a toujours un passage… quelque chose qui est au-delà de chacun des éléments qui sont articulés, qui sont toujours fugaces, évanouissants … ». Ce qui compte, « ce qui fait loi« , c’est le passage de l’un à l’autre, c’est-à-dire cette nécessité d’une chaîne signifiante, pas encore articulation précise Lacan, « Mais je n’ai pas dit qu’il s’agissait là encore d’articulation » ; simplement le signifiant ne peut que faire chaîne.

Ainsi nous pouvons dire que le passé, est la tracecette « émergence« , mais

Le signifiant lui, n’est pas émergence, il est « évanescence » ; il s’agit d’un passage habituel, actualisé ; il y a un au-delà, c’est ce qui en fait une loi.

Alors ? Alors survient un autre élément : si ce signifiant s’inscrit parmi d’autres signifiants, s’il y a un texte donc, la chose même n’est pas sûre, il reste quelque chose, il reste la place où on l’a effacée ; « cette place soutient la transmission, essentielle et grâce à quoi ce qui se succède dans le passage prend consistance de loi« . On ne peut plus le retrouver ce signifiant, c’est là même une de ses propriétés essentielles : le signifiant peut s’annuler lui-même.

On se dit bien là à juste titre en quoi la barre, la barre sur le S, est un mode du signifiant !

Donc ici nous avons : la marque, la trace, l’insigne, le signifiant ; et la barre, le signe…