Langage et discours du maître
03 octobre 2023

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CATHELINEAU Pierre-Christophe
Préparation au séminaire d'été
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Préparation au Séminaire d’été 2024
Étude du séminaire XVII de Jacques Lacan, L’envers de la psychanalyse (1969-1970)
Mardi 3 octobre 2023
Président-Discutant : Bernard Vandermersch
Introduction sous forme de table ronde
Langage et discours du maître
Pierre-Christophe Cathelineau

Je vais commencer par citer Lacan dans l’édition du Seuil qui est la référence de nos collègues.

« Il faut que je reçoive ce qu’il en est de la désignation de l’appareil algébrique présent, comme donnant la structure du discours du maître. S1, c ‘est le signifiant. La fonction du signifiant sur quoi s’appuient l’essence du maître. D’un autre côté, le champ propre de l’esclave, c ‘est le savoir (S2).

A lire le témoignage que nous avons de la vie antique, en tout cas du discours qui se tenait sur cette vie, disait là-dessus la politique d’Aristote, ce que j ‘avance de l ‘esclaves comme caractérisé par celui qui est le support du savoir ne fait aucun doute.

Dans l ‘ère antique, il n ‘est pas simplement comme notre moderne esclave une classe, il est une fonction inscrite dans la famille. L’esclave dont parle Aristote est tout autant dans la famille que dans l’État, et plus encore dans l ‘une que dans l ‘autre, il l ‘est parce qu’il est celui qui a un savoir-faire. »

Alors je voudrais reprendre un peu des remarques qui ont été faites précédemment, à savoir sur le discours. Le discours, et c’est la première fois que Lacan opère de cette façon, c ‘est un fait de langage.

Un fait de langage dans le champ politique, c’est-à-dire qu’il y a une innovation majeure par rapport à la théorie politique et aux sciences politiques de l’époque, c’est de dire que le politique découle du langage.

Et ça c’est un point très important puisqu’il se détache à ce moment-là radicalement de la tradition philosophique dont il provient malgré tout en faisant référence à Aristote. Car Aristote soutient qu’il y a des maîtres et des esclaves, mais il les situe dans le champ d’un politique articulé à des substances, et donc à un être, à un être du maître, à un être de l’esclave.

On est tout à fait ailleurs avec la problématique de Lacan, puisque ce qui concerne le discours, c’est le signifiant. Il le dit dans la citation que j’ai proposé « Le signifiant, la fonction du signifiant sur quoi s’appuient l’essence du maître ». Donc on a à faire du signifiant. Et de l’autre côté, c’est le savoir S2, le signifiant n°2 dans la suite des signifiants.

Dans la problématique aristotélicienne, l’esclave est la propriété du maître et la fonction de l’esclave. Il est un instrument en vue d’assurer le maintien de la vie du maître. Un instrument qui est censé obéir à l’injonction de son maître.

L’injonction est pour Lacan, la manière dont le sujet est introduit dans le champ de la parole et du langage. C’est l’envers de la psychanalyse. Et cet envers, c’est le S1. C ‘est par le S1 que le sujet est introduit dans le champ de la parole et du langage. Car un sujet est représenté par un signifiant pour un autre signifiant, et c’est sur la base de cette matrice que Lacan constitue son discours. Ça a été dit par Jean Paul Beaumont. Et donc la parole est d’abord injonction venue de l’Autre, avec un grand A, que cet Autre est incarné par la figure du maître.

Cette injonction, le maître en reprend l’efficace au départ insensé pour exercer son commandement. Réponds à cette injonction un savoir. En effet, le sujet ne supporte cette injonction qu’en essayant de lui donner un sens qui répondent par un savoir. Cette injonction est toujours doublée d ‘un savoir qui permet au sujet de s’en représenter la fonction. Et répond à cette injonction par un savoir ne serait-ce qu’en la constatant. Le même, dans le champ social, le savoir de l’esclave répond-t il à la jonction du maître. Mais il y a aussi cette fonction de représentation du sujet. Le sujet n’est pas au-devant de la scène du semblant. Il est représenté. Et le maître se fait représenter par l’injonction qu’il profère.

Et donc on a un S1 en position d’agent et, sous la barre, un S̸ en position de vérité. Et du côté de l’autre, il y a le savoir qui est celui de l’esclave. On peut établir une analogie de méthode entre Aristote et Lacan.

Lacan établit une équivalence entre la mise en place de la parole pour un sujet, injonction savoir, et la structure politique qu’elle entraîne, la relation maître-esclave. Et ça, c’est nouveau dans le champ de la théorie positive. Aucun autre théoricien politique avant Lacan ne l’avait posé de cette façon aussi nette. Il s’agit d ‘un approfondissement structural de la politique qui, elle, parlait des substances et des essences, alors que Lacan, dans L ‘envers de la psychanalyse, parle de signifiant.

Et enfin, ce que je dirais, c’est que la méthode aboutit au fait que le discours du maître opère pour aboutir à une production, une production d ‘objets. Et cet objet a et ça, c ‘est aussi une innovation du discours de Lacan, cet objet a c ‘est un objet dans le champ des objets de la réalité.

C ‘est-à-dire que, curieusement, l’objet a qui nommait des objets pulsionnels comme le sein, les fèces, le regard, la voix, le souffle, la lettre, dans la théorie lacanienne de la pulsion, cet objet a est transformé par la théorie des discours en objets dans le champ de la réalité.

Et donc, c’est l’équivoque de cet objet, qu’il s’agit de relever dans les discours, c’est-à-dire que nous avons à la fois des objets, comme lathouses, comme objets de production, et objet a, comme objet de pulsion pour le sujet pris dans le signifiant.