La question du sujet psychotique
27 juillet 2011

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SCIARA Louis
Textes
Psychoses-Névroses-Perversions



Par la profusion des manifestations dans le Réel qui les traversent, les psychotiques ont cette spécificité de révéler aux névrosés médusés que c’est bien la clinique de l’objet qui guide la structure. Aussi, il n’est pas si aisé d’aborder la question du transfert dans les psychoses par la notion de « sujet ». Qu’elle suscite des précisions, des remarques, qu’elle comporte certaines énigmes, ne la rend pas moins essentielle sur le plan éthique pour le praticien, en particulier dans sa manière de s’impliquer ou plutôt de se trouver impliqué dans un dispositif transférentiel singulier à chaque patient psychotique. 

 

Qui parle ? Qui parle à qui ? Y-a-t-il seulement une adresse dans ce qui est énoncé ?

 

Ces questions si récurrentes dans la clinique comme dans la vie quotidienne deviennent caricaturales dans le transfert lorsque le praticien prête l’oreille à certains patients psychotiques, tout particulièrement ceux  soumis à un automatisme mental franc et massif. Dans de tels cas, le clinicien se demande fondamentalement à quel sujet il a affaire. Cependant, nombre de patients psychotiques manient un langage qui n’est pas aussi mécanique, ni redondant, ils interpellent d’autant le clinicien dans ce questionnement. Pour répondre à ces interrogations, le préalable est de distinguer, de nuancer, les notions de sujet, subjectivité, subjectivation, position subjective, afin de mieux prendre la mesure de l’hétérogénéité des structures cliniques (celles qui sont passées par les fourches caudines de la castration, celles qui en sont forcloses) et de leur déterminisme dans l’instauration, le déroulement, les limites du processus transférentiel. 

 

D’une manière générale et sans doute quelque peu schématique, il ne me semble guère possible de parler de subjectivité pour les parlêtres psychotiques. J’emploierai plus volontiers le terme de subjectivation, dans le sens où il y a des signifiants purs, des représentants, qui résonnent, s’agencent, se tissent éventuellement les uns aux autres, donnant lieu parfois à des constructions diverses :  des ébauches délirantes voire dans les psychoses paranoïaques des délires articulés autour de ce qu’il est convenu d’appeler une métaphore délirante, aboutissant parfois à l’extrême à une cristallisation qui leur confère une stabilité, une forme de « guérison » pour reprendre le mot de Freud.

 

J’entends par subjectivité  les effets langagiers qui résultent de la division subjective pour le sujet névrosé. A savoir ce qui traduit  un double registre :

– celui de l’incidence de la castration qui l’institue comme sujet divisé dans le sens où il est porté par la chaîne signifiante, qu’il relève d’une évanescence signifiante qui le soumet à être représenté par un signifiant pour un autre signifiant, de façon quasi-automatique, c’est à dire sans qu’il soit vecteur de sa propre jactance. En ce sens, il est parlé plus qu’il ne parle…ce qui renvoie aussi au rapport à la parole et au langage du psychotique.

– celui de la responsabilité du sujet de circonscrire à tels signifiants primordiaux et pas à tels autres son erre signifiante propre, se faisant ainsi en quelque sorte partie prenante des conséquences de la découpe, de la perte de jouissance qui concerne son corps, autrement dit de l’objet qui le singularise comme sujet, le guide dans son fantasme et cause son désir.

 

La subjectivité concerne in fine l’erre signifiante propre à un sujet, sa manière de parler et de s’inscrire dans un discours, la scansion pulsionnelle de son énonciation, les modalités d’implication de son corps, le maniement du « je », la prestance moïque, l’ensemble s’inscrivant dans le rapport à l’Autre. J’avancerai d’une part que la subjectivité est étroitement liée pour le névrosé à son symptôme, sa marque individuelle par excellence, et d’autre part que c’est le nouage subjectivité/ symptôme qui façonne sa position subjective comme effet de la coupure qui l’inscrit comme sujet de l’énonciation.

 

 De ce second registre, il se déduit que le parlêtre psychotique n’est pas un sujet divisé puisque  hors découpe, hors perte de jouissance. Ainsi, il ne peut lui être attribué la même responsabilité de sujet. Et même s’il n’est pas si sûr qu’il soit représenté par un signifiant pour un autre signifiant (à condition d’interroger le statut du signifiant dans le champ psychotique), en aucune façon son rapport à l’Autre n’est marqué par la castration (l’Autre étant lui-même non castré dans la psychose) ce qui entraîne toutes sortes de conséquences : pas de perte qui engendre une logique symbolique du désir sous-tendue par un fantasme primordial qui oriente la vie inconsciente, une hypocondrie du corps qui n’obéit pas aux déterminations phalliques de la fonction de la  représentation, une déspécification pulsionnelle ou au moins un appariement problématique des divers registres pulsionnels, un rapport au langage qui témoigne d’une forclusion de l’Autre, ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas un lieu de l’Autre pour l’immense majorité des parlêtres psychotiques puisque très peu n’ont pas accès au langage…. 

 

De quoi s’agit-il alors dans la « parure » langagière d’un patient psychotique livré à une automaticité ? En premier lieu, il faut constater qu’il a accès au signifiant, quand bien même le signifiant  tend à ne se réduire qu’à un signe. La subjectivation qu’il exprime n’en est pas moins limitée. Elle relève d’une sorte d’habillage langagier stéréotypé qui colle souvent à la grammaticalité de la langue, sans qu’il y ait forcément des néologismes ou des distorsions syntaxiques. Cela ne peut manquer de questionner le clinicien sur ce qui est possible de lui supposer comme capacités à user d’une parole qui le tienne, alors qu’il ne peut s’appuyer sur un discours. Que le clinicien en soit averti, qu’il y décèle de la subjectivation et non une subjectivité, n’en doit pas moins  l’amener à tenir une position éthique : celle de faire l’hypothèse qu’il y a du sujet chez chaque patient, psychotique ou non, qu’il soit sous l’effet d’un automatisme mental majeur ou minimal (c’est- à- dire qu’il soit plus ou moins parlé plutôt qu’il ne parle). Sans compter que dans un registre psychotique plus charpenté, l’hypothèse se trouve renforcée, car comment ne pas interroger le statut de ce « sujet » qui parle, qui manie fort bien le verbe, sans trouble langagier ?

 

Que le sujet n’ait pas le même statut dans les psychoses, qu’il ne soit pas divisé, qu’il ne soit pas sujet de l’énonciation, ne permet pas de déroger à cette éthique. Marcel Czermak emploie souvent l’expression  « trognon de sujet » pour des parlêtres psychotiques, justement pour faire valoir – me semble-t-il –  qu’il suppose qu’il y a du sujet psychotique tout en rappelant que dans certains tableaux cliniques la pente est à la mort du sujet, justement à l’engloutissement de ce « trognon » qui jusqu’alors le protégeait de la mort subjective. Ce sont à mon sens tout particulièrement ces patients présentant les formes les plus déficitaires de la psychose, disons dans le registre des schizophrénies, voire des paraphrénies, qui nous invitent à poser la question du sujet dans les psychoses comme une nécessité éthique. Cette dernière repose sur la disposition du praticien à s’inclure ou plutôt à se trouver inclus dans le transfert, y étant assigné à une place énigmatique, le plus souvent à son insu, tout en étant en devoir d’essayer de la repérer.

 

Une fois posée cette question du « sujet » psychotique dans sa complexité et son fondement éthique, il est important de revenir sur le cadre transférentiel dans lequel la parole d’un « sujet » psychotique s’inscrit. Les modalités transférentielles sont hétérogènes à celles des névroses : ni disparité des places, ni sujet supposé savoir, ni Autre barré. Il est aussi capital de rappeler l’importance et l’impact de l’automaticité langagière dans toute psychose, tout en soulignant qu’elle n’est pas justement de l’ordre de la répétition. De Clérambault en a fait mention et cela reste une indication structurale majeure sur le plan du transfert, quand bien même elle paraît moins flagrante dans les psychoses interprétatives.  L’occurrence la plus favorable, le plus fréquemment dans les cas de paranoïas, est celle d’une oscillation instable imaginaire où le patient et le clinicien se retrouvent en symétrie, en places de petits autres. Cela n’exclut pas des moments plus délicats où l’un ou l’autre vient occuper une place Autre : dispositions potentiellement plus propices à des phases délétères, fécondes. Lors de ces phases, le clinicien doit faire preuve de vigilance  par rapport à un éventuel passage à l’acte de son patient à son endroit, mais aussi vis-à-vis de son patient susceptible d’une grave décompensation. Ce sont ces périodes délicates du transfert qui assignent le praticien  à une place d’Autre réel qui fait Un, qui sait, qui persécute, qui tire les ficelles, ou qui aime réellement.

 

Comment entendre et analyser la subjectivation  qui se fait jour dans le transfert ? Elle comporte à mon sens deux volets principaux, d’importances inégales suivant les cas, éminemment intriqués et qui se renforcent l’un l’autre :

– celui de l’activité délirante lorsqu’elle est en place (délire cristallisé, délire inscrit d’emblée à partir d’un « postulat fondamental », délire qui se construit au prix de perpétuels remaniements ou encore par bribes d’idées délirantes qui ne prennent pas vraiment consistance laissant le parlêtre dans un certain flottement, une absence d’arrimage qui le met à mal …) plus ou moins infiltrée de toutes sortes de phénomènes élémentaires qui la façonnent et l’enrichissent.

– celui de l’automaticité langagière qui s’appuie sur une grammaticalité de la langue. J’entends par là un certain respect de l’organisation, de la syntaxe, de la « musique » de la langue qui, curieusement, mystérieusement fait son office. Elle semble relever d’une logique sui generis propre à chaque langue.

 

Cette automaticité langagière s’appuie sur un réseau signifiant qui n’est  pas forcément accolé à l’erre de la métaphore délirante en question. Cela peut permettre d’éclairer en retour ces cas de « délire partiel », bien connus des aliénistes d’autrefois,  qui maintiennent de grandes capacités de maniement des signifiants à condition qu’ils ne soient pas rattachés au noyau focalisé de leur délire, mettant aussi en évidence que la variété des tableaux cliniques de psychoses est corrélée à l’étendue plus ou moins grande des effets de la forclusion du Nom-du-Père.

 

Je souhaite mettre l’accent dans cette logique implacable du transfert psychotique sur le second volet, celui de la sujétion propre à l’automaticité. Comment infiltre-t-elle, influe-t-elle les liens transférentiels ? Ne  participe-t-elle pas d’une subjectivation singulière au « sujet » concerné, par le biais d’un dévidage de purs signifiants, lesquels sont susceptibles d’imposer un ensemble de significations : certaines propres à alimenter le tissage délirant du « sujet », si ce tissage existe, d’autres à contribuer à maintenir ledit sujet dans un discours courant qui fait illusion et leur octroie une place possible dans le lien à l’autre et même dans le lien social.

 

La question est alors de savoir en quoi le praticien dans le transfert serait partie prenante de cette subjectivation et en quoi il pourrait s’y prêter pour protéger le cadre de l’espace du transfert ? S’il paraît opportun que le praticien doive se garder de distiller des interprétations intempestives, sources inévitables de catastrophes subjectives,  ne doit-il pas surtout contribuer à laisser au  « sujet » psychotique la possibilité de déployer et de se saisir de ce qui le « jacte » à son insu, pariant ainsi sur les aptitudes potentielles du patient à s’en débrouiller ? Il arrive aussi que le praticien vienne à indiquer dans son propos des limites qui visent à ce que le patient ne s’égare, afin qu’il ne pâtisse des effets trop dévastateurs de ce qu’il restitue dans sa subjectivation. La subjectivation, même réduite à ce qui se déploie d’une automaticité langagière, justifie  sur le plan transférentiel une hypothèse, pour ainsi dire un pari. Elle suppose qu’il y ait du « sujet » qui ait pu advenir ou qui pourrait advenir dans des cas de psychose où il n’y a pas trace évidente de « trognon » de sujet. C’est aussi une dynamique qui rend compte d’un « travail » qui peut être spontané et pas ..seulement transférentiel, d’un tissage de signifiants d’une construction en cours, non aboutie, toujours en mouvement, à l’instar d’une « tentative de guérison » qui n’a pas visée de constitution d’une trame délirante.

 

 La « subjectivation »  traduirait quoiqu’il en soit une mise en circulation de purs signifiants mais qui ne sont pas réduits à des signes (ce qui désigne quelque chose pour quelqu’un ; à entendre alors comme un message réel qui octroie une « signification personnelle », à l’instar d’un phénomène élémentaire qui ne donne pas place au moindre écart de lecture, à la moindre dialectique). Dans son volet d’automaticité, ces derniers ne seraient pas corrélés, assujettis directement aux signifiants primordiaux  qui toucheraient à la question paternelle.

 

Se pose aussi la question du lieu de la parole. Ce n’est pas celui que le sujet névrosé vient habiter dans l’Autre du fait de la castration qui fixe les conditions de son émergence, y compris moyennant le loyer du symptôme qu’il aurait à payer en retour – comme le métaphorise Charles Melman. C’est un lieu énigmatique du fait de la forclusion de l’Autre, d’un Autre non barré, mais sans pour autant que l’Autre comme lieu ne soit absent puisque les psychotiques ont le plus souvent accès au langage.  C’est une énigme que ce lieu de l’énoncé plus que de l’énonciation, du signe plus que du signifiant, mais aussi celui des significations toutes personnelles.

 

Préciser plus avant ces interrogations à propos de la subjectivation et du lieu n’est pas simple. Cela l’est d’autant moins que la clinique des psychoses est polymorphe. La question du sujet psychotique ne se pose pas de la même façon suivant le type de psychoses ne serait-ce que par rapport aux divers avatars liés à la phase du miroir et donc à l’imaginaire spéculaire, même tronqué, qui en résulte : paranoïas, schizophrénies, délires d’imagination ou psychoses maniaco-dépressives. Il est possible de s’essayer à  dégager des spécificités dans le transfert suivant une typologie. Il est pourtant  facile de constater à l’épreuve de la clinique que même si le paranoïaque par sa consistance moïque, son activité délirante, semble plus enclin à se prêter au transfert et à déployer une certaine élaboration, ce n’est pas toujours ainsi. Quelques exemples cliniques peuvent clarifier mon propos.

 

 Ainsi, en considérant que les psychoses passionnelles fassent partie du champ des paranoïas, de quel « sujet » s’agirait-il chez le passionnel ? Le « postulat fondamental » qui le guide fait-il seulement place à une quelconque subjectivation dans un contexte où l’automaticité langagière n’est pas prépondérante et en tenant compte du fait que le « travail » du délire semble quasi-inexistant, tellement il est figé dans une cristallisation délirante qui se fonde sur le « postulat fondamental » ? Pourtant, il est des cas sous transfert qui peuvent surprendre, comme si une ébauche dialectique pouvait se mettre en place, s’étayant sur des oscillations du délire qui surprennent jusqu’au praticien. Il est vrai alors que ce sont souvent des patients qui traversent une période féconde passionnelle plus qu’ils ne souffrent d’une psychose passionnelle avérée, enkystée et inébranlable. 

 

Autre exemple : celui de patients beaucoup plus déficitaires, schizophrènes mal en point, sans arrimage qui les tienne, sans même que des phénomènes voisés puissent leur ménager une place, sans délire constitué, interpellés sans cesse par l’hypocondrie de leur corps. Pour certains se font jour des possibilités de « subjectivation » insoupçonnées, souvent après des années de suivi et au prix d’un respect de leur réticence. Pour ces derniers, un suivi et un traitement médicaux en parallèle sont en général indispensables. Dans mon expérience personnelle, les inciter à écrire ce qui les traverse peut faciliter une certaine élaboration, suscitant un tissage par l’écriture qui étaye peu à peu un travail de parole, une subjectivation dont la composante automatique reste majeure.

 

Comment ne pas insister également dans le transfert sur un rapport au Réel plus direct car non métaphorisé, non amorti par un symptôme, non ordonné par le fantasme ? Cela peut avoir des conséquences extrêmes quant à ce lieu énigmatique et à cette « subjectivation » dans certaines psychoses lors de moments féconds qui concernent diverses formes cliniques de psychoses. Ce sont ces psychotiques livrés à l’objet réel qui les parle, les guide, les regarde, les aspire, balayant voire éradiquant le trognon de sujet qui les faisaient tenir jusqu’alors. Certes l’hallucination verbale assigne et assure au moins un lieu minimal, mais si le parlêtre en question en subit la démultiplication et l’intrusion permanentes, cela peut réduire pour ne pas dire anéantir la place a minima qui s’était ainsi aménagée.

 

Autres occurrences ce sont ces patients soumis à la douche écossaise d’un Réel qui se déchaîne et les asservit et qui apprennent par le biais de leur travail de parole avec le praticien à résister à la catastrophe, à parer à l’avalanche de signes qui leur tombent dessus en les désamorçant par, pourrais-je dire, des « contresignes ». Ils ne sont pas sans percevoir, toujours un peu plus, en quoi ils se retrouvent happés par tout ce qui se présente à eux et qui leur fait signe. Bien que continuant à jouir de se faire l’objet d’élection de l’Autre, ils peuvent parvenir à lâcher un peu de leur jouissance par une subjectivation qui, sans contredire leur délire, les en décale grâce à ces contresignes qui peuvent émerger à la faveur du transfert et non sans se nouer à certains signifiants énoncés par le praticien.

 

Tous ces exemples de subjectivation ne peuvent manquer d’interroger les praticiens sur la place qu’ils viennent à occuper et sur la fonction de suppléance qui leur revient au fil de ce qui se noue dans le transfert. Il reste que cette dite subjectivation n’est analysable qu’au cas par cas. J’ai voulu mettre l’accent sur le fait qu’il faille prendre en considération comme une nécessité éthique la question si complexe du « sujet » psychotique. Elle est ostensible dans le transfert dès lors que le praticien cherche à entendre la parole du patient psychotique  qui l’interpelle, ne serait-ce que parce que dans la majorité des cas, tout signifiant ne se réduit pas au signe, ce qui fait qu’il y a de l’univoque mais pas que de l’univoque, même s’il existe des personnes psychotiques qui sont de véritables automates, des  porte-manteaux, comme le dit M. Czermak, des pures enveloppes.

 

Il n’y a pas non plus à s’illusionner sur le transfert psychotique en le psychologisant, en en faisant un travail de compassion, d’intuition clinique. Il peut y avoir un savoir-faire, une expérience, mais ça n’y suffit pas. La surprise plus que l’exception est la règle. Les contraintes imposées par la structure psychotique sont telles que le praticable est réduit. Nous tâtonnons le plus souvent.  Cependant ne pas faire l’hypothèse, ne pas supposer des capacités de « subjectivation », c’est ne plus donner crédit à la parole. Or, la formation actuelle des jeunes « psys » discrédite la parole des psychotiques, la réduisant à un non-sens, à des signes, à des items, à un déterminisme biologique, génétique. Même si Freud n’était guère optimiste sur le bien-fondé de la cure des psychotiques, le cheminement de Lacan depuis le « traitement possible » jusqu’au « sinthome » a ouvert des perspectives pour réfléchir justement au praticable, mais dans les limites de ce que la structure psychotique impose et à condition de ne pas se cantonner à une logique du tout phallique.

 

Souligner cette « nécessité éthique » de faire l’hypothèse du sujet – certes non divisé – au cas par cas, s’impose pour appréhender ce qui s’élabore, quand c’est possible, dans le transfert psychotique et pour opposer un discours qui fasse contrepoids à l’évolution comportementaliste et biologisante de la clinique. Sans pour autant tomber dans un activisme psychanalytique qui mettrait en péril des parlêtres qui résistent mal au transfert, comme le souligne Marcel Czermak. Il n’empêche que leur parole, même sans subjectivité, compte.