Ce qui spécifie un enseignement psychanalytique, plus encore lorsqu’il engage la parole d’un analyste (c’est sans doute un peu différent à l’écrit), c’est que celui-ci ne méconnait pas qu’à cette place il n’y est pas en tant qu’analyste, mais en tant qu’analysant. Ce fut, il me semble, particulièrement sensible au cours de ce séminaire, et au-delà des aspects conceptuels très travaillés, cela a participé à la dimension d’authenticité et de justesse des différentes interventions.
Est-ce à dire que nous devons faire la psychanalyse des différents intervenants et en particulier celle de Lacan ? Je ne le crois pas puisque cette place spécifique est en dehors du dispositif de la cure, et qu’il s’agit sans doute davantage dans cette « passe », que certains puissent tirer un enseignement de ce qu’un autre a pu élaborer dans son travail, de la façon dont la question se pose pour lui, s’articule plus qu’elle ne se pense : comment cela résonne (ou raisonne) pour un autre. Claude Landman en a très bien témoigné quand il a évoqué l’effet d’éclair, de fulgurance, qu’a eu pour lui cette formulation de Françoise Gorog « du passage de la dématérialisation de dieu à sa « motérialisation » ».
C’est ce même effet de réveil qu’a eu pour moi cette question du supposé silence de Lacan, ou disons le du père. Cela résonne avec la question de la transmission ou de la non transmission d’une histoire familiale par un père. Ce qui m’est apparu dans l’après coup, c’est qu’il serait sans doute nécessaire de distinguer ce qui constitue « la vérité des faits », un dire vrai, qui se démarque de la construction du roman familial, d’un mythe individuel, constructions défensives toujours plus ou moins imaginaires. Il suffit d’entendre les récits des frères et sœurs quand ils évoquent leurs souvenirs d’enfance, ou des couples quand ils parlent de leur quotidien.
Cependant, ce nécessaire établissement de la « vérité des faits » qui consiste le plus souvent pour l’analyse à nommer, est bien différent d’une attente illusoire : celle qu’au lieu de l’Autre un père, « mon papa » vienne dire le vrai du vrai, le dernier mot de l’histoire familiale. Il n’est pas rare que l’on découvre, parfois tardivement dans sa vie, des épisodes de la vie de ses parents ou ascendants qui sont venus bouleverser les représentations, le roman ou le mythe que l’on s’est quand même construit, y compris avec des faits que l’on croyait établis. L’amour du père, du papa au sens objectif et subjectif du génitif, nous n’avons parlé que de cela lors de ce séminaire. C’est bien l’espoir auquel on ne renonce que difficilement, qu’un père pourrait venir répondre de cette place pour donner un sens, le sens dernier. Donner un sens à ce qui n’en a pas, à cet insensé qui nous détermine et nous laisse avec un trou dans le savoir. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons rien savoir, bien au contraire, mais peut-être que celui-ci implique un manque qui nous travaille : L’énigme insoluble du père, celle de son désir.