Préparation au séminaire d’été 2024-2025
Étude du séminaire, L’Acte psychanalytique
Mardi 4 Mars 2025
Présidente-Discutante : Sandrine Calmettes
Claude Landman : La passe est-elle une impasse ?
La passe est-elle une impasse ? La réponse à cette question que Pierre-Christophe Cathelineau m’a demandé de traiter, est en principe non. Et ce, dans la mesure où la procédure proposée en octobre 67 par Lacan visait précisément à sortir d’une impasse, celle dans laquelle se trouvaient les sociétés psychanalytiques de l’époque, en tant qu’elles écartaient systématiquement dans les rites de consécration de celui qui devient psychanalyste, une question pourtant cruciale. Celle de savoir ce qui fait qu’à la fin de son analyse, sachant le sort qui est réservé au psychanalyste en fin de cure, la chute du sujet supposé savoir qu’il supportait et de l’objet petit a qu’il incarnait dans le semblant, un sujet s’autorise néanmoins à répéter l’expérience avec un autre ? Comment rendre compte de cet acte en porte-à-faux qu’est l’acte psychanalytique ?
Lacan, dans ce séminaire, déplie à partir du demi-groupe de Klein, de la figure du tétraèdre qui le représente, la logique de l’acte psychanalytique en référence à la logique du fantasme qu’il désarticule. Cependant, il ajoute dans cette leçon que tant cette interrogation n’aura pas lieu dans le groupe analytique, grâce à une procédure sur laquelle je reviendrai, il sera impossible d’explorer ce qu’il en est de ce saut, de cette passe, dans la mesure où lui, Lacan, ne saurait en parler tout seul. Il existe en effet un enjeu majeur qui s’attache à la passe car, nous dit Lacan, dans son discours à L’École Freudienne de Paris en décembre 1967 :
« Il est clair que si tout acte n’est que figure plus ou moins complète de l’acte psychanalytique, il n’y en a pas qui domine ce dernier. »
Je vous rappelle que l’acte est un effet de langage, possède une pointe signifiante et c’est la raison pour laquelle il est susceptible d’être traité par la voie de la logique et d’avoir des conséquences.
Alors, quelle est la procédure que Lacan a proposée et qui lui apparaissait comme la solution du problème de la société psychanalytique ?
Mais avant d’envisager la nature de cette procédure qui n’apportait du nouveau que dans le fonctionnement, il convient de rappeler qu’elle a suscité d’emblée des résistances importantes, des contre-propositions, des démissions, celle de Guy Rosolato d’abord, puis celles de Piera Aulagnier, Jean-Paul Valabrega et François Perrier qui avaient été, avec Serge Leclaire et Jean Clavreul, les membres du premier directoire de l’EFP en 1964, autour de Lacan. La proposition sur la passe a été adoptée par l’Assemblée des membres de l’École, fin janvier 1969, lors d’un vote préférentiel qui autorisait la possibilité de l’effet Condorcet, contre deux autres propositions. Dans une réponse qui date de décembre 1967, à la suite de discussions et de critiques, Lacan avance qu’il s’amuse de la minceur de sa proposition, construite sur le modèle du trait d’esprit, de la troisième personne, c’est-à-dire que c’est du grand Autre, au-delà de l’interlocuteur auquel il s’adresse, qu’est attendue l’authentification du trait d’esprit. Cela se traduit dans la procédure de la passe par l’existence de passeurs qui rapportent au jury d’agrément le témoignage du passant, de celui qui a demandé à devenir analyste de l’École afin d’éclairer ce moment de passage du psychanalysant au psychanalyste et devenir responsable du progrès de l’École et analyste de son expérience même.
C’est donc d’un témoignage indirect dont il s’agissait dans la procédure de la passe, construite sur le modèle de la tierce personne et de sa fonction dans le trait d’esprit.
Lacan a dit bien sûr à Deauville, en 1977, que la passe était un échec complet et que la psychanalyse n’était probablement pas transmissible, qu’il convenait que chaque psychanalyste réinvente la façon dont la psychanalyse pouvait durer. Soit, mais la question que pose Lacan sur la mise en suspens, la chute, fût-elle momentanée du Sujet supposé Savoir, n’est-elle pas d’actualité ? Ou bien convient-il de considérer que la question, à partir de l’écriture du nœud borroméen, doit être posée autrement et si oui, comment ?