Avec la nouvelle politique des services publiques, la DASSES, comme tous les autres organismes, s’est mise à la gestion « moderne », qui sert à gérer indifféremment les industries de productions (yaourt, voiture, téléphone…) les hôpitaux publiques, les CMP et toutes les institutions de soins.
Dans l’institution où je suis psychanalyste bénévole depuis 2005 (n’étant ni psychiatre, ni psychologue) la mise en place, avec la plus grande brutalité, de la réforme par la direction administrative illustre pleinement ce qui se passe dans de nombreuses institutions de prise en charge des enfants et des adultes.
Fondation loi 1901, elle possède un CMP et un hôpital de jour pour enfants.
Après un déménagement, il y a 2 ans, dans des locaux que cette fondation a achetés, le loyer demandé par la fondation à la DASSES a augmenté de 500 %. Cette dernière a très rapidement fait savoir à la direction administrative, et ceci en dehors de l’équipe médicale, que la file active n’était pas assez importante pour de telles sommes dans un strict souci de gestion. Les objectifs du CMP et de ses actions ne sont pas pris en compte, seul importe les bilans, les tableaux avec diagnostic pour chaque enfant et l’activité. Quid des sujets patients et des soignants ? Il n’en est absolument pas question.
Avec l’engagement d’un nouveau psychiatre chef de service issu des neurosciences, la psychanalyse est mise à mal. Déjà trois thérapeutes de formation psychanalytique ont été licenciés du jour au lendemain sans même pouvoir en parler et expliquer à leurs petits patients leur départ.
Un certain nombre de ces enfants sont confrontés à la question de l’abandon, quelle soit imaginaire, ou inscrit symboliquement. De l’effet de cette rupture sans parole, il n’a jamais été question avec la direction, et comme les psychiatres et psychologues restant sont déjà débordés, les patients et leurs familles se retrouvent devant une rupture de suivie qui pour certains les replongent dans un nouvel abandon. Cette scansion brutale, renforce leurs positions imaginaires « je suis mauvais, c’est pourquoi je suis abandonné ».
Cette question clinique que Jean Bergès nous a souvent enseignée à partir de ce qu’il appelait la logique infantile simple. Dans le travail analytique avec ces enfants, on peut entendre comment tous leurs efforts sont organisés autour d’une répétition de l’abandon prouvant que leur hypothèse serait la bonne.
Ainsi combien d’enfants confrontés à ce réel rejouent, avec les familles d’accueil, avec les institutions, avec leur maître ou leur maîtresse, l’abandon. Pour cela ils poussent l’adulte par un comportement excessif à les rejeter, à ce que les adultes mettent en place de nouvelles exclusions.
Cette logique simple qui s’inscrit dans le réel, l’imaginaire et le symbolique est-elle prise en compte par l’administration des CMP ? Non.
Seule compte la gestion. Si bien qu’aujourd’hui au CMP de cette fondation, avec la nouvelle psychiatre chef de service, on parle de troubles de l’attention, de la concentration et ainsi une dizaine d’enfants se retrouvent au bout de trois mois sous traitement de Ritaline, sans suivi de cure analytique, mais avec un rendez-vous tous les 6 mois pour renouveler l’ordonnance.
Les orthophonistes doivent recevoir les enfants 30 minutes et une seule fois par semaine. Voilà comment augmenter très rapidement la file active.
Cette situation pose la question de la nouvelle « économie » psychique, dans la mesure où il ne s’agit plus en priorité de clinique mais de gestion par le chiffre, le classement en catégories psychiques et la rentabilité.
La psychanalyse se retrouve devant un fait de société qui ne la concerne pas uniquement, mais concerne toute les formes d’activité, éducation, santé, industrie etc…