… remarques qui seront appuyées sur des formules empruntées à quelqu’un que je vois depuis le début de l’année et qui, un jour, est arrivé en me disant Docteur X m’a dit que j’étais entièrement normal. Alors je dois préciser que quand il m’a téléphoné la première fois pour prendre rendez-vous il m’avait déclaré au téléphone j’ai une psychose délirante chronique. Evidemment j’ai quand même un petit peu sursauté et je lui ai demandé tout de suite, bon, qu’est-ce qui lui permettait d’être comme ça aussi catégorique dans sa présentation et je dois dire effectivement, c’était incontestablement un psychotique.
Voilà la raison de mon titre donc je suis normal et ce qui fait que j’ai pris en considération ses déclarations c’est évidemment qu’immédiatement je me suis rappelé que je ne sais plus où dans l’identification Lacan à un moment donné dit : » Le psychotique est normal dans sa psychose, le névrosé normal dans sa névrose etc. … » Cette remarque de Lacan je dois dire, je ne savais pas trop quoi en faire si ce n’est la rattacher bien sûr à l’idée qu’implique le terme de structure d’une fixité d’une stabilité dans cette forme que prend notre mental selon les cas.
Alors il y a d’autre part donc il y a cette remarque de Lacan, il y a aussi effectivement la question que pose au regard de la psychanalyse la normalité. Dans Freud quand on cherche ce qui permettrait d’en concevoir la définition on n’y trouve que des formulations qui sont elles-mêmes problématiques à savoir pour en citer une : celle-ci que ce qui définirait la normalité ça serait le fait d’un refoulement pleinement réussi. Pas très facile à concevoir puisque contrairement effectivement à ce que spontanément on croit un peu trop facilement à savoir que le refoulement s’installerait une bonne fois pour toute et qu’il serait là en place d’une manière stable c’est pas tout à fait ça la position de Freud, en réalité la position de Freud est celle-ci : le refoulement exige d’être entretenu par le sujet, il n’est justement pas installé d’une façon fixe et que ce maintien du refoulement représente, exige une consommation d’énergie qui peut dans certains cas être considérable et être telle en effet qu’il rend le sujet entièrement indisponible pour autre chose. Donc, du côté de Freud la question du normal n’est pas simple, du côté de Lacan en dehors de cette remarque un peu provocatrice que je viens de rappeler on trouve parci-parlà des considérations qui sont elles aussi toutes d’une certaine manière qui problème. Vous avez, je vais en citer une ou deux, vous avez au niveau du séminaire Les non dupes errent que beaucoup travaille à l’Association puisque il est au programme de la semaine d’été de 1997 on trouve dans la fin d’une leçon, une des premières leçons cette remarque que le noeud borroméen tel qu’il le présente et qu’il s’en sert dans ces années là 72-73-74 serait en réalité, exprimerait, représenterait, constituerait plutôt, ça serait plus juste, la structure même du sujet normal. Lorsqu’un rond casse, nous aurions donc une sorte de dispersion des trois ronds c’est-à-dire du réel, du symbolique et de l’imaginaire qui ne seraient plus liés l’un à l’autre et qui donc entraîneraient ou seraient corrélatifs de l’état de folie et le noeud olympique c’est-à-dire celui où quand vous cassez un rond, les deux autres tiennent qui seraient représentatifs de la structure de la névrose. Bon, cela dit sauf erreur de ma part la chose n’est jamais reprise par Lacan sous cette forme.
Une autre référence que l’on pourrait trouver mais c’est ma lecture à moi, mon interprétation à moi, c’est l’évocation dans le texte des Ecrits, Subversion du sujet , de cette dimension qu’il appelle du désirant par excellence et dont le modèle qu’il donne est celui d’Alcibiade qui pourrait effectivement en représenter d’une certaine façon la normalité, à savoir d’un sujet qui ne serait entravé par rien concernant en effet la satisfaction de son désir. Donc c’était simplement pour faire un petit rappel concernant cette formule, j’ajouterai très vite et à plusieurs reprises la formule » Je suis entièrement normal » se voyait compléter par cette réserve » à part ma maladie » évidemment ce qui provoque un effet un petit peu étrange.
Alors effectivement la remarque du psychiatre qui lui prescrit son \ »aldol retard\ » (?) était intervenu à l’occasion de ce qui est une de ses plaintes et demandes les plus insistantes c’est-à-dire de voir se réduire son impuissance. Cet homme qui a une quarantaine d’années, qui est d’ailleurs médecin, est marié depuis quatre ans, un deuxième mariage, il a une petite fille de deux ans et demi et lui-même et sa femme souhaitent un deuxième enfant. Donc l’impuissance ici s’avère être un élément fâcheux et elle est au centre de ses préoccupations. Alors il a – je ferais une petite remarque qui a un intérêt clinique quotidien là concernant cette impuissance, c’est qu’effectivement, c’est une question que je me suis posée assez longtemps, nous savons que les neuroleptiques ont un effet à cet égard fâcheux c’est-à-dire favorisent l’impuissance et j’étais un petit peu embarrassé en face de lui qui n’a jamais incriminé à aucun moments la prescription d’aldol dans ce trouble et un jour l’occasion s’est offerte, je dirais, de trancher, trancher provisoirement, la question puisque il avait eu son injection quatre, cinq jours avant et qu’il a eu tout de suite après cette injection deux rapports sexuels très satisfaisants. Donc je me voyais si je puis dire alléger dans ma façon d’écouter ce qu’il me racontait de cet embarras et donc amener à reprendre plus en considération ce qu’il peut dire de cette impuissance. Je ne dis pas que cela résoud d’une façon générale la question de l’impuissance provoquée par les neuroleptiques ou favorisée par les neuroleptiques mais en tout cas ça apporte une sorte de tempérament à la manière dont on peut considérer cette aspect des choses car un certain nombre d’autres patients incriminent, alors eux, volontiers, très fréquemment la prescription médicamenteuse et s’en servent justement pour réclamer qu’on la supprime. Autrement dit cette constatation empirique, clinique n’a pas de valeur absolue, c’est ce que m’a apporté ce patient.
Concernant cette impuissance dont il parle presque constamment il a un certain nombre de remarques qui sont intéressantes dont celle-ci : à savoir qu’est venu très tôt qu’à l’occasion d’un rapport sexuel qui va donc rater c’est-à-dire qu’il a des érections puis au dernier moment et là il l’avait formulé d’une façon très claire : tout d’un coup survient l’idée suivante, brutalement \ »tu n’a pas le droit d’être heureux, tu n’as pas le droit d’avoir du plaisir\ », et s’associe très vite donc pendant la séance à cette idée qu’il rapporte qui a donc interrompu et rendu impossible le rapport sexuel à ce moment là, il dit c’est comme un interdit et au fond l’idée qu’il lui vient tout de suite après c’est un interdit qui serait en somme proféré par ma mère.
Une autre remarque est celle-ci : il a une façon de s’exprimer qui est à la limite d’un discours néologique, » la fantasmatique liée au rapport sexuel, me dit-il, est bonne » c’est une formule assez surprenante. Alors il précise quand même que c’est maintenant » ma femme à qui je pense et non pas à une autre personne « . Pendant très longtemps et très fréquemment à l’occasion des rapports sexuels qu’il pouvait avoir c’était une autre femme et souvent des prostituées, l’idée d’une prostituée qui lui vient à l’esprit et qui va de pair avec le rapport sexuel et il ajoute la fantasmatique était bonne mais dès que ma femme commence à se déshabiller l’érection disparaît comme si la réalité comportait une menace. Alors c’est absolument merveilleux puisque c’est ce que nous savons tous, c’est ce qu’il y a d’extraordinaire chez un certain nombre de psychotiques. C’est le fait de mettre si je puis dire sur la table avec une espèce de facilité déconcertante des choses qui chez le névrosé mettent des mois ou des années à émerger ce qui avait donné lieu il y a longtemps maintenant à ce genre de considérations insoutenables il faut bien le dire à savoir que dans la psychose l’inconscient serait à ciel ouvert. C’est une formulation irrecevable dont je ne m’étendrai pas sur ce point , je me contente de l’évoquer comme cela.
Alors la question qui se posait et que mon titre pose, n’est-ce pas, c’est en fin de compte, si tant est que quelque chose de l’ordre de la » normalité » soit concevable et en particulier dans la psychose en quoi consisterait-elle ? Alors il a eu une autre formule qui me permet d’introduire véritablement ma question, c’est, dit-il un jour, il y a dans ma maladie une volonté d’être rationnel. Très jolie formule encore mais enfin à laquelle vous pouvez donner des transcriptions, résonances nombreuses en particulier celle-ci qui est déjà dans Freud à savoir que ce qui constitue ce qu’on appelle la psychose au sens clinique c’est-à-dire le développement du délire serait en réalité pour Freud une sorte d’élaboration particulière qui exprimerait un effort de guérison, modalité de guérison et que l’élément pathologique serait en quelque sorte le phénomène qui n’apparaît pas mais qui est au départ la mise en place de la structure psychotique, le délire constituant donc cette tentative. Et il est vrai que cette personne arrive souvent, ça simplifie les choses il faut bien dire pour moi, en me disant : » Ah j’ai des choses très importantes à vous dire aujourd’hui, j’ai découvert ou j’ai trouvé des explications » et à cet égard il n’est pas avare.
A quoi, comment peut-on concevoir effectivement cet ensemble si là encore on veut se référer à ce que Lacan a pu en dire très tôt d’ailleurs, c’est évidemment à cette dimension imaginaire et à ce qu’il dit de la folie dans les propos sur la causalité psychique 1948-49 à savoir que la folie se déploie toute dans le registre du sens et effectivement tout ce qu’il a déployé dans les séances est dans ce registre. Je vais, disons, prendre trois ordres de choses pour l’illustrer :
– la première concernant l’impuissance là d’abord est ce qu’il a été amené à dire dans une séance qui était disons beaucoup plus rigoureusement ordonnée puisque il va formuler ça sur trois chefs qui sont les suivants, qui sont censés rendre compte de son impuissance :
1. il va évoquer ce qu’il appelle la sexualité concentrationnaire ou germanisée de sa mère. Evidemment il faut savoir qu’il est juif, que sa famille a souffert pendant la guerre, sa mère a été en camp de concentration, alors je lui ai demandé ce qu’il entendait par là car on ne peut pas dire que ça appelle justement, immédiatement un sens une telle formule. Et là on a des réponses qui, en fait, ont ceci de singulier, c’est qu’elles ne sont pas concluantes. A ma question il répondra » c’est une forme de prostitution » et puis il évoquera quand on insiste un peu les conditions de vie dans les camps à savoir la façon dont les gens étaient obligé de se prêter, de satisfaire aux exigences des gardiens puisque c’était la vie qui était en jeu, il n’était pas facile de s’y soustraire.
2. la deuxième raison je crois que l’on peut employer le terme qu’il invoquera c’est ce qu’il formule sous la rubrique » la dimension de la mort « . Là aussi mais je n’ai pas dû demander des éclaircissements, c’est évidemment étrange puisque c’est évoqué sous une forme allusive et pas très claire en elle-même. Bien sûr ce que dans la doctrine nous connaissons bien, dans la littérature aussi d’ailleurs, c’est le lien de l’amour et de la mort.
3. le troisième motif il le formule de la façon suivante, c’est, dit-il, » le fait de ne pas avoir assumé ma famille « . Alors là aussi il faut bien dire que dans sa morphologie la phrase effectivement se présente comme parfaitement normale mais la façon dont il rend compte ce fait de n’avoir pas assumé sa famille est tout à fait étrange et purement imaginaire. Là je dirais quelque chose à propos d’autres rubriques. Voilà donc pour l’impuissance.
– le deuxième élément que je voulais citer c’est ce qu’il appelle » la logique suicidaire à laquelle il serait soumis « . Cette logique suicidaire elle-aussi se présente d’une façon assez inattendue. Elle pourrait si on prend l’expression » ce que j’ai fait la première fois que ça a surgi comme un élément d’inquiétude » – puisque nous savons que les psychotiques se suicident sur des modes très imprévisibles encore que c’est en général plutôt quand il viennent vous dire qu’ils vont très bien qu’ils se dépêchent de se fiche en l’air que quand ils évoquent cette dimension par exemple qu’il appelle le suicide – alors elle est illustrée de plusieurs façons :
1. la première c’est l’évocation d’un souvenir d’enfance, il avait sept-huit ans, sa famille fait un voyage en Israël et va visiter un mémorial qui s’appelle le mémorial de Yadvachem (?) dont j’ignorais l’existence jusque là qui a été construit à proximité de Jerusalem et où on le trimballe à ce machin-là et en évoquant effectivement les drames de la guerre, le massacre des Juifs par les allemands, les camps de concentration et il évoque ce fait comme quelque chose de douloureux et d’assez insupportable pour lui et comme étant en fin de compte ce qu’il aurait d’une certaine manière ce qui aurait favoriser le développement ultérieure de sa psychose.
2. Le deuxième élément c’est le suivant : un autre moment où il se dit dépressif et suicidaire là et il explicite la chose en disant » je me suicide a baborie(?) en n’ayant pas de sexualité » une sexualité insuffisante ou distordue. C’est à cette occasion d’ailleurs que – ça n’est pas tout à fait directement lié à ça – mais il aura cette formule tout à fait extraordinaire » on aime bien que ceux qu’on a d’abord tué » on ne peut pas trouver là encore une plus jolie illustration, n’est-ce pas, si on la rapporte évidemment à ce que Freud met au centre au coeur même de sa doctrine comme vous le savez c’est-à-dire cette sorte d’élément fondateur que consisterait le meurtre du père, nous en reparlerons un peu après.
3. La troisième fois où se trouve évoqué ce point alors et beaucoup plus là encore je dirais rationnellement ordonné puisque c’est assez récemment il me dit après la dernière séance » j’ai eu envie de me suicider – je ne me souviens plus d’ailleurs de quoi il s’était agi peu importe en fin de compte – et je me suis dit, dit-il, arrête Jean-Jacques, y a plusieurs façon de se suicider et ne fais pas l’imbécile » alors il se met à examiner en quoi cela pourrait consister et il énumère donc, » on peut se suicider physiquement bien sûr, » dit-il, apparemment pour lui il n’est pas question de ça, » on peut se suicider en étant déprimé » bon, c’est évidemment un sens un peu inhabituel, » on peut se suicider en délirant, » dit-il, et puis quatrième explication » on peut se suicider en refusant, dit-il, par mon impuissance de faire un deuxième enfant à ma femme « . Donc voilà là des formulations qui se veulent explicatives et qui sur le moment même s’offrent dans ce qu’il dit comme quelque chose qui lui apparaît satisfaisant , que souvent il me demande ce que vous en pensez ce qui est évidemment une question embarrassante à laquelle à plusieurs reprise j’ai répondu, je lui répondu que la question n’était pas de savoir ce que j’en pensais moi qui ne pesait pas lourd en la matière mais ce que éventuellement je pouvais lui faire remarquer dans ce qu’il disait qu’en général il se dépêche d’oublier d’une séance à l’autre évidemment. Voilà donc un mode de rationalité.
– Il y a un troisième thème qui est à la fois, évidemment ils se croisent, ils sont un peu à cheval les uns sur les autres mais que j’ai isolé ici qui est le fait de ne pas faire d’enfant à sa femme et voilà ce qu’il évoquera une fois c’est ceci : il me dit hier » tout d’un coup a surgi en moi un sentiment de haine envers tous les psychiatres, tous les thérapeutes mais aussi envers ma mère, envers le docteur X qui lui prescrit son traitement et ma femme c’est-à-dire tous ceux qui ont voulu me guérir, me normaliser. Cette haine dit-il, est la cause d’une volonté, alors vous voyez la multiplication des intermédiaires, cette haine est la cause d’une volonté de ne pas avoir d’enfant. Alors dans sa formulation que j’ai évoquée à l’instant de ne pas assumer sa famille il y a cette dimension en effet qui serait sous-jacente et malgré le désir réévoqué interminablement d’avoir un deuxième enfant, y a en même temps ce qui se fait jour donc, qui vient là en opposition à cette demande ses autres formules qui expriment justement le fait que pour des raisons qu’il essaie de verbaliser mais qui s’avèrent insuffisantes, il y aurait une volonté de ne pas avoir d’enfant. Ce type de discours m’a paru assez intéressant et ce que je vais vous proposer c’est quelques considérations qui pour tenter de spécifier ce qui serait ce mode rationnel et singulier qui au fond pourrait rendre raison de cette dimension de normalité, après tout pourquoi on ne définirait pas une normalité psychotique en effet. Alors je ferai d’abord une première remarque c’est que il y a dans cette forme de rationalité une sorte de linéarité qui est commune d’ailleurs et qui est le discours ordinaire c’est-à-dire celui où s’enchaîne des causes et des effets qui est le discours de la philosophie, qui permet de rendre compte un certain nombre de choses. Le dire comme ça, ça a un premier avantage, c’est évidemment de le mettre en opposition c’est d’ailleurs ce qui dans le séminaire de Lacan Les non dupes-errent est un point tout à fait important puisque dans les premières leçons il insiste de façon très appuyée sur ce qui a prévalu pendant des siècles à savoir le mode démonstratif qui a fasciné tout le monde celui qui est emprunté à la géométrie euclidienne et qui est spécifié par la réévocation de cette formule qu’on trouve dans les titres de Spinoza le fameux Morae geometrico qui constitue et qui constitue encore mais qui a constitué pendant fort longtemps une sorte de mode idéale comme une sorte de mode absolue parfait qui fait que ce qui est conclu à partir de ce type de démonstration c’est quelque chose à quoi on doit se soumettre, qui donnerait en quelque sorte une assurance ultime que nous sommes bien en face de la vérité ou de la réalité en l’occurrence les deux termes étant ici équivalents. Et qui s’opposerait donc puisque Lacan oppose à ce mode structuraliste qui est celui qui domine son discours et qui repose, qui s’appuie sur toute autre chose qui est sur la dimension de la consistance telle qu’elle a pu être élaborée par les mathématiciens et qui est profondément différent, qui s’oppose radicalement à ce mode traditionnel.
Pour prendre une autre référence peut-être un peu plus sensible, un peu plus touchable du doigt là encore dans le discours de Lacan, j’ai essayé de faire ressortir dans les exemples que j’ai empruntés à l’histoire de ce patient, ceci que à aucun moment en définitive le discours est sans doute plein de sens tout au moins il se déploie comme dit Lacan dans le registre su sens mais en même temps à aucun moment on ne voit se précipiter ce qu’il distingue du sens à savoir une des significations fondamentales et ce qu’il a sauf là aussi, c’est comme ça en tout cas que je l’interprète, ce qu’il a essayé de faire valoir sous la rubrique du point de capiton dans les premiers de ses séminaires c’est-à-dire que là où quelque chose se précipite qui alors là constitue un point d’appui stable rien de tel en effet ici dans le cas du discours de ce patient. Alors à ce propos bien que le rapport soit pas immédiat, je voulais signaler ce livre qui vient de sortir qui s’appelle La théorie Bacon Shakespeare. C’est Erik Porge qui a produit un certain nombre de travaux très soigneux qui sont un peu à mi-chemin entre Le discours ce que Lacan appelle Le discours analytique et le travail universitaire mais qui ont toute leur valeur et qui est très intéressant puisqu’il s’agit des trois textes publiés par Cantor, l’inventeur de La théorie des ensembles qui est devenu fou à la fin de sa vie à partir de 1899, qui a terminé son existence entre 1899 et 1918 en fait pour l’essentiel à l’hôpital psychiatrique dont le délire était centré sur cette question qui a agité beaucoup le monde universitaire et littéraire à la fin du siècle dernier à savoir qui était l’auteur des tragédies de Shakespeare et il semble qu’il y ait eu un nombre considérable de gens qui aient pensé qui ont tenté de répondre à cette question en proposant des solutions qui n’ont pas été retenues par la suite. Parmi les hypothèses qui avaient cours à l’époque, il y avait celle-ci, Cantor n’était pas le seul, il y avait d’imputer à Francis Bakan, un philosophe du 18e siècle, effectivement le fait d’être l’auteur des tragédies de Shakespeare, secrètement
… Le point important que fait valoir Porge très justement, très judicieusement dans son introduction évidemment ça n’est pas l’idée que ce soit Bacon qui soit l’auteur des tragédies de Shakespeare qui importe mais le mode sur lequel il a soutenu cette position, qui est un mode tout à fait délirant. voilà c’est tout simplement pour vous indiquer cette référence qui est tout à fait intéressante à lire qui est tout à fait intéressante pour nous puisque nous avons à la fois en parallèle avec le malade que je vous présente là qui est d’ailleurs un cardiologue qui fonctionne très bien dans sa pratique, nous avons là une proximité entre justement la psychose et puis le fait que ça puisse déboucher sur des systèmes, des conceptions qui soient parfaitement valables en elles-même puisque c’est le cas des conceptions de Cantor et d’autre part de… c’est quand même le découvreur de… cette façon de désigner les ensembles transfinis dénombrables et non dénombrables, celui des entiers dans son infini des entiers celui des ensembles infinis des nombres réels grâce à quoi – et Lacan bien entendu dans les séminaires du Nom du père s’y réfère -, grâce à quoi ce qui était une sorte de butée dans la théorie a pu être dépassé et truquilisée d’une façon valable, devenir opératoire, c’est évidemment quelque chose pour nous qui est là extrêmement intéressant.
Alors je vais dire quelques mots, je vais en venir à ce qui est théoriquement le thème de vos journées. J’évoquerai simplement très rapidement une séance où il a été question de sa mère de façon très révélatrice, je dirais. Sa mère avait téléphoné dans la journée, elle est très proche, elle est assez présente, un peu lourdement pour lui encore et me dit-il » dans ce coup de téléphone elle s’est montrée écrasante « . Alors je lui demande qu’est-ce qu’il entendait par là, évidemment. Et il répond : » c’est comme-ci elle disait \ »je suis une femme fantastique, je suis Dieu\ » » et là-dessus il enchaîne » j’ai alors pensé à mon enfance puis à mes rapports avec ma fille, – sa petite fille a deux ans et demi -, et à ce moment-là j’ai eu envie de la tuer, dit-il, ça c’est vraiment – il éclate de rire – ça c’est vraiment un transfert direct « . Evidemment le terme de transfert est à prendre là au sens qu’il a dans les premiers usages qu’en fait Freud dans la Treudentung, c’est effectivement là encore une illustration absolument prodigieuse de ce terme. Donc voilà pour sa mère.
Pour ce qui est de son père, voilà ce qu’il apporte sur ce sujet. La première fois où je l’ai rencontré, ce qui était tout à fait frappant, c’était effectivement le mode explicatif sur lequel il s’est présenté m’exposant au fond que sa maladie avait débuté peu de temps après la révélation que lui avait faite son frère aîné que son père avait été marié une première fois en Pologne et que donc sa première femme et les enfants de sa première femme avaient été assassinés par les Allemands. Et à ce récit il réagit intérieurement en considérant que son père était responsable de la mort de sa première famille, qu’il n’avait pas fait ce qu’il fallait, les circonstances dans lesquelles ça s’est passé sont les suivantes : le père pour mettre sa famille à l’abri avait conseillé – je ne sais plus dans quelle ville polonaise il vivait -, à sa femme de partir avec les enfants, de retourner dans une ville moins importante. Il pensait qu’ils seraient moins menacés que là où ils vivaient. C’est l’inverse qui s’est produit, il se trouve que la famille, la femme et les gosses ont été ramassés par les Allemands, ils ont été assassinés très rapidement, lui-même ensuite a été arrêté, il s’en est sorti tout à fait par hasard puis il a pu fuir ensuite, venir en France donc se remarier, avoir une deuxième famille, celle dont il est issu mais le point important c’est ceci : c’est que justement dans son imaginaire, son père était coupable, son père était en somme un assassin. De son père il est beaucoup question en particulier de ceci puisque, quand son délire a explosé, il a consisté parmi d’autres choses en ceci que il s’est mis à voir des capots partout c’est-à-dire les capots, ceux qui fonctionnaient dans les camps de concentration, c’était ces intermédiaires épouvantables et même il me donne les proches, les plus proches de sa famille étaient considérés comme des capots. Ce qu’il dira un peu plus tard c’est que très souvent son père traitait sa femme de capot et que la mère ne répondait rien et partait en dodelinant de la tête à la cuisine. Il ajoute d’ailleurs : mon père était fou ce qui n’est pas impossible et c’est le genre d’état qui disons ne donne pas lieu à intervention de psychiatre, d’hospitalisation, ce qui n’est pas rare comme vous le savez. Ce qui est intéressant et ce pourquoi je l’évoque est ceci : c’est que au fil des mois les considérations concernant son père qui était à la fois un brave homme mais en même temps avec des explosions de colère, très violentes, la dernière chose qu’il m’en aura dite c’est que – parce qu’il a pensé tout récemment peut-être que sa femme pouvait être enceinte et qu’elle a fait une petite hypertension alors comme elle avait fait une toxémie gravidique à l’occasion de la première grossesse ça a réveillé ses angoisses – il fait un rêve où il est à nouveau persécuté par sa famille, son père, sa mère surtout (ah non je me trompe, si pourtant, non c’est avant, c’est un autre rêve mais c’est dans les mêmes jours) d’un autre rêve dans lequel il est à la guerre avec un collègue ensuite la scène change très brutalement quand sa mère déclare » il est fou, il est fou, il est fou » ensuite un psychiatre intervient qui lui fait des prises de sang pour mesurer le taux de sodium cérébral qui est la cause de la folie. Son sodium est normal et ensuite on revient à la guerre, il y a beaucoup de morts et à ce moment-là il reproche à son père de ne rien faire. A quoi le père répond calmement et alors il insiste lourdement sur cette adverbe calmement, c’est vraiment entièrement nouveau, c’est une modification là de la représentation, disons, qu’il a de son père – le père répond calmement : » Où est-il écrit dans les livres hébreux qu’il faut faire quelque chose quand on ne peut rien faire « . Alors comme il m’avait posé beaucoup de questions, je lui avais prudemment, d’autant plus prudemment qu’il y avait eu ces formulations concernant sa haine de tous ceux qui voulaient le normaliser, je lui avais fait remarquer qu’effectivement la façon dont il parlait de son père, témoignait d’une sorte de cheminement modification de sa position personnelle vis à vis de son père qui en elle-même était plutôt un événement heureux, favorable et évidemment il reprend cela. Il y a dans la même séance un deuxième rêve qui est également très intéressant. Je m’arrêterai là dans les citations. » Vous êtes présent, dit-il, je me dis que M. Dorgeuille va pouvoir me sauver, alors il faut que je m’enfuis. » Voilà. Evidemment on a ramassé
… ce n’est pas tous les jours qu’on a des choses aussi frappantes que ça. Rapidement quelques remarques sur cette dernière, ce dernier rêve n’est-ce pas, à savoir cette dimension donc qui est celle étiquetée par Lacan de l’ordre de la jouissance et de ceci que nous savons bien c’est-à-dire que notre position est une position éminemment difficile à savoir qu’il ne faut pas trop en faire et que chez beaucoup de sujets quelque chose les attache à la structure qui est la leur au-delà des souffrances qui en résultent pour eux, qui importent plus que quoique se soit.
Alors concernant cette question justement du père ce qui ressort bien sûr principalement du discours de ce patient c’est justement cette dimension imaginaire qui est au devant de la scène mais comme vous le savez et c’est une des difficultés considérables sur laquelle ont buté les successeurs et les élèves de Freud c’est une autre dimension que Lacan a étiquetée de celle du père symbolique radicalement d’un tout autre ordre, de toute autre nature que celle du père imaginaire qui dans Freud se trouve mis en place dans ce texte difficile à lire, mal lu, méconnu la plupart du temps qui s’appelle Totem et Tabou et dont j’ai fait une sorte de résumé parce que j’ai été frappé par les difficultés rencontrées par les gens qui viennent à mon groupe de travail par la lecture de ce texte qui est publié dans le n° 14 du Discours psychanalytique que j’ai appelé » La construction du mythe de Freud » et qui tente évidemment avec les instruments qui étaient les siens c’est-à-dire avec les termes qu’il avait choisis pour mettre en place sa doctrine et qui lui embarras à lui-même mais qui ne l’empêche pas, c’est ce que Lacan dira bien souvent de ne pas perdre le nord, il tente donc de mettre en place cette dimension particulière du père qu’il rattache comme vous le savez à travers une construction qui est une construction vraiment folle, ce fameux père de la horde primitive assassiné par les fils qui est à l’origine en quelque sorte de la civilisation avec le problème que pose la question de la transmission à travers les générations puisque pour Freud il s’agit d’un meurtre réel, effectif, Vierglich, de ce père primitif et qu’en même temps une sorte de mémoire de ce meurtre originaire se perpétue à travers les générations qui fait qu’on le retrouve en quelque sorte dans les analyses de nos névrosés actuels et dont il fait un élément fondateur, un élément essentiel qui est à l’origine pour le sujet de sa possibilité d’entrer dans la problématique même de l’oedipe, celle qui est propre au névrosé et pour le psychotique c’est ce que Lacan fera valoir évidemment sous la forme que vous connaissez au moins dans sa formulation de la non réalisation de la métaphore paternelle qui donc s’arrête au fondement de la structure de la psychose.
Voilà, je vais en rester là, j’ai souhaité faire quelque chose de simple en fait pour favoriser éventuellement les questions de votre part et provoquer un échange plus spontané, peut-être plus intéressant. Je vais m’en tenir là et puis nous allons si vous le voulez bien, si ça vous a un petit peu accroché parler autour de ça et donc revoir ensemble des points qui sont à la fois essentiels pour nous simplement pour en mesurer la difficulté et l’essentialité. Il suffit de se rappeler que tout l’effort de Lacan pendant plus trente ans a porté sur, si je puis dire, la récupération de tout un aspect de la doctrine de Freud totalement méconnu, oublié par les successeurs, les analystes, les élèves en particulier les gens auxquels Lacan s’est affronté dès le début de son entrée dans la théorisation analytique dans la dernière guerre, en particulier contre cette fameuse théorie de la relation d’objet qui occupait le terrain entièrement, qui se présentait comme étant un progrès par rapport à ce que Freud avait dit et qui en même temps s’accompagnait d’une méconnaissance effroyable de tout un pan de la doctrine de Freud et en particulier et justement cette dimension de la paternité sous cette forme, cette triple forme que met en évidence d’une façon plus simple au moins dans une première approche concernant le père puisqu’il se trouve partager entre ces trois ordres de père réel, c’est le père en chair et en os, du père imaginaire, c’est le père idéal, celui que nous construisons en général d’une façon complètement déconnectée du personnage réel auquel nous avons affaire dans la vie quotidienne et de ce père symbolique qui est le plus étrange et le plus difficile à concevoir puisque en définitive la façon dont Lacan va pouvoir le réintroduire et le faire valoir, c’est le séminaire sur l’Identification qui effectue ce travail et qui va aboutir, vous le savez sans doute ou peut-être, en fait à le réduire tout simplement à un signifiant, n’importe quel signifiant, signifiant tout premier qui donne donc appui à ce qu’il appelle identification primaire, identification de signifiant qui est donc quelque chose d’absolument capital pour nous. Voilà.
J. Hébert – Y a-t-il des questions ? Oui ?
X. – Quand vous disiez que Totem et Tabou c’était complètement fou parce que la folie va nous faire peur
C. Dorgeuille – Fou au sens familier du terme évidemment et c’est une construction étrange celle du texte de Freud
X. – C’est vrai encore que l’intéressante je veux dire l’abord il est vrai comme pour la scène primitive et le coït intergo de l’homme au loup, c’est vrai que ce qui est intéressant combien malgré tout les sujets en analyse parlent de ce Totem et Tabou , je veux dire par là qu’il nous y ramène c’est-à-dire c’est comme-ci en effet ça avait pu ne jamais exister et c’est comme-ci en même temps dans le discours curieusement ça revenait. Voilà ce que ça m’évoquait ce que vous disiez à propos de Totem et Tabou.
C.D. – Oui, y a quand même une différence entre effectivement la reconstruction opérée par Freud de la scène primitive dans l’observation de l’homme au loup car elle est appuyée sur les dires du patient. Elle est sans doute une reconstruction interprétative mais elle est tout de même là appuyée sur un certain nombre d’éléments qui sont matériellement incontestables. Tandis que ce qui est tout à fait étonnant dans l’ouvrage de Totem et Tabou c’est que dès l’époque de la rédaction de Totem et Tabou les appuis que Freud va prendre chez les ethnologues et chez les auteurs auxquels il se réfère pour donc trouver des motifs à des points d’appui à sa construction étaient déjà recusés dans le monde de l’ethnologie et il le savait très bien puisque il donne en général – c’est toujours en note – toutes les réserves que faisaient les éthnologues sur ses élaborations. Ce qui expliquera, Lévi-Strauss par exemple, ait pu déclarer que c’était le plus mauvais livre de Freud et qu’il est plus dans le petit livre que je vous conseille de lire – je pense qu’il a dû être réédité en 1966 et qui s’appelle le Totémisme aujourd’hui – traité le travail de Freud avec une brutalité assez inattendue mais en même temps je dirais justifiée. Seulement ce qui intéressait Freud justement, malgré les apparences, ça n’était pas ce que pouvait raconter les ethnologues parce qu’il devait s’en fiche éperdument mais c’était d’arriver à faire valoir ce qui est extrêmement difficile, une dimension de la paternité qui pour lui était quelque chose d’absolument essentielle, absolument fondamentale avec les moyens du bord. Alors on a une espèce de va et vient dans le livre entre d’une part des emprunts faits à sa pratique de la psychanalyse, donc à ce qu’il recueillait dans son expérience, qu’il confrontait à ce qu’il pouvait trouver dans les travaux des ethnologues et pour ensuite en dégager quelque chose de tout à fait singulier, tout à fait étrange sous cette forme. L’exemple ultime qu’il va chercher, il va le chercher chez Darwin et dans cette présentation qu’on trouve dans Darwin des sociétés de sages supérieurs sont assez étonnants puis dans… les emprunts sont multiples, dans un certains nombre de faits qu’on peut repérer dans les sociétés primitives en particulier dans les repas cannibaliques. C’est vraiment un texte d’une très grande difficulté de lecture. Mais là contrairement à la scène primitive qui est appuyée sur les données même de notre expérience et comme vous le savez nous n’avons rien d’autre à nous mettre sous la dent que le discours du malade, du patient évidemment, tout ce que les gens ont essayé de mettre en avant à une certaine époque à savoir l’attitude, le comportement, la mimique, la manière de serrer la main, tout ça est parfaitement dérisoire et dans Freud n’est pas pris en considération et Lacan restitue à l’analyse cette dimension capitale qui est celle du discours. Tandis que dans Totem et Tabou, il y a des éléments, bien sûr, dans l’analyse mais qui sont difficiles à démêler justement puisqu’il n’y avait pas – je vous rappelle que Lacan dès le début de son enseignement a fait valoir ceci que les trois catégories qu’il proposait, je vais les prendre dans l’ordre où il les a élaborées, imaginaire d’abord, le symbolique ensuite et le réel en dernier lieu, en fait étaient nécessaires simplement pour arriver à comprendre ce que Freud voulait dire et puis pour s’y retrouver dans la pratique. Et je me souviens dans les dernières années de son enseignement l’avoir entendu dire assez brutalement » et puis après tout vous n’avez qu’à faire ce que j’ai fait toute ma vie, vous vous colletez avec les textes de Freud et essayez de voir ce qu’il a voulu dire « , effectivement ça n’est pas une petite affaire et ce qu’on ne fait pas avec suffisamment de soins, il faut bien dire.
X. -Ne pensez-vous pas que le texte même de Totem et Tabou en dehors des difficultés que Freud a rencontrées, ça vient des ethnologues tout ça, il y a la matière elle-même du texte puisqu’il s’agit du père mort, celui qu’on refoule et que dans notre difficulté de notre lecture, on se heurte à notre propre refoulement ?
C.D. – Oh ! oui, sans doute, ça doit fonctionner. Mais à ce moment là si vous voulez ce que vous dites là je vais vous dire après tout ce que j’en pense, c’est un peu, pas très prudent mais Lacan évoque en effet la résistance particulière qu’offre l’Intelligensia où domine évidemment la névrose obsessionnelle, que nous partageons tous, nous sommes tous à des degrés divers bien sûr, mais évidemment nous savons très bien que cet aspect est plus particulièrement prégnant et essentiel et personnellement je pense que la façon, la position de Lévi-Strauss qui argumentait, solide soit-elle, vraisemblablement comporte cette dimension là, n’est-ce pas. Et c’est un effet qui est une des raisons pour lesquelles l’analyse se heurte à la résistance et à toutes les choses de se heurter éternellement si je puis dire à ce type de résistance quelque soit le moment historique dans lequel on se trouve. D’où cette sorte d’obligation qui est la nôtre de refaire éternellement ce travail c’est-à-dire d’actualiser le discours de Freud puisque tout repose – ce qu’a fait Lacan en son temps mais qui va s’imposer à nous à nouveau puisque le discours dans lequel nous sommes pris évolue à une vitesse considérable et que mon Dieu maintenant nous sommes presque vingt ans après le dernier séminaire de Lacan c’est-à-dire que nous avons à refaire valoir avec à la fois nous affrontant au renouvellement des discours environnants que ce soit celui de la physique, celui des mathématiques, celui de la linguistique, celui de la philosophie, en nous affrontant aux discours qui sont ceux qui dominent à notre époque pour continuer à faire valoir ce qui reste valable dans notre expérience et sous une forme en effet accordée au monde dans lequel nous vivons. Ce qui n’est pas une petite affaire, alors nous sommes dans une situation de relatif confort provisoirement , tout simplement parce que le travail de Lacan est tellement fabuleux, tellement anticipateur que nous pouvons nous appuyer pour un certain temps sur ce qu’il a apporté mais en sachant que cela ne durera pas indéfiniment, qu’il y a donc à reprendre le harnais et de nous y coller à notre tour.
X. – Est-ce qu’on ne pourrait pas dire que Freud en écrivant Totem et Tabou, est-ce qu’il n’aurait pas quand même essayé d’élaborer des concepts ultérieurs ?
C.D. – C’est-à-dire ?
X. – Il y a du moi, par exemple… effectivement il nous rappelle au père…
C.D. – Oui… je ne suis pas sûr…
X. – il y a là quelque chose qui serait … pour élaborer une doctrine en s’appuyant sur des données d’ethnologie
C.D. – Ce que je dirais , ce que je trouve plus sidérant, plus j’y repense, est que parmi tous les premiers textes de Freud vous avez évidemment l’oubli du nom de Signorelli dont je vous rappelle qu’il a été publié en 1898 même s’il est introduit ensuite dans La psychologie de la vie quotidienne comme premier chapitre c’est-à-dire comme vous le savez ce texte qui à la fois fait reposer l’oubli de ce nom sur les deux thèmes de la mort et la sexualité est absolument d’une audace dont nous ne mesurons pas l’ampleur avec le recul qui est le nôtre et avec cet autre aspect qui est ignoré souvent en France pour une raison très simple c’est que la traduction française, bizarrement je ne comprends pas pourquoi, ne reproduisait pas le petit schéma qui est dans le texte d’origine de Freud. Il y a un petit schéma qui, je crois que c’est moi qui l’ai fait si mon souvenir est bon, j’ai retraduit et nous l’avons publié dans le bulletin de l’Association avec le schéma. Alors je ne sais pas si dans les nouvelles éditions, je crois que le schéma a été réintroduit. Il est très important, si vous voulez puisque, comme vous le savez, Lacan qui se soucie beaucoup dans sa réélaboration de la doctrine de la continuité avec Freud … pris dans Freud pour montrer qu’il est fondamentalement accordé au point essentiel de la doctrine de Freud, fait valoir que dès le début Freud a utilisé des graphes en quelque sorte car c’est exactement du même ordre que les graphes qu’il élabore, lui, au fil des années. Vous en avez un, en effet, dans l’article sur l’oubli de Signorelli, vous en avez un, également, qui est absolument extraordinaire dans l’Esquisse d’une psychologie scientifique pour résumer en quelque sorte l’observation d’Elma qui est dans la deuxième partie de l’Esquisse.
Alors le Totem et Tabou reprend cette question de la mort , de cette dimension de la mort en analyse et du père effectivement après une série d’autres travaux qui sont d’une certaine manière des amorces proches de ce thème important mais Totem et Tabou reste quand même le premier texte vraiment là … avec ensuite Moïse et puis l’article sur Dostoïevski qui jalonnent donc cette dimension dans l’analyse…
R. Le Duault. – Je vais essayer de dire quelque chose, je ne sais pas si je vais y arriver parce que vous avez soulevé énormément de choses et j’aimerais bien tout au moins que vous expliquiez mieux ce qu’est la normalité de la psychose…
C. D. – Vous me demandez la lune, Rozenn… évidemment ce que j’ai essayé de dire c’est que justement à quel point cette façon de s’exprimer est restée dans son fond énormément problématique c’est-à-dire que j’ai rappelé d’une façon très sommaire ce qu’on pouvait éventuellement trouver dans Freud parce que à la limite quand vous lisez, alors on comprend bien pourquoi Freud à son époque où la psychanalyse émergeait et il essayait de la faire valoir socialement, il était amené à prendre d’infinies précautions mais en bien des endroits quand vous lisez Freud vous dites que la normalité pour l’analyse ça n’existe pas. Ça n’existe pas, ou on est névrosé, ou on est pervers, ou on est psychotique. Mais dans Lacan aussi d’ailleurs, dans de nombreux endroits des textes de Lacan vous trouvez l’évocation des trois structures fondamentales, la névrose, la psychose, et la perversion et puis de la normalité, il n’est pas question. C’est-à-dire que la question émerge évidemment de temps en temps parce que dans la mesure où justement, comme le dit très bien Lacan au début de Subversion du sujet , » cette dimension de l’inconscient reste de l’ordre d’un indécidable « et pour cause, il faudrait allonger toute la planète sur un divan pour s’assurer qu’elle a une valeur absolue, ce qui n’est pas le cas, ça ne sera sans doute jamais le cas, nous sommes fondés à faire une réserve de principe, à savoir que au-delà de ces structures sur lesquelles nous avons des lumières relativement assurées, il existerait une dimension de la normalité et il n’est pas hypothétique dans son principe sur laquelle il serait bon qu’éventuellement nous disions un peu à partir de nos explications notre théorie en quoi elle consisterait. Puisque si elle existe il faudrait qu’on soit capable de dire en quoi elle consisterait. Mais quand vous vous adressez à nos deux auteurs de référence vous n’y trouvez justement que des considérations très limitées et en elles mêmes qui question. La façon un peu, comment dirais-je, comme ça provocatrice j’ai dit tout à l’heure la formulation de Lacan – je n’ai pas retrouvé d’ailleurs, j’ai recherché, en général je mémorise assez bien les endroits où je repère des choses dans Lacan, je n’ai pas retrouvé dans l’Identification et comme je n’avais pas le temps de relire tout le séminaire évidemment, je suis resté dans l’incertitude – mais je sais très bien qu’il y a là cette façon de dire assez étonnante. Alors j’ai évoqué d’autres endroits en effet dans les Non dupes errent, c’est pas simple, je pense que ça va donner lieu à pas mal de discussions l’été prochain. C’est à la fin de la leçon 3, je crois, qu’il est question de ces différents noeuds, le noeud olympique, le noeud borroméen et de ce cycle le noeud borroméen serait tout simplement la forme de la normalité. Après il n’en est plus question donc c’est pas très bien. Voilà une tentative, j’en ai évoqué une autre mais elle se repose à nous, aussi.
Alors on pourrait invoquer autre chose. Dans le texte de Freud sur les pulsions et leur destin où il énumère comme vous savez les différentes possibilités disons évolutives sous lesquelles la pulsion va se trouver présentifiée à nous dans le quotidien et dans l’analyse, il y en a une dont il n’a jamais parlé puisque le texte qu’il avait prévu sur la sublimation il n’a jamais pu l’écrire, c’est donc une des éventualités du destin des pulsions et c’est une de celles qu’il dit qu’elle est la plus économique. Ce qui fait appel à cette notion que j’ai rappelée tout à l’heure à savoir que cette idée que le normal serait celui qui a réalisé un refoulement parfaitement réussi c’est-à-dire que si on tient compte des élaborations de Freud à ce moment-là lapremière partie de sa vie, ça voudrait dire un refoulement qui ne demande au sujet qu’une dépense d’énergie extrêmement réduite et qui lui laisse en sorte une disponibilté remarquable pour tout le reste. Alors la sublimation à cet égard, elle peut prendre des aspects, une variété considérable, bien sûr.
… (voix)
C. D. – Oui, mais tout ça ce sont des ébauches. Le texte qu’il rêvait d’écrire, n’est-ce pas, quand il a fait ses textes sur la métapsychologie puisque après tout il en a fait sur le refoulement, un sur l’inconscient, il en a fait donc qui exploraient ses différentes éventualités, il est resté en rade là-dessus. Vraisemblablement parce que les instruments, les termes justement qu’il avait choisis comme les termes fondamentaux de son élaboration doctrinale lui rendait l’élaboration de la chose presque impossible.
Et alors je vais donner un exemple qui m’est tout à fait personnel et je l’ai écrit d’ailleurs. Ce que j’ai pu dire sur la musique en fait , je n’ai pu le faire qu’à partir de l’élaboration de Lacan. Impossible d’articuler quoi que se soit sur ce chapitre convenablement à partir des textes de Freud. D’ailleurs tout ce qui s’est écrit, ça a commencé à partir de 1906 avec les textes du père du petit Hans, Ma… qui était musicien, les textes sur Wagner sont parfaitement dérisoires, totalement dépourvus d’intérêt, ne répondent absolument pas aux questions que ça pose.
X. – Je trouve que vous faites bon marché d’un souvenir d’enfant…
C.D. – Mais le souvenir d’enfance de Leonard de Vinci, là, ne s’attache pas le moins du monde, et Freud le dit dès l’entrée du texte, à la dimension de sublimation qui est considérable et qui est capitale dans l’existence de Léonard de Vinci, dans tous les textes comme le Moïse et le Michel Ange, Freud prend bien le soin de dire, » tout ce qui relève de la dimension de l’art, du caractère exceptionnel de ces personnages nous ne pouvons rien en dire du point de vue de l’analyse » et ce qu’il fait valoir, c’est simplement à partir du fantasme qu’il reconstruit, comme vous le savez, avec une virtuosité là tout à fait étonnante mais ne fait que rendre compte d’un certain nombre de représentations qui ont un caractère semble-t-il un peu obsédant chez Léonard de Vinci dans les représentations qui dominent dans son oeuvre, spécialement dans son oeuvre peinte évidemment, dans son oeuvre picturale et puis ce qu’il rend compte aussi c’est aussi la sorte d’inhibition intellectuelle qui affectait – ce qui est fortement intéressant chez quelqu’un qui a laissé tant de choses et où l’activité intellectuelle était une dominante -, c’est la dimension d’inhibition qui caractérisait Léonard de Vinci. Mais pas, mais pas justement sur cette dimension importante c’est-à-dire ce qu’il introduira plus tard puisque c’est quelques années après qu’il écrit le texte sur les pulsions et leur destin, cette dimension de la sublimation comme destin des pulsions, – vous savez vous avez exactement la même chose pour le terme d’identification -, dont il dira dans la nouvelle conférence de 32 sur les instances de la personnalité que ce terme il n’a pas pu l’élaborer psychologiquement et il ne l’élaborera jamais métapsychologiquement. Ça restera dans le texte même de Freud un terme en attente qui bénéficiera d’une considération essentiellement descriptive, qui est tout à fait importante, – tout ce qui en est dit dans Psychologie collective, dans le dernier texte de Freud est évidemment capital-, mais il restera sur sa faim compte-tenu de ses exigences intellectuelles à lui quant à donner un statut et c’est Lacan qui donnera un statut à ce terme, bien entendu, et qui donnera un statut à la sublimation dans ses séminaires, dans son élaboration.
R. Le Duault. – Je ne sais pas si ce que je voulais dire tout à l’heure est le bienvenu maintenant parce que vous avez dit beaucoup de choses depuis mais c’était à propos du refoulement réussi, si il y en avait un, et de l’oubli du père que l’on constate autour de soi c’est-à-dire comment se fait-il – enfin vous avez évoqué beaucoup de choses là-dessus – on constate tous les jours que bien que chez les patients et sans doute chez nous-même ils aient un père et j’en ai toujours un, c’est, pendant des années, comme si il n’y en avait pas même si ils en parlent.
C.D. – Alors c’est un autre point que vous soulevez là dont il a été beaucoup question depuis hier ici, ce qui se comprend. C’est ce que, d’un côté, Lacan a spécifié sous cette rubrique du Nom du Père, la métaphore du Nom du Père et d’autre part ce qu’il a très tôt appelé Le déclin du Nom du Père, le déclin de la fonction paternelle puisque l’idée est déjà présente dans son texte de 1938 sur La Famille, publié dans l’encyclopédie de Demanzy et que nous retrouvons mieux spécifié ce déclin dans le séminaire que nous étudions cette année sur les Noms du Père puisque il propose ici une formulation précisant en quoi consiste ce déclin, c’est ce qu’il appelle le noméa et la valeur sociale de ce noméa – et j’avoue que j’avais complètement oublié puisque j’avais assisté à ce séminaire, j’avais complètement oublié une formule qu’il lisait au moment où il évoque ce noméa qui m’a paru particulièrement culotté et où il parle de dégénérescence catastrophique. Alors chez Lacan il y a un côté, je dirais prophète, il aime bien tirer de ses élaborations doctrinales des conséquences et annoncer en quelque sorte, c’est ce qu’il fait par exemple à la fin des propos sur la causalité psychique où il annonce que l’image va envahir notre monde ce qui alors là se voit confirmer, avec des effets désastreux ce que nous constatons un petit peu tous les jours un peu plus surtout depuis qu’il y a maintenant des émissions de télévision qui commencent à 7h du matin pour les enfants qui donc se plantent devant la télé avant d’aller à l’école et quand ils arrivent à l’école ils sont complètement estourbis, plus disponibles pour écouter ce que dit la maîtresse ou le professeur, et là j’avoue que j’ai été très étonné de cette formulation qui est en fait quand même un jugement de valeur ce qui je dirais dans notre pratique et dans notre doctrine se trouve plutôt exclu. Nous n’avons pas à prendre parti à partir de cette position freudienne capitale qui ne peut y avoir de notre point de vue à nous de Weltenchaung, de vision du monde c’est-à-dire de conception, on ne peut pas tirer de notre expérience une conception du monde à partir de laquelle on pourrait proposer aux gestionnaires, aux responsables de nos sociétés, aux hommes politiques comme ça des solutions, des réponses à leurs questions ou à leurs problèmes, pas le moins du monde. Alors ça m’a un petit peu surpris, et ce que vous soulevez là, Rozen, c’est effectivement ce dont il a été beaucoup question, dont il est très difficile de parler pour des raisons que je vais essayer de dire à partir de ma petite observation qui s’offrait commodément à savoir de cette difficulté d’accepter tout simplement, intimement, – parce que nous répétons tout au moins dans notre groupe, nos milieux, nous répétons avec une certaine facilité des tas de formules en particulier de Lacan qui avait spécialement le génie de la formule mais quand vous mettez un petit peu à la torture les gens, ce que je fais, je pense le mercredi à Nazareth, – je me souviens quand nous avons lu le chapitre 2 et le chapitre 4 de Totem et Tabou et tout d’un coup je me suis dit : je vais demander comment les gens comprennent le titre du 4e chapitre, le retour infantile du totémisme. Alors là ça a été une expérience instructive. Tout le monde est resté sec. Qu’est-ce que ça veut dire ce titre de Freud ?
X. – Vous voulez terminer votre phrase, intimement quoi ?
C.D. – Eh bien, justement ces formules, ce que ça veut dire c’est-à-dire cette dimension du père symbolique puisque justement cette dimension du père symbolique elle est vraiment, je dirais, elle est l’oeuvre du sujet lui-même, n’est-ce pas, vous ne pouvez pas la repérer dans le quotidien. Le père comme dit Lacan il peut être tout ce que vous voulez, ça peut être un génie, ça peut être un pauvre type, ça peut être un virtuose, un artiste, un législateur, on n’en a rien à faire. Alors la seule dimension qu’il accorde à ce père réel en chair et en os, c’est celui que le sujet lui impute d’être l’agent de la castration. C’est tout, pour le reste… Alors pour ce qui est du père imaginaire, on le touche tous les jours du doigt, ceci dans nos familles respectives que les gosses se une représentation de leur père et de leur mère qui n’a strictement rien à voir avec ce que sont papa et maman en tant que tels en eux-mêmes, ça c’est le père imaginaire et puis le père symbolique, lui, Lacan, comme je viens de le rappeler à partir du travail que constitue le séminaire sur l’Identification le ramène exclusivement à un signifiant qui peut être n’importe quoi, n’importe lequel et ce que j’ai fait après avoir résumé dans le numéro 14 du Discours le livre Totem et Tabou , dans le numéro 15 j’ai essayé d’illustrer, – je me suis aperçu que j’ai dû faire ça d’une façon tellement économe que les gens se rendent pas bien compte de ce qui est important -, j’ai essayé d’illustrer à partir du cas de Fouquet, surintendant des Finances, le constructeur du château de Vaux le Vicomte dont vous connaissez l’histoire malheureuse puisqu’après l’invitation faite à Louis XIV en 1561, quinze jours après il était arrêté à Nantes et emprisonné jusqu’à la fin de ses jours, or la question que je pose est la suivante : » comment ce personnage, un des hommes certainement les plus extraordinaires, d’une acuité intellectuelle extraordinaire, d’un goût que n’avait pas Mazarin, s’est laissé prendre comme il s’est laissé prendre alors que tout le monde depuis des mois lui disait : « méfiez-vous, ça va mal pour vous, ça va mal se terminer, fichez le camp, mettez-vous à l’abri, ne restez pas là » ne l’a pas fait ? Alors j’essaie de faire valoir ceci, – c’est assez difficile, cela m’a imposé des lectures considérables et une condensation dans mon texte telle que manifestement beaucoup de lecteurs ont du mal à apercevoir ce qui en fait le nerf -, faire valoir ceci que justement le signifiant qui valait dans cet ordre symbolique, du père symbolique, c’était le signifiant loyauté. C’était le signifiant loyauté et pour appuyer cela j’ai été obligé de prendre en considération l’histoire même de la famille Fouquet, fort heureusement on a des explications qui s’étalent sur environ deux siècles du XVe jusqu’au XVIIe qui contrairement à ce qui était habituel dans le monde de cette époque c’est-à-dire où les Grands du royaume négociaient leur allégeance à la monarchie et leur disait : » je t’apporte mon soutien si tu me nommes gouverneur de telle province, tu me donnes le privilège de telle position sinon je me mets au service du roi d’Espagne ou de tel autre souverain important « , la famille Fouquet s’est montrée pendant deux siècles d’une loyauté parfaite à l’égard de la monarchie…
… qui s’étale dans les discours de Fouquet, dans son comportement et aussi bien comme surintendant des Finances que au moment où il s’est défendu dans son procès où il a mis très longtemps à se rendre compte qu’en fait Louis XIV l’avait trahi, bonimenté, l’avait mené en bateau, ça n’était pas possible pour lui de supposer que le roi pouvait le tromper. Tout mon travail repose là-dessus et le point d’aveuglement de Fouquet c’est-à-dire là où son intelligence a défailli, c’est-à-dire là où il s’est laissé arrêté comme un enfant de choeur, c’est à cause de cette identification primaire, à ce signifiant loyauté. Voilà le thème de mon travail alors peut-être que ça donnera envie de le lire, j’en serai rès content.
J. Hébert – Merci, Claude, merci beaucoup.