Séminaire Les fondements de la psychanalyse, leçon XI du 22 avril 1964, p.166
« En d’autres termes, dans notre vocabulaire à nous qui fait de l’S [ce] par quoi nous symbolisons le sujet en tant que déterminé, constitué comme second par rapport au signifiant, et pour l’illustrer, je souligne que la chose peut se présenter de la façon la plus simple dans le trait unaire : le premier signifiant, c’est la coche par où il est marqué par exemple que le sujet à ce moment-là a tué une bête, moyennant quoi dans sa mémoire il ne s’embrouillera pas (que quand il en aura tué dix autres, il ne se souviendra plus laquelle est laquelle). C’est à partir de ce trait unaire dont le sujet est d’abord marqué, dont le sujet lui-même se repère, et d’abord et avant tout comme tatouage, premier des signifiants, que le sujet, secondement, quand cet un est institué, le compte : c’est un « 1 ». Et c’est au niveau, non pas de l’Un mais du un « 1 », qu’il a d’abord, lui, à se situer comme sujet »
Séminaire Les fondements de la psychanalyse, leçon XVI du 27 mai 1964, p.244
« La libido est l’organe essentiel à comprendre la nature de la pulsion. Si cet organe n’est que la part perdue de l’être dans cette spécification qu’il est un être sexué, qui assure… est-ce un organe irréel ? J’aurai de plus d’une façon [à] vous montrer à ce sujet, que l’irréel ici n’est point imaginaire, que l’irréel se définit de s’articuler au réel – d’une façon, certes, qui nous échappe, et c’est justement ce qui nécessite que sa représentation soit mythique comme nous la faisons.
Et je puis tout de suite vous désigner que, de ce qu’il soit irréel, cela n’empêche même pas un organe de s’incarner. Et je vais vous en donner tout de suite la matérialisation. Une des formes les plus antiques à incarner dans le corps cet organe irréel, il n’y a pas à la chercher loin, c’est le tatouage, c’est la scarification, bel et bien cette entaille à s’incarner au point de proliférer sous la forme de [chéloïdes] ; qui a bien cette fonction d’où cet organe vient à culminer dans ce rapport du sujet à l’Autre, d’être pour l’Autre où ce tatouage, cette scarification primitive vient à situer le sujet, à marquer sa place dans le champ des relations entre tous, du groupe, entre chacun et tous les autres ; et en même temps [à] avoir de façon évidente cette fonction érotique que tous ceux qui en ont approché la réalité ont perçue »
Séminaire L’Envers de la psychanalyse, leçon IV du 14 janvier 1970, p. 66
« Le mot de jouissance dans cette pratique érotique qui est celle que j’évoque, la flagellation pour l’appeler par son nom (et puis au cas où il y aurait ici des archisourds), le fait que le jouir ici prend l’ambiguïté même par quoi c’est à son niveau, à son niveau et à nul autre, que se touche l’équivalence du geste qui marque, et du corps… Objet de jouissance de qui ? De celle qui porte ce que j’ai appelé la gloire de la marque. Est-il sûr que cela veuille dire jouissance de l’Autre ? Certes, c’est par là, c’est une des voies d’entrée de l’Autre dans son monde et assurément, elle, non réfutable. Mais l’affinité de la marque avec la jouissance du corps même, c’est là précisé- ment où s’indique que c’est seulement de la jouissance, et nullement d’autres voies, que s’établit cette division, dont se distingue le narcissisme de la relation à l’objet.
La chose n’est pas ambiguë, c’est au niveau de l’au-delà du principe du plaisir que Freud marque avec force que ce qui fait au dernier terme le vrai soutien, la consistance de l’image spéculaire de l’appareil du moi, c’est qu’il est soutenu à l’intérieur : il ne fait qu’habiller cet objet perdu qui est ce par quoi s’introduit dans la dimension de l’être, du sujet, par quoi s’introduit la jouissance »
« Radiophonie », Autres Écrits, Seuil, p. 409
« Je reviens d’abord au corps du symbolique qu’il faut entendre comme de nulle métaphore. A preuve que rien que lui n’isole le corps à prendre au sens naïf, soit celui dont l’être qui s’en soutient ne sait pas que c’est le langage qui le lui décerne, au point qu’il n’y serait pas, faute d’en pouvoir parler.
Le premier corps fait le second de s’y incorporer.
D’où l’incorporel qui reste marquer le premier, du temps d’après son incorporation. Rendons justice aux stoïciens d’avoir su de ce terme : l’incorporel, signer en quoi le symbolique tient au corps.
Incorporelle est la fonction, qui fait réalité de la mathématique, rapplication de même effet pour la topologie, ou l’analyse en un sens large pour la logique.
Mais c’est incorporée que la structure fait l’affect, ni plus ni moins, affect seulement à prendre de ce qui de l’être s’articule, n’y ayant qu’être de fait, soit d’être dit de quelque part.
Par quoi s’avère que du corps, il est second qu’il soit mort ou vif.
Qui ne sait le point critique dont nous datons dans l’homme, l’être parlant : la sépulture, soit où, d’une espèce, s’affirme qu’au contraire d’aucune autre, le corps mort y garde ce qui au vivant donnait le caractère : corps. Corpse reste, ne devient charogne, le corps qu’habitait la parole, que le langage corpsifiait »