Intervention d'Anne Malfait à la table ronde du séminaire d'hiver 2022
23 janvier 2022

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MALFAIT Anne
Séminaire d'hiver
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Séminaire d’hiver 2022 
Nos inhibitions, nos symptômes, nos angoisses
Dimanche 23 janvier 2022
Table ronde autour du livre de Charles Melman et Jean-Pierre Lebrun, La dysphorie du genre. à quoi se tenir pour ne pas glisser ? (Ed érès, 2022)
Intervention d’Anne Malfait 

Je propose de relever quelques repérages utiles pour la clinique, issus de ma lecture de l’ouvrage.

1. Un premier point concerne le mensonge sous-jacent à la clinique dite transgenre, consistant à laisser penser qu’il y aurait pour un sujet, une essence neutre, hors sexuation, ou une sexuation accessoire à sa constitution de sujet ; alors que l’essence de l’homme n’est pas séparable de sa sexuation. Le mensonge ou la méprise se complète de l’idée qu’il y aurait un savoir inné sur la sexuation au plan psychique, quelle que soit l’anatomie, concernant ‘l’être homme’ ou ‘l’être femme’ ; que ce savoir devrait ensuite se trouver reconnu par les instances sociales, ce qui, par ailleurs, ouvre une voie grande ouverte aux dérives du néo-libéralisme. Alors que nous savons que la sexuation est une construction psychique et subjective longue qui tient aux lois du langage pour un sujet : pas d’instinct chez l’humain.

La question transgenre est-elle une utopie ? Ou bien plutôt une mystification au service d’une idéologie, voire une escroquerie capitaliste, dans laquelle s’engouffrent certains sujets.

2. L’antispécisme apparait bien comme une idéologie qui consiste à mettre en continuité les qualités communes supposées à l’animal et à l’humain, de sorte que la spécificité de la condition humaine, soit le respect qui nous tient aux lois de la parole et du langage, se trouve bafouée, ainsi que la discontinuité introduite par le signifiant. Ce dernier point est particulièrement éclairant quant à l’engouement des pratiques végan d’aujourd’hui.

3. La question de la binarité, ou de son refus, soulevée par la clinique de la dysphorie du genre, est à resituer dans la nécessaire dissymétrie des places liée à l’exercice de la parole ; alors qu’elle est rabattue sur une escalade symétrique dans la logique de contestation anti-binaire prônée par la logique dite trans. Rappelons à la suite de Ch. Melman, que la dissymétrie est à resituer entre S1 d’une part, relevant du registre de la représentation et du semblant, et S2 d’autre part, relevant du registre du réel, lieu où le corps objecte, lieu où une femme pourra venir se situer, du côté du pas-tout. Le refus de la binarité ainsi définie, consistera à balayer le réel, le sexuel, l’impossible. Impasse mortifère pour le désir.

4. Une concurrence se présente dans la clinique aujourd’hui, entre une jouissance phallique d’une part, dont l’objet est à situer à l’appui du manque d’objet, qui ne peut être que de semblant, liée à une insatisfaction de structure, et une jouissance objectale d’autre part, cherchant un objet comblant, sans conciliation avec le champ du désir. Le champ des jouissances s’élargit auprès des sujets contemporains, à la recherche d’un rapport tout-à-fait satisfaisant avec l’objet, correspondant à l’exercice d’un désir narcissique, exerçant une tentative d’exigence de maîtrise absolue sur l’objet, ce qui ne peut qu’ouvrir à la déception quant à un supposé dommage subi par le sujet. Une patiente transgenre détransitionneuse déclare auprès de moi : je m’aperçois que je ne serai jamais une ‘vraie femme’, jamais une ‘femme bio’. En effet.