Si le mariage entre personnes de même identité sexuelle (quoiqu’il en soit de la définition de cette identité) est un jour admis il n’en subsistera pas moins… un divorce.
Le divorce entre loi et désir.
Simplement la ligne de démarcation sera déplacée. Mais la structure qui se fonde sur cette bordure ne peut exister qu’au prix de son maintien. Et certes les exemples fournis par l’ethnologie ne manquent pas pour nous montrer que les institutions humaines sont d’une variabilité temporelle et spatiale indéfinie.
Mais une collectivité humaine, à toutes les échelles que l’on voudra du groupe à la nation voire à la fédération, est forcément régie par des lois d’exclusion : c’est cela même qui la caractérise.
Tout sujet qui se réclame de cette collectivité (ou qui accepte d’en faire partie) se voit forcément confronté à ce dilemme : LA loi ou MON désir ?
Et son choix inévitablement lui gagnera une liberté et lui en aliénera une autre.
S’il choisit son désir, il gagne du côté de l’assomption de ce qu’il suppose son être.
S’il choisit la loi, il conquiert l’appui de ses semblables à ce qu’il suppose être ses droits.
Dans les deux cas, il y aura renoncement à l’avantage acquis par le choix opposé.
Le fond du débat sur l’extension de l’institution du mariage et de l’adoption n’est-il pas exemplaire de cette aporie ? Le caractère passionné et manipulé des positions semble lié à ce que nous désignons du terme de castration symbolique. Les uns en font le socle du lien pacifié entre semblables, les autres la récusent dans son principe même comme une invention vieillotte et dérisoire de patriarche jaloux de sa puissance.
Soit. Les mots ont leur histoire. Donc plutôt que d’opposer à la dite "castration symbolique" la "castration réelle", préférons mettre en regard deux modes de régulation des groupes sociaux. D’une part un ensemble de règles fondé, d’une manière ou d’une autre, sur le renoncement de l’individu à un certain nombre d’aspirations. De l’autre une liberté la plus grande d’action simplement limitée par un aléas : le rituel sacrificiel.
De fait les groupes humains se composent et persistent en usant de l’un et l’autre de ces modes.
Qui saura démontrer qu’un progrès, pour la communauté humaine et pour les individus qui la composent, tient plutôt aux guerres, exemple suprême de sacrifice rituel, ou aux constitutions, forcément arbitraires, qu’elle invente ?