Il n'y a pas de rapport sexuel
16 juin 2014

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EMERICH Choula
Dictionnaire
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Tenons-nous en donc à son dire et tentons de déplier les questions qu’il contient. C’est dans le séminaire D’un discours qui ne serait pas du semblant que Lacan va commencer d’articuler pour nous les raisons de non – rapport sexuel.

Après avoir confronté la position d’un parlêtre à la catégorie de l’imaginaire dans son articulation à la parole, puis à celle du symbolique dans son rapport au signifiant et à la fonction du phallus dans les Écrits qu’il avait produits de 1953 à 1958, Lacan va, en 1971, démontrer l’impossibilité d’écrire un rapport sexuel chez l’être parlant en le confrontant à la catégorie du réel par le biais de la fonction de la lettre et de l’écriture et de ce qui en découle pour l’homme et pour une femme, soit leur position par rapport à la jouissance.

Pour faciliter la lecture de ce travail donnons une première approche. Déjà, depuis Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse, en 53, Lacan avait isolé dans les effets du langage la propriété spécifique de la parole, soit d’être celle qui mène un parlêtre à produire sa vérité, c’est-à-dire la vérité de son désir et à constituer du même coup le savoir inconscient qui le mène. Nous constatons là, la mise en place d’une position subjective dans son rapport au signifiant, équivoque, qui la détermine.

Aujourd’hui, ce même travail sur les effets du langage amène Lacan à isoler une autre vérité, celle produite par l’écriture, dont la plus aboutie est l’écriture mathématique d’où toute ambiguïté est éliminée.

C’est par la science, passage nécessaire pour accéder à un autre type de savoir (Melman propose là d’employer plutôt le terme de connaissance) d’où toute position subjective est exclue et qui consiste à cerner les effets du symbolique sur le réel par le jeu des lettres de la logique formelle qui, elles, sont univoques, hors sens.

« Par l’écriture, nous dit Lacan, une autre vérité que celle du désir est atteinte. » Cette façon d’énoncer le non – rapport a le privilège de nous obliger à nous confronter immédiatement à la question du semblant. En effet, Lacan ne nous dit pas « il n’y a pas de rapport sexuel entre un homme et une femme », par exemple, qui aurait eu l’inconvénient de mettre a priori hors échange de la psychanalyse la question de l’homosexualité, et qu’il n’emploie pas les signifiants « homme » et « femme » nous pousse également à nous questionner sur la consistance de ces signifiants.

En effet, la clinique démontre à quel point les positions sexuées sont ambigües et vacillantes, et en fonction du partenaire qui est en face et en fonction de la structure. Donnons-en pour témoignage l’hystérie féminine qui sait si bien faire l’homme qu’elle peut en remontrer, et le transsexuel qui demande à ce qu’on le lui coupe afin de mieux ressembler à cette La femme qu’il croit être. Entre ces deux pôles, du plus banal au plus pathologique, se déploie tout l’éventail des identifications jamais définitives qui poussent un parlêtre dans un camp plutôt que dans l’autre, au mépris d’une réalité qui, elle, est incontestable. « On ne sait rien de son sexe » nous dit Lacan (p. 77), « ce qui s’appelle le phallus ». C’est sur ce fond de non savoir que nous allons aborder la question de l’être sexué.

Ce que nous enseigne Lacan, depuis Freud, c’est que la relation d’un homme à une femme, et contrairement à ce qui se passe dans le règne animal, que la relation entre deux parlêtres passe, pour chacun des partenaires, non seulement par le détour que représente l’autre de cette relation, mais aussi, et surtout, par le rapport que chacun des deux partenaires entretient avec la fonction du phallus, donc de la castration. Le phallus fait obstacle à ce qui pourrait se croire un rapport entre deux sujets dans un acte copulatoire où seul le pénis serait en jeu ; ceci était déjà présent dans l’œuvre de Freud. Dans cet acte il y manque ce qui, pour chaque sujet, est visé par le biais du phallus, soit son rapport à la jouissance. C’est ce que Lacan va expliciter.

Qu’il n’y ait pas de rapport sexuel, Lacan le soutient de l’argument scientifique suivant : un rapport ça ne subsiste que de l’écrit. Un rapport, c’est une proposition, une application que l’on peut définir entre des lettres x R y. Comment pourrait-on écrire logiquement un rapport entre un homme et une femme, même à les réduire à être mâle et femelle, c’est-à-dire purs corps privés de langage ? Même par cet artifice, ils n’en demeureraient pas moins des signifiants polysémiques, puisque pris dans le monde de l’humain, et ne sauraient d’aucune façon se réduire à une lettre univoque qui seule autoriserait une écriture logique.

Dans ces conditions, il est totalement insoutenable dans le discours de la science de penser pouvoir écrire ce rapport. De plus, à supposer même que le langage puisse être évacué du champ de ces deux parlêtres, cela nous amènerait de toute façon à nous questionner sur ce qui aurait été évacué en même temps que lui. Avec l’évacuation du langage, ce serait pour un sujet la fonction du désir même qui deviendrait caduque, et déjà toute la théorie freudienne ; et avec l’évacuation de la fonction signifiante élaborée par Lacan ce serait la question de la fonction du phallus qui serait alors éradiquée.

Ce serait donc la question du désir et celle de la fonction du phallus qui feraient obstacle pour un parlêtre à ce que un rapport sexuel puisse s’écrire. Reprenons cette question du désir dans l’œuvre de Freud et plus particulièrement celle de « que veut une femme ? ». Je reprendrai très brièvement l’éclairage du rêve dit « de la belle bouchère » repris par Lacan dans La direction de la cure et les principes de son pouvoir (1958). Elle rêve qu’elle a le désir de donner un dîner, que c’est dimanche, et que tous les magasins sont fermés, qu’il ne lui reste qu’une toute petite tranche de saumon, elle qui aime tant le caviar ; alors, malgré son désir, elle doit renoncer à donner ce dîner.

Première lecture, freudienne : la belle bouchère, hystérique, ce qui la comble le plus, ce n’est pas de donner un dîner mais de se garder en réserve un désir insatisfait.

Deuxième lecture, lacanienne : si elle adore le caviar, son amie maigrichonne c’est du saumon dont elle raffole. Alors irait-elle jusqu’ à l’engraisser pour que son mari qui aime les femmes girondes en fasse ses agapes ? Non, son mari elle entend se le garder. Alors surtout ne rien faire qui puisse permettre à cette autre femme de faire miroiter, sait-on jamais, l’image du phallus qui saurait attirer le regard de son homme, et du même coup la destituer de cette place.

Déjà chez Freud donc, pour une femme, cette question du phallus, et d’être le phallus pour cet homme est déchiffrable au delà du désir insatisfait ou impossible.

Si nous regardons d’un peu plus près la question de la fonction du phallus chez Lacan dans ce premier temps qu’est Die Bedeutung des Phallus (58), nous constatons qu’à la bipolarité sexuelle : être homme et l’avoir, et être femme et ne pas l’avoir, s’adjoint, et pour devenir primordiale, la fonction du signifiant qui donne à cet objet phallique la fonction d’être ce qui manque à la mère et surtout d’être ce qu’elle désire. C’est ce qui pousse un enfant, fille ou garçon, à désirer être ce phallus qui viendrait combler le désir de ce grand Autre manquant. Car, nous dit Lacan, « le phallus c’est le signifiant destiné à désigner dans leur ensemble les effets de signifié en tant que le signifiant les conditionne par sa présence de signifiant » (Écrits, p. 690). Le phallus est donc le signifiant qui ouvre pour un sujet tout le champ de la signification et qui lui permet par cet enracinement, ce capitonnage, de ne pas flotter dans le monde du langage et de pouvoir être soutenu par une parole qui l’inscrit dans une généalogie.

C’est cette fonction qui fait du phallus le signifiant privilégié permettant l’avènement du désir hors des champs du besoin et de la demande, mais entièrement tissé à eux. Désir dont Lacan dira que c’est une demande qui ne concerne aucun besoin. Entendons au passage que le désir est aussi une demande (en tant qu’elle doit être formulée dans le registre du signifiant) et qu’une demande pour un sujet c’est toujours, et inconditionnellement, une demande d’amour.

Dans ce contexte, être le phallus s’oppose déjà à ce que le sujet se satisfasse de présenter à l’Autre ce qu’il peut avoir de réel qui réponde à ce phallus, car ce qu’il a « ne vaut pas mieux que ce qu’il n’a pas » nous dit Lacan (Écrits, p. 693). Avoir ne donne aucune prédisposition à être. De plus, cette épreuve du désir de l’Autre pour le phallus ne vaut et ne porte à conséquence au niveau clinique que parce que ce qui est découvert par le parlêtre concerné, ce n’est pas que le sujet, homme ou femme, l’ait ou ne l’ait pas, mais que la mère ne l’a pas et qu’elle le désire, le dit phallus. Béance inaugurale et structurante de cette mère manquante où va pouvoir advenir le champ que les effets du langage vont occuper et où le parlêtre aura à se creuser sa place. C’est là, nous dit Lacan, « que se signe la conjonction du désir, en tant que le signifiant phallique en est la marque, la conjonction du désir avec la menace ou la nostalgie du manque à avoir ».

À partir de la phase phallique donc les rapports entre les sexes tourneront autour d’un être et d’un avoir le phallus et non pas autour d’un « être homme » ou « être femme ». Si la castration est bien la loi qui régit le désir humain, autour de quelle perte s’organisera pour l’homme son accès à l’exercice de la sexualité ? Car ce phallus, il n’est pas un fantasme, s’il faut entendre par là l’effet imaginaire qu’il produit ; il n’est pas un objet ; il est encore bien moins l’organe qu’il symbolise (pénis ou clitoris), « ce phallus est un signifiant sans signification mais destiné à désigner les effets de signifié ». (Écrits, p.690)

C’est à devoir renoncer à être le phallus maternel que l’homme pourra se prévaloir des insignes de la virilité héritée du père. C’est pour lui la seule façon de reconnaître que de ce père il en accepte la loi, la castration. Quant à une femme, c’est à la virilité qu’elle doit renoncer. C’est autour de cette perte que l’un et l’autre auront à consentir, ce que Lacan énonce « que l’homme n’est pas sans l’avoir alors qu’une femme l’est sans l’avoir ».

Nous entendons dans ces formulations volontairement ambigües l’impact du jeu propre au signifiant et l’équivocité qu’ici il introduit à concerner non un organe mais le signifiant du désir. Mais c’est la résistance à cette perte qui amène les deux parlêtres, homme ou femme, à s’installer dans le paraître, pour la demande d’amour, nous pouvons aussi bien dire dans le semblant. C’est patent dans la mascarade féminine que mime un « être le phallus ». Ça ne l’est pas moins dans le « faire l’homme » de son compagnon « macho » qui voudrait bien donner à croire qu’il l’a, mais dans cette volonté pour l’un et l’autre sexe, d’être le phallus c’est-à-dire le signifiant du désir de l’Autre et pour l’Autre. Et bien sûr, la relation sexuelle occupe ce champ clos du désir par la demande d’amour.

Examinons les conséquences évoquées par Lacan, dans cet article Die Bedeutung des Phallus, pour chacun des deux sexes dans leur position quant à l’amour et au désir pour mieux cerner ce qui est en jeu pour l’homme et pour une femme dans cette relation sexuelle qui n’est pas un rapport.

Partons de la position masculine. L’homme trouve à satisfaire sa demande d’amour dans la relation à une femme, pour autant que le signifiant du phallus la constitue comme donnant dans l’amour ce qu’elle n’a pas. Que son corps soit manquant la met en position de donner à l’homme qu’elle aime le phallus qu’il attend. Mais pour l’homme encore « son propre désir du phallus fera surgir son signifiant dans sa divergence rémanente, vers une autre femme qui peut venir désigner ce phallus à divers titres » (Ecrits, p. 695). Il pourrait donc aimer une femme qui lui donnerait ce qu’elle n’a pas et en désirer d’autres qui viendraient, pour lui, faire miroiter la question du phallus et de son brillant. Pour lui, amour et désir peuvent se trouver disjoints.

Voyons comment Lacan rend compte de la position féminine : il y a pour une femme une difficulté particulière à ne pas faire coïncider le pénis du partenaire avec le phallus désiré par elle. En effet son désir qui vise le phallus, elle en trouve le signifiant sur le corps de celui à qui s’adresse sa demande d’amour. Cette méprise que le signifiant induit, la pousse à mettre un objet partiel, ici le pénis de son partenaire, en position de représenter le phallus mais alors comme objet fétiche. Le résultat en est que pour une femme convergent sur le même partenaire une expérience d’amour et un désir qui trouve son signifiant ; dans la position féminine, l’amour occulte la place du désir.

Mais, nous dit Lacan, il ne faudrait pas croire que l’infidélité masculine qui paraîtrait là constitutive ou inhérente à la structure, lui appartienne en propre. Écrits, p. 695 : « le même dédoublement objet d’amour-objet de désir se retrouve chez la femme, dit-il, à ceci près que l’Autre de l’amour comme tel c’est-à-dire en tant qu’il est privé de ce qu’il donne, s’aperçoit mal dans le recul où il se substitue à l’être du même homme dont elle chérit les attributs. »

Ce serait donc l’aveuglement de l’amour qui rendrait une femme fidèle parce que plus sourde à son désir que son compagnon. Nous pouvons en déduire que, aussi bien l’infidélité de l’homme que la fidélité d’une femme repose sur une méprise mais qui n’est pas la même, pour l’homme, bien qu’elle ne l’ait pas le pénis et parce que pour lui elle l’est le phallus, cela le conduit sur la voie d’aller le chercher toujours ailleurs ; l’homme est polygame, nous redisait Melman. Et pour une femme, sa fidélité relèverait d’une confusion parce que son partenaire l’a, le pénis, cela la conduit à confondre son objet d’amour pour en faire, sur le mode pervers, l’objet fétiche qui causerait son désir.

Nous devons constater que dès qu’il s’agit de jouissance phallique, aussi bien pour l’homme que pour une femme, la perversion n’est jamais bien loin. De plus, qu’il s’agisse de l’infidélité de l’homme ou de la fidélité d’une femme, relevons encore que cette façon d’en rendre compte ne se soutient d’aucune morale encore moins d’une éthique. S’y dévoile un pur effet de langage, de signifiant, par lequel l’homme, ou une femme, sont joués différemment.

Nous voyons dans cet article Die Bedeutung des Phallus que la démonstration du non – rapport sexuel entre un homme et une femme laisse entièrement de côté ce qui est le centre même de la démonstration qui en est fait dans ce séminaire D’un discours qui ne serait pas du semblant (1971) et dans Encore (1972), c’est-à-dire l’incidence de la jouissance pour chacun des deux parlêtres.

C’est dans cette élaboration autour de la question de la jouissance que Lacan va mettre à jour dans le champ de la sexualité humaine l’existence de deux modalités : celle de la jouissance phallique dont la logique aristotélicienne arrivait à rendre compte, soit pour les deux sexes « il n’y a qu’une seule libido et elle est masculine » ; mais si la féminité demeurait depuis Freud continent noir, c’est que ce type de logique ne pouvait rendre compte d’une position subjective qui ne serait pas la même pour tous. C’est à la logique des quantificateurs que Lacan doit de pouvoir écrire le rapport non seulement d’une femme mais d’un parlêtre à la jouissance par le biais du « pas-toute ». C’est en ce point que Lacan signale que l’être sexué de ces femmes pas-toutes ne passe pas par leur corps mais par ce qui résulte d’une exigence logique dans la parole. Cette autre logique rend compte d’un autre type de jouissance qui ne serait pas-toute phallique. A cette jouissance pas-toute phallique, s’en adjoindrait une autre, supplémentaire, que Lacan définit d’être jouissance hors sexe, jouissance Autre, ou féminine, satisfaction de la parole mais dont rien ne pourrait s’en dire si ce n’est qu’un homme ou qu’une femme pourrait l’éprouver.

Si comme le soutient Lacan, la jouissance dit la vérité de ce qui est engagé pour chacun des partenaires dans ce qui n’est pas un rapport mais un lien sexuel, nous ne pouvons que lui emboîter le pas sur cette question de la jouissance et constater que, d’abord, la jouissance c’est ce qui ne sert à rien, la dite jouissance n’est surtout pas à confondre avec l’amour. L’amour vise l’objet a cause du désir et si les objets a sont les métonymies du phallus, le phallus n’en parle pas. Sa place d’exception concerne la jouissance, le phallus, nous dit Lacan, est la jouissance féminine (p. 60).

Il me semble intéressant de rappeler là que c’est le refoulé originaire du phallus qui permet à un parlêtre de pouvoir se tenir dans le langage et de pouvoir s’y compter comme sujet et de constater que le parlêtre qui est happé par cette dite « jouissance Autre » se trouverait là en position de jouer du langage même. Illustrons le du rapport que Joyce entretient avec sa déconstruction forcenée de la langue. Dans la modalité « homme », les objets a causes du désir et métonymies du phallus introduiraient un sujet à la jouissance phallique dont la visée ultime, même si elle est structuralement ratée, serait la jouissance du corps de l’Autre.

À partir de la mise en place de ces deux champs de la jouissance, ce que Lacan appellera « homme » et « femme » relèvera de leur assomption d’une inscription symbolique dans le champ de la sexuation c’est-à-dire non seulement de leur être sexué mais aussi de leur rapport à la castration et au mode de jouissance qui les caractérisent. C’est cette écriture mathématique des quantificateurs que Lacan reprend avec les propositions aristotéliciennes réagencées dans le cadran de Peirce où une proposition universelle, une classe, se fonde sur la nécessité de l’exclusion d’un trait symbolique et où, face à la classe de « tous les hommes », il articule la collection de « pas-toutes les femmes » pour écrire leur relation respective à la jouissance.

Être situé du côté « homme » entraîne pour le sujet qui s’y tient d’accepter son inscription dans un champ ordonné par une proposition universelle : il en existe un, le père, qui échappe aux lois de la castration et qui jouit de toutes les femmes .Cette acceptation permet aux fils de venir se loger à une place où ils peuvent se compter comme un dans la série des générations, puisque la place fondatrice du père vient ordonner un comptage à partir d’un zéro que la fonction d’exception inaugure, par le biais du patronyme. Tous les fils ont à accepter les interdictions qu’impose la castration aussi bien celles normalisantes comme l’interdit de l’inceste qui les assujettit aux lois du signifiant, que celles plus dépendantes du caprice du père et qui les fixe à une obéissance à l’idéal paternel dont ils auront du mal à se départir. C’est à ce prix qu’ils pourront assumer l’exercice d’une fonction phallique : et en recevoir en contrepartie une reconnaissance symbolique qui les confortera dans un droit à l’ek-sistence.

Du côté « femme », par contre, nulle exception fondatrice qui pourrait lui permettre de se compter dans la suite des générations : . Nul père avéré selon l’expression de Ch. Melman pour la reconnaître symboliquement autrement que sur un mode aléatoire tel qu’il la laisse à la merci d’une destitution subjective au moindre manquement de l’Autre à un pacte symbolique. Nulle proposition universelle qui installerait une castration et une loi, la même pour toutes, mais une proposition particulière qui relève d’une autre logique, d’une autre jouissance. Pas-toutes les femmes ne sont dans un rapport à la jouissance phallique. Chacune aura à y reconnaître sa place et s’il existe des femmes qui échappent à la castration : , il est à constater que même celle qui en relève n’en relève pas toute.

Le côté « femme » est le champ du pas tout :

– pas tout dans la castration,

– pas tout dans la loi symbolique,

– pas tout dans la reconnaissance par l’Autre,

– pas tout dans la jouissance phallique.

Ce champ du pas-tout qui caractérise celle ou celui qui est rangé du coté féminin nous renvoie aux différentes catégories du manque : du manque imaginaire qui renvoie à la frustration, du croire ne pas avoir, au moins 1 ; du manque symbolique de l’Autre en tant qu’il est barré ; au signifiant du manque dans l’Autre où, à travers le symbolique, c’est le réel qui est visé.

Ce champ du pas-tout spécifie le rapport qu’une femme entretient avec ces différents signifiants du manque qui l’installent très tôt dans une position Autre, déjà petite fille à l’égard de sa propre mère, puis femme face à l’autre sexe. Et ceci me semble expliquer également en quoi l’hystérie est une structure plutôt féminine.

Avec cette écriture dans les quanteurs de la sexuation, il nous est plus facile de comprendre en quoi la recherche de l’autre sexe sera pour chacun différemment orientée : pour l’homme croyant viser l’Autre par le biais d’une femme ce n’est en fait que l’objet cause de son désir qu’il atteint et ceci dans la visée de satisfaire son fantasme. Ravaler A à a est sûrement une façon d’expliquer la course aux objets chez l’homme puisqu’aucun ne pourra jamais donner la garantie attendue. Pour une femme sa recherche sera structuralement doublement orientée : d’une part vers l’objet phallique -phi concerné que met en place pour elle la castration, que j’appellerai jouissance du signifiant et d’autre part vers cette jouissance Autre énigmatique, voire folle que j’appellerai jouissance de la lettre, pouvant l’amener à une forme de sublimation désexualisée, voire de mysticisme, qui l’éloigneront en partie ou définitivement de la jouissance phallique.

C’est l’hétérogénéité de ces deux jouissances qui fonde l’impossibilité du rapport sexuel pour l’homme et pour une femme, et qui signe que c’est bien le Réel qui commande cette impossibilité et non quelque malfaçon particulière.

Pas de jouissance qui serait la bonne mais une jouissance inadéquate à satisfaire leur désir à l’un comme à l’autre. C’est, me semble-t-il, dans la radicalisation de ce frayage concernant les effets de la jouissance pour un parlêtre que Lacan s’engagera dans Encore quand il dira p. 14 : « j’énonce que le discours analytique ne se soutient que de l’énoncé qu’il n’y a pas, qu’il est impossible de poser le rapport sexuel. »